You're back !

- Kyan ? -

Je me redresse. Je n'aime pas du tout cette intonation. Elle sent les ennuis...

- Oui ? -

- Est-ce que ça t'ennuie si je prend le contrôle à partir de 18h30 ce soir ? -

Pour une fois, la demande est claire et précise. Je soupire en constatant que je n'ai absolument aucune raison de lui refuser. Après tout, je suppose que ce ne sera pas le premier abus de sa part et je veux encourager le fait qu'il m'en demande la permission auparavant.

- Pourquoi as-tu besoin de ce temps en plus ? -

- C'est pour la créature que j'avais renversé avec ma voiture... Elle veut me revoir. -

Je prend une profonde inspiration.

- Soit ... -

- Super ! Merci ! J'te revaudrais ça -

Je regrette déjà ma décision.


Dans la salle de bain exiguë, je me prépare soigneusement pour ce soir. Je choisi une chemise sombre et un pantalon noir. Le quartier asiatique n'est pas si loin et je prend sur moi d'y aller à pied. Si finalement je vois le retard se profiler, je n'aurais qu'à accélérer un peu.

J'arrive finalement dans le quartier du rendez-vous avec une dizaine de minutes d'avance. Je passe devant un love hotel d'un air rêveur mais je suppose que l'horaire nous prédispose plus à aller manger. C'est à l'angle d'une rue que je crois l’apercevoir, en forme humaine, pour mon plus grand plaisir.

"Bonsoir créature sauvage."

You're back !

"Tu es magnifique, ce soir."

Quand elle se retourne, je ne peux que remarquer une quasi-surprise. Se serait-elle attendue à ce que je ne vienne pas ? Malgré tout, j'aime ce nouveau surnom qu'elle me donne. En réalité, cette créature exotique me rattache à mes racines perdues et cela me fait étrangement du bien.

Bon après, c'est la première créature que je croise, et pas la plus commode. Mais tout de même, c'est très agréable.

"Bien sur que je suis à l'heure ! Je tiens encore à mes yeux !" quand elle m'annonce notre début de soirée, j'ai un sourire en coin et je la regarde dans les yeux "Et oui, je mange absolument de tout."

Je suis surpris qu'elle note l'absence de ma voiture. J'avais du sacrément la traumatiser pour que ce soit l'une des premières remarque qu'elle me fait. Pendant un instant, j'hésite entre une blague et dire la vérité. Bien malheureusement pour moi, je m'en suis voulu des jours entiers de cet accident, ce qui m'oblige à répondre honnêtement.

"Tu as fais un pas vers moi en m'invitant ce soir, j'ai retenu la leçon et j'utilise ma voiture le moins possible à présent."

Le fait qu'elle voit mes efforts sera toujours un petit bonus sympa pour la suite de la soirée. En plus, la marche me fait du bien et ces derniers temps, j'utilise beaucoup mon pouvoir ce qui est un excellent entraînement.

Le restaurant est un japonais qui a une excellente réputation. Nous sommes installés comme des princes. Sans ambages, mon interlocutrice me remercie et ... et ... s'excuse ?

"Qui êtes-vous ? Et qu'avez-vous fait de la bestiole de la forêt ?" Je dis sur un ton d'humour avant de me rattraper bien vite. "Je comprend tout à fait que tu puisse être en colère, ne t'inquiètes pas, c'est oublié. Et oui, je compte bien profiter de ta nouvelle "gentillesse"."

Malgré tout, une question me taraude depuis que j'ai reçu le message.

"D'ailleurs... tu vas bien depuis ?"

You're back !

"Il ne tient qu'à toi de te montrer à moi les autres soirs."

Le sujet de la voiture semble être un point bien plus sensible que j'aurais pu l'imaginer. Sans le savoir, j'ai fais quelque chose qui semble l'avoir bien plus touché que prévu.

Assis dans le restaurant, j'entends enfin son rire. Pour une fois, celui-ci semble sincère et sans aucun sarcasme, c'est très agréable de voir un renard sous un jour plus apprivoisé.

Je la regarde dans les yeux, lui souris et lui dit :

"Dommage. J'aime bien quand tu es sauvage." je bois un peu d'eau avant de préciser "Quant à moi, pas d'inquiétude, je suis toujours fidèle à moi-même. What you see is what you get."

