AccueilAccueil  tumblr  Dernières imagesDernières images  RechercherRechercher  MembresMembres  GroupesGroupes  S'enregistrerS'enregistrer  ConnexionConnexion  
FORUM FERME
-45%
Le deal à ne pas rater :
PC Portable LG Gram 17″ Intel Evo Core i7 32 Go /1 To
1099.99 € 1999.99 €
Voir le deal

my bones are laced too tight, my mouth not big enough for prayers (daniil)

 :: abandonnés
Invité
Anonymous
my bones are laced too tight, my mouth not big enough for prayers (daniil) Empty
my bones are laced too tight, my mouth not big enough for prayers (daniil) - Mar 10 Avr - 23:01



 

 

 
MY HANDS ARE HOMELESS

☁️
La lune avait appelé ses enfants. La faim leur labourant la chair alors que leur cœur appelait le sang. Démiurges mineurs, petites brutes des bas quartiers ne connaissant de peurs, ils festoyaient à même le malheur qu’ils semaient le long de leur chemin. Fleurs fanées ne quémandant que des embruns, c’était la corolle tachée par le carmin qu’ils s’ouvraient sous l’ébène les avalant. Buvant du courage liquide au goût de poudrin, c’était la flamboyance d’une jeunesse à qui on ne pouvait rien refuser qui s’avançait sous les rayons opalins d’une mère les contemplant se noyer dans la mer de ces ivresses empoisonnées. La bouche enlaçant le goulot de leur plus triste béquille, ils comblaient le vide par ce trop-plein leur faisant boire la tasse. Un sourire aux lèvres l’éclatant en dedans, le Kvasov portait avec fierté ce noir qui le tuait. Il portait avec grâce l’habit du dévot quand sa chair ne priait d’autre Dieu que sa propre divinité friable sous l’égide de sa jeunesse.
Il n’y avait de douleurs sur laquelle ces louveteaux ne festoyaient. Main armée d’un malheur n’existant qu’à l’ombre du regard, ils se défaisaient de la solennité de ce noir leur enserrant la trachée quand ils n’avaient plus force d’autre chose que de s’enivrer. Enchainant les verres en quémandant l’allégresse d’un oubli salvateur, Grisha était un échoué refusant de rejoindre le rivage pourtant destiné à le sauver. Le cœur consumé par ces démons délitant les méandres de son cerveau, il portait à ses lippes entrouvertes les poisons alimentait le brasier en son âme. Le cœur serré par toutes ces promesses, ces vagues salées lui rongeant la carne, il pouvait sentir le ressac remonter le long de sa trachée quand après bien trop de verres il se déversait sur le pavé. Dégueulant son dégout de l’univers, c’était plié vers l’avant qu’il crachait l’amertume l’esseulant. L’estomac retourné à force de régurgiter cette cigüe qu’il s’administrait avec un soin méticuleux, le gamin était sourd au chant de fraternité de ses frères d’armes. Sourd à leurs éclats de rire grossier alors que la musique s’élevait au milieu de la nuit peinant à masquer leurs remarques ponctuées par les inflexions de leur langue natale. Essuyant du revers de sa manche ses lippes souillées, c’était sous les prunelles désintéressé de ces vaines amitiés qu’il se redressait, ivrognes ne cherchant d’étreintes que celle d’un inconnu capable de leur faire oublier leur solitude l’espace d’une nuit.
