Les draps sont froissés et encore chauds. La cigarette qu’elles viennent de se partager fume encore dans le cendrier. Du bout des doigts, et l’air songeur, Savannah termine de recoiffer les cheveux roux. « J’ai un cadeau pour toi, finit-elle par avouer tout bas, ferme les yeux. » Doucement, Ava se dégage pour aller fouiller dans le tiroir d’une commode. « Surtout, n’en parle à personne. » Elle en sort un morceau de ferraille cabossé, grossièrement travaillé, qu’elle dépose délicatement sur le sommet de son crâne, comme s’il s’agissait du plus beau, du plus précieux bien.

Frissons qui remontent l'échine. Orgasme ressenti à l'unisson, miroir jumeau, écho sensoriel. Elle est comblée : un rictus satisfait ourle ses lippes tandis que l'amante caresse ses cheveux. Loin d'imaginer l'infamie qui plane, Sinead se laisse faire, poupée docile après l'amour. Aussi, elle obtempère à l'injonction de la Mère et clôt ses paupières, intriguée. Mais le poids et le froid métalliques lèvent le rideau sur les idées de Boudreaux. Aussitôt, l'orage naît dans les prunelles réouvertes de la Guerre. Suspicieuse, elle gronde : « Tu joues à quoi ? » Mélange d'horreur et de douleur encore enracinées.

(101 mots)

Le cercle de métal grossièrement travaillé ressort joliment par-dessus les cheveux roux. Savannah ramène un miroir pour lui montrer : « Regarde-toi. » La colère lui donne des airs de souveraine-guerrière prête à battre le fer pour défaire des ennemis, ou une amante trop insolente. Savannah a ignoré sa question, et voilà qu’elle en rajoute avec les siennes : « Tu ne trouves pas qu’elle te va bien ? » L’enfant terrible retourne dans le lit ; elle approche son visage du sien et la bouche susurre à l’oreille : « Qui n’a jamais souhaité régner sur son propre royaume ? »

Telle une épée de Damocles, la couronne improvisée lui pèse lourdement sur la tête. Le regard que le miroir lui renvoie est plein de circonspection. Même regard qu'elle pose sur l'espiègle serpent, cette amante-menace, faisant miroiter pareille responsabilité comme si elle était libre de la nommer Reine. Les crocs verbaux s'enfoncent trop profond, et le réflexe est violent, alors que la main blanche serre le cou hâlé, un peu trop fort, un peu trop suffoquant. « Arrête tes conneries, Savvy. Ne joue pas à ce petit jeu-là avec moi, t'entends ? » Lutte des pupilles.  « Ce n'est pas mon royaume. »

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« Et pourquoi pas ? qu’elle demande au moment où les doigts viennent piéger sa gorge. » La situation est amusante, et même un peu excitante. « Ça pourrait… » Le gémissement qui s’échappe d’entre ses lèvres se situe entre la plainte et l’invitation à serrer plus fort, pour son plaisir. Sa paume retrouve la nuque qu’elle attrape avec moins de rudesse que son amante, fait pression pour approcher le visage. « Qu’est-ce qu’il vaut, ton nouveau roi ? » La vipère ne fait pas plus de mystère et lui avoue sans ménagement, dans un sourire qui montre toutes ses dents : « Rien. »