Amna n'a pas appelé Requin. Elle s'en fout, pourquoi elle appellerait. Ils en avaient fait une habitude de leurs vendredi soirs, toutes les semaines, toujours libres l'un pour l'autre comme un rendez-vous permanent dans leurs agendas. Sauf qu'elle n'a pas d'agenda Amna, elle vit au jour le jour, elle n'a rien de stable dans sa vie, rien de permanent. À part Requin. Lui, elle n'a jamais failli à lui envoyer un message quand ce n'était pas lui qui le faisait, jamais failli à le rappeler, jamais failli à revenir, beaucoup de fois, trop de fois, une fois de trop surtout.

Elle vit mal son égo blessé Amna et elle vit encore plus mal le fait qu'il n'y ait pas eu que sa fierté de touchée la dernière fois qu'ils se sont vus, devant l'indifférence de Requin en la trouvant prête à partir sans un merci et l'envie de s'excuser qui l'étouffait presque elle alors qu'elle ne s'excuse jamais. Requin était devenu une habitude indécente et en même temps quelque chose qui bousculait toutes les siennes, tout ce qu'elle aime dans sa vie pas rangée, bordélique, au rythme infernal et sans attache jamais, parce qu'elle sait à quoi ça mène ces choses-là. Elle sait que c'est dangereux l'aise qu'elle ressent chez lui avec lui, dangereux le fait d'avoir pensé à lui quand elle s'est retrouvée sans nul part où aller, dangereux le fait d'être restée même avec sa gêne, de l'avoir embrassé trop doucement, d'avoir été si bien dans ses bras, dangereux ce qu'elle a ressenti face à lui le dimanche matin. Alors Amna a fuit le danger sans même un au revoir et elle n'a pas rappelé, ni la semaine suivante, ni celle d'après, passant deux vendredi misérables au comptoir d'un bar quelconque, la chaleur de l'alcool remplissant temporairement le vide des bras de Requin autour d'elle. Pas grave. Elle s'en remettra. C'est juste parce que c'était un bon coup, rien d'autre. C'est juste l'habitude qui a du mal à se départir, rien d'autre. Et elle en a d'autres des numéros qu'elle appelle pêle-mêle les autres jours de la semaine et lui aussi sans aucun doute, elle n'a pas besoin de Requin. Et il n'a pas besoin d'elle.

Et puis le jeudi, à la lisière des trois semaines depuis le samedi maudit où elle est revenue, où elle s'est laissée être vulnérable, où elle est parti coléreuse et le cœur tremblant, ses doigts s'arrêtent naturellement sur son nom dans son répertoire: Sharkie. Elle aurait du le supprimer comme elle l'a fait avec littéralement tous les autres amants qu'elle a décidé de ne plus visiter, comme ça, du jour au lendemain. Mais elle ne l'a pas fait et maintenant son pouce a désespérément envie de cliquer sur son contact, d'appeler, d'envoyer un message, de voir si lui il l'a toujours enregistrée dans son téléphone, s'il lui répondrait, s'il viendrait. Après le shot de tequila que lui offre la barmaid, ça devient comme un défi personnel. I'm at the whispers care to join? On est jeudi il devrait dire non. Il doit être occupé le jeudi. Il travaille le lendemain en plus. Il est sérieux Requin. On est jeudi, il va dire non et elle va pouvoir effacer son numéro et faire comme s'il n'avait jamais existé. Elle a juste besoin de ça, qu'il dise non et elle l'oubliera aussitôt et répondra aux avances de la serveuse ou bien d'un des hommes qui la guette de loin. Elle a envie qu'il dise oui. Qu'il vienne la retrouver et s'asseye au bar avec elle, boive un verre, qu'elle se moque de ses lunettes et qu'il lui offre un de ses jolis sourires, qu'il la ramène chez lui. Et pour ça, elle regrette le message aussitôt qu'il est envoyé, incapable pourtant de quitter l'écran des yeux, de ne pas guetter les trois points de suspension indiquant qu'il répond avec quelque chose qui ressemble à de l'espoir dans la poitrine. Elle se hait.

I'm at the whispers care to join? Requin se déteste. C'est un jeudi. Et il devrait lui dire ça: on est jeudi. Pas vendredi. Il n'a pas le temps. Il travaille le lendemain. Et il aime bien sa petite routine, Requin, il la respecte scrupuleusement. Et puis de toutes façons, il a rendez-vous avec Trayvon ce soir. Et il aime bien Trayvon, il est gentil et puis il ne le laisse jamais pas en plan sans lui envoyer de messages pendant deux semaines. Requin sait que lui aussi aurait dû lui envoyer un message, ou l'appeler, mais il ne l'a pas fait parce qu'elle est partie sans dire au revoir, sans rien laisser derrière elle, elle n'a même pas pris son t-shirt avec elle. Et Requin était... vexé. Énervé. Et il s'est promis de ne pas l'appeler. De ne même plus penser à elle.
Alors pourquoi est-il en train d'envoyer un message piteux à Trayvon pour annuler rapidement leur dîner ce soir (qui se serait transformé en quelque chose d'autre et ils le savent très bien tous les deux)? Pourquoi est-il en train de se changer à la va-vite chez lui après être rentré chez lui un peu plus tôt que prévu, courant presque sur le chemin du retour. Sure est sa seule réponse et il doit se mordre littéralement les pouces pour s'empêcher de l'envoyer trop rapidement, il attend une bonne dizaine de minutes avant d'appuyer sur le bouton (that'll teach her!).

Il se rend compte qu'il a un peu trop pris attention à son apparence quand il rentre dans le bar. Il a pris une douche et il s'est rasé et il a mis de l'aftershave et il a même mis un peu de gel dans ses cheveux et si il ne porte pas de cravate comme pendant les heures de bureau, il a tout de même une chemise bien boutonnée sous la veste un peu trop formelle qu'il porte.
Il voit tout de suite Amna — bien entendu. Elle est magnifique, assise au bar, elle ne l'a pas encore vu et pendant un instant, Requin profite de ce moment de vulnérabilité pour la regarder avant de froncer les sourcils, remonter ses lunettes sur son nez, s'éclaircir la gorge et s'approcher.
Il se déteste tellement. Il se déteste parce qu'il devrait la détester, mépriser son silence, lui avoir dit qu'il était occupé parce que c'était le cas, et ne pas apprécier qu'elle se fiche ainsi de lui mais... elle lui a manqué.

Il pince des lèvres et se penche sur le comptoir à côté d'elle. “ Hi. ” Elle tourne un peu brusquement la tête vers lui et Requin lui offre un sourire d'excuses. Il y a quelques dizaines de personnes dans le bar, il y en a qui jouent au billard, d'autres qui boivent bruyamment dans leurs booths, d'autres sont assis au comptoir comme eux. Mais pour Requin, il n'y a qu'Amna.
“ Can I please get a, uh. ” Il ne sait pas quoi prendre, sachant pertinemment qu'il ne devrait pas boire alors qu'il travaille demain. Ce n'est pas raisonnable. Mais il n'est jamais raisonnable quand Amna est dans les parages. “ Just a lager, please. Half a pint. Thanks. ” La barmaid n'a pas l'air ravie de le servir et il ne comprend pas, il se demande si c'est à cause de sa chemise bien repassée. Mais il n'y repense pas trop quand il repose les yeux sur Amna. Il pose précautionneusement une fesse sur le tabouret à côté de celui d'Amna, il a l'air de quelque prêt à partir sur-le-champ. Il a envie de lui faire la remarque qu'elle ne l'a pas appelé. Qu'il l'a attendue. Qu'elle lui a manqué. Ou qu'on est jeudi, aussi. Mais à la place, il ne fait que la regarder un instant avant de détourner les yeux vers les quatre gars qui jouent au billard en buvant leurs bières. Il est déjà venu ici une ou deux fois, avec elle bien entendu et sur sa suggestion. “ I can't stay too long, I'm working tomorrow, ” indique-t-il prudemment, ses yeux noirs rivés sur les boules de billard, se demandant si elle veut le voir juste pour arrêter les choses proprement ou si elle a une autre idée derrière la tête. “ Or are we not staying too long? ” Concept étrange, ils n'ont jamais été un nous.

Les points de suspension apparaissent plutôt rapidement, restent curieusement longtemps et Amna sent monter l'anxiété, elle s'imagine qu'il lui écrit un long message, un véritable pavé pendant ces innombrables minutes, probablement pour dire non et lui expliquer  — avec un raisonnement implacable d'avocat — pourquoi. Lui dire aussi qu'il ne viendra plus jamais. Elle tapote machinalement ses ongles sur le comptoir en attendant que la bulle grise apparaisse et puis : Sure vient finalement la réponse sous ses yeux presque ébahis. Peut-être qu'il a changé d'avis. Ou peut-être que, tout ce qu'il a à lui dire il préfère le faire en personne, le lui cracher au visage. Il est plutôt honnête Requin, elle trouve, surtout pour un avocat. Elle verrouille son téléphone après ça, sans ajouter quoi que ce soit à la conversation : il vient et elle est contente et anxieuse à la fois, commande un autre shot de tequila que la barmaid lui apporte bien vite. Elle discute un peu avec, remarque bien ses sourires et regards appuyés, mais n'y répond pas comme elle le ferait d'ordinaire pour une si jolie femme, s'éclipse ensuite dans les toilettes pour jeter un coup d'œil à son reflet, arranger son rouge à lèvres et ses cheveux, sa crinière brune détachée dans son habituel coiffé-décoiffé. C'est idiot Requin l'a vue au réveil avec quelques traces de mascara aux coins des yeux et les boucles toutes emmêlées. Il l'a vu défaite et même peu gênée. Il l'a vue comme beaucoup la connaissent et comme peu peuvent se targuer de l'avoir vue. Et pourtant elle est là à se refaire rapidement une beauté devant le miroir d'un bar un peu nul, parce qu'elle lui a envoyé un message de dernière minute un jeudi soir après presque trois semaines de silence complet et que contre toute atteinte il va venir. Sauf s'il lui pose un lapin. Elle se demande si c'est son genre. S'il le ferait pour lui donner une leçon. Il ne lui a pas dit quand est-ce qu'il comptait venir après tout, peut-être compte-t-il la faire attendre des heures. Elle est un peu tendue quand elle se rassoit au bar observant distraitement l'écran de télé sur lequel est diffusée une chaîne musicale, les clips non synchronisés avec la musique qui s'échappe des enceintes aux quatre coins de la salle.

Du coin de l'œil elle voit un des hommes qu'elle a repéré un peu plus tôt faire un mouvement pour quitter sa table et enfin venir l'aborder, mais tout est oublié quand quelqu'un d'autre s'accoude au comptoir tout près d'elle. “ Hi. ” Elle tourne un peu brusquement la tête vers lui, son cœur ratant un battement dans sa poitrine et quand elle le voit, Requin avec son petit sourire presque pleins d'excuse — alors que c'est elle, et elle le sait, c'est elle qui devrait être désolée — elle est heureuse, vraiment heureuse et sa risette à elle dévoile ses dents et fait briller un peu ses yeux.  “ Hey. ” et elle se sent stupide, comme une gamine et elle ravale un peu de son sourire pour pas lui faire peur, pour pas qu'il sache comme elle est contente qu'il soit venu, pour pas qu'il se rende compte du pouvoir qu'il a sur elle. Si elle y pense trop, elle risque de le laisser en plan de nouveau. “ Can I please get a, uh. ” Elle observe son profil alors qu'il parle à la barmaid, elle l'observe comme si ça faisait longtemps. Ça fait longtemps, pour eux. Parce qu'elle a jamais laissé trois semaines s'écouler avant de le revoir, avant. Parce que rapidement c'est devenu hebdomadaire entre eux. “ Just a lager, please. Half a pint. Thanks. — Boriiiing, ” murmure-t-elle avec un petit sourire en coin, comme elle le ferait d'ordinaire. Juste une demi-pinte de bière, on fait effectivement difficilement moins ennuyeux que ça, mais au moins il est là, il est venu et curieusement c'est tout ce qui compte. La barmaid grommelle un peu, Amna se doute un peu de pourquoi mais ne dit rien, ne se défait pas de son petit sourire, même quand Requin se retourne vers elle et s'assoit sur le tabouret le plus proche et que son estomac est peu noué. Il a l'air prêt à partir d'un moment à l'autre ceci dit et elle a du mal à ne pas se renfrogner un peu. Quand il détourne le regard pour observer la salle, un éclair de culpabilité passe sur le visage d'Amna. Le genre que presque personne n'a jamais vu. Que personne ne verra jamais, elle espère. “ I can't stay too long, I'm working tomorrow, ” il ne la regarde pas et c'est tant mieux, au moins ne peut-il pas voir la déception qui creuse brièvement ses traits alors qu'elle se force à hocher doucement la tête et afficher un air indifférent. Il va donc juste lui dire ce qu'il n'a pas su bien écrire et puis ça sera tout. Elle n'a pas le droit d'être déçue. Elle n'a que ce qu'elle mérite après tout ; comment aurait-elle réagi elle si elle l'avait généreusement accueilli chez elle et qu'il était parti comme un voleur pour ne la recontacter que des semaines plus tard avec un culot incroyable ? Elle ne peut même pas l'imaginer. “ Or are we not staying too long? ” Le nous devrait lui faire peur. En toutes autres circonstances venant de lui ou d'un autre il la ferait littéralement courir hors du bar et jusqu'à l'autre bout de la ville. En cet instant précis, il n'a pour effet que de la faire se détendre sensiblement, esquisser un petit sourire. Il y a encore une chance qu'ils finissent la soirée ensemble. C'est bien pour ça qu'elle l'a invité non ? Juste pour ça.

“ I'm glad you came. ” avoue-t-elle doucement, en détournant les yeux comme pour masquer à quel point elle est sincère, à quel point elle a douté. À quel point elle est soulagée. Il est assis près d'elle, mais il est encore un peu loin à son goût. Le bout de la bottine d'Amna vient trouver son mollet dans un geste un peu taquin alors qu'elle lui adresse un regard non-équivoque sous ses longs cils. “ Don't worry you know I don't linger, ” Ce n'est pas tout à fait vrai: elle peut rester des heures dans un bar, avec les bonnes personnes. Avec ses amis. Mais Requin n'est pas un ami. Elle aimerait bien ceci dit juste rester au bar, discuter, jouer, flirter, rire avec lui. Apprendre à le connaître. C'est stupide : elle sait déjà tout ce qu'elle a besoin de savoir de lui. Elle sait déjà qu'ils sont incompatibles partout ailleurs que dans un lit. Elle se rencontre de l'implication de sa boutade avec un temps de retard se mord légèrement les lèvres alors qu'un "désolée" pend à ces dernières. “ I was hoping we could leave together tonight, yes. ” admet-elle finalement très simplement après que la barmaid ait déposé le verre de Requin devant lui. “ Can I get a rhum and coke please hon? ” hèle-t-elle la barmaid en tournant à peine le visage vers elle comme si elle craignait que Requin ne change d'avis et tourne les talons si elle le quitte des yeux trop longtemps. Elle ne peut pas en dire autant de sa part. “ Are you really into billiards or is it just shiny balls in general? ” taquine-t-elle après avoir suivi son regard noir vers la tables sur laquelle jouent un trio d'amis.

Requin sait bien qu'il est ennuyeux. Il n'a pas de vie trépidante du tout, il aime juste faire des aventures sur les jeux vidéos ou sous les draps, de préférence avec Amna. Elle se moque souvent de lui, de sa délicatesse, de son calme et de sa routine. Requin sait que lui ne pourrait jamais vivre comme elle: toujours à trois mille à l'heure, toujours en train de bouger, faire quelque chose, attirer l'attention. C'est bien et tant mieux pour elle, qu'elle ait cette liberté, bien entendu. Requin se demande si elle se sent pas un peu seule parfois, trop seule et il aimerait...
Non, il ne formule pas cette pensée. À la place il lui adresse un sourire sincèrement désolé, il est boring et il le sait et il ne sait pas comment être autrement. Ça n'a pas l'air de trop la déranger, ceci dit, si elle est là et qu'elle a fini par le rappeler. Il se demande pourquoi exactement Amna l'a rappelé. Peut-être que la personne avec qui elle voulait finir la nuit à l'origine lui a posé un lapin et qu'elle savait que Requin viendrait en courant si elle le lui demandait. C'est tellement pathétique que c'en est drôle. Il n'aurait jamais dû ouvrir son message, il aurait même dû supprimer son numéro et le bloquer. Il sait que c'est honteux, comment il s'aplatit, répond à la moindre de ses envies, est physiquement incapable de lui en vouloir. Elle se tend un peu quand il parle de partir, mais se détend rapidement (Requin s'est tendu en même temps, inquiet à l'idée qu'elle le plante là). “ I'm glad you came. ” Ils détournent les yeux en même temps, il ne sait pas trop pourquoi elle le fait, quant à lui, il a honte. Honte d'être venu. Honte d'être content qu'elle soit contente, presque apparemment soulagée.

Il sursaute un peu quand le bout du pied d'Amna trouve son mollet et il finit par lui lancer un regard en coin mi-figue mi-raisin. Il ne sait jamais à quoi s'attendre de sa part. Mais ça lui plaît. Dieu que ça lui plaît. “ Don't worry you know I don't linger. — Ah. ” Les yeux de Requin retombent sur le comptoir, le bar derrière, comme si il était en train de déchiffrer les différents alcools qui s'y trouvent. Il a l'impression d'être silencieux, rigide, incapable d'ouvrir la bouche pour dire quelque chose de normal. Il a envie de lui dire: yeah, I know that, avec un peu de l'amertume frustrée qu'il a ressenti quand elle est sortie de chez lui sans un regard en arrière, mais il n'a pas envie qu'elle se braque ou pire, s'excuse. Il est le seul qui devrait être désolé d'être incapable de ne rien ressentir plus que ce qu'elle veut. “ I was hoping we could leave together tonight, yes. ” Il regarde son verre, le prend d'une main timide avant de le faire tourner machinalement, regarder l'alcool s'enrouler à l'intérieur. Il l'apporte à ses lèvres pour en boire une longue et généreuse gorgée, dans l'optique de se donner du courage. Il ne répond pas, ce n'est ni un oui, ni un non.

Mais il ne retire pas sa jambe non plus, et il lui adresse un regard en coin qui n'a rien de froid. Au contraire. “ Can I get a rhum and coke please hon? ” Les yeux d'Amna sont bizarrement intenses sur lui, le font se pétrifier sur place. Il se sent rougir en détournant le regard (stupidement), de nouveau vers le billard, faisant mine de s'y intéresser. “ Are you really into billiards or is it just shiny balls in general? ” Il est vraiment embarrassé et confus, la regarde elle, puis la table de billard de nouveau, puis elle encore. Elle est vraiment jolie. Il semble seulement s'en rendre compte, ainsi que du fait qu'ils sont observés d'un air morne par un homme à une table plus loin, et que la barmaid pose un peu brusquement son verre devant Amna. Il rougit un peu plus. “ Just shiny things in general, ” parvient-il à dire. Il approche son visage du sien, un peu, pour approcher ses lèvres de son oreille. “ Like your beautiful eyes. — Excuse me, that will be eight dollars fifty, ” l'interrompt un peu brutalement la barmaid et Requin se recule avec un air embarrassé. Amna se moque toujours de lui quand il fait des trucs comme ça, overtly flirtatious, mais il croit qu'elle aime bien ça. Sans poser la question, il sort un billet de dix de sa poche et le pose sur la table, offrant plutôt gracieusement à la barmaid de garder le change en pourboire. “ You're jealous of that billard table is what you're trying to say? ” enchaîne-t-il, lui aussi sur un ton taquin. Elle aime bien avoir toute son attention et ce n'est rarement pas le cas quand elle est dans la pièce.

Sans prévenir, Requin s'empare de sa demi-pinte et la finit d'une traite avant de se mettre debout, glissant de son tabouret dans un mouvement fluide et rapide. “ Finish your drink and let's go. ” Son verre est bien entendu plutôt plein, elle vient de le recevoir, mais il sait que la lueur de défi qui traîne dans son oeil et sa voix sauront trouver leur cible dans l'ego d'Amna. “ We have some catching up to do and we're not boring, lingering, sipping people, are we? ” fait-il en désignant le verre d'Amna. Il y a toujours ce petit sourire sur ses lèvres, qui aurait presque l'air innocent si son regard posé sur elle n'était pas si intense. “ And I want you, ” finit-il dans un souffle sur son visage.
La confession est brutale et honnête, et il n'aime pas ça. Le genre de choses qu'on peut dire dans le feu du moment, mais qui a l'air étrange en cet instant précis. Il ne faillit pas pourtant, ne montre pas la grimace qui le chatouille, la gêne et l'embarras qui s'emparent de lui; il soutient son regard avec ses yeux noirs, si profonds et intenses et sombres, en se rappelant plutôt fidèlement que quand il la veut, c'est juste pour la nuit, jamais après.

Requin n'a répondu à rien de ce qu'Amna a dit, pas même à son aveu, à son envie de rentrer avec lui ce soir. Elle a un endroit où dormir pourtant, ses affaire sont dans un petit studio obtenu avec de l'argent cette fois, et dont elle a de vraies clés, mais elle préfèrerait passer sa nuit chez lui et c'est une affaire courante, mais un aveu difficile, comme si ça voulait dire un peu plus que d'ordinaire. Il réagit un peu au moins quand elle se moque de son regard fixé sur la table de billard, tourne enfin le regard vers elle, même s'il fuit vite, revient. La barmaid dépose un peu brusquement la boisson commandée par Amna devant celle-ci qui ne se tourne même pas pour récupérer son verre, observe plutôt la couleur qu'ont pris les joues de Requin. “ Just shiny things in general, ” répond-il finalement et Amna a l'esquisse d'un sourire sur les lèvres. Il en a beaucoup des choses brillantes dans son appartement, des choses que chez un autre elle aurait sûrement volé sans se retourner. Il a de la chance qu'elle soit partie avec rien d'autres que ses affaires à elle la dernière fois ; elle n'a aucune raison d'avoir envie de s'excuser. Elle ne lui doit rien. Il approche son visage du sien, ses lèvres de son oreille, et elle oublie tout. “ Like your beautiful eyes. ” Amna a le souffle un peu court, elle est presque soulagée quand ils se font interrompre par la barmaid:  “Excuse me, that will be eight dollars fifty, ” quoique déçue que Requin se recule. Elle l'aime bien quand il flirte avec elle, ça la fait souvent rire, mais cette fois si ça lui a aussi donné un peu…chaud, partout. Il aime bien ses yeux. Elle se sent rosir, s'énerve un peu de cette réaction ridicule, observe un instant de trop le billet qu'il dépose sur le comptoir.  “ You're jealous of that billard table is what you're trying to say? ” enchaîne-t-il, taquin et Amna sent la chaleur lui remonter aux joues, même s'il hoche une épaule pour toute réponse. Pas de honte à avoir se persuade-t-elle: elle a toujours aimé l'attention. Elle a toujours aimé avoir toute l'attention que Requin a à offrir, à chaque fois qu'ils sont ensemble. Peut-être bien qu'elle est jalouse de la table de billard donc. Mieux vaut ça qu'une fille.

Amna n'a pas le temps pour s'en vouloir de cette pensée un peu folle que Requin la fait presque sursauter quand il s'empare sans prévenir de son verre et l'achève d'une traite avant de glisser de son siège pour se remettre debout sous les yeux surpris confus — l'espace d'une seconde même, craintifs — d'Amna. “ Finish your drink and let's go. ” Elle hausse un sourcil devant l'ordre, tout en sachant que ce n'est qu'un défis, tout en sachant qu'il sait aussi bien qu'elle, qu'elle ne peut que le relever même si son verre est plein et bien plus arrosé que sa pauvre demi-pinte. “ We have some catching up to do and we're not boring, lingering, sipping people, are we? ” Catching up, dit-il, comme s'ils allaient parler, se raconter leur vie, ce qu'ils ont fait ses dernières semaines, l'un sans l'autre. Ils ne le feront pas bien sûr ce n'est pas eux, il parle juste du rattrapage physique qu'ils vont avoir à faire. Amna aimerait presque, pourtant, qu'il lui raconte ce qu'il a fait les deux derniers vendredi. Qui il a vu. À qui il a sourit comme il le fait pour elle en cet instant précis. Elle se hait pour cette pensée, elle ne sait pas s'en empêcher, comme elle est un peu déçue qu'il veuille partir si vite, quand pour une fois dans sa vie Amna a envie de rester. De prendre son temps. “ And I want you, ” lui souffle-t-il finalement au visage, l'échine d'Amna secouée d'un léger frisson. Il lui a déjà dit ça bien entendu, mais pas quand elle était encore toute habillée, pas dans une salle pleine de monde, pas comme ça. Et elle ne devrait pas aimer ça, elle ne devrait pas aimer les nœuds que ça crée dans son estomac. Elle relève des yeux noirs comme la nuit vers lui.  “ Good. ” articule-t-elle très doucement, presque difficilement, ses doigts s'enroulant autour de son propre verre sans qu'elle ne le lâche des yeux un seul instant. Elle le porte à ses lèvres, avale une longue gorgée en soutenant son regard, sans toutefois finir le verre, souriant quand elle le repose sur le comptoir. Ses doigts libres viennent effleurer le revers de la veste de Requin. Il est trop bien habillé pour le bar qu'elle a choisi, mais de ça, Amna a l'habitude. Elle aime bien. Ses doigts accrochent un peu au tissu, elle l'attire à elle sans se départir de son petit sourire. Elle a perdu le défis et pourtant elle agit tout de même en conquérante quand elle souffle tout contre ses lèvres: “ I want you too ” avant de s'en emparer sans plus de façon ou d'égard pour le fait qu'ils soient en public et qu'ils n'aient jamais fait ça avant. Cinq doigts se glissent dans la nuque de Requin, le pressant un peu plus dans son baiser. “ Tonight I want to take my time, I know you don't have a lot of it, promise I won't waste it Requin, ” murmure-t-elle quand ils se détachent leurs souffles chauds encore emmêlés. La barmaid leur tourne définitivement le dos et l'homme qui voulait s'approcher un peu plus tôt semble véritablement faire la gueule maintenant qu'il a rejoint ses amis au billard, mais Amna s'en fiche de tout ça. C'est physiquement difficile pour elle de ne pas le traîner aux toilettes pour qu'ils se retrouvent comme ils devraient, presque autant que ça l'est pour elle d'avouer ce qu'elle veut. Elle le repousse de deux doigts, taquine, en récupérant son verre alors que la partie précédente de billard s'achève. Elle finit son verre en trois gorgées qui lui brûlent un peu moins la gorge que la première qu'elle a pris et qui était définitivement trop longue même si elle l'a plutôt bien masqué. Elle ouvre la bouche, comme pour dire à Requin qu'elle a changé d'avis qu'elle préfère rentrer maintenant, lui retirer sa chemise ridicule et le laisser s'occuper d'elle comme il sait si bien le faire, mais elle se fait interrompre avant d'avoir pu émettre le moindre de son. “ Hey man, do you play? ” Il lui faut une demi-seconde pour comprendre qu'on s'adresse à Requin. “ I bet I can take you in less than ten minutes. ” Et puis, étonnamment l'homme qu'elle finit par reconnaître avec un petit sourire,  tourne les yeux vers elle, la fixe un instant de trop. “ How about I get a kiss from your girlfriend if I win? ” Rictus d'Amna. Ils ne sont pas ensemble, l'idée est même ridicule. Aussi ridicule que celui qui l'a formulé. Elle espère que Requin va dire non. Elle espère qu'il va dire oui et qu'il est bon au billard. “ How about me and him kick you and your friend's ass instead? ” répond-elle pourtant elle-même avant que Requin n'ait pu le faire, glissant de son propre tabouret pour atterrir sur ses bottines à talons et s'approcher de sa démarche chaloupée. Elle sait jouer, même si elle est bien meilleure pour briser les queues sur des nuques pendant des bagarres de bar.

Requin aime bien l'appréciation qu'il lit sur le visage et le corps d'Amna, le petit frisson qui l'agite, ses yeux qui ont l'air plus noirs que d'habitude en cet instant précis. Elle se fiche beaucoup de lui, de sa maladresse et de sa timidité, parfois (rarement avec elle), mais il est content de voir qu'il lui fait au moins un peu d'effet. Encore. Parce qu'il sait que dès qu'arrivera le moment où il cessera de l'intéresser, elle sera partie. “ Good. ” Requin sourit lentement, un peu plus, ne la lâchant