Le battant lourd de tous ces mots que le brun n’avait pas prononcés, c’était le silence pour toute vérité qu’il prit la route. Le ressac de la mer en ses bronches le secouant en dedans, le Kvasov titubait plus qu’il n’avançait le long des rues désertées de ce lieu de non-vie en lequel il n’osait s’aventurer. Contemplant ces façades auxquelles il s’était soustrait, disparaissant au petit jour sans n’oser jamais revenir, il n’avait que l’alcool en ses veines pour le garder sur sa voie. La rage en son poitrail le poussant vers l’avant quand il n’était rien de plus que sa folie pour le pointer en cette direction. Échoué rejeté par les flots, c’était l’esprit encore embrumé par les effluves de ces liquides miroitants qu’il s’arrêta devant la porte de son ainé. Le cœur en émoi, la chair rien de plus que le charnier désolé d’années d’égarement qu’il ne pourrait jamais déterrer, Grisha portait à même les prunelles des vérités qu’il n’osait s’avouer. Les poings serrés, les crocs dévoilés pour se donner contenance, c’était avec hésitation qu’il écrasa sa main contre la boiserie de la porte de Daniil. Répétant le geste avec une effronterie de plus en plus impudique, le gamin trouvait jouissance dans cette défiance minime. Le ruskov s’usait les phalanges contre la porte de sa moitié, conscient que ce dernier gardait surement son double des clés toujours au même endroit. Conscient surtout que si cela devait ne plus être le cas il s’ébrècherait.
S’usant le revers de la chair avec une audace pernicieuse, l’animal songea à forcer la serrure quand la porte s’ouvrit sur un Daniil les brumes du sommeil encore agrippé à ses iris. Aveugle au trouble enlaçant son frangin, Grisha se contenta de pousser ce dernier pour s’inviter en cette demeure où il n’était qu’un étranger depuis trop longtemps déjà. Malgré lui, le gamin portait en ses poumons un air vicié qu’aucun mot n’avait la force de traduire. Il avait des palabres par dizaines lui consumant les lèvres et pourtant à l’instant même où celles-ci auraient pu s’affranchir de leur geôle, il n’avait que pour vérité ce silence lui lacérant les côtes. Forcé de contempler les marques du temps, cet amant intraitable s’évaporant entre toutes mains, le jeune homme sentit se nouer ses entrailles alors que le ressac remontait jusqu’à ses lèvres. Ravalant tant bien que mal la bile lui rongeant la bouche, il n’avait plus de sa rage que la rouille lui collant à la peau. Cette aigreur brûlant sa jeunesse par tous les côtés. « Je t’ai appelé tu sais. » Sa voix portait autant ses reproches que son amertume. Les syllabes trainantes peinant à s’échapper hors de ces lèvres endolories. Les yeux posés sur les murs, ce canevas de couleurs ne rappelant au gamin rien de ce qu’il avait connu, Icare était figé en plein vol. Grisha ne savait pas qui du soleil ou de la mer représentait le mieux son frère. Celui qui l’avait décroché du ciel où celui qui finirait par le pousser à se noyer. « Je sais pas ce qu’il te faut, Daniil. Je sais pas ce que t’attends. Mais j’avais besoin de toi. » La voix en éclat, l’aigreur en ses veines portées par ces alcools lui donnant des ailes, le cadet des Kvasov se tourna vers son ainé déchiré entre sa rage et sa tristesse. Les prunelles trop pleines, la bouche trop vide, il exhala péniblement avant d’ajouter : « Pourquoi tu me regardes pas, dis ? Qu’est-ce qu’il y a, t’ose pas contempler ce que je suis devenu ? » Sentant croitre en lui l’animal enivré, cette bête déchirée par sa rage bestiale, le gamin se racla la gorge avant de cracher aux pieds de son frère. Sa voix plus qu’un souffle désincarné quand il jura en leur langue maternelle : « Tu mériterais que je te casse la gueule. »



