AccueilAccueil  tumblr  Dernières imagesDernières images  RechercherRechercher  MembresMembres  GroupesGroupes  S'enregistrerS'enregistrer  ConnexionConnexion  
FORUM FERME
Le Deal du moment : -20%
Ecran PC GIGABYTE 28″ LED M28U 4K ( IPS, 1 ms, ...
Voir le deal
399 €

Invité
Anonymous
Da Capo Empty
Da Capo - Mar 26 Juin - 23:18



Un jeudi soir, quelques semaines plus tard,
dans les alentours de 20 heures.

Les mains sur le volant, Alcide mémorise une dernière fois le trajet. D’après les fichiers qu’il a consultés, la demoiselle fréquente (fréquentait) le Thunder Fist trois fois par semaine. Dont jeudi. Ce qui signifie que sa soirée est déblayée, qu’avec un peu de chance, elle n’attend que lui pour la combler.

Sur le siège du mort, tout est là. Les bandes de gaze sont soigneusement enroulées, n’attendent qu’une catastrophe pour être déballées. Fidèle au poste, la bombe lacrymogène somnole dans la poche voisine. Y a aussi une bouteille dont on n’a pas changé l’eau. Elle doit avoir un goût dégueulasse depuis le temps. A ses côtés, des chaussures de ville dont il a noué les lacets en un noeud plat impitoyable. Le reste des babioles jugées superflues sont entassées dans un coin du sac. Mais ce qui occupe toute la place, ce sont ces foutus vêtements. Froissés et pliés de la main d’un cinquantenaire qui n’a jamais touché le moindre fer à repasser. Le lendemain, après un passage sous les aiguilles de la charmante Camille, il est retourné au Thunder Fist comme si de rien n’était. Les affaires de la demoiselle trônaient encore dans le vestiaire. De ce bazar féminin, Alcide ne retient que deux trophées.

1992. C’est ce qu’indique la carte d’identité. Où se trouvait-il en cette glorieuse année ? Probablement avec les gars, à l’armée de terre pour huit ans encore. Tout ce baratin militaire ne lui manque pas. Etre son propre patron, y a que ça de vrai, le reste c’est du pipeau. Mais le patriotisme était une façade ! Il ne s’était pas engagé en son nom, se sentant plus italien qu’amerloque. Suite à la mort de son ami en 1984, Alcide avait dit au revoir à ses centimètres de cheveux, sa femme et leur gamin tout juste sorti de l’oeuf. Pas un remords pour lui scarifier l’ego. Enfin si. Un seul. Celui d’avoir dévoué ces seize années pour un gouvernement défraîchi. Obéir à un drapeau revient à suivre les ordres des politiques, ces beaux parleurs costumés. Ce sont eux qui ont ascendance sur les forces de l’ordre, celles-là même qui ont bouclé le grand-père Salvatore. Un brave type, comme son petit fils. Forgés pour être des hommes de conviction et d’action, non de captivité passive. Foutue police.

Voilà pourquoi Alcide ne tient pas à déposer les papiers au poste le plus proche. Manquerait plus qu’il tombe sur Llewellyn ! Tout sauf ça. Pour éviter une entrevue avec ce faux-frère de Poséidon, il pourrait confier la tâche du rapatriement à un tiers et ne plus jamais en entendre parler. S’octroyer le délicieux luxe de l’oubli. Mais c’est qu’il préfère lui remettre le package en main propre.

Son seul souci, c’est l’adresse. Comme à son habitude, il l’a renseignée à son GPS intégré. Le verdict craché par l’ami TomTom n’était pas très sympa : Delray Hollow ou le quartier bouillant de Costilla. S’enfoncer entre les murs de la Calavera, ou l’entreprise digne d’un abruti. C’est jouer au cadavre dans le désert, les vautours ne tardent jamais. Mais on n’a qu’une vie, et mourir enfoui sous ses propres craintes et interdits, non merci. Alcide est de ces hommes qui n’écoutent que leur désir. Et son désir actuel consiste à mettre les pendules d’Echo Nightingale à l’heure italienne.

Au feu, il tourne sur sa gauche, gare le beau véhicule dont il s’extirpe en un petit saut. Le paysage banlieusard lui fout presque le cafard. Ça pue la misère, qu’il bougonne à lui-même en claquant la portière. D’après TomTom, son rendez-vous galant l’attend à une distance de quinze ruelles, histoire de se perdre... Après s’être heurté à deux impasses, l’immeuble final se découpe enfin : ni fier ni branlant. Moyen-médiocre, à l’image du quartier hispanique. Ce soir, la simplicité - ou la pauvreté - des lieux lui permet d'éviter l'étape “effraction indiscrète”. Il lui suffit d’insérer la bonne clef. Le trousseau, son second trophée. Après lui avoir fait tourner la tête, le hall s’offre à lui. Les boîtes aux lettres lui indiquent vaguement l’étage à explorer.

Escaliers vaincus, porte aisément démasquée. Y a une drôle d'inscription dessus. Nightwatch. La carte d’identité assurait pourtant Nightingale... A quoi joue-t-elle ? En dépit de son foie à peine rétabli, malgré les avertissements brutaux de Maciej Serevo, Alcide fait tourner la clef.

Délicat, il passe sa tête dans l’intervalle, puis son corps tout entier. Il ne craint pas d'être remarqué. Un éclairage sommaire, rien de plus pour l'accueillir. Et quelque chose d'agaçant, comme un bourdonnement. Une satanée TV ? Le don s'avance ; ce qu’il découvre est difficilement descriptible. Un bureau, visiblement. De quelle nature, impossible à dire. Y a des étagères gorgées de bouquins en guise de tapisseries. Une femme de lois ? Impossible que tu sois une psychologue, tu les détestes ces enfoirés. Je me souviens. C'est notre seul point commun. La bibliothèque compte aussi des meubles pourvus de pattes. Alcide s’approche, dépose le sac sur le parquet. A l’aide de ses deux mains, il fait basculer un meuble qui vomit ses dossiers. C’est sa façon de s’annoncer. A présent les quatre fers en l’air, noyée dans ses ouvrages, la bête de savoir ne fait plus la fière. Alcide se penche et saisit la première liasse de papiers à ses pieds. Un nom pour seul titre et pas le temps de lire. Quelqu'un arrive.



Revenir en haut Aller en bas
Invité
Anonymous
Da Capo Empty
Da Capo - Ven 29 Juin - 2:20

Da Capo
Alcide Bellandi ∞ Echo Nightingale

Son appartement mutait, ou plutôt, se couvrait d'une nouvelle peau, faite de livres, de papiers chiffonnés, gribouillés, de tasses vides et d'informations incomplètes. Mais de bouquins, surtout. Il y en avait partout, qui tapissaient le sol, les meubles et son lit en une véritable toile d'araignée du savoir dans laquelle Echo ne cessait de trébucher. Des démons, des dieux, avait statué la belle empoisonneuse, des essences assez gourmandes de vie pour retrouver le chemin de la terre, assez fortes pour prendre possession de votre chair. Des centaines, des milliers. Les mots d'Aislinn ne cessaient de gronder dans sa poitrine ; dès qu'ils se rappelaient à son bon souvenir, son cœur s'emportait à nouveau, surchauffait, brûlait. Parce que, si sa raison ne pouvait complètement se plier à ces fabulations concrètes, son instinct, ses muscles, tout son corps y croyait. Comme si la déesse s'éveillait, enfin ravie qu'on lui accorde un peu de crédit et d'attention.

