Les visages s'enchaînent se perdent, ils sen fondent la la foule, le passage enchevêtré des chalands profitant d'un éclat de soleil en cet hiver salvateur. Douce caresse d'une brise revigorante sur ma peau alors que se dérobent sous mes yeux les enseignes et les traits inconnus. Masse grouillante dont la forme et l'odeur enveloppe les rues d'une présence acariâtre. Jamais le contact des autres ne m'avait enchanté d'un quelconque confort. Mon appétence à la solitude n'avait jamais fait état d'une misanthropie au caractère maladif. Tant que chacun s'occupait de soi sans se préoccuper de moi, je ne voyais aucune raison de détester autrui. La présence de ces êtres ne m'importunait en rien, autant que je pouvais espérer que cela soit réciproque.
Déambulant dans les rues commerçantes, je dénichai quelques perles de vêtements légers qui me manquaient pour des tenues décontractées - il faut avouer que même si j'avais l'air à l'aise dans les ensembles que je portais, ils n'inspiraient pas le "décontracté" qui pourtant les caractérisaient dans ma penderie - qui traînaient alors dans un sac en papier aux teintes beiges. La matinée s'était écoulée et il me restait encore quelques emplettes à faire non loin de chez moi au marché russe. J'aimais cet endroit : un voyage olfactifs que nous proposaient des étals riches en produits importés. Je salivais rien qu'à l'idée d'aller acheter quelques blintchik chez Ouliev. À la traversée des rues assombries de Siren Alley, je m'égarai à ces pensées futiles sans me rendre compte d'où me menaient mes pas. Cela faisait quelques années déjà que j'abordais les rues d'Arcadia mais seul le quartier Ashmill n'avait plus de secrets pour moi. Pensant prendre un raccourci, je me mis à tourner et m'égarer un instant.
Lorsque je m'arrêtai pour comprendre la direction que je devais prendre, deux hommes vinrent entraver ma route. Les interrogeant du regard, je fronçais les sourcils. Les jaugeant ainsi une longue seconde. L'un d'eux s'approcha d'un air malicieux et pédant. « On s'est égarée, princesse ? » Silencieuse, je restai de marbre et tournai les talons pour éviter d'avoir à faire à ces personnes douteuses.
Un troisième me fit soudainement face, claquant sa langue sur son palais pour me signifier qu'il était prétentieux de croire que je pourrais m'en sortir à si bon compte. « Ôtez-vous de mon chemin », lui ordonnai-je sur un ton des plus neutres. Derrière, son comparse se permit d'énoncer un constat qui lui semblait navrant « quel accent... loin de ceux que l'on devrait avoir à supporter dans ce coin d'Arcadia, minette. » J'arquai un sourcil en me retournant vers les deux premiers hommes. « Vraiment ? Qui êtes-vous pour en juger ? » Tentai-je de me renseigner pour m'assurer de ne pas offusquer les mauvaises personnes. Ils n'avaient pas l'air plus russes que moi. Ils n'avaient pas non plus l'attitude et le style vestimentaire d'affiliés à la Bratva... « Vois-nous comme des protecteurs des intérêts de nos hôtes, clama-t-il en ouvrant ses paumes vers le ciel. Même si t'as un joli minois poupée, on va devoir te faire comprendre à la manière forte que t'as rien à faire dans les parages. » Incrédule, je plissai les yeux. Ils avaient l'air de trois crapules voulant attirer l'attention des gros poissons en défendant la frontière de Siren et Ashmill...