I KEEP TRYING TO GET OUT OF A CAGE

THEY KEEP TELLING ME I'M NOT REALLY IN
©️ SIAL ; icon tumblr


 
Revenir en haut Aller en bas
Invité
Anonymous
my bones are laced too tight, my mouth not big enough for prayers (daniil) Empty
my bones are laced too tight, my mouth not big enough for prayers (daniil) - Jeu 12 Avr - 18:19



 I'm sorry



Le soleil se couche sur la ville alors que Daniil regarde l’écran animé de sa télévision. Il ne voit pas vraiment les images. Elles défilent, ses yeux les voient, mais son cerveau ne les analyse pas. Il y a la guerre en Syrie, une crise politique en Italie, un contrôle plus serré des populations en Chine, la lutte contre la corruption au Mexique. Ça lui parait loin, tellement loin. Ça lui parait hors de son monde alors qu’ici, tout ne tourne qu’autour des dieux, des trafics et des morts. Tout son univers est articulé autour des runes depuis neuf ans. Et cela fait bien plus d’années que Daniil a l’impression de ne pas faire partie du reste du monde, comme si Arcadia en était coupée.
Il ne sait pas de quoi parle le reportage. Il s’en fiche dans le fond, de cette télévision. Il ne l’utilise que pour se donner l’impression d’être normal, de se préoccuper de ce qui devrait être ses inquiétudes. Ses soucis pourtant, ce n’est pas le conflit latent entre Russie et États-Unis, ce n’est pas la manière dont l’extrême droite gagne en puissance, ce n’est pas la fin des ressources pétrolières. Ses soucis sont bien plus personnels. Sa survie immédiate au sein de la Bratva alors qu’il n’a qu’une envie, la quitter, pèse bien plus dans son esprit que n’importe quelle crise économique.
Il éteint la télévision et le silence se fait retentissant, presque pesant. Il se souvient qu’il l’a aussi prise pour ça, pour combler un vide. L’appartement est silencieux, comme mort. Il n’y a pas de vie, de rires, de joies et de peines. Ce n’est qu’un lieu pour manger et dormir, vomir ses tripes en paix quand les runes ont été rudes.
Il hésite à sortir. Il n’en a pas envie. Ce soir il ne veut pas parler et sourire, il a envie de dormir et d’oublier le temps d’un repos ses problèmes et inquiétudes. Il veut oublier le souvenir de son écran de téléphone.
« Un correspondant a essayé de vous joindre sans laisser de message ».
Il a failli rappeler Grisha deux fois. Deux fois quelque chose l’en a empêché. Une colère sourde envers lui-même, la peur de ne pas trouver les bons mots, la hantise de voir son frère en train de couler. Plus que tout, il a peur de la haine de Grisha. C’est ça son plus grand cauchemar. Que son frère le haïsse autant que lui-même déteste la Bratva. Que sa moitié ne puisse pas le regarder avec autre chose que de la colère et une envie de le frapper.
Il sait pourtant qu’il est à l’origine de ce sentiment. Quelque part, sans le voir, il a foiré, lamentablement. Il n’a pas réussi à préserver son frère, à lui donner la vie dont il rêvait. Il n’a pas réussi. Il n’a rien réussi.
Il met des heures avant de trouver le sommeil, la lune est présente dans le ciel étoilé depuis longtemps.

Il met du temps à comprendre que les coups qu’il entend ne font pas partie de son rêve. Il s’extirpe difficilement des draps, regarde l’heure et se passe la main dans les cheveux. Il est trop tôt ou trop tard, c’est une heure bâtarde.
Quand la porte s’ouvre, il croit qu’il rêve encore, mais que son songe se transforme en cauchemar. Grisha est sur le pas de la porte, dans un état aussi présentable que lui. Il n’a le temps de rien dire, son cadet s’invite brutalement alors que Daniil ferme la porte, que ses pensées s’éclaircissent et qu’une boule d’appréhension vient alourdir son ventre. Il suffit de voir le regard du Kvasov et sa démarche pour savoir que l’alcool coule dans ses veines.
La voix de Grisha lui fait mal, physiquement mal. Il a envie de reculer, de sortir, de se soustraire aux reproches qui arrivent en galopant. Pour la première fois de sa vie, il ne veut pas regarder son frère.
- Je sais pas ce qu’il te faut, Daniil. Je sais pas ce que t’attends. Mais j’avais besoin de toi.
Il n’attend rien. Il attend le pire. Il est mort de peur. Il ne peut pas dire ça à Grisha. Il ne peut pas dire que s’il l’abandonne, s’il n’est pas capable de lui faire face, c’est pour ne pas voir l’échec de sa vie. Pour ne pas voir à quel point il a saigné sa liberté pour rien. La vérité est douloureuse et sortant de la bouche de son frère, elle le fait trembler doucement.
- Pourquoi tu me regardes pas, dis ? Qu’est-ce qu’il y a, t’ose pas contempler ce que je suis devenu ?
Grisha, sans même peut-être le savoir, a mis le mot sur le problème. Daniil ne lève pas les yeux pour autant alors qu’une nouvelle fois, il regarde un objet sans le voir. Les paroles du brun sont claires bien que sa voix porte les conséquences d’une soirée trop arrosée. L’aîné ne sait pas si l’alcool fait dire à son frère des choses qu’il ne pense pas ou s’il ne fait que libérer sa langue.
Cette question est effacée quand Grisha lui crache aux pieds. Daniil contemple la chose une seconde alors qu’une sensation nouvelle arrive. La colère. Celle sourde de l’impuissance, celle sourde de celui qui voit le but de sa vie lui dire en face qu’il aurait pu se tirer la balle qu’il a failli se coller dans la tête à vingt ans, que ça n’aurait pas eu de conséquence, que la vie aurait continué sans que ça ne dérange personne.
- Tu mériterais que je te casse la gueule.
- Tais toi.
L’ordre claque, sec. Ça fait longtemps qu’il n’en a pas lancé à Grisha, des années. Depuis que son frère a, à son tour, vendu son âme au même monstre qui a bouffé la sienne. Il a envie de dire qu’il n’a besoin de personne pour se fustiger, pour se rappeler tous les jours qu’il est spectateur de sa vie. Il n’a besoin de personne pour lui dire qu’il a merdé.
- Ne me dis pas. Ne le dis plus jamais. Tu ne pourras jamais me faire aussi mal que ce j’arrive à me faire.
Ses yeux rencontrent enfin ceux de son frère et ce qu’il y voit lui crève le cœur.
- Je suis désolé. J’aurai dû décrocher.
Bien sûr qu’il le sait, mais entre savoir et pouvoir, il y a un monde.
- Mais …
Il regarde son frère et la tendresse revient. Cet homme est sa faiblesse, celui pour qui il a donné sa vie, celui pour qui il la donnera sans doute encore. La colère se calme doucement alors qu’il contemple les traits de son frère qu’il ne peut s’empêcher d’aimer malgré les mots qui sont sortis de ces lèvres, malgré ce ton venimeux, ses yeux froids et embrumés par l’alcool.
- Ça me tue de savoir que je n’ai pas pu te donner la vie que tu voulais.
Que je voulais.