Je ne suis pas une déesse.
C'est ta raison qui parle, gamine, mais tu as vu cette ensorceleuse, tu as vu ce dont elle était capable, et elle ne mentait pas.


La certitude inébranlable de la O'Reilly n'excluait pas tout mensonge. Elle pouvait vraiment croire en son statut de divinité, en tout ce qu'elle avançait, sans pour autant que ce ne soit une vérité. Encore moins une qui puisse s'appliquer à elle. Je n'ai rien d'une déesse. Il existait bien cette façon inexplicable qu'elle avait d'envoûter les autres, de les plier au poids de sa volonté, mais cela relevait davantage du monstrueux que du registre divin. Mais... et si elle avait raison ?

Elle s'était mise aux recherches, dès son retour de l'Emerald Garden, incapable de fermer l’œil, incapable d'oublier ce dont elle avait été témoin. Son premier réflexe avait été de fouiller ses vieux dossiers, les classés, les sans-suites, tout. Elle avait foutu des jours entiers à la poubelle, le nez penché au-dessus de ses propres notes, au-dessus de centaines de témoignages qu'elle avait recueilli au cours de ces sept dernières années. Les étrangetés mises de côté lui étaient apparues, les propos délirants s'étaient mis à faire sens ; elle avait eu l'impression que des écailles lui tombaient de devant les yeux ; elle avait eu l'étourdissant sentiment de voir pour la première fois de son existence, de comprendre. L'étape suivante l'avait conduite dans les bibliothèques les plus fournies d'Arcadia. Elle en était ressortie avec des tonnes de livres sur la mythologie sous le bras, des essais, des romans, des documentaires vidéos aussi.

Depuis, elle ne sortait plus, ne dormait presque plus, mangeait à peine, plongée au cœur de pages obscures, accompagnée d'internet – wikipédia et deep web inclus – parce que toute source était bonne à lire. Elle avait lu un tas de conneries assez impressionnant, luminosité de l'écran crachée dans les pupilles, et certaines d'entre elles lui restaient probablement dans le crâne car elle venait tout juste de s'effondrer au milieu de livres ouverts, tempe posée sur le clavier de son ordinateur, lorsque les cauchemars prirent d'assaut son subconscient.

Nuages pourpres sur fond noir. Le carnet qu'elle avait trouvé au fond d'une benne, glissée entre les doigts bleus d'un mort. Visage ravagé. Elle se retournait et le feu brûlait, léchant le béton des tours, des maisons, noircissait la peau d'hommes impassibles qui braquaient leurs regards d'ombres sur elle. Au loin, le tonnerre grondait. Elle leur hurlait de courir mais personne n'écoutait. Personne n'écoute. Un éclair tombait devant elle, fracassant la terre et-

Sommeil rompu ; Echo se réveilla en sursaut, le corps saisi de fièvre. Prunelles encore à moitié fermées, elle réajusta son long t-shirt par-dessus ses jambes nues, se frotta le visage de ses paumes et tendit le bras pour saisir le joint qu'elle avait entamé avant de sombrer. Elle l'alluma sans y penser – mécanisme usé – pendant qu'elle se levait. Tira une taffe corsée. Manqua de trébucher dans cinq livres différents avant d'atteindre sa porte. Manqua de trébucher une nouvelle fois sur Attila, qui se prélassait sur le pallier. Releva les yeux lorsque ceux-ci tombèrent sur un étalage de livres qu'elle ne se souvenait pas avoir récemment lus. Lâcha le joint.

Oh. Putain.

Dans sa poitrine, les battements devinrent erratiques. Dans son crâne, les pensées pulsèrent, jaillirent de partout comme un foutu feu d'artifice et la moitié d'entre elles semblaient vouer à la panique. « Bellandi. », lâcha-t-elle dans un murmure rauque, davantage évidence que réelle salutation. La profonde inspiration dont elle gorgea ses poumons calma légèrement la peur sournoise qui s'infiltrait par tous ses pores et elle reprit son chemin, comme si tout était normal. En vérité, elle voulait simplement s'approcher suffisamment de son bureau pour parvenir à mettre la main sur l'arme qu'elle y cachait. Je savais qu'il viendrait. Je suis préparée. Sa conscience cracha un rire mauvais. Préparée à crever, ouais.

« Spasmes musculaires ou envie d'attirer mon attention ? », demanda-t-elle en désignant du menton le meuble renversé qui vomissait ses documents par terre. Ou simple envie de foutre le bordel chez la personne qu'il comptait buter, mais elle tut cette proposition. Pas besoin de lui foutre des idées dans le crâne ; il devait déjà en avoir pléthore. « Il y a d'autres façons pour ça. Toquer à la porte. Passer un coup de fil. », reprit-elle en posant les mains sur son bureau. Ou ne pas venir.

Elle désigna d'une main fébrile le sac – son sac – qu'il avait posé à terre, sourire forcé au pied de biche sur ses lèvres. « Cela dit, merci d'avoir rapporté mes affaires. Je ne vous montre pas la sortie, elle est juste derrière vous. ». Amabilité de surface, les doigts qui brûlent, le flingue tout neuf scotché sous le bureau, à quelques centimètres. Dis non, enfoiré, et je te troue la panse. Encore. Du moins, elle essayerait. Parce qu'elle ne tomberait pas sans combattre.

Code by Silver Lungs
Revenir en haut Aller en bas
Invité
Anonymous
Da Capo Empty
Da Capo - Dim 1 Juil - 13:19



Entre ses clichés sans légende et ses notes griffonnées à l’arrache, le feuillet ne contient rien d’intéressant. Alcide s’attendait à quelque chose de croustillant, peut-être même personnel - à retourner contre elle. Elle qui débarque à peine, la voix comme arrachée d’un mauvais rêve. Pourtant, le cauchemar ne fait que commencer.

« Bellandi. » Dieu qu’il aime qu’on l’apostrophe ainsi ! Il en ronronnerait presque… C’est un coup à se prendre pour feu son père ! Mauvais plan pour qui l’affronte ; entendre son nom ne fait que raviver sa fierté, cette (puérile) conviction d’être la somme de grands hommes. Ça le rengorge de certitude, d’aplomb et de reconnaissance - envers l’olympe, le destin. D’être le fils de “quelqu’un” et non de Johnson ou Miller. Ah, Scipio ! Probablement l’homme de sa vie. Une figure paternelle qu’il est sûr de plaire, ce soir, dans ce loft un peu minable. On lui a toujours répété : si correctement exécuté, le désir de vengeance est une qualité.