Ils firent tous les trois un pas vers moi, m'encerclant pour m'intimider. Mais de l'intimidation allait inévitablement découler l'action. J'entrepris de forcer le passage pour m'éloigner d'eux mais l'un m'attrapa par le bras, me faisant lâcher mon sac et m'entraînant trois pas en arrière. Un deuxième vint attraper mon autre bras alors que je tentai de frapper celui qui m'importunait. « Lâchez-moi ! » Grondai-je avec une véhémence appuyée. Leur étreinte était ferme, j'essayais malgré ça de défaire leur emprise. Ils me plaquèrent contre un mur et le troisième vint me gifler violemment en réclamant mon silence. J'essayai de le frapper d'un coup de pied qu'il encaissa dans la cuisse, au-dessus de son genou gauche. Bien que ça le fit reculer d'un bon pas, il revint en saisissant mon menton avec fermeté alors que ses sbires me maintenaient toujours contre le mur. « Sale pute ! Tu vas me l'payer ! » Ses yeux menaçants brûlaient d'un goût pour la violence. Bien que j'œuvrais pour conserver mon calme, l'adrénaline venait gonfler chaque fibre de mes muscles et ma poitrine se soulevait au rythme d'une respiration cadencée. Le contact de la main du malfrat sur mon menton me donnait l'impression qu'il bouillonnait de l'intérieur. Un éclair interrogateur, l'impertinent retira sa main d'un geste vif. Ses sourcils se froncèrent et ses traits se crispèrent. Je ne percevais pas le froid qui se dégageait pourtant de ma chair, rendant ma peau étrangement froide. Cette déstabilisation sembla n'atteindre que cet homme, mais les autres vinrent à relâcher quelque peu leur étreinte en levant les yeux vers un nouvel invité : Sven. Sa présence m'étonnait mais surtout me rassurait...
Soupirant, Sven attrapa le sac qui était accroché derrière le bar. Son meilleur ami et serveur au Kremlin s’amusa de le voir faire cette tête. Sven n’était pas vraiment un homme qui aime faire les courses. Seulement il savait aussi qu’ils avaient dit que ça serait chacun leur tour pour le faire. Il fallait aller acheter des bouteilles pour le bar, ça il payerait avec l’argent que le propriétaire avait laissé un peu plus tôt dans la journée. Mais Sven vivait en colocation avec son meilleur ami. Donc pendant que ce dernier irait s’occuper de mettre la salle en état, ça serait à lui d’aller faire leurs courses. Mettant l’argent du propriétaire dans sa poche de jean, le suédois commença ses courses avec les bouteilles. C’était le plus simple et puis vu qu’ils mangeaient sainement avec son colocataire, autant qu’il finisse par le marché. Après avoir tout mis dans le coffre de sa voiture, Sven laissa cette dernière quelques rues plus loin, allant avec son sac au marché. Saluant quelques visages familiers, il donna des nouvelles de son ami à qui en voulait. Ce dernier était apprécié dans le coin et il savait bien pourquoi. Alors que Sven était du genre renfermé et distant, son ami lui était tout le contraire. Ouvert, sociable, toujours à l’écoute. C’était sans doute ça qui faisait qu’ils étaient devenus amis. D’ailleurs, il se demandait comment son ami n’avait pas mal tourné en travaillant pour la bratva, mais au moins il semblait être lui-même encore et toujours, ce qui était une très bonne chose aux yeux de Sven.
Après avoir acheté des légumes, le jeune homme dû faire le tour pour aller au prochain arrêt. Quand il y avait trop de monde dans la rue principale, il prenait le chemin des ruelles pour couper et ne pas être embêté par la foule. Seulement, il tomba sur une scène qu’il n’apprécia pas du tout. Des hommes avaient plaqués une femme au mur. Sven n’était pas du genre à se mêler de ce qui ne le regardait pas, mais faire du mal aux femmes et aux enfants était quelque chose qu’il ne supportait pas. Même s’il était un tueur pour la bratva, la violence gratuite devait être punie à ses yeux. Laissant son sac derrière une poubelle, il approcha du groupe et même si un des hommes venait de lâcher la jeune femme, Sven ne comptait pas partir maintenant. Faisant face à ceux qui la retenaient contre le mur, il ne dit rien, ne faisant que les fixer. Tournant la tête vers l’homme qui avait reculé, le suédois le fixa.
Dis à tes hommes de la lâcher.
Visiblement le type le trouvait étrange vu qu’il resta la regarder comme s’il avait un troisième œil qui lui avait poussé sur le front.