© TITANIA


Spoiler:
Revenir en haut Aller en bas
Invité
Anonymous
my bones are laced too tight, my mouth not big enough for prayers (daniil) Empty
my bones are laced too tight, my mouth not big enough for prayers (daniil) - Lun 16 Avr - 14:28



 

 

 
MY HANDS ARE HOMELESS

☁️
La bête des ombres dégueulait sa rancœur à même les pavés, crachant son fiel à tout instant de clarté comme si à s’enfoncer dans les abysses il allait finir par se retrouver. Juste là, à l’abri du soleil, pour tout toit la violence de l’ébène dégoulinant de ses doigts, ses mains brisées portant l’écho des horreurs qu’il avait posées. C’était l’alcool qui alimentait ses veines, les embruns en son système dégoulinant le long de ses lippes entrouvertes quand il ne savait même plus quels maux consommer dans l’espoir de se sentir entier. Vivant. Se sentir conscient de l’univers croissant en sa carne, le désordre de ce chaos s’étant fait tourment depuis déjà trop d’années. Ce soir, le gamin était souffrance. La plaie suintant le pus qu’il avait gardé en lui trop longuement. Parce qu’il était blessure, parce que c’était tout ce qu’il lui restait. Parce que s’il finissait par se soigner il ne saurait plus qui il était. Alors, fieffé idiot s’usant les semelles à même les dalles de sa cité, Grisha n’avait plus de divin que cette chute. Icare de pacotille maudissant le ciel, il sentait la mer l’avaler et pourtant n’avait pas la force de lutter contre la froideur de son étreinte.
Un filament de sueur froide lui recouvrant l’épiderme, c’était les prunelles délitées par la folie et les lèvres s’abandonnant à la rancœur qu’il était entré chez son frère. Tant d’instants passés à s’éviter, des soirées sans saveur à tromper le malheur en espérant ne plus être dans la nécessité. Tant d’oboles abandonnées à des Dieux ne les écoutant pas, priant les disparus plus de cent fois que rien ne change, que se tarissent les flots de leur souffrance. Clébard grondant par habitude, luttant contre le silence à coup d’hurlements destinés au monde, mais principalement à lui-même, le Kvasov frappait sans réfléchir. Sans se soucier des plaies qu’il abandonnait le long de tout ce qu’il touchait. De sa propre peau au regard de son frère. Ces portes ouvertes sur toutes les blessures qu’il n’avait jamais pu admettre. Il était comme ça Daniil, pauvre condamné forcé de porter sa croix sans jamais trouver la force de se plaindre de sa situation. Il se contentait d’assumer les coups, suturer les plaies et rapiécer les morceaux porteurs d’espoirs que son cadet enviait autant qu’il les méprisait. Les babines retroussées, le gamin rongeait sa propre chair, bête affamée n’ayant plus d’énergie que de mettre fin à de tristes prières inespérées. Son frère n’avait pas la force de le contempler, incapable d’assumer cette folie lui délitant l’encéphale, ce mal l’érodant en dedans sans qu’il ne sache comment l’atteindre. Le regard fuyant, ses prunelles se refusant la contemplation du spectacle, Daniil peinait à observer l’animal saignant sur son plancher. Les griffes en son thorax lacéraient les parois de sa prison et Grisha implorait en silence que son ainé lui donne une raison. Quelle qu’elle fût. N’importe quoi pour justifier cette distance entre eux, ce silence qui le tuait alors que déjà son propre esprit s’attelait durement à la tâche.
Grondant plus que de raison, se perdant au feu d’une passion lui labourant les hanches, d’une haine qu’il ne portait qu’à lui-même, le cadet Kvasov se consumait aux pieds de son frère avec toute la virulence qu’il lui restait. Soldat de plomb refusant de s’éteindre au silence des combats, il poussait un cri à l’aide que sa moitié ne pouvait ignorer. Un son qui s’échappa de sa cage thoracique sans qu’il n’en reconnaisse l’appartenance, sa langue maternelle s’écoulant de ses lèvres sans même plus qu’il ne trouve de douceur aux rémanences violentées de leurs origines.
Cela faisait longtemps, trop longtemps que Grisha n’avait plus entendu sa voix autrement que dans les sons mâchés par son répondeur. Les inflexions de ces mots s’échappant de sa bouche de tristes inconnues pour celui n’ayant plus vu son frère trop longuement déjà. Figé en plein vol, gamin goûtant le bitume, il sentait la chair s’ouvrir au gré du tarmac et pourtant il restait là, figé. Poupée de cire perdue dans cet appartement qu’il ne connaissait pas, le mobilier, les odeurs, la vie en ces murs le faisaient étranger du seul foyer qu’il lui restait. Serrant les crocs, incapables de ne pas retrousser ses babines en une violence qu’il ne pouvait contenir en lui, le feu emplissait les prunelles du cadet alors qu’il contemplait son ainé peur et soulagement le déchirant. Daniil parlait et pour la première fois son frère l’écoutait. L’alcool ankylosant ses membres, ses pensées passées sous silence au brûlant des liquides ambrés, il écoutait son ainé dévoiler ses plaies pour la première fois. Le précieux Kvasov montrait les crocs et, pauvre bête souffrant sa misère, Grisha trouvait satisfaction à savoir qu’il n’était pas le seul à être misérable dans cette histoire. Il se sentait soulagé de ne pas être l’unique raclure en cette famille, gamin paumé une fois ses parents partis en fumée. Gamin perdu de ne savoir où aller quand tout ce qu’il connaissait c’était la fièvre de la rue. Les poings serrés, le silence pour triste amante, il buvait difficilement la cigüe, avalant avec regrets les mots de son ainé. C’était sa rage qui s’effilochait, les feux de forêt en ses bronches qui s’éteignaient au plus Daniil avouait, dévoilait les cicatrices que leur vie lui avait laissées, ces plaies qu’ils n’avaient jamais osé aborder.
Doux soigneur s’attelant autour de la blessure, Grisha pouvait sentir son opposé s’atteler à recoudre les morceaux, suturer les lésions que le temps leur avait laissées. Le poitrail recouvert d’ecchymoses, les meurtrissures du silence teintant sa peau des oboles de son ciel, le gamin se noyait à boire l’azur. Le regard vitreux, guerrier défait par la lutte, c’était la rage qui dégoulinait encore de ses traits quand bien même il n’avait plus que les braises de ses flammes pour l’animer. Baissant les yeux, s’étouffant sur la honte lui emplissant la trachée, il sentait en lui s’agiter les maux qu’aucun des deux n’osait toucher. Il sentait s’agiter en lui les restes fumants de toute cette haine qu’il portait à eux deux sans distinctions. « J’en ai rien à foutre ! » Sa flamboyance avait perdue de son ampleur, ses mots piètres grondement d’un gamin supportant difficilement sa douleur. Il mordait parce qu’il ne lui restait rien d’autre sans cela. Il mordait Grisha parce qu’il ne savait plus comment se jeter dans les bras de son frère. Quémandant de son ainé de le rassurer en arrachant les ombres à son crâne, dénouant les nuages emmêlés le long de la voute de ses rêves pour que tout fasse sens encore. « Je veux pas de tes excuses à la con ou de tes regrets ! J’ai bien assez de regrets pour deux alors commence pas. » La démarche cadencé, ses guibolles bien piètre soutien pour ce corps tanguant dangereusement, le Kvasov s’approchait de son ainé un doigt tendu vers ce dernier en l’ersatz d’une menace un peu trop imbibée d’alcool. « J’ai pas besoin de ça, j’ai besoin de mon frère. D’accord ? J’ai jamais arrêté d’avoir besoin de toi. » La rage se faisait tourment alors que l’enfant buvait la tasse, la tristesse lui emplissant les poumons sans qu’il ne puisse retrouver la force de respirer. « Je suis en vrac, Daniil. J’rime à rien. » Titubant en arrière, Grisha bouscula un meuble avant de se laisser tomber dans le canapé. Il avait mal de ses mots, mal de ce silence les tuant et qui le tuait de rompre. Il avait mal de tout ces maux qu’il ne savait plus comment porter. Surtout, il avait mal de s’être échoué le long des rives de son frère d’âme, rien de plus qu’une épave dont il lui fallait encore s’occuper.


I KEEP TRYING TO GET OUT OF A CAGE

THEY KEEP TELLING ME I'M NOT REALLY IN
©️ SIAL ; icon tumblr


 
Revenir en haut Aller en bas
Invité
Anonymous
my bones are laced too tight, my mouth not big enough for prayers (daniil) Empty
my bones are laced too tight, my mouth not big enough for prayers (daniil) - Mer 25 Avr - 18:19



 I'm sorry



- J’en ai rien à foutre !
Daniil est coupé dans son élan, en plein vol. Il atterrit lourdement, à moitié sonné alors que les mots deviennent inutiles. Pendant une seconde il contemple son frère qui lui crache au visage ses remords. Daniil a comme un goût de bile qui lui monte dans la bouche. Il a envie de vomir et de rire, d’ordonner une nouvelle fois à Grisha de se taire. Parce qu’il ne voit pas de remords sur le visage de son frère. Il ne voit pas de regrets sur sa figure d’enfant, il ne voit pas de repentirs sur son corps angélique. Il ne voit pas ce poids lourd sur ses épaules, cette étoile éteinte dans ses yeux. Il ne voit que la colère et la haine. Et ces mots que Grisha vient de dire, c’est comme s’il avait fini le lui planter une lame dans le cœur. A cet instant, Daniil le déteste, lui en veut. Il détourne une nouvelle fois le regard et tout son corps. Il présente son don à son cadet, comme un refus d’entendre de nouveaux accablements. Il refuse de voir Grisha lui dire qu’il s’en veut parce que visiblement, il ne sait pas ce que c’est. Il ne sait pas ce que ça fait de ne pas en dormir la nuit, il ne sait pas ce que ça fait quand ça lui bouffe le cœur et les pensées, quand ça lui remplit la tête, quand ça ne veut pas sortir, quand c’est tellement fort que la promesse de la délivrance de la mort devient douce. Il ne sait pas ce que ça fait d’être appelé à toutes heures par la Bratva, de devoir tracer soi-même les runes qui condamneront une nouvelle personne. Il ne sait pas ce que ça fait de voir le présent et le futur, de deviner l’avenir, de dire les noms, de voir les tueurs partir. Il ne sait pas ce que ça fait de rentrer chez soi après ça, d’avoir les mains tremblantes au point de ne pas pouvoir ouvrir la porte de chez soi, de devoir attendre de se calmer sur les marches des escaliers et de ne recueillir d’un regard de pitié de la part d’un voisin. Il ne sait pas ce que ça fait de devoir se lever le lendemain, de savoir que ça va recommencer, de devoir sourire aux gamins, de repartir avec l’espoir que ça se calmera peut-être et de tout voir anéanti au prochain coup de téléphone. Grisha ne sait pas.
Au lieu de ça, il vient le réveiller en pleine nuit, il lui assène au visage ces mots sanglants, il lui dit qu’il s’en veut.
Les mots de Grisha ne calment pas la tempête sous le crâne de son frère. Ce dernier finit par se retourner et ne fait face qu’au poing levé du jeune Russe. Les fois où Daniil n’a pas voulu prendre Grisha dans ses bras se comptent sur les doigts d’une main. Il peut en rajouter un à cet instant.
- J’ai pas besoin de ça, j’ai besoin de mon frère. D’accord ? J’ai jamais arrêté d’avoir besoin de toi.
Ho, Grisha ... Quand en sont-ils arrivés là ? Quand ont-ils arrêté de se comprendre à ce point ? Quand est-ce que son cadet est devenu cet homme ivre sur sa porte, qui a besoin d’aide, mais qui ne trouve pas ses mots, qui les crache et qui les siffle, amer ? Et lui, quand est-il devenu ce frère qui est incapable de décrocher quand le numéro du Kvasov s’affiche, étouffé sous le poids des souvenirs inutiles, sous la vision d’un futur qu’il a abandonné ?
Grisha vient s’échouer sur le canapé.
- Je suis en vrac, Daniil. J’rime à rien.
Daniil ne répond pas. Il va dans la petite cuisine, occupe ses mains en préparant du café soluble, pas le meilleur, mais le plus rapide. Il fait du bruit, essaie de combler ce silence pesant. Il revient dans le salon deux minutes plus tard. Les mots lui manquent aussi finalement.
Il finit par s’asseoir sur le canapé et regarde Grisha. Son frère et des fois, quand il est obligé de porter les vestiges de son père, son fils. Il regarde l’homme et le geste revient, naturel et tendre. Sa main vient se glisser derrière la nuque du brun alors qu’il l’invite à glisser son front contre sa propre épaule. Les doigts de l’ainé frôlent les mèches douces du cadet. Il ne joue pas avec elles, comme il l’aurait fait il y a des années. Cette simple étreinte lui parait déjà lourde de sens et presque trop vive pour l’instant.
- Je suis là.
Il le répète doucement, comme un murmure, comme une parole que seul Grisha pourrait entendre. Les mêmes mots qu'il prononçait quand Grisha, petit, se réveillait en plein cauchemar.
- Tu es mon frère, tu ne peux pas rimer à rien.
Il sourit à ce dernier en le relevant, chasse une mèche qui lui tombe devant les yeux. Il ne lui tend pas de tasse, n’en prend pas non plus. Ce n’était qu’un prétexte pour trouver la bonne chose à dire en ne faisant pas face à Grisha.
- Je suis toujours ton frère.
Et moi aussi j’ai des remords, mais tu ne veux pas les écouter. Il ne lui dit pas ça. Comment en vouloir à sa moitié de ne pas pouvoir porter un poids déjà trop lourd ? Pourtant, se serait mentir que de dire que Daniil s’en fout. Ça le blesse aussi, de savoir qu’il est seul pour porter sa croix. Que lui ne peut pas aller sonner chez Grisha à une heure indécente pour lui dire qu’il n’est pas là pour lui. Ça lui fait mal, mais il le sait depuis des années qu’il devra porter leurs chagrins pour deux. Il est né pour ça, son père l’a éduqué dans ce seul objectif. Il n’a jamais été permis à Grisha de voir les plaies de son frère, jamais. Que ce soit celles laissées par son père, par la Bratva ou par lui-même. Il est seul pour les recoudre et les guérir.
- Je suis là d’accord ? Qu’est-ce qui se passe ?
Il ne sait pas vraiment à quoi s’attendre. Il ne sait pas si Grisha va lui rire au nez, lui sortir un mensonge bien ficelé ou tout déballer. Il s’en fiche, il veut une perche, quelque chose pour se raccrocher à son frère, à leur lien perdu. Il veut l’aider, mais sans se couler lui-même. Il veut lui dire, à propos de la Bratva, de son don, de ses efforts, de ses sacrifices. Mais comme Grisha l’a si bien dit, il n’en a pas le droit.

© TITANIA
Revenir en haut Aller en bas
my bones are laced too tight, my mouth not big enough for prayers (daniil) -

Revenir en haut Aller en bas

my bones are laced too tight, my mouth not big enough for prayers (daniil)

 :: abandonnés
 Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Revenir en haut 
Page 1 sur 1
 Sujets similaires
-
» A moment out of time (Daniil)
» You've got a big mouth, so shut it up ~ Artyom
» I can’t seem to fit all of this despair back into my own mouth
» drabble - (alead) shut your filthy mouth
» I'm frozen to the bones

Sauter vers: