Les voitures sont parties depuis longtemps, je suis resté à l’écart, quelques jours durant, pour laisser la motte de terre se tasser un peu plus devant la pierre tombale. Alors je suis apparu devant, finalement, les yeux sur son nom gravé sur la pierre, pour me souvenir. Engoncé dans un jean, un t-shirt délavé, parapluie à la main, comme pour commander à la pluie de venir baptiser une nouvelle fois la terre que j’ai choisi de fouler.

Je me souviens. Même si j’ai l’air sans cœur, moi aussi je me souviens. De son sourire, de ses yeux qui ne regardaient que moi, de sa façon de me donner le monde à chaque fois que je daignais attraper son bras, embrasser sa bouche d’un baiser que personne n’aura pu qualifier de tendre. Je me souviens aussi de son corps qui se pressait contre le mien avec urgence et dévotion, de toutes ses putains de litanie. De tout ce qui me faisait horreur aussi, quand elle chantait l’amour et tentait de me le graver dans la peau, alors qu’elle n’a jamais rien été, qu’une voix qui m’appelait, moi. Une paire d’yeux qui me regardait, moi. Un corps qui ondulait pour, moi. Uniquement. Et pourquoi pas, après-tout. J’aurais mérité plus d’abnégation, plus de dévotion encore, plutôt que du mythe, de l’irréel craché depuis sa propre bouche qui aurait mieux fait d’embrasser encore un peu plus ma peau que d’essayer d’esquisser des avenirs pourris, cinglés, qui n’ont jamais existé.

Je m’allume une cigarette.

Encore une petit conne qui fini là, enterrée. Regard plein d’une pseudo tendresse dans les yeux je fixe le sol et donne un coup de pied dans la terre. Elle l’aura bien mérité, son sort. Parce qu’elle était incapable.

Incapable de m’adorer correctement.
Incapable de me donner un gosse moins déglingué qu’un amas de chair et des organes malformés. Incapable aussi de savoir quand s’arrêter de rêver.

Comme toutes les autres, au final. Toutes les autres. Parties, envolées, sauvées, crevées, ou bientôt là pour me dérober des sourires qui pourriront leur corps, leur cœur aussi, des gentilles filles, des gentils garçons bien comme il faut. Bien mieux que tout ce que je ne pourrai jamais représenter, il paraîtrait. Comme elle. Un rien dans mon univers, vraiment.

Mais puisqu’elle disait mon nom comme on récitait une prière à l’église, je me devai d’être là, aujourd’hui.

Pour mieux jurer :

T’aurais mieux fait de passer ton chemin ce jour-là. On aurait pas perdu notre temps, tous les deux.

Sans culpabiliser, jamais.