Nous voilà interrompus par le serveur qui attend notre commande. Malheureusement, je n'ai absolument pas pris le temps de consulter la carte et Renard commande. Le serveur me regarde, me renseignant sur le fait qu'elle n'ait pas commandé pour nous deux. Je lui redonne le menu en disant.

"La même chose qu'à cette délicieuse créature, s'il vous plaît."

Il s'incline et s'éclipse, nous laissant enfin seuls. Renard en profite pour me détailler ses soins. Le fait qu'elle continue son traitement n'est pas très bon signe et je m'en veux encore. Le sédatif de contrebande doit lui couter un fric monstrueux.

"Tu veux qu'on voit ensemble pour traiter cette blessure plutôt que seulement en calmer la douleur ? Sinon, comment va Lan et son travail ? Je suppose qu'elle m'en veut toujours à mort... Il faudrait que je passe vous voir un de ces jours !"

Après tout, Kyan n'a jamais expressément dit qu'il ne voulait pas de tatouages, n'est ce pas ? Des idées, j'en avais plein et aucune n'est compatible avec le catholicisme pour mon plus grand bonheur.

"Juste pour info. On a commandé quoi ?"

You're back !

"Que tu me mordes ? Avec plaisir ! Peut-être plus tard."

Une relation charnelle torride, primitive, avec une créature indomptable commence à m’obséder en cet instant. L'éclat féroce de ses yeux nourrit mon fantasme et me laisse rêveur un instant. Sera-t-elle d'accord ? Certainement pas.

"Je comprend parfaitement. Moi-même j'ai du mal à me plier aux lois purement humaines."

... Et aux lois tout court en fait.

Quand elle me dit que rien ne peut accélérer ou améliorer le processus de guérison, je hausse les épaules. Pour ma part, je ne supporterai pas de devoir m'injecter tous les jours un produit qui m'aide à accepter ma propre jambe, et encore moins de nouvelles règles.

"Soit, à ta guise."

Pour une raison obscure, elle ne s'étend pas sur Lan. Je me pose encore beaucoup de questions sur leur relation à toutes les deux. Est-ce comme nous ? L'une s'efface pour l'autre ? Si renard accepte de m'en reparler par la suite, je lui demanderai.

C'est alors que l'idée des prêtres tatoués fait son entrée. Non, c'était sans doute une très mauvaise idée, mais une idée qui me fait rire tout de même.

"Non, le tatouage est interdit. Cependant, moi je ne suis pas supposé le savoir et encore moins l'appliquer."

Nos plats arrivent enfin et une alléchante odeur de viande de mer grillée s'en échappe. Quand nos plats sont dévoilés, je reste un instant interdit devant. Tout en étant détaché du corps, des tentacules bougeaient encore comme sous l'effet de spasmes post-mortem.

Je fronce les sourcils mais renard à l'air satisfait. Pour ma part, j'adore le poulpe grillé mais je vais sans doute sagement attendre que les pattes arrêtent de bouger ou que mon interlocutrice se nourrisse en première. Au moins, la viande est fraîche sans aucun doute.

"Quel choix très intéressant..."

Je casse la patte d'un renard et il m'offre un poulpe fraîchement débité ? Que dois-je en conclure ?

"Bon appétit, la sauvage. Tu manges ça comment ?"

You're back !

Guérir autrement ? C'est possible, je connais quelqu'un qui peut soigner juste en apposant les mains sur une plaie. Après, ais-je le droit de lui amener quelqu'un comme ça ? C'est une autre question.

"Ceux qui sont aptes à soigner d'une imposition des mains sont rares et souvent particulièrement méfiants... mais oui, si vraiment tu es en détresse, je t’emmènerai voir quelqu'un."

Pour une fois, je pourrai user de mon pouvoir pour m'en attirer la sympathie... Je pense à mon futur tatouage et je réfléchis un instant.

"Ce serait pour couvrir une vilaine cicatrice. Je verrai si je consulte Kyan ou pas avant... J'ai quelques idées..."

Des idées de bêtes à cornes, surtout, je ne peux pas le nier. J'admets que l'idée d'un tatouage m'a toujours fasciné et en parer mon corps serait sans doute un délice.

Je regarde sa manière de saisir la chair gigotante avant de la manger sans hésitation. Je m’empare de mes propres baguettes avant d'en pointer une sur renard.

"Je note que d'enfiler un truc long, fin et vivant dans ta bouche ne semble pas te dégouter. C'est prometteur."

A mon tour, je fais la même chose avec mes propres baguettes. J'ai plus l'habitude de saisir du sushi immobile avec mais la patte semble adhérer parfaitement à l'ustensile ce qui facilite grandement la manœuvre. Pour mon côté sauvage, on repassera... Si j'aime bien la viande, je lui préfère surtout les végétaux de par ma nature.

"Ça me va tout à fait ! J'aime pas spécialement la nourriture sur-transformée."

Je mets la tentacule dans ma bouche mais elle semble se débattre à mon grand désarroi. Le goût est très agréable cependant.

"La nourriture à peine tuée ? Tu n'envisages pas de te faire un petit poulailler quelque part et de te faire plaisir en libérant une poule ou deux le soir avant de te transformer pour aller chasser ?"

Question réflexes post-mortem, les volailles en général se défendaient plutôt pas mal. Au moins, cela serait une nourriture de qualité et Lan n'aurait pas à s'embêter pour le repas.

"D'ailleurs, tu es libre jusqu'à quelle heure le soir ?"

You're back !

"Oui, je connais. Je vais essayer de la convaincre de te voir..."

Je me demande encore comment je vais m'y prendre, à moins que je ne joue sur la corde sensible et que je n'amène ma compagne goupil boitillante. A coup sur, la personne sera touchée par la détresse et ne pourra résister à l'utilisation de ses pouvoirs.

Pendant un instant, je comprend que je fais face à Lan. Son ton professionnel me surprend et je répond rapidement :

"Je suppose que ça doit s’appeler ainsi... Je pensais à un poisson, ou un oiseau avec un cercle ... La cicatrice est surtout en relief, ma peau a été brûlée et déchirée puis recousue après une pseudo opération de l'épaule."

Une réparation catastrophique d'ailleurs que je ressens toujours parfois avec certains mouvements.

Rapidement, cependant, voilà Lan qui s'efface et Renard revient. Je l'accueille avec un grand sourire quand vient sa provocation, et mon sourire se confirme quand elle continue sa petite provocation.

"Je me méfierai, donc."

Les images de nous deux me reviennent. D'elle surtout, attachée, les yeux bandés, à ma merci. Il me faut quelques secondes pour revenir à la réalité.

Suivant ses directives, j’attends patiemment que la créature dans ma bouche finisse par arrêter de bouger avant d'avaler. La texture est étrange mais le goût tout à fait étonnant est plutôt agréable.

J'écoute son anecdote et éclate de rire à la conclusion. Pourquoi ne suis-je pas surpris d'entendre ça ? Alors qu'elle me parle de ses préférences gustatives, je me dis que je comprend enfin son besoin d'être un renard, et d'aller chasser. Ne faire qu'un avec sa nature de créature en somme.

"Ça n'empêche que je trouve ça vraiment dommage que tu n'ai pas tes autres pouvoirs de Kitsune... Avoir une apparence différente selon l'envie doit être très jouissif..."

Je prend note de ce qu'elle me dit alors que je mâchouille une nouvelle tentacule, plus calme, celle-ci. Alors comme ça les deux filles n'avaient pas de règles ? Quelle chance... C'était basé sur la confiance mais je comprend au discours que Lan a une certaine ascendance sur Renard.

"300 ans ? Me voilà gérontophile... Du coup, comment sais-tu ton âge avec autant de précision ? Tu te souviens de ta vie d'avant ?"

L'idée me fascinait. Pour ma part, je n'ai aucun souvenirs de mes vies passées et je commence à comprendre que je n'en aurais sans doute jamais. Une nouvelle question vient de faire son entrée dans ma tête.

"D'ailleurs ! Tu es, ou étais, un kitsune mâle ? Je veux dire par là que tu t'appelle "Renard" et non "Renarde". Tu t'es jamais demandé si vous n'étiez pas simplement tous les deux homosexuels mais que vous aviez des genres différents, simplement ?"

Quand elle s'est transformé dans ma voiture, j'avoue ne pas avoir vérifié ce "détail".

You're back !

Renard se raidit comme frappée par la foudre.
Aurais-je dit quelque chose de mal ?
Finalement, je comprend que c'est autre chose sans parvenir à comprendre cette barrière que je touche du doigt.

"Bien sur ... A force de traîner à droite et à gauche, on fini par connaître une bonne partie de la ville. Autant que ça serve, non ?"

Lan me donne ses explications que j'écoute attentivement. Sa dernière phrase me fait sourire et je n'ai pas le temps de lui demander si c'était une invitation à voir mon derme quand Renard refait surface.

"Il me faudra juste l'adresse, du coup."

Les yeux de Renard me sondent un peu. Quand je m'en aperçois, je ne peux que soutenir le regard avec un sourire en coin. Que peux-tu bien être en train de penser, petite sauvage ? Je plisse légèrement les yeux, mon pouvoir n'est pas encore assez développé pour que je puisse sentir olfactivement ses véritables intentions envers moi, malheureusement... ou heureusement.

"Je comprend la logique."

Passer d'un corps de femme à celui d'un homme, pouvoir se faire passer pour qui on veut, s'insinuer dans l'intimité des gens, au sens propre comme au figuré... Moi non plus je n'ai jamais connu ça... Et pourtant, qu'est-ce que ce serait amusant !

Elle m'explique les raisons de sa déduction et cela m'attriste un peu. Je n'ai jamais rencontré de créatures aptes à se souvenir de ses vies passées et je désespère d'en trouver une un jour. Pour autant, je sens que mon passé à moi recèle quelque chose de terriblement important et que m'en souvenir nous permettrait, à moi comme à Kyan, de comprendre ce qui s'est passé.

Son corps se rapproche sensiblement du mien, me faisant instantanément oublier toute idée amer. Elle émet tout de même une certitude quant à son passé. Je lui sourit franchement et pose une main sur la sienne, la recouvrant totalement, ce que me permet cette soudaine proximité.

"Je n'en sais rien. Après tout, je n'aime pas juger sans preuves ..." Je lui susurre sur le même ton.

Je détaille son visage fin. Ses yeux sauvages tranchent farouchement avec la délicatesse de ses traits. Derrière son regard, je peux voir cette profonde envie de rester libre, cette volonté de ne pas se laisser piéger si facilement. Cette volonté que je vois s'amenuiser de minutes en minutes.

You're back !

"Avec grand plaisir ! Montre moi !""

Le nouveau plat arrive est alléchant, mon ventre supplie mon esprit de lui apporter d'avantage de nourriture. A nouveau, je prend mon mal en patience et regarde attentivement les mouvements de Renard afin de pouvoir l'imiter plus tard. L'eau bouillonnante a l'air d'être déjà épicée, et je sent le piment de la sauce de ma place.

Je l'imite avec un morceau de légume afin de tester l'épice avant de me jeter dans le grand bain. Le végétal est non identifié et je le laisse tranquillement bouillir.

Sa main se retire et elle s'excuse. Visiblement, le jeu lui déplait et je me résous à ne pas insister. D'un geste, j'arrête ses excuses inutiles.

"Nous n'avions pas la même conception de la soirée. Pardonne-moi."

Je ne comprend pas sa phrase sur le coup. Une fois être convaincu que nous ne parlions pas de la même chose, je me rectifie.

"En fait, je voulais te parler de ta forme originelle. Pas de celle que tu abordes en ce moment. Si tu ne te souviens de rien, tu ne peux pas être certaine de ne pas avoir été un mâle à l'origine."

Je récupère alors mon morceau de légume qui s'apparente à présent à de la pousse de salade. Je le laisse tranquillement refroidir dans mon assiette avant de mettre un peu de sauce rouge ardente dessus. Le piment ne m'a jamais fait peur, mais on ne sait jamais.

"Justement, je suis curieux. Pourquoi m'avoir fait venir ?"

Finalement, je croque dans ma nourriture et comprend immédiatement ce dont il s'agissait bien trop tard malheureusement. Il ne s'agit ni plus ni moins qu'un plant de piment que je viens de faire bouillir dans une eau épicée et recouverte de piment...

"Putain..."

Immédiatement, je prend quelques bouchées de riz pour calmer la brûlure.

Baptême du feu passé.

Après un petit rire, je me rabat sur un morceau de volaille. Au moins, ma bouche est anesthésiée pour le reste de la soirée.

You're back !

Son explication me vient mais ne me convainc pas tout à fait. Au contraire, cela m'inquiète un peu. Une chose est certaine, je ne lui ferai plus d'avance physique de la soirée.

"Je comprend, bien sur ! C'est juste que tu m'avais l'air d'une personne particulièrement sensuelle et pas du genre à être embarrassée par ce genre de choses."

A présent, cela me sera particulièrement délicat de fantasmer sur la fin de la soirée maintenant que je sais qu'un simple contact la met ainsi mal à l'aise. C'est étrange, cela tranche tellement avec sa réaction quand je l'avais caressé sous forme de renard.

"Très franchement, je ne me suis pas posé la question. Les Satyres sont toujours des mâles."

Une fois le brasier dans ma bouche un peu apaisé, je ris avec Renard de ma maladresse. Finalement, je nous sers un peu d'eau juste pour trinquer de ma maladresse avant de me servir de ma viande fraîchement bouillie. Bien meilleure cette fois !

J'écoute ses raisons à notre rendez-vous. Pour un remerciement, il est pour le moins conventionnel... Presque trop pour la créature qui se trouve face à moi. Essaye-t-elle de se fondre dans la masse des hommes, finalement ? Parce qu'un point de vue de Satyre, le remerciement est à peine à côté de la plaque même s'il est très plaisant. Mais d'un point de vue humain, c'est pile poile dans la norme.

"Je t'en prie, tu n'as pas été odieuse ... Enfin si, mais c'était mérité ! Contrairement aux apparences, je ne me fiche absolument pas des animaux ou de la vie sauvage."

Je suis ses mouvements du regard et elle me sort quelque chose de son sac. Un cadeau ? Pour moi ? Je regarde le carnet, un peu éberlué. Mince, c'est la première fois de mon existence que quelqu'un me fait un cadeau, d'ordinaire, si je veux quelque chose, je n'ai qu'à me l'offrir.

D'un étonnement sincère, j'en deviens presque ému.

"Je te remercie. Vous n'étiez pas obligée, l'une comme l'autre."

Après avoir étudié avec attention la couverture, en avoir caressé toutes les aspérités pour me rendre compte du travail de titan qui a été réalisé sous mes doigts, je ne peux m'empêcher de m'interroger sur l'ambivalence de la créature devant moi. Au fond, que recherchent-t-elles dans la vie ? Je sais que je ne suis pas la personne la plus à même de comprendre ces choses compliquées mais j'aimerais savoir.

"J'me sens con maintenant, j'aurais du t'amener quelque chose aussi..." Un dîner et un cadeau ? Je devrais renverser des créatures plus souvent. "En tout cas, ce repas est délicieux, je te remercie de me faire découvrir la cuisine de tes origines, j'aimerais pouvoir te rendre la même."

Je n'ose pas aborder le sujet de ses projets pour le reste de la nuit. Si elle souhaite passer sa soirée en ma compagnie, cela me ferait plaisir. Cependant j'ai peur de la brusquer à présent que je sais qu'elle craint les contacts physique.

Décidément, nous sommes vraiment mal assortit.

You're back !

Je baisse les yeux. A présent, j'entrevois la différence et cela m'attriste un peu. Définitivement, je ne suis pas prêt non plus pour ce genre de relation mais je ne pensais pas qu'un simple contact pouvait mettre la confusion sur mes intentions. Bien vite, mon sourire revient cependant.

"Alors je ne me comporterai que de manière lubrique avec toi, si cela peut te rassurer."

Les Satyres femelles ? Voilà une idée particulièrement intéressante. Si effectivement je n'ai aucune preuve, j'ai cependant la chance d'avoir comme hôte un prêtre qui aime savoir, contrôler, et se renseigner.

"Je ne sais pas si ça existe. Quand une femelle nait de notre espèce, elle est tout autre chose par nature, une autre créature."

Je remercie d'un clin d’œil la prévoyance de Renard. J'accepte avec joie la boisson, la soirée est réellement très agréable. Pendant un moment, je reste dans ses yeux en pleine réflexion pour savoir à quoi nous trinquons.

"Aux créatures étranges ?"

Un animal tel qu'elle ? J'éclate de rire avant de reprendre mon sérieux. Sans doute que personne ne se seraient arrêté, mais moi je suis beaucoup trop curieux pour laisser passer une telle opportunité.

"Si tu restes sous cette forme, je veux bien être contre toi, tout contre, même."

Après plusieurs gorgées de bière, je sens que la gêne s'évapore totalement. Je vais faire en sorte de ne plus laisser ce genre de chose s'installer entre nous à présent.

Faussement méfiant, j'hésite avant de manger le morceau qui m'est offert. De toutes façons, je ne sentirai absolument plus le piment de toute la soirée. A mesure que la soirée avance, je remarque avec amusement que le tas de piments à manger ne descend que très peu.

Bon, il faut que je pose la question à présent.

"Alors, quels sont tes projets pour le reste de la soirée ? Lan serait d'accord pour te laisser à moi encore un peu ?"

You're back !

Comment ose-t-elle me mettre ça sur le dos ?

"Dans le placard ? Quand tu t'y est faufilé avant de m'y attirer à ta suite, puis t'être collée à moi, tu veux dire ?"

Il me semblait bien qu'elle n'y était pas restée totalement indifférente, mes sens ne m'avaient donc pas menti. C'est bon de savoir qu'on peut toujours compter sur un endroit exiguë pour rapprocher physiquement les gens.

Je prend ma boisson avant de mieux expliquer ce qu'il en est de notre espèce. C'est ce que j'en avais compris et je peux toujours me tromper mais il semblerait que je ne sois pas trop loin de la vérité.

"Quand un satyre a un enfant, celui-ci devient soit satyre s'il s'agit d'un mâle, soit une nymphe s'il s'agit d'une femelle. Un peu comme un faon qui deviendra soit cerf soit biche. On va dire que dans la famille, on a un juste un énorme dimorphisme sexuel."

C'est dommage qu'il n'y ait plus de nymphes d'ailleurs, ou du moins, je n'en ai toujours pas croisé. Après, jusqu'à preuve du contraire, je suis le seul Satyre ici bas.

"Aux créatures étranges, aux femelles satyres, et au renards qu'on peut finalement apprivoiser."

Nous trinquons vraiment à la plus étrange des tirades. A sa provocation, je manque de m'étouffer avec la boisson. Décidément, elle est vraiment déroutante cette petite.

"... Mais je ne demande que ça, ma chère."

Mes yeux vont de ses yeux à ses lèvres et déjà je sens ma respiration s’accélérer. Passer la soirée avec moi ? Elle dit ça sur un ton d'évidence et cela me ravit immédiatement. J'hésite à blaguer mais je me ravise.

"Moi ? J'ai bien envie d'être tout contre toi comme je te l'ai dit. Je veux même bien te coucher sans aucun soucis... Cependant, je dois être de retour avant 8h demain matin."

Lan n'est pas simplement plus attirée par les femmes, elle semble surtout détester les hommes. Si elle reste sous l'esprit de Renard, je me demande secrètement comment les deux entités font pour gérer cela.

"Je comprend. Cependant, je peux faire beaucoup de choses sans me servir de mes testicules... Tu as déjà été intime avec un homme avant ?"

Si je dois être une première expérience pour elle, autant que je le sache dès maintenant. Très franchement, je me demande quelle réponse je préfèrerai, d'un côté, notre soirée serait tranquille, de l'autre, elle en deviendrait très intéressante.

You're back !

"Je ne sais pas d'où vient cette disparité mâle et femelle... et je ne pense pas pouvoir le découvrir aujourd'hui."

La soirée se déroule bien. J'arrive à la faire rire et cette petite m'amuse beaucoup. J'espère que cette détente se poursuivra le plus longtemps possible, c'est étrange de passer une soirée ainsi sans être réellement certain de ce qui va arriver par la suite.

Je deviens insouciant tant et si bien que sa question, posée froidement, me fait l'effet d'une gifle. Que... quoi ? Comment je sais quoi ? Si elle a déjà connu l'étreinte avec un homme ? C'est ça qui l'a fige ? Dans quoi je me suis embarqué encore ?

"C'est juste une question, on se détend !"

Soit elle est vierge, soit elle est une fervente pratiquante. J'ai demandé ça juste pour imaginer le reste de la soirée, douce ou pimentée. A moins qu'il y ait autre chose. A-t-elle été abusée ?

"T'es même pas obligée de répondre d'ailleurs. Ça va aller ? Tu m'fais peur. Si j'ai dit quelque chose qui t'a vexé, j'en suis désolé."

Sérieusement ? Provocante comme elle est, elle se paye le luxe de se vexer pour si peu ? J'espère sincèrement qu'il ne s'agit pas de quelque chose de trop grave.

C'est trop tard, elle se referme dans sa coquille comme un escargot à qui on a touché les antennes. Je sens qu'elle m'échappe et pour une fois, je ne comprend sincèrement et absolument pas pourquoi. J'aimerai la toucher, savoir ce qui se passe, n'importe quoi.