« Spasmes musculaires ou envie d'attirer mon attention ? » Bonne question mon oiseau. Quel est mon désir ? Pourquoi t’appâter à grand coup de meuble renversé ? Parce que j’ai envie de te briser les ailes, de t’écraser le bec. De te broyer les pattes et de voir tes yeux sécher au soleil. Si tu es sage, peut-être que ton papa te réparera. Tu sais bien, le chirurgien. Frankenstein aura enfin sa compagne. (Et j’ai aucun problème musculaire.) Mais la tirade n’est qu’intérieure. Sa bouche est scellée et ses yeux baladeurs. Qu’il est bête, ce regard. Qu’il est primaire. Il en a presque honte. Mais il est terriblement nécessaire, insufflé par un instinct qui n’a rien d’humain. Qu’on ne se le cache pas, Alcide a toujours été (un peu trop) sensible face aux attributs féminins. Ce n’est pas son talon d’Achille ou son péché mignon, c’est un besoin qui le ronge. En lui, les séquelles divines s’exacerbent, l’entraînent. Ça tourbillonne gentiment, ça l’aveugle doucement et ça se transforme en gouffre à combler, vite vite ! Et parfois, ça fait mal.

Mal quand l’humain est en désaccord, quand l’humain se démène, ou du moins entreprend un semblant de rébellion. Le divin s’en amuse tant l’opposition est vaine et inhabituelle. Plus vicieux qu’une peur, l’hybris a conquis son coeur. Le confronter relève de l’impossible. Ça se lit sur ses traits contrariés, qu’on en devine ou non la cause, on comprend que quelque chose ne tourne pas rond. Il ne veut pas d’elle, trop de rancune en stock. Mais Zeus, lui, la dévorerait bien à belles dents.

Les pensées de traviole, il décroche ses yeux gourmands de la silhouette gracile. Malgré sa mauvaise mine et son ton cinglant, elle porte presque à merveille le T-shirt trop grand. Lorsqu’il cligne enfin des paupières, il maugrée. « Les bonnes manières… Je croyais que les snobs comme toi savaient recevoir. Par exemple, tu aurais pu t’apprêter, ça t’aurait fait perdre deux ans. Soit pile trente de moins que moi. Bellandi s’y connaît en maquillage. Comme tout gangster qui se respecte, il connaît la chanson, et cinquante ans plus tard, il peut encore réciter la leçon. Si tu souhaites mettre fin à un rival, camoufle son corps dans un décor. Ici, le saccage est sur la bonne voie. Pour simuler un cambriolage, ne reste plus qu’à malmener la serrure, vider les tiroirs et retourner chaque coussin du canapé. Si canapé il y a, dans cet étrange quartier général. On retrouvera la dépouille d’Echo Nightingale comme lui l’a trouvée : les cheveux emmêlés de fatigue et les pupilles délavées. – Là, tu frôles l’indécence. »

Et lui l’impolitesse, il en a conscience, celle-la même qu’il reprochait à Saturno trois jours auparavant. A l’inverse de cet abruti de petit frère, Alcide ne vient pas enfumer le taudis de la Nightingale sous prétexte d’avoir engrossé une pauvre femme avec succès. « Par l’Olympe, couvre-toi ! » Ce n’est pas une supplique et ça n’a rien d’une menace. C’est un ordre serré entre les dents. C’est peut-être un avertissement, c’est peut-être sincère. C’est sûrement bon à prendre, comme le sac de sport qu’il lui fait parvenir d’un coup de pied embêté.

Sans plus de cérémonie, il vient prendre place dans une des chaises qui font face au bureau. Bras croisés, bien tassé contre le dossier, il la dévisage tranquillement, elle et ses cernes. Et il ajoute, amusé par ce qui ne se produira jamais. « Quoique, ce serait peut-être te rendre service. Beaucoup ont cédé : ce n’est pas tous les jours qu’il vous est donné d’enlacer le tonnerre personnifié. Comment refuser à Zeus ce qu’il fait de mieux ? Echo aurait tout pour lui plaire, pour l’ensorceler le temps d’une nuit. Ensuite, place à la lassitude et son ami l’oubli. Besoin comblé, femme écartée, homme revigoré. Mais quelque chose l’empêche de faire corps cette pensée, ça tape tape tape contre son crâne. Se dessine un sourire qui ne laisse paraître aucune dent. Soupir appuyé. – Mais pas ce soir. Avant, tu me dois quelques explications. Tu aurais pu me prévenir que tu es une récurrence, les choses auraient été différentes… J’ai été fair-play avec toi. » En guise de rappel, il désigne la lampe qui pend au-dessus de leurs têtes.



Revenir en haut Aller en bas
Invité
Anonymous
Da Capo Empty
Da Capo - Mar 3 Juil - 0:13

Da Capo
Alcide Bellandi ∞ Echo Nightingale

(www)

Il demeurait muet, retranché dans un silence pesant. Mais sous son crâne, aucune réflexion ne semblait s'emballer, sous sa carne, aucun élan vorace ne semblait l'animer – du moins, pas un meurtrier. Parce que les prunelles ombrageuses du Bellandi, elles ne lui plaisaient pas ; elles parcouraient sa silhouette avec assez d'insistance pour lui ronger les nerfs à vif, elles semblaient s'infiltrer sous les couches de vêtements, sous sa peau, pour la mettre encore un peu plus à nue et Echo exécrait cet instinct crasse qu'elle décelait en lui.

Elle lutta pour ne pas croiser les bras sous sa poitrine, geste mécanique défensif qui n'arrangerait rien. Le t-shirt se soulèverait, dévoilant davantage de la courbe de ses cuisses, et ses doigts s'éloigneraient de leur cible primordiale. Le flingue. Prends-le flingue et fais-lui baisser les yeux. Non ! Pas tant que la situation ne s'envenimait pas, pas tant qu'elle pouvait éviter un deuxième éclat de violence carmine. « Les bonnes manières… Je croyais que les snobs comme toi savaient recevoir. Par exemple, tu aurais pu t’apprêter, ça t’aurait fait perdre deux ans. Là, tu frôles l’indécence. ». Son index se mit à la démanger – presser la détente lui semblait soudain la meilleure idée, alors que les paroles du don réveillaient les braises de sa colère. Il s'infiltrait chez elle, se permettait de foutre le bordel dans un lieu déjà fort mal rangé et, sans que cela ne lui suffise, s'indignait de se tenue, jugeait. Elle eut la brusque envie de retirer son t-shirt, de se foutre à poil et de lui cracher au visage qu'il pouvait bien penser ce qu'il voulait, mais qu'il se trouvait sur son territoire et qu'il respecterait son mode de vie. « Ce qui frôle l'indécence, Bellandi, c'est ton culot. », gronda-t-elle simplement en réponse à ses grognements mécontents. Oubliée la politesse de façade, oubliés les vous, les mercis, le masque de culpabilité ; bienvenue à l'enragée, celle dont il avait précédemment fait la rencontre. Elle ne connaissait pas exactement la teneur des capacités divines de ce mafieux de pacotille, mais ce dont elle restait persuadée, c'était qu'il possédait le pouvoir incroyable d'extirper le pire de sa personne, tout ce qu'elle gardait habituellement sous clefs – plus ou moins. Rancœur. Rage absolue. Besoin de faire mal, de taper fort, là où ça le ferait couiner de douleur et pleurer toute la fragilité qu'il refourguait sous son machisme.

Son peu de réaction – l'herbe tenait probablement une part de cette responsabilité – dut l'agacer prodigieusement, puisqu'il reprit la parole, beuglant comme un taureau furieux. « Par l’Olympe, couvre-toi ! ». Olympe. Pas un mot jeté à la légère, elle devait le retenir si elle voulait comprendre quelle divinité il incarnait. La logique voulait qu'elle y réfléchisse maintenant, mais la raison se noyait sous les sentiments fuligineux que son cœur mitraillait sans discontinu. Echo écarta les bras, largement, silhouette en croix, damnée intenable dont les cuisses se dévoilèrent pleinement, et alors, elle éclata en éclats furieux. « Va te faire foutre, Bellandi ! », cracha-t-elle, « Tu n'as pas d'ordres à donner sous mon toit. Si ma tenue ne correspond pas à tes yeux chastes, t'as qu'à dégager et le problème sera réglé. ». Sa rage ne sembla pas l'affecter outre-mesure, le bougre eut le bon sens de paraître amusé et ses pensées s'égarèrent... J'aurais dû enfoncer le couteau plus loin. Le vider comme du gibier et accrocher sa tête à mon mur, trophée de chasse minable. Elle serra les dents. Faux. De un, imaginer devoir supporter sa trogne arrogante à chacun de ses réveils et ce, jusqu'à la fin de ses jours, la plongeait dans un sentiment d'horreur complète. De deux, il existait des façons plus sournoises de faire tomber un homme – bien plus satisfaisantes que de lui trancher la gorge. Trois, tu n'es pas une meurtrière, gamine.

Pas encore, ajouta la conscience, lorsque le don prit place face à elle avec l'aisance d'un homme qui contrôle les lieux.

« Quoique, ce serait peut-être te rendre service. ». Son crâne ne voulait pas enregistrer cette mesquinerie, ne souhaitait pas vraiment croire qu'il venait de balancer ça. Ce genre de répliques le faisait passer pour un gamin à l'humour de merde piégé dans le corps d'un adulte lubrique. « Mais pas ce soir. Avant, tu me dois quelques explications. Tu aurais pu me prévenir que tu es une récurrence, les choses auraient été différentes… J’ai été fair-play avec toi. ». Cette fois, le rire fusa d'entre ses lèvres, sardonique, amer. De son doigt, il pointa la lampe qui se balançait doucement au-dessus de leurs têtes et l'angoisse se mêla au besoin de cogner. Elle posa à son tour ses fesses sur son fauteuil en cuir, le bureau comme maigre rempart entre leurs deux corps tendus, et posa sagement les mains sur ses genoux. Ses phalanges effleuraient la crosse de son arme, ce qui l'apaisa un peu. « Mettons les choses au clair. », confirma-t-elle, ses yeux chargés d'éclairs défiant les siens. « Ni ce soir, ni jamais. Si jamais l'envie soudaine me prenait de grimper aux rideaux... ». Quelques noms affleurèrent à la surface de son esprit – la délicieuse Sierra, l'ennemi Maciej, Dante, peut-être, s'il fermait la bouche et arrêtait de la bombarder de ses conneries de psy, ce qui, oh ! n'arriverait jamais, bien entendu. Un sourire féroce retroussa ses lèvres, alors qu'elle se penchait sur le bureau. « Je ne demanderais pas à un vieillard lubrique. Donc, c'est moi qui ne te rendrait pas ce service. ». Peut-être que l'idée aurait pu la traverser, avant. La beauté froide du Bellandi n'aurait pas pu échapper à un aveugle ; dommage que sa personnalité gâche un tel charisme.

Echo se renfonça dans son siège. « Et ne me parle pas de fair-play, ce mot sonne grossier dans ta bouche. ». Les vagues colériques redevenus écume mousseuse, Echo pouvait de nouveau parler d'un ton plus posé, expliquer la situation telle qu'elle l'avait vécue le soir-là. Elle doutait qu'il comprenne, mais au moins, elle aurait essayé la solution pacifique. « Des explications, je n'en ai aucune à te donner, mais je vais t'avouer un truc par charité : je ne connaissais même pas le mot récurrence quand je t'ai rencontré. ». Paupières à demi-baissées, elle repensa à tout ce qu'elle avait ignoré avec tant d'assiduité, tout au long de ces années. « Je ne savais même pas qu'il y en avait d'autres comme moi. ». J'étais aveugle. Cependant, les yeux qu'elle braqua de nouveau sur lui, voyaient tout à présent. « Est-ce que cela me donne l'absolution du don ? », demanda-t-elle, plaisanterie teintée de sérieux. Oui, je vois et je ne me laisserai plus surprendre.

Code by Silver Lungs
Revenir en haut Aller en bas
Invité
Anonymous
Da Capo Empty
Da Capo - Lun 9 Juil - 1:28




« Ce qui frôle l'indécence, Bellandi, c'est ton culot. » Il n’a rien à répondre à la vérité de la blonde. Bien sûr qu’il est gonflé, qu’il est un sans-gêne de première, bien sûr qu’elle a raison. L’histoire n’a jamais été écrite par des mecs cloués à leur chaise ! Pourtant, c’est ce qu’il fait à présent. Il est là, tranquillement enfoncé dans ce fauteuil en plastique bon marché, comme le reste de la piaule qui n’attend que de s’effondrer. Ça empeste la modicité et l’animosité. Alcide a conscience qu’il a seulement jeté de l’huile sur le feu ; les véritables hostilités ne débuteront qu’une fois la pomme de la discorde croquée.

Son amusement se traduit par un sourire muet. Ni l’homme ni le divin n’apprécient les scénarios courus d’avance. C’est la résistance, cet entêtement sans faille, qu’ils aiment essuyer - sous la seule condition d’en sortir victorieux. Y a pas meilleur sentiment que de voir l’adversaire se démener et rougir sous l’affront et la provocation. Parce qu’il est comme ça Alcide, passé maître dans l’art de blâmer sans jamais regarder sa propre nature en face. L’impertinence n’a de place que dans sa bouche. Remise en q- quoi ? « Va te faire foutre, Bellandi ! Voilà, c’est ça ! Feule, christ blond ! Etend tes bras que je te cloue à ta croix. Tu n’as pas d'ordres à donner sous mon toit. Si ma tenue ne correspond pas à tes yeux chastes, t’as qu'à dégager et le problème sera réglé. Mais je te prie de ne pas insulter mes yeux. Ils méritent mieux. Tu l’ignores peut-être, mais ils ont vu la guerre, ils ont même fait chavirer des tas d’coeurs de pierre qui se disaient imprenables. Et devine quoi, Eros lui-même a cédé à l’appel. – Fais pas cette gueule, tu perds dix ans. » Et ça c’est hors de question, il en va de mon éthique. “Pas les mineurs !”, stipule le manifeste intérieur.

C’est avec un éclat de rire piquant qu’elle répond à sa suggestion. Dans le même élan, les cuisses sont dissimulées, les mains les rejoignent ; ne reste plus que le buste drapé. Soulagement du don. Voilà qui est mieux. Tu vois, quand tu veux, tu peux.

« Mettons les choses au clair. Placide la fille. Et tendrement incendiaire. Ni ce soir, ni jamais. Si jamais l'envie soudaine me prenait de grimper aux rideaux… Elle se penche sur le bureau et viole le no man’s land. Attention à ta langue, soldat. Le terrain est miné. Les bombes ne vont pas tarder à être larguées. Je ne demanderais pas à un vieillard lubrique. Donc, c'est moi qui ne te rendrait pas ce service. Il l’écorcherait volontiers, ce rictus goguenard, ou mieux, l'agrandirait à coup de verre brisé. Le regard du don étincèle, la fureur s'y glisse comme dans du beurre au soleil. Quiconque est pourvu d’oeil peut y lire un savant mélange d'embarras, d’indignation et… Et puis c’est tout ! Ça suffit ! Putain, j’suis pas encore un cadavre ! Qu’est-ce que vous avez tous à me croire bon pour la casse ? Un demi siècle et voilà qu’on m’enterre ? – Ne jamais dire jamais, Echo. C’est une expression tout droit sortie de la bouche de Scipio Bellandi, et probablement de tous les pères de la planète. Ces braves dispensateurs de la sagesse populaire. Alcide inspire une grande goulée d’air. Mauvaise idée. C’est que ça sent presque le fauve, à moins que ce soit le parfum des classeurs éventrés, ou… ou d’autre chose. Son petit doigt lui dit qu’il ne veut pas savoir ce qui se trame dans cette mansarde. – Et par pitié, ne me fais pas croire que tu vis pour de vrai dans ce chenil. »

Vieillard lubrique, vieillard lubrique, vieillard lub… Son sourire n’est plus qu’amertume, le même qu’on esquisse en croquant un quartier d’orange sanguine. Puis, agréable surprise, le crucifix de chair perd de son aplomb. Le coq se remplume. « (…) Je ne connaissais même pas le mot récurrence quand je t'ai rencontré. Je ne savais même pas qu'il y en avait d'autres comme moi. » Ses mots sonnent comme une confession. Elle n’est sûrement pas un cas isolé ; nombreux sont ceux qui vivent dans l’ignorance ou le déni de cette réalité. Fait étrange puisqu’elle surpasse en tout point la première, celle des mortels bons pour la benne.

Alors, que s’est-il passé pour que tu survives vingt-six ans les yeux bandés ? Tu t’es considérée unique, p'tit génie ? Plus observateur que moqueur, il lâche : « Où est passé ton instinct féminin… » et la boucle lorsqu’elle reprend en illustrant sa demande d’un regard peu plaisant. Continue comme ça et ton absolution sera une crémation à nos frais. Au lieu de quoi il bougonne. « On peut… s’arranger. Et même si ça m’en coûte, je suis prêt à éclairer ta lanterne. Avec la tête que tu tires, on t’a mal renseignée et tout ce que tu récolteras, ce sera trois rides et une paire de cernes. »

Il ne veut pas l’aider, il veut savoir. Savoir quelle divinité il a bien pu cogner en ce doux mois printanier. Il veut savoir à qui il a affaire et ne formule que deux prières. Pourvu qu’elle ne soit pas une déesse grecque. Pourvu qu’elle ne soit pas Héra. Manquerait plus que ça. Ou pire ! Une saleté de récurrence soviétique. « Qui t’a informée ? T’es sûre que tu n’es pas qu’une oracle foireuse ? Ta famille ne t’a rien dit ? Quel genre de famille ne cafte rien à son môme ? Je me disais bien que tu manquais d’éducation. » Il la mitraille, la voix chargée d’incrédulité et d’un soupçon d’agressivité, pour la forme, pour le jeu. La partie ne fait que commencer.



Revenir en haut Aller en bas
Invité
Anonymous
Da Capo Empty
Da Capo - Mar 10 Juil - 22:29

Da Capo
Alcide Bellandi ∞ Echo Nightingale


(www)

La colère, ennemie loyale dont elle supportait la suffocante présence chaque jour depuis sa naissance, s'étouffait, crachotait ses derniers rejets toxiques. Se mourrait lentement sous la carapace d'os et de chair. Bellandi la tuait. Bellandi la remplaçait par une autre, plus incisive, plus insidieuse. Une émotion ressentie une seule fois en vingt-sept années de carnage, et qu'il venait de réussir à raviver sans se démonter.

La haine, cette tendre amie perdue de vue depuis si longtemps, se déversa sur son cœur, goudron noir poisseux sur le muscle palpitant, explosif volage au creux des tripes. Renversa le bon sens, la politesse, le tact et la prudence comme des quilles dans une partie de bowling. Strike. Sauf qu'elle n'avait rien d'une gagnante, qu'elle se contentait de s'enfoncer, de perdre toujours un peu plus. Le contrôle. Son calme. L'idée distincte de s'en tirer en un seul morceau. Sa faculté à ressentir de la peur ou quel que soit le signal que son corps lui envoyait habituellement pour la prévenir qu'elle avait dépassé les limites gentiment tracées par son interlocuteur.

Des limites qu'elle ne voulait plus seulement effacer ou repousser, mais qu'elle désirait exploser à la dynamite pour qu'elles lui pètent aux dents, pour qu'elles arrachent de son visage le rictus qui s'y accrochait comme une moule à son rocher. Je vais te faire bouffer tes limites, Bellandi. Peut-être pas aujourd'hui. Bientôt.

Sauf s'il te jette les tiennes au visage avant, gamine.

Un risque acceptable. Un risque imminent. Parce que dans les orbes foudroyantes du don, elle y lisait la même fièvre, les mêmes pulsions enragées ; et elle s'y abreuvait comme un halluciné se délecterait d'une oasis imaginaire au cœur d'un désert fatidique.

« Ne jamais dire jamais, Echo. ». Un ricanement mesquin grinça dans l'atmosphère électrique. Sans doute. Echo se considérait comme une femme de certitudes, mais Aislinn O'Reilly s'était chargée de démonter à grands coups de mots tous les jamais qu'elle avait eu l'audace de prononcer par le passé, aussi ne se montrait-elle plus sûr de rien à présent. Sauf de ça. De leurs deux corps qui ne se percuteraient jamais, de leurs bouches que rien ne scellerait, de ses mains qu'elle couperait avant qu'elle ne les laisse glisser sur sa peau en caresses voluptueuses. « Je prends le pari. ». À peine un murmure rauque, affirmation plutôt que provocation.

« Et par pitié, ne me fais pas croire que tu vis pour de vrai dans ce chenil. ». Son sourire se para d'angles abrupts, voilé de férocité. « Mieux vaut vivre dans un chenil que dans un abattoir, non ? ». L'innocente question, posée sur le ton d'une fausse curiosité, le non à peine audible qui flotte entre eux ; le message limpide de cette provocation froissait toute subtilité du non-dit. Elle n'ignorait pas la place qu'il occupait au sein de sa mafia, et encore moins les activités menées par ce gang des beaux quartiers. Et la coupure qui commençait seulement à disparaître, trace pâle à son menton, prouvait qu'elle savait de source sûre de quelle façon il réglait ses problèmes au sein de sa faction et en-dehors. Abattoir n'était pas un mot fort, il était le mot juste.

Mais l'aveu jeté devint fausse confidence, appel à la clémence corrompu par le besoin de le voir tomber, de le voir se briser la nuque lors d'une chute dont elle se voulait brusquement l'instigatrice. « Où est passé ton instinct féminin… ». On ne voit que ce qu'on veut bien voir, très cher, et crois-moi, tu ne me verras pas arriver non plus. « On peut… s’arranger. Et même si ça m’en coûte, je suis prêt à éclairer ta lanterne. Avec la tête que tu tires, on t’a mal renseignée et tout ce que tu récolteras, ce sera trois rides et une paire de cernes.  ». Continue à alimenter le feu, à jeter ton huile comme un pyromane cinglé, Bellandi, continue à toiser, à te pavaner. Elle se moquait bien des rides, des cernes, du désordre de ses cheveux, de ses pensées, elle se foutait encore plus de paraître dix ans de plus ou de moins. Et elle pariait que lui aussi, ça ne l'intéressait guère. Elle n'accordait aucun crédit à son élan de bonté ; il découvrirait peut-être la divinité lovée sous ses côtés, mais à quel prix ? Qu'attendait-il vraiment de cette révélation ? D'elle ?

« Qui t’a informée ? T’es sûre que tu n’es pas qu’une oracle foireuse ? Ta famille ne t’a rien dit ? Quel genre de famille ne cafte rien à son môme ? Je me disais bien que tu manquais d’éducation. ». Les pieds de chaise raclèrent le parquet usé. Debout en un rien de temps. Debout, poings serrés, suffocante. Inconsciente. Tu ne gagneras pas un combat contre lui. Ça ne l'empêchait pas de vouloir frapper sa jolie mâchoire avec un pic à glace. Acéré, de préférence. Qu'il l'insulte, qu'il la bouffe, ça ne concernait qu'elle, et la douleur, elle pouvait encaisser. Mais impliquer sa famille ? Cela relevait du personnel, du psychique, des problèmes. « Tu poses beaucoup de questions pour quelqu'un qui est censé tout savoir. », lâcha-t-elle, cinglante, à défaut de se montrer violente. Qui l'avait informée ? Une sublime ensorceleuse, à qui elle devait la clarté, et qu'elle ne mêlerait pas à cette guerre froide d'acharnés. « Je ne dévoile pas mes sources. ». Quant à savoir qui l'avait éduquée... les pires. « Et c'est le genre de famille dans lequel tu as sûrement grandi. ». Riche, superficielle, gangrenée par l'ambition. « Sauf que moi, j'ai eu assez de bon sens pour la fuir plutôt que de m'y laisser pourrir. ». Une conclusion ponctuée d'un sourire amer. Et son corps, soudain incapable de retenir l'impulsion ; penchée en avant, elle posa une main sur le bureau et l'autre sur le poignet du Bellandi. Y planta des ongles rouges pour le simple plaisir. Ordonna fermement : « Debout ! », avant de souffler plus doucement, mesquine : « … demanda l'oracle foireuse. ».

Et l'homme se tenait debout, pas si tout-puissant finalement.
Et la femme le lui prouvait.

Code by Silver Lungs
Revenir en haut Aller en bas
Invité
Anonymous
Da Capo Empty
Da Capo - Mer 11 Juil - 19:28




« Je prends le pari. » Mauvaise idée. Regarde ! Le cheval sur lequel tu mises n’a que trois pattes. Et écoute-toi. Un abattoir ? Ne s’enferme dedans que le fou, le malheureux sourd aux ordres ! Ou l’illuminé qui veut garder ses mains blanches. Ne geins pas si tu provoques, insultes ou défies à tort. Attends-toi à une juste peine, à la monnaie de ta pièce - mais n’oublie pas les intérêts. Ecoute-moi à présent. La mafia est une école : est récompensé celui qui fait un sans-faute et dénonce les cancres et anticipe les ordres.

C’est comme l’armée, Echo. Tu ne connais pas ce monde, j’en suis conscient. L’ignorance de toutes les grandes choses, c’est la tragédie des femmes. Mais comprends bien, le déserteur n’a pas à prier pour un gramme de pitié. Il ne se retourne pas, sinon pour admirer avec effroi la cible peinte sur son dos. En fuyant, il donne l’ordre de tirer. C’est bestial. Mais c’est la guerre, et la guerre, c’est sale. Le sang sous les ongles, la terre dans les dents ! La camaraderie élevée à son plus haut rang ! Non, je plaisante. J’en avais rien à foutre des autres. Ils pouvaient bien crever la gueule ouverte tant que je restais vivant. Tant que j’aboyais mes ordres.

Ici aussi, je gueule. Depuis un piédestal même. Je fais ma loi, quiconque la transgresse ou me tape sur les nerfs en apprend le prix. Nous autres Italiens, nous aimons la propreté. Une balle bien calibrée et c’est plié. Et toi, tu as une cible tatouée sur le front. On pourrait presser la détente mais le spectacle est trop plaisant.

D’un bond furieux, tu te lèves et mon dos reste cloué au dossier. Je frémis, je me tends. Tu pourrais me sauter à la gorge et la taillader de tes dents. Mais tu n’en fais rien, tu préfères pointer l’évidence à force d’accents acérés. « Tu poses beaucoup de questions pour quelqu'un qui est censé tout savoir. Ce ne sont pas mes questions qui m’importent, mais tes réponses. Garder ses indics screts, c’est bien un truc de journaliste. – Reporter en herbe, que je marmonne comme un CD rayé. Sentiment de déjà entendu ? Elle ne lâchera rien. Lutte à armes égales, qu’on pourrait dire. T’as raison Echo. Au fond, on n’est que deux gosses de riches qui s’étripent. Avoir quitté la vie facile ne change rien de tes origines. Même furieuse, tu sonneras toujours posh. – C’est vrai. Dans une autre vie, tu aurais été une soeur à protéger envers et contre tout. Dans celle-ci, tu préfères moisir dans un taudis. » Et moi, je… « Debout ! »

Sa pensée se fige, comme anéantie par un sceau d’eau glacée. Les commandes ne répondent plus, elles sont gelées. Les leviers de la volonté s’inclinent et les cuisses se tendent sous le pantalon bien repassé. Mécanisme des genoux enclenché, bassin qui se décolle de l’assise et le voilà debout, juché sur ses deux pieds. Comme un clebs auquel on apprend un p’tit tour. Quel sera le suivant ? Fais le mort, une révérence, rampe, va chercher ? S’il n’était pas saisi d’effroi, il rougirait.

Mais c’est peut-être le cas. Qui sait, il ne se voit pas. Il ne sent qu’une chose : ses pieds qui ne lui répondent plus, dont la plante adhère fermement au sol. Comme aimantée non par par son désir propre mais parce qu’il le faut. Parce qu’elle l’a exigé. Il n’a pas conscience de ses yeux éberlués, qui trottent sans regarder. Il ne pige pas tout de suite que ses paupières ont manqué quelques battements. FUCK ! Qu’est-ce qu’il s’est passé ?  Coup d’oeil à la blonde terreur. Regard qui descend le long de son bras, s’arrête à cette main aux griffes écarlates. Au risque d’y laisser des parcelles d’ADN, il retire sa paluche avec empressement. Comme s’il venait de caresser des braises dans un moment d’égarement. Et dans sa barbe, il balbutie presque. De rage. « Ne refais plus jamais ça. » C’est probablement vain. Elle arbore la douce expression des gens qui carburent au “non”. Et il déteste ça. Les femmes n’ont rien à lui dire et encore moins à lui ordonner.

Finalement, ses jambes engourdies se décident à battre en retraite. Oh, rien d’impressionnant. L’affaire de quelques centimètres. Le cul ne retrouve pas sa chaise, le dos se fait droit et les poings crépitent. Il lui foutrait bien une belle droite, si ça n’engendrait pas le risque de la toucher. Comme ce que demandait Salducci, l’autre soir. Putain, y a une blinde de gens dont il faut éviter le contact dans Arcadia. Comment leur faire la peau ? Va falloir trouver un autre moyen. Ce n’était même pas son intention, en s’introduisant dans l’appartement. C’état un remontage de bretelles diplomate, pas une invitation à recommencer. « Da Capo, Da Capo, murmure-t-il frénétiquement. » C’est pas du jeu. Tu as changé de morceau.

Da Capo, Da Capo. Toujours ce besoin viscéral, cette urgence de retour au premier acte. Rancune, vengeance et mauvaise foi prennent le pas, écartant humilité et raison. La partition est jouée une seconde fois, on redécouvre les couplets mais le refrain n’en démord pas. Redoutable, il réchauffe le coeur et la mémoire, électrise l’atmosphère et métamorphose la fin du morceau. L’Autre transforme la mélodie à sa façon, les rondes espérées deviennent quadruples-croches effrénées, les soupirs se font la malle et le rythme se dérobe sous nos doigts. Il faut être virtuose pour reprendre le contrôle ; Alcide ne l’est pas. Pas autant qu’il le faudrait en cet instant T. Pas assez pour répliquer avec classe et autorité.

Il se contente de reprendre là où il en était resté. A poser des questions dont elle ne possède peut-être même pas une once de réponse. Zeus s’en fiche, il tonne parce qu’il ne sait que frapper fort. « Qui a fait ça ? » Ça, qu’il désigne comme un bambin au vocabulaire restreint. Ça, ce contact et cette perte de libre arbitre. Cette chose que t’as produit en moi sans crier gare. Ce truc que j’ai accepté sans écouter. Ça me dépasse et ce n’est pas normal. C’est divin. Qui ? et ne me réponds pas “moi”. Réponds-moi en grec ancien.



Revenir en haut Aller en bas
Invité
Anonymous
Da Capo Empty
Da Capo - Dim 22 Juil - 21:21

Da Capo
Alcide Bellandi ∞ Echo Nightingale

(www)

Si Echo devait finir six pieds sous terre avant d'avoir eu le temps de faire tomber Alcide Bellandi, elle pourrait au moins se vanter d'avoir pu lui couper le sifflet, là-haut. Ouvrez grand les portes de ce paradis factice, écoutez bien, Seigneur, je l'ai fait taire. Je l'ai fait ployer et c'était bon. L'Homme, le Patron, l'arrogant Adam qui se persuadait que toutes les Eve étaient façonnées pour satisfaire le moindre de ses besoins viciés... celui qui donnait les ordres, obligé de répondre aux siens. Cette revanche lui procurait une jouissance presque inégalable. Les orbes métalliques s'écarquillèrent, dévalèrent le long de son bras pour retomber sur sa main, fine serre encore agrippée à la carne étrangère. « Tu voulais me rendre service, Bellandi ? Me faire prendre mon pied ? ». Filet mielleux dans la voix rocailleuse ; un sourire cruel releva brièvement un coin de ses lèvres, ombre fugitive pour marquer sa victoire. Sa silhouette se pencha un peu plus par-dessus le bureau, comme si elle comptait révéler un secret au don. « Mission réussie ! », se contenta de souffler Echo du bout des lèvres, haine plantée au fond des yeux, joli ton de conspiratrice pour relever la saveur de ces préliminaires échauffés.

Le bras se rétracta, aussi rapide qu'un cobra en attaque, et le don recula. Brûlé. Empoisonné. « Ne refais plus jamais ça. , cracha-t-il d'une voix enrouée par la rage. Un rire flirta avec ses lèvres. Il ne pouvait tout simplement pas s'en empêcher ; donner des ordres, même dans les instants sur lesquels il n'avait aucune prise. Elle eut presque envie de lui rétorquer et sinon, quoi ? Mais elle savait. Violence au bout des doigts, la brutalité primaire, animale, coulait sous sa peau en un venin constant, et menaçait d'éclabousser sa chair à tout instant. Pourtant, elle ne put s'empêcher de répondre à cette phrase, à cette ultime provocation qui était devenue la goutte d'eau faisant déborder la putain de mer entière. « Dans une autre vie, si j'avais été ta sœur, tu m'aurais méprisée comme tu méprises ton fils. ». Ce rêveur, avait éructé l'homme. Synonyme gentillet pour le qualifier d’incapable, d'inconscient, d'indigne – du moins, aux yeux de son cher papa. « Ou tu m'aurais tué comme tu as disposé de ta femme. », ajouta la bornée. Tout miel avait fondu. Ne restait plus que le froid, la dureté dans sa voix. « Je préfère encore moisir dans un taudis pour le reste de mes jours plutôt que d'appartenir à ta précieuse famille, ne serait-ce qu'une seconde. ». Que sa propre famille ne soit pas un modèle lui importait peu. Fut un temps où elle avait été mieux, bien mieux, et c'est tout ce qui comptait à ses yeux. Bellandi ne pouvait prétendre à cette simple satisfaction, lui.

« Da Capo, Da Capo. ». L'italien pour marquer un temps mort, pour conclure une trêve – aussi brève fut-elle. Peu importe ce que signifiaient ces trois syllabes, il les jetait d'un ton moins revêche. Offre de paix temporaire, parce que monsieur voulait savoir. « Qui a fait ça ? ». Tu veux dire, froisser ta fierté ? Elle ravala le commentaire acerbe, puis haussa un sourcil inquisiteur. « Tu vois quelqu'un d'autre dans cette pièce ? ». Certes, la réflexion moqueuse ne semblait pas une plus sage réponse. Mais elle ne savait pas, et cette ignorance ne lui apportait que frustration, rancœur et animosité. Elle aurait aimé avoir une réponse à apporter, mais elle n'en possédait aucune de satisfaisante. Elle avait écumé la moitié des livres d'Arcadia sur le sujet, la plupart des sites internet fiables parlant de mythologie, et elle n'avait toujours pas avancé d'un iota. Je ne sais pas qui je suis. Et l'admettre à voix haute lui paraissait bien trop intime.

Haussant les épaules pour ignorer le malaise, elle ajouta ; « Peu importe ce que j'ai à l'intérieur de la poitrine, je prends les décisions. ». Bras à nouveau croisés sous sa poitrine, elle le dévisagea avec attention, des orteils jusqu'aux cheveux blonds, en passant par l'aura – linceul voilant la silhouette musculeuse, il lui collait à la peau, et elle s'émerveillait d'avoir été assez bornée pour ne jamais la distinguer auparavant. « Tu peux en dire autant ? », lui demanda-t-elle soudain. Parce qu'elle se souvenait du néon, des étincelles crépitantes, lorsque la colère avait atteint son paroxysme. Alors, qui était en charge chez lui ? L'homme, le dieu ou les deux ?

Code by Silver Lungs
Revenir en haut Aller en bas
Invité
Anonymous
Da Capo Empty
Da Capo - Jeu 26 Juil - 17:48



SHE’S A BUTCHER WITH A SMILE
@ECHO NIGHTINGALE


Ton rauque qui s’amuse à la rhétorique. Voix de pierre qui signale la fin du round n°1. Non, ne sonnez pas encore le cor de la défaite ! Il en faut plus pour abattre Bellandi. Pour coucher son ego et poser le pied dessus.

« Mission réussie ! » Et de la pire manière qui soit. De la plus petite possible. La blonde est satisfaite. C’est simple, son plaisir sabote le sien. Sa fierté se lit dans ses crocs qu’elle arbore derrière ses lèvres insolentes, ses griffes qu’elle rétracte enfin. Comme si la chasse était terminée, la proie à terre, tendons sectionnés. Il ne supporte pas. Il ne supporte pas son air carnassier, son air de j’ai gagné. Une bataille, c’est tout ce qu’elle a remporté. Pas la guerre.

Non, si elle avait été sa soeur, s’ils avaient partagé sang et routine familiale, il l’aurait protégée des gars aux langues baladeuses. Il aurait aussi intimidé les briseurs de coeur notables, les pestes de bac à sable, les patrons qui ne savent pas se tenir. Il aurait fait attention à elle pour une seule et bonne raison : parce qu’on n’abîme pas ce qui lui appartient. Une femme, une soeur, c’est tout comme. Sexe second.  Echo semble emprunter un cheminement de pensée jumeau, car déjà, elle lâche, toute de glace. « Ou tu m'aurais tué comme tu as disposé de ta femme. C’est que l’envie est bien là. Tu la devines, pas vrai ? Tu la vois, tu la dévores à grands coups de sourire noir. L’envie crépite dans mes paumes, dans mes omoplates, à l’arrière de mon crâne. Il grommelle sans faire risette tout en posant son cul sur la chaise. Assez d’être debout. Assez de la satisfaire. Assez de laisser ses piques sans réponse. Continue comme ça et tu la rejoindras. » Foutre le feu au chenil serait facile. Y aurait qu’à exciter l'ampoule et le réseau électrique. L’étincelle jaillirait, se jetterait sur les dossiers éparpillés. Des heures de boulot foutues en l’air et plus de toit sur la tête. Dommage qu’elle n’ait pas de gamin, la misère serait d’autant plus spectaculaire. Mais il se rend à l’évidence ; avec un caractère pareil, difficile de l’imaginer mère.

Il n’a pas besoin d’aide supplémentaire pour cracher sur sa famille. Saturno s’en occupe comme un chef depuis qu’on lui a appris à parler. Et puis, c’est petit, c’est minuscule de s’attaquer à des commérages de bas étage. Elle n’était ni présente ni proche de Frances. Son parti pour les opprimés n’efface pas la réalité : elle n’a jamais échangé un mot avec Vito. Elle parle parle parle mais ne sait rien rien rien. Il a l’impression de faire face à son frère, dont les yeux lancent aussi des éclairs bleus. “Laisse Vito en dehors de tes affaires. T’en as assez fait comme ça.” La formule s’applique à la Nightingale. Alors pour elle, il la refait. Avec un sourire cette fois-ci. « Ne l’imagine pas malheureux. Il fait des efforts en ce moment. »

Et bien sûr qu’ils sont seuls. Enfin, ça reste à vérifier. Ça sent un peu le chien mouillé. Pour qui le prend-elle ? Ah oui, un vieillard lubrique. C’est toujours coincé, quelque part entre les oreilles et la pomme d’Adam. Ils ne sont pas deux mais trois. Elle et sa divinité anonyme, puis lui. « Vivre dans un taudis, se réveiller sans savoir qui tu es... en fait, t’es plutôt facile. » Constat, simple constat. Alcide ne pourrait pas se contenter de ça. Il doit savoir, dans la luxure de l’absolu.

« Peu importe ce que j'ai à l'intérieur de la poitrine, je prends les décisions. » A ses mots et sans tabou, il jette son regard sur ladite poitrine, hélas scellée par une paire de bras. Bien sûr, en cet instant, c’est Zeus qui tient le volant. Mais c’est Alcide qui appuie sur l’accélérateur. La divinité s’est installée en lui comme un second coeur. Si au départ, la cohabitation était plaisante, elle est désormais nécessaire. Il ne lui confiera pas, mais Alcide craint d’être abandonné par son hôte divin. Ce serait comme perdre un hémisphère de son cerveau : il vivrait toujours, mais à moitié. Alcide Bellandi ne peut pas vivre diminué. « Tu ferais mieux de l’écouter plutôt que de jouer à la liberté. Ou tout ça va te dépasser… Je te le prédis. » Et je n’aurais même pas besoin de me salir les mains. Monsieur n’est pas prophète pour un sou. Il n’empêche qu’il n’est pas ignorant en la matière.

Il est familier aux éveils laborieux, a entendu parler des conflits d’identités. Mais aussi à un début de symbiose. Jamais eu l’impression qu’un réincarné agissait comme son hôte l’aurait fait ? « J’en dis que j’ai plus de chances que toi d’en réchapper si cette affaire tourne mal. C’est pas en imitant Péitho que tu t’en sortiras... si tu as fait tes devoirs, tu sais de qui je parle. » Ordonner n’est pas suffisant, la preuve avec César : à trop commander, il en a oublié comment manier une arme.



Revenir en haut Aller en bas
Da Capo -

Revenir en haut Aller en bas
 Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Revenir en haut 
Page 1 sur 1

Sauter vers: