Oops I did it again ?

Sophia & Isaak

Elysium Heights et ses délices. Elysium Heights et sa foule qu'il aimerait trouver bigarrée mais qui, dans ce quartier, avait tendance à être uniforme. Une mer de couleurs sombres, nuanciers de gris ou de noir, se pressait devant les vitrines tout aussi mornes, tout aussi ternes. Isaak le savait bien, pourtant, que ce n'était pas ici qu'il trouverait la couleur dont il aimait badigeonner à foison dans son quotidien. Camaïeux de bleus, d'or, de vermeil, de poussière de rêve et de fils d'amour. Le noir, c'était bon pour la Bratva. S'il commençait à s'en colorer même en dehors...

En une énième soupir - c'était à se demander s'il savait faire autre chose - il se recroquevilla dans son écharpe soleil comme pour se réchauffer, comme pour essayer de se rappeler ce qu'il foutait là. Par il ne savait quelle grâce, il avait réussi à obtenir un jour de congé, un jour de liberté. Au revoir le bordel, à la prochaine. A jamais, si Dieu le voulait. Mais comme ce dernier n'existait pas...

Et quoi de mieux pour occuper sa journée que de traîner dans des boutiques où tout coûtait un bras ? Il aurait dû flâner ailleurs. Dans le centre et ses pauvres salariés endimanchés. Dans le quartier historique, trouver un café où se poser et sortir son carnet de croquis, à la limite. Ou juste prendre un café, c'était bien aussi. Voire rester à Ashmill, tourner en rond dans un appartement qui lui semblait toujours trop vide, trop grand quand il y était seul. Même si ce n'était que pour quelques heures. Peut-être qu'il était venu lui trouver un cadeau. Peut-être était-il venu se chercher des excuses, surtout.

Le nez dans les vitrines, Isaak errait, s’arrêtant de temps à autre, pensant le pour et le contre de chaque objet attirant son attention. Valait-il le prix ? L’aimerait-il encore dans deux jours ? Deux semaines ? Deux mois ? Dix ans ? Avaient-ils d’autres coloris ? Cela s’accorderait-il avec ce qu’ils avaient déjà, dans leur cocon impénétrable ? Souvent, il redéposait ce qu’il convoitait. Ressortait. S’en allait. Finissait par revenir jeter un coup d’œil. Réfléchissait à nouveau, sous l’œil scrutateur des vendeurs prêt à fondre sur lui comme des oiseaux de proie, avant de réaliser que c’était encore l’homme incertain, l’homme indécis. Celui qui semblait virevolter en permanence sur un fil d’équilibriste.

Dernier soupir, dernière courant d’air glacé s’insinuant dans sa veste de cuir marron, qu’il resserra comme il put autour de lui. Un jour, il s’achèterait un vrai manteau d’hiver, au lieu de se cacher dans des pulls de laine. Un jour, quand ils proposeront autre chose que du gris et du noir. Il tenta d’estimer l’heure, avant de tout de même se décider à rentrer. Au mieux, Kieran serait rentré. Au pire, une sieste serait une merveilleuse idée.

Maugréant contre le froid, contre le noir, le gris et cette noirceur ambiante, Isaak avançait sans regarder. Les yeux dans les vagues, l’esprit tourné vers d’autres horizons. C’était ainsi qu’il se retrouva à percuter une pauvre jeune femme, qui lui tournait le dos, qui n’avait rien demandé. « Merde. Pardon, désolé. Ça va ? » marmonna-t-il, le choc l’ayant ramené sur la terre ferme. Cheveux couleur blé mur, manteau de la neige la plus pure et le tout, couronné par un cache-oreille glacé qu’il était certain de reconnaître, pour l’avoir vu sur la tête d’une fille qu’il connaissait bien.

« Anastasia ! T’es en congé ? C’est cool, profite bien ! » Sourire aux lèvres et enthousiasme débordant. Isaak était heureux de la croiser en dehors des murs surchargés, empestant un parfum horripilant du bordel. Il n'avait pas prêté attention à son visage - sans quoi, il se serait vite rendu compte de son erreur. Il fouillait son sac, comme pour s'assurer que rien ne s'en était échappé pendant la bousculade. « Au fait, à propos de l'augmentation que tu m'as demandée la dernière fois... Faut vraiment voir avec Swann mais je pense pas que ça ira. Le patron dit qu'il claque déjà un max et que si vous continuez, il va devoir soit augmenter le prix de la passe, soit raccourcir le temps que vous passez au pieu.»

Clés. Portefeuille. Baume à lèvres. Crayons... Lunettes ? Les avait-il seulement prises ce matin ?

Oops I did it again ?

Sophia & Isaak

Encore un échec sous le soleil, ledit soleil étant à peine visible avec la couche de nuages tenaces qui s'obstinaient à le cacher. Mais bon, les métaphores, ça tenait jamais compte de la météo...
Jusqu'au bout, Sophia y avait cru. Enfin quelqu'un avec de l'argent, enfin quelqu'un avec du pognon, et il avait parut sérieux au téléphone en la contactant pout un cours d'initiation, le premier, le gratuit, histoire de voir.
Elle s'était rendue chez lui, dans un superbe appart du genre qu'elle ne pourrait jamais s'offrir, avait constaté l'ampleur du désastre avec une personne sans souffle, sans ténacité et...
Et le client refusait de donner suite sous prétexte qu'elle refusait de négocier. Qu'elle était trop cher voyons, que c'était que du sport et que sur internet on trouvait les modes d'emploi gratuits alors...
Ajoutons à cela une blague beauf sur le fait de payer en nature.
Il lui souhaita de trouver un vrai métier, et Sophia claqua la porte en lui souhaitant de se luxer tous les muscles possibles et inimaginables, pénis inclus.
Pas la meilleure des journées quoi, pour ne pas dire une après-midi entière de prévue parce que cette foutue heure gratuite, c'était peut-être que soixante minutes pour le client mais pour elle il y avait eu la préparation, le trajet et tout cela.
Emmitouflée dans son manteau moumoute, ami puissant, ami précieux, le cache-oreille vissé à la tête parce que oui, Sophia avait encore égaré ses écouteurs et son lecteur de musique tout court en fait, la jeune femme avançait d'un pas rageur.

Les troittoirs n'étaient pas glissant, pas dans ce quartier en tout cas, jamais. Là où il y avait les richards, il y avait les moyens et on prenait soin de la ville. Son coin de rue, à Delray hollow, c'était pas vraiment ça. Pas le genre pire, pas le genre mieux non plus en fait et Sophia se demandait si c'était pas ça au fond, la chose la plus terrible.
C'est alors que le Cousin Machin lui rentra dans le lard. Un type poilu, mais poilu du crâne beaucoup. Ca faisait des boucles et ça respirait sûrement la souplesse et la soyance profonde. Quel connard...
Heureusement, avoir une bonne assiette, Sophia connaissait. Les pieds ancrées au sol, elle accusa le coup, ne tomba pas. Pan, dans tes dents Chewbacca...

”Pardon?” Il se trompait de prénom, il se trompait de grade aussi. Impératrice, bordel, pas Tsarevna ou Grande Duchesse de mes deux. Bon, tant qu'on restait dans le truc royal et pimpant et....
Et en fait non pas du tout, il ne l'assimilait pas à un truc royal et pimpant, au contraire.

”Le patron il claque mais toi aussi tu vas claquer là, mon grand. Attends t'as cru que j'étais quoi, là, vas y? J'ai une tête à faire des passes peut-être? Mais tu vas crever toi, tu sais ça?”

Le parler rapide, le rythme un peu vulgaire, ouais elle allait se le faire. Il y avait du muscle sous ce manteau de bimbo, il ne fallait pas croire. Du muscle et de la bonne volonté aussi...enfin une certaine forme de bonne volonté.

”Je ne michetonne pas et je ne suis pas ton Anastasia-Tatiana-Alexandria-je sais pas quoi” Oui, pour Sophia tous les noms de l'Est se ressemblaient un peu.
”Je suis professeur de sport, mon coco. Yoga, fitness, aerobic... alors ta position de l'étoile de mer, tu te la gardes et tu te la mets où je pense parce que je vaux mieux que ça, ok? Allez, dis pardon. Tout de suite.”

Avant de renifler d'un air hautain et royal: ”Espèce d'impuissant”

Oops I did it again ?

Sophia & Isaak

Lorsqu’il leva les yeux de son sac et se rendit compte de son erreur, Isaak vira rapidement au rouge. Il faisait chaud, ici, en plein milieu de ce trottoir battu par les vents glacés d’un mois d’hiver beaucoup trop long. Ce n’était pas Anastasia. Mais alors, pas du tout. C’était une jeune femme inconnue au bataillon. Il commençait à avoir envie de se terrer six pieds sous terre. Pourquoi n’était-il pas le Dieu du Temps, déjà ? Est-ce que ça existait, seulement ? Existait-il un moyen de venir très rapidement ami avec ce dernier pour qu’un pouvoir de retour dans le passé l’aide ?

Et puis, quand Sophia ouvrit la bouche et déversa dans un rythme et une vulgarité admirable un venin auquel il ne s’attendait guère. Etait-il possible d’être encore plus rouge que cela ? Il avait l’impression de passer par toutes les teintes et se demandait très sérieusement si le cramoisi quitterait un jour son visage. Il n’était pas certain que ça lui allait au teint. Ou avec son écharpe. Ou son blouson qui lui semblait trop fin quelques secondes auparavant mais qu’il mourrait d’envie d’ôter désormais.

Tous les yeux étaient fixés vers eux, vers ce petit de bout de femme pas bien haut en comparaison mais qui avait un sacré coffre. Ils étaient le spectacle de l’après-midi, certainement. Celui que les passants pourraient raconter en franchissant le pas de leur triste porte, à leur triste compagnons de vie, dans leur triste vie. Oh, tu sais, mon coeur, aujourd’hui, en plein centre ville...

Un homme a pris une étrangère pour une prostituée. « Non, vous n’avez pas la tête à... » tenta-t-il de placer dans ce flot continu de rage. « Y a aucun mal à pratiquer ce métier, vous savez... » En tout cas, on essayait de s’en persuader après neuf ans dans la boutique. Les prostituées heureuses, ça devait bien exister. Celles qui y prenaient du plaisir, aussi, non ? Il se rappelait ses débuts, dans ce lieu de perdition. Mon dieu qu’il avait honte, tout jeunot qu’il était. Maintenant, certaines de ses convictions restaient au placard. Fallait bien ça pour vivre, paraissait-il.

« Anastasia » s’enfonça-t-il. Comme si le prénom importait. Comme si quelqu’un s’offusquerait que la victime de cette histoire ne retienne pas un prénom slave comme tant d’autres, portées par trop de femmes, réelles ou non, fantasmées ou non. C’était quoi, le sien, du coup ? Pas certain qu’elle lui donne. Et puis, qu’en ferait-il ? L’aborderait-il à nouveau ? Il ne craignait pas pour sa vie. Mais pour certaines parties de son être. Sûrement. Assurément. Et dieu seul savait qu’il n’était pas le seul à y tenir.

Bouche-bée, il l’écoutait déblatérée sur son métier – comme quoi il faisait bien de la craindre un peu – et puis… Sur sa vie sexuelle ? A lui ? Il ne savait que dire. « Pardon » s’excusa-t-il tout de même, ne sachant vraiment où se mettre. Trop grand pour disparaître, là, maintenant, tout de suite. Le Dieu du Camouflage, ça existait ? Lui il n’était que… Lado. L’amitié. Oui ? Un regard soupesa la foule environnante. Non. Trop de monde. Trop de chances que cela foire. Il n’arriverait jamais à se concentrer uniquement sur elle, surtout pas dans son état. Il était trop nerveux. Et puis, il n’était pas certain d’y arriver avec autant de voyeurs. Et quand cela déconnait… Elle risquait bien de lui arracher les testicules d’un coup d’ongles acérés plutôt que l’apprécier… « Mon mec a jamais eu à s’en plaindre. » s’entendit-il toutefois ajouter, à sa dernière remarque.

Mon dieu… Isaak… Vraiment ?

Les yeux dans les yeux, il se sentait horriblement gêné. Ce n’était qu’une erreur, une simple petite erreur. Cela ne devait pas provoquer des réactions disproportionnés comme celle-ci. Quelque chose ne devait pas aller, dans la vie de cette fille. Etait-ce son problème ? Non, pas vraiment. Il pouvait simplement fendre la marée humaine et rentrer chez lui. Mais… « Un café. Ça vous irait si je vous offre un café ?  Vous pourriez m’expliquer ce qui vous met sur les nerfs de la sorte. Ou simplement me jeter le café dessus. Évitez la figure par contre, si possible. Mon compagnon y tient, tout de même. » Il attendait, avec crainte, la sentence. Il espérait que la harpie – parce que ça devait en être une, avec un tel timbre de voix – se calmerait et comprendrait ses intentions pacifistes. Manquerait plus qu’elle pense qu’il la drague. Oh mon dieu, il était foutu.

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Sophia & Isaak

Mais il s'enfonçait, le bougre, et dans autre chose que son petit ami en plus! Une fumée npire et épaisse aurait pu sortir du nez absolument délicat et adorable de Sophia que jamais au grand jamais elle ne froncerait tellement elle était douce et bien éduquée, que ça n'aurait étonné personne. Pour un peu, la blonde en cracherait littéralement des flemmes.
Pas la tête à ça, certes Sophia avait tendue elle-même la perche en sous entendant qu'elle n'avait rien de vulgaire, elle (à part son timbre de voix quand elle s'énervait, à part son petit poum poum short léopard qu'elle adorait mettre en été, et encore...), pour faire une prostituée mais aprce que remontée à bloc la jeune femme comprenait la remarque d'Isaak autrement:

”Quoi mon visage, il est pas assez bien pour faire envie?t j'ai pas le cul à ça aussi, tu sous entends qu'il est flasque? Putain mais mange tes morts et tes lunettes aussi!” Parce qu'il devait bien porter des lunettes d'habitude pour se tromper autant, le visage nu, non?

Elle grognait et elle grondait à présent. Ca frustrait un peu, tous ces abrutis qui vous traitait de pute à la moindre occasion sans même que Sophia ait à ouvrir la bouche, et cet inconnu qui disait que non non, en fait la jeune femme ne ressemblait pas à ça. C'était une preuve plus ou moins qu'on vous traitait mal, et Sophia voulait pas entendre des choses pareilles bordel...

Pour s'occuper les mains et tout en maugréant insultes et malédictions, Sophia se fit un chignon lâche. Ca demandait de la concentration d'être énervée, ça demandait de pas se laisser déstabiliser par des cheveux battant dans le dos ou que le vent fous faisait bouffer en plein visage parce que quel gros enfoiré lui aussi là.
Le chignon dura deux secondes. Après s'être occupé les mains à le faire, Sophia s'occupa les mains à le défaire.
Tout un art.

”Mes raisons?  Un richard vient juste de m'annoncer qu'il me paierait pas pour les cours que je devais lui donner. C'est trop cher, j'espère qu'il va se péter trois vertèbres coup sur coup lui qui dit que prof de yoga c'est pas un métier. Et là que je viens de me faire laminer sur ma situation professionnelle, toi tu me traîte de tapineuse.”

De quoi faire bouillir n'importe quelle marmite. En vérité, Isaak avait plus voulu dire “bonjour” qu'autre chose. Sauf que voilà.

” Allez une petite tisane ça fera pas de mal. En plus on se les gèle...”

Peut-être bien que Sophia voulait s'asseoir, peut-être bien que Sophia voulait parler à présent que ses poches à venin étaient vides et que la jeune femme avait vidé tout son lot d'insultes.

”Du coup ton prénom c'est quoi? On prend des gâteaux aussi? Allez on prend des gâteaux, viens. “

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Sophia & Isaak

Quand il pensait être foutu, il ne pensait pas être aussi proche de la vérité. Peu importe ce qu’il disait, il semblait s’enliser un peu dans ce fumet peu ragoutant qui se dégageait typiquement de la merde. Clairement, il était dans la merde. Quand il la prenait pour une travailleuse du sexe – un peu de respect, s’il vous plaît – elle n’était pas contente. Mais s’il lui disait qu’elle était tout à fait respectable – comme si les prostituées ne l’étaient pas, bonjour cette discrimination, elle n’était pas contente non plus.

Peut-être que c’était pour ça qu’il n’avait jamais réussi à ramener une fille à la maison. Et parce qu’il était pas intéressé aussi. Et puis, à y réfléchir, les mecs aussi, c’était compliqué. Ça posait aussi des questions piège auxquelles il répondait par un rire, mal à l’aise, et d’une tape sur l’épaule. Comme un vrai, ouais. Un vrai mec gêné qui était pas certain d’avoir piger ou s’il s’imaginait des trucs. Mais là, il était certain de comprendre : elle avait les boules. Et sévèrement.

Du coup, il n’osait plus rien dire, se contentant de se frotter le bras gauche de la main droite, et de regarder parfois la jeune femme, parfois le trottoir. Mais plus souvent le trottoir, tout de même. Parce que la voir s’affairer dans ses cheveux lui donnait envie de reproduire les gestes à l’identique. Un chignon, quand on commençait sérieusement à être nerveux, à se demander quand allait arriver la fin de la tempête, ce n’était jamais une mauvaise idée. Mais il préférait faire claquer l’élastique qu’il portait au poignet, craignant que le mimétisme ne rallume une flamme qui ne tarderait sans doute pas à se tarir.

« Ah, merde. Je vois. Tous des connards, ces richards. » tenta-t-il tout de même, accompagné d’un petit rire gêné. On était richards à partir de quand ? Il demandait cela pour un ami, voyez-vous. Il risquait plus d’être considéré de la sorte puisqu’il n’allait sûrement pas touché l’héritage familial. Tout reviendrait à Konstantin. Bon ok, peut-être une petite part pour Magdalena aussi. Mais pour Isaak ? Nada. Que dalle. Il allait pas s’en plaindre, pas maintenant. Non, il avait un travail qui rémunérait correctement, un petit ami, un appartement, un chat… Et il venait de se faire passer le savon de sa vie par une inconnue en pleine rue marchande.

La vie rêvée, vraiment.

Mais heureusement, la perspective d’aller se réchauffer et de boire une boisson chaude semble la rendre plus aimable. Alors, il lui répondit d’un sourire chaleureux et lui emboîta le pas jusqu’à un salon de thé proche, tout en prenant le temps de se présenter. « Isaak, Isaak Chevtchenko. Et le tien? Pas Anastacia du coup, je présume. » Parce qu’il aimait bien parfois, mettre les pieds dans le plat. Et donner son nom en entier, histoire d’être trouvable. Les gens de la Bratva devaient parfois s’arracher les cheveux, avec lui. Tant que les siens restaient beaux et longs…

Une fois sur place, il commanda un chocolat chaud avec supplément chantilly et marshmallow. Parce qu’il lui fallait au moins ça, pour s’en remettre. Et une pièce de chaque tapisserie, qu’ils partageraient. « Enfin, si cela te va ? » Pas qu’il était radin mais il doutait qu’ils réussissent à tout manger.

Et puis, postés à une table non loin d’une fenêtre, pour être au premier rang si une autre scène dramatique comme la leur se déroulait, il entreprit de faire connaissance. Parce que quitte à se faire démonter en public puis partager des gâteaux, autant rentabiliser le temps et se montrer aimable. « T’es prof de yoga alors ? On le devient comment ? C’est une passion depuis petite ou ? » Ouais, parce qu’il avait une fascination pour les gens qui n’étaient pas enfermés dans un bureau sans aucune conviction. Comme lui quoi. Et puis, il pouvait peut-être aidé, en plus. « T’as une carte ou quoi ? Je peux peut-être voir avec les filles pour un cours collectif ou quoi, si t’en fais ? Ça les intéressera sûrement. Enfin… Si t’acceptes de bosser avec des tapineuses quoi. »

Fallait toujours qu’on en revienne aux filles, décidément. Il prit une énorme gorgée, se brûlant la langue, pour masquer sa gêne.  

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Sophia & Isaak

Ainsi, l'huluberlu en face d'elle était plutôt du côté slave de la Force.st-ce que cela devait expliquer des choses? Peut-être, peut-être pas. Dans les rues d'Arcadia on pouvait murmurer des noms parfois, Sophia portait celui de la Calavera au coeur mais il y en avait d'autres après tout. La Bratva se chuchotait comme l'on chuchote le nom d'un ogre. Etait-ce exagéré? Là encore, la blonde était bien trop jeune pour s'en rendre compte. De combats face à face, Sophia n'en avait pas connu. Elle était dans l'ombre, elle. Elle agissait comme l'on tire les fils de multiples marionnettes quand bien même son petit degré de manipulation n'était rien, au final. Quelque chose de primaire : décider de qui trahi assez pour mourir, du poids des actions et du poids du sang aussi. Être l'enfant de quelqu'un suffisait à se faire condamner. Etrangement, Sophia n'entendait jamais les pleurs de ceux tués sur son ordre, ceux de la famille du médecin. Ils avaient été jeunes pourtant, adorables même. De bons gamins. Juste qu'ils avaient eu le mauvais père...
Peut-être que les remords viendraient un jour, qu'une digue irait se rompre là dans son esprit et que tout ce qui était sombre et caché serait déversé alors dans cet espace infini entre le regard et l'esprit. Peut-être oui...

”Sophia. Sophia Blues, t'arrivera à t'en rappeler?” Une question idiote : pourquoi devrait-on se rappeler d'elle?
Mais la Calavera l'appelait autrement après tout. La Rubia...

Elle se saisit d'une petite part de gâteau sur le grand plateau qu'on amenait. Pas mauvais, on sentait chaque dollar que cette petite mignardise coûtait, fondre sous la langue quand on mâchait. Et il y en avait beaucoup, des dollars ...
Isaak se montrait curieux maintenant. Sophia en conclu qu'elle était la première professeure de Yoga qu'il croisait ainsi à l'état sauvage. La nature est une belle chose quand même...

”De Yoga, de toutes autres choses nécessitant de la souplesse aussi.” Elle acquiesça, un demi sourire un peu amer aux lèvres.

”C'était une revanche à prendre et les vengeances c'est toujours passionnée alors...oui?” Cette fois-ci, Sophia éclata de rire un peu. Son histoire, Isaak devait s'y intéresser par simple politesse mais après tout pourquoi ne pas en parler?

”On m'a dit gamine que j'étais une danseuse de merde, du coup je suis devenue l'incarnation de la souplesse rien que pour faire chier.”

Son sourcil se haussa face à la proposition de travail assez spécifique du slave. Donner des cours aux tapineuses?

”Paye leur plutôt des séances d'osthéo avant tout... après si c'est pas un piège pour me piquer mes papiers et me faire bosser dans ton entreprise aussi, ouais j'veux bien. J'me méfie vu que on me chercherait peut-être pas si je disparaissais, alors...”

Parce que sa tante avait l'habitude des travers fantasque de la jeune femme, u'elle n'était également pas assez avancée dans la Calavera pour représenter quelque chose si par malheur Sophia ne donnait plus de nouvelles. Que finalement ce serait simple de la faire disparaître sans éveiller trop de soupçons, Sophia avait beau montrer les dents très fort, face à certaines choses elle ne pouvait être que fragile.