T’es qui toi d’abord ?
Avançant encore face à l’homme, Sven continua de le fixer dans les yeux.
Dis leur de la lâcher ou c’est vous qui finirez plaqués au mur.
Les sourcils froncés et la voix calme, Sven savait que parfois c’était mieux de rester calme. Ca faisait plus peur que de hausser le ton. Toujours en fixant l’homme, il s’adresse à la jeune femme.
La présence de Sven paraissait les intimider mais leur supériorité numérique les incitant probablement à tenter leur chance et à tenir tête. Un silence électrique enrobait l'atmosphère dans ce duel de regard typiquement animal. Deux prédateurs se fixant l'un et l'autre en attendant que le plus faible cède, qu'il laisse la place à l'alpha. Sven avait bien plus la tête de l'emploi que cet homme sortit de nulle part. Trois garnements connaissant bien plus les squats que les résidences. Avec fermeté, le torpedo demanda qu'on me lâche. Il n'y eut comme mouvement qu'une question de celui qui semblait être le responsable de cet impertinent trio. Sven ne répondit pas, réitérant simplement sa requête dans un ultimatum maintenant le silence des environs. En l'attente d'une réponse, il s'enquit du mal qu'ils m'avaient fait. Ma respiration se faisait plus lente, non pas que j'arrivais à conserver un calme olympien, j'avais seulement la sensation de ne pas pouvoir respirer plus... L'air se rafraîchissait autour de nous, ou peut-être était-ce juste moi et le contrecoup de cette attaque... Je n'avais pas paniqué, ne me sentais pas particulièrement en état de choc mais cette impression d'être vidée peu à peu de mon énergie se faisait persistante.
Loin d'être dépossédée de mes moyens pour l'heure, je répondis à Sven. « Certainement pas autant qu'ils l'auraient souhaité... » Me contentai-je de dire. « Ferme-la », beugla l'un des affidés qui resserra l'étreinte qu'il exerçait sur mon bras. Je le fustigeai du regard, remarquant qu'il cillait anormalement, comme s'il était dérangé par quelque chose. Je remarquai la même chose chez son comparse en tournant la tête vers lui. Mes traits se froncèrent d'incompréhension alors que j'essayais de fixer le troisième homme en attendant de voir ce qu'il commanderait aux autres. Ce n'était pas normal, cet état qui survenait sans crier gare. Et même dans mon comportement général, ce genre de faiblesse ne m'était pas habituel. Devant les autres autant que pour moi-même, je ne fléchissais jamais. Quelles que soient les circonstances, je restais droite et centrée. Le froid se dégageait de plus belle alors que le leader paraissait déterminé à défendre son bout de gras. « Elle n'a rien à faire ici, c'est qu'une putain d'étrangère alors occupes-toi de tes affaires et laisse-nous régler ça le boyscoot », clama-t-il sur un ton qui trahissait toutefois son manque d'assurance. Sûrement sa dernière erreur avant de comprendre à qui il s'adressait...
Faire du mal aux autres était quelque chose qui avait changé aux yeux de Sven avec le temps. Quand il était petit, il avait appris que son père les avait abandonnés avec sa mère et ce fut la première fois qu’il comprit le sens d’avoir envie de faire du mal à quelqu’un. Quelques années plus tard, façon à son géniteur, il avait été celui qui l’avait puni en le tuant. En étant de la bratva, il avait vu le sang couler et selon les plus anciens, il fallait que ça arrive pour être respecté. Puis en devant un torpedo, il avait lui-même faire du mal à un tas de monde. Même s’il faisait ce qu’on lui demandait, parfois il se demandait lui-même s’il n’aurait pas dû choisir un autre chemin, une autre façon de vivre sa vie. Mais, il ne voyait pas ce qu’il aurait pû faire d’autre. C’était bien plus simple de suivre les ordres. Aujourd’hui pourtant, faire du mal serait ce qu’il devrait accomplir au vu de la situation. Trois hommes s’en prenaient à une femme et il finit par voir qui était cette dernière. Il la connaissait et faisait partie du peu de monde que Sven appréciait vraiment. Alors, il avait délaissé ses courses derrière lui pour rejoindre le groupe et faire en sorte que tout cela cesse. Il ne fit que parler, ce qui n’était pas dans ses habitudes, mais il savait aussi qu’en venir aux mains tout de suite, pourrait être mauvais pour la brune tout comme les hommes face à lui. S’ils faisaient partie d’un gang ennemi, il faudrait qu’il ait du doigté, mais à la façon qu’ils avaient de s’exprimer, il se doutait qu’il pouvait y aller sans se retenir. Après avoir entendu la réponse de la jeune femme à sa question, il fronça les sourcils aux propos du type qui lui faisait face. Ce dernier semblait pensait qu’il aurait le dessus et Sven décida de lui prouver le contraire.
Ca n’est pas une façon de parler à une jeune femme et encore moins à quelqu’un de tu ne connais pas.
Poussant le type contre le mur opposé de celui de Herkja, le suédois posa directement sa main sur sa gorge et commença à serrer. Tournant la tête vers les deux autres, il remarqua que ces derniers semblaient avoir un problème, mais il ne savait pas ce qui se passait.
Lâchez-là où je m’occupe aussi de vous.
Ils semblaient hésiter et Sven relâcha sa prise avant de venir agripper le col de celui de droite et lui mettant son poing dans le nez, avant de faire la même chose dans la mâchoire du second. Se mettant devant la jeune femme, il regarda les deux hommes grogner et se tenir la tête pendant que le premier, qui avait repris son souffle sortait un couteau de sa poche.
Je ne ferais pas ça si j’étais toi.
Le regardant jouer avec la lame entre ses doigts, Sven poussa un profond soupire et il avança, arrivant après quelques secondes à désarmer l’homme. Mettant le couteau sous l’œil du type, il décida d’être très clair dans ses propos.
Ici, c’est chez moi. Tu t’en prends aux miens et tu me verras débarquer chez toi. Si tu étais vraiment un homme, tu ne t’en prendrais pas à une femme.
Laissant la lame glisser le long de sa joue, il ramassa la lame et la lui tendit.
Seras-tu assez intelligent pour partir ?
Sa main libre était devenue un poing et Sven était prêt à frapper s’il le fallait, mais il espérait que juste dire ce genre de choses le ferait fuir. En tout cas ses amis l’avaient déjà fait.
L'air frais crispait les échines et détournait les attentions. Happant de mon énergie comme si le froid m'était soudainement devenu insupportable. Inspirant, expirant, je mimais un rythme lent alors que mon souffle se faisait haletant. Regard voilé mais concentré, je sauvais les apparences et ne perdais pas du regard Sven.
La violence ne faisait pas partie de mon quotidien. Elle ne l'avait jamais fait. Loin d'être un jugement de valeur, ma famille avait seulement tout fait pour m'en écarter. Ou tout du moins m'en préserver. Sans être innocente, je m'étais tenue à l'écart de tout pas vers cette solution. Préférant la discussion. L'ouverture avait ses avantages mais également bien des défauts. En premier lieu, ça laissait une chance à l'autre de se retourner contre nous. Nous entourlouper. Des situations délicates, j'en avais vécu quelques unes. Pour chaque acte de violent, le prix était élevé. Mon frère, mes parents... Personne ne pouvait constamment être mis à l'écart de la violence. Tôt où tard, on y était confronté. J'avais appris à gérer ces situations où la tension montait, ou les enjeux grimpaient. On me l'avait enseigné. Au-delà de ces enseignements, mon père m'avait transmis son goût pour la chasse. Une chasse responsable, soucieuse de l'équilibre. Je doutais que l'on m'imagine vadrouiller dans les étendues de forêts à dépiauter moi-même mon dîner... Je ne considérais pas tout ceci comme étant ma partie sombre. Je l'assumais assez aisément, n'ayant ni peur de ce qui doit être fait ni des conséquences que cela pouvait engendré. En toute connaissance de cause, je me tenais éloignée de tout ceci car ce n'était pas mon but ; je préférais passer inaperçue, ne pas faire parler de moi, rejetant probablement un chemin qui pourtant saurait me correspondre.
Sven tentait en vain de remettre les pendules à l'heure auprès du trio. D'abord d'un calme placide, il en vint à projeter son interlocuteur contre un mur, ce qui nous surprit tous. D'un sursaut pour ma part, d'un tressaillement pour les deux sbires dont je sentais les étreintes s'amoindrirent. Au manque de coopération de la petite meute, les lames se mirent à luire. Je retenais mon souffle sans vraiment me faire de souci, essayant de me tenir prête à agir s'il le fallait. Mes quelques cours de self-defense pourraient s'avérer utile pour me défaire de ce bourbier. Bien que je ne souhaitais pas laisser Sven seul. Enfin... j'avais beau être avec lui, il fallait avouer que je ne me révélais pas être d'une grande aide... Et je n'avais pas l'air d'être en pleine possession de mes moyens, indubitablement. Sans doute le choc... Un choc sans trouble, sans réelle détresse au vu de mon calme. Les choses se passaient plutôt bien pour moi, Sven les intimidait assez pour qu'ils se dissuadent d'agir. Je n'avais aucune raison d'être catatonique. Mais ça devait bien arranger mon esprit de le croire...
Deux des hommes déguerpirent, le dernier se retrouvait à la merci de Sven. Une dernière menace, un dernier poing levé, prêt à s'écraser contre lui. Le bougre ne demanda pas son reste et prit la poudre d'escampette, fuyant pour son intégrité physique. Mes yeux suivirent sa trace avec insistance jusqu'à ce qu'il disparaisse au coin d'une ruelle. Je soupirai longuement et passai mes mains sur mon visage, les arrêtant à la naissance de ma chevelure. Peu à peu, je reprenais mes esprits malgré le froid persistant qui m'enveloppait. « Merci beaucoup Sven, j'ai vraiment eu de la chance que tu sois dans les parages... Je te dois une fière chandelle », lui lançai-je avec reconnaissance tout en gardant une expression semblant préoccupée, contrastant certainement avec ma froideur habituelle. La météo de faisait n'importe quoi aujourd'hui... Un détail qui me fit passer à autre chose. Je m'avançai pour ramasser le sac qui était tombé au sol, non loin de Sven. Au moment de me relever, j'eus cependant un vertige qui manqua de me faire rencontrer la poussière des pavés qui bordaient la ruelle.
Parler n’était clairement pas le point fort de Sven, mais parfois ça l’avait aidé à se faire mieux comprendre. Après tout, certaines personnes avaient besoin d’entendre les choses. Mais les trois types qui étaient là, avaient besoin d’en venir aux mains visiblement. Parce que le suédois avait tenté la négociation. A plusieurs reprises il leur avait demandé de lâcher la jeune femme, mais cette dernière n’avait pas été libérée. Alors, le torpedo décida que s’en était trop. Commençant par s’occuper de celui qui semblait se prendre pour le chef de bande, Sven le plaqua au mur et appuya sur sa gorge. Tout en le faisant, il parla aux deux autres hommes qui ne semblaient pas savoir quoi faire. Mais, ils semblaient également mal à l’aise, mais le brun ne savait pas pourquoi. Comme ils n’obéissaient pas non plus, il s’en prit à eux. Après que chacun ait reçu un coup de poing de sa part et soit tombé au sol, Sven vit que le premier avait sorti un couteau. Il le prévint de ne pas faire ça, mais apparemment il avait la tête dur et ne voulait écouter personne. Après avoir évité de se faire taillader, Sven prit le couteau et posa la lame sous l’œil de l’homme. Il fut alors très clair sur le fait que cette ruelle était la sienne, que ce territoire était le sien et que cet homme n’avait rien à y faire et encore moins à vouloir faire leur propre loi. Evidemment, Sven était plus habillé à d’autres quartiers où la bratva était implantée, mais il se devait de mettre les points sur les i. Etre clair, permettrait que ces trois-là décident de ne plus avoir ce genre de comportement. D’ailleurs, les deux qu’il avait frappé étaient déjà partit, délaissant leur soit disant chef. Finalement, il laissa une chance au type de déguerpir. L’homme sembla comprendre qu’il n’arriverait à rien et il fila rapidement. Le fixant partir, Sven secoua la tête, atterré par ces types se croyant supérieur et assez timbré pour tenter ce genre de choses. Posant son attention sur la brune, il hocha la tête à ses propos, avant de prendre la parole.
Ce n’était rien et ils voulaient simplement jouer aux gros durs. Mais au moins tu …
Il n’eut pas le temps de terminer sa phrase que Herkja semblait avoir un vertige. L’attrapant doucement, il la maintint contre lui.
Tu es sûre que tu n’as rien ?
Il tenta de voir s’ils ne l’avaient pas poignardé ou autre, mais il fut surtout surpris par la température de sa peau.
Tu es froide Herkja, tu es sûre que tu ne devrais pas voir un médecin ?
Chancelante, ma vue se troubla légèrement alors que la voix de Sven résonnait dans mon esprit. Juste des durs en manque d'action... À me voir vaciller, le barman vint me soutenir en me reposant doucement contre lui. Sa chaleur contrastait drastiquement avec la mienne mais ce n'est qu'à sa remarque que je le notifiai. Si j'allais bien ? Aucune idée... Un instant suspendu où j'avais l'impression de perdre mes esprits. Le froid semblait m'engourdir les bras et les jambes. Sven paraissait m'inspecter et je ne rechignai guère, me tenant simplement à lui sans parvenir à serrer mes mains autour de lui. « J-je ne sais pas... je ne sais pas ce qui m'arrive... » Ma respiration se faisait haletante, comme si cela me coûtait un effort qui n'était pas naturel. J'avais froid, c'était la seule chose que je savais.
L'air autour de moi se glaçait petit à petit, laissant quelques volutes de condensations s'extirper d'entre mes lèvres. Frénétiquement, je tremblotais. Mais ce n'était pas à cause du froid, non... J'avais peur. À cet instant, j'avais peur de ce que je voyais, de ce qu'il m'était impossible de comprendre. Ces derniers mois, il y en avait eu des épisodes de ce genre. Jamais à ce point, mais il m'était arrivé d'avoir soudainement froid dans une pièce tempérée et, à l'inverse, tomber d'une fatigue fulgurante dans un lieu un peu trop chauffé. Je ne faisais pas le lien entre ma nature et ces phénomènes, ne considérant pas cela possible. Mon esprit et mon corps étaient parfaitement humains et je n'étais pas dans un rêve... Alors tout ceci avait une explication, une raison d'être, mais ça ne pouvait venir de moi.
Non sans difficulté, j'essayais de retrouver mon calme, de me fermer à toutes ces choses qui se déroulaient pour ne plus y penser. Fermant les yeux, je me blottis contre Sven comme s'il était le seul repère que j'avais à cet instant. La peur me tiraillait et je me sentais défaillir. Honteuse de flancher ainsi, je me gardais toutefois d'assumer cet embarras sur le moment. Préférant être avec Sven plutôt que de prendre la fuite et me retrouver dans je ne sais quel état deux rues plus loin à la merci du moindre badaud trop curieux. Sans être bordée d'une fierté excessive, je n'aimais pas que les autres me perçoivent comme faible ou fragile. Ce n'était pas moi... bien que le jugement des autres ne m'apportait pas grand chose, je voulais paraître uniquement sous mes meilleurs jours auprès des membres de la Bratva, ne voulant finir comme ces pions dont ils décident de reclasser tout en bas de l'échelle sans autre solution que d'accepter un triste sort ou l'exécution sommaire.
