Le 18 mars 2018
Elle a trouvé l’annonce sur un babillard.
Une série de numéros de téléphone et de courriels à arracher. Une description ouverte, un peu mystérieuse, qui n’a manqué d’accrocher son regard épuisé. Neve a pris l’un des numéros et l’a fourré dans son sac, sans oser penser qu’un jour, vraiment, elle aurait à l’utiliser. Le papier est resté là, sagement plié en deux, jusqu’à ce qu’il y a quelques jours, elle ose le regarder. Le lire. Et prudemment, composer le numéro de Pyxis Delenikas, détective privée.
Dans un café du mini-village universitaire, avec une vue imprenable sur la baie arrosée de doux rayons de soleil, Neve patiente… bien mal. Anxieusement, surtout. Elle tripote les manches trop longues de son pull, qui couvrent ses mains aux ongles rongés. Des ongles inélégants, qui n’ont rien de ceux soignés, parfaitement vernis, qu’elle portait jusqu’il y a peu. Là, ils ne sont que chair à vif, piquée de blanc et de rouge, cassés en plusieurs endroits, détruits et grignotés au fil des hallucinations visuelles et auditives qui mettent ses nerfs à vif. Toujours un peu plus à chaque jour. («
Si tu as l'impression que, qu'il t'arrive quelque chose qui sorte de l'ordinaire… », murmure la voix de Saraid dans son esprit.)
Elle a besoin de sa mère. Si pas d’elle, au moins de Lia. Elle comprendra, elle saura l’écouter, elle sera présente –
elle l’a élevé. Elle a disparu.
Neve guette les visages de chaque personne qui traverse la rue devant le café, sans qu’aucune susceptible d’être la détective n’entre dans l’établissement. Celui-ci est minuscule, coincé entre deux librairies d’occasion. Quelques étudiants révisent non loin d’elle, d’autres rigolent à voix basse. Elle, elle attend, un thé et un biscuit non entamés sur la table. Elle aurait dû demander à ce qu’elles se rencontrent dans un lieu plus privé. Moins public qu’un café, qu’à chaque personne qui passe à ses côtés, elle ne sursaute pas légèrement.
Au moins, il n’est pas situé au centre-ville d’Arcadia. C’est toujours ça de gagné.
Une femme, seule, entre dans le café. Apparemment à la recherche de quelqu’un. Est-ce celle qu’elle attend ? La musicienne a cherché sur les réseaux sociaux des photos de la détective, jusqu’à tomber sur une bouille mignonne surmontée d’une chevelure brune, qui ressemble suffisamment à ce qu’elle devine devant elle. Neve lève la main, afin d’attirer son attention, puis se lève tout à fait de sa chaise. Décidée à lui faire bonne impression, malgré les cernes qui mangent ses joues. «
Madame Delenikas ? », essaie-t-elle avec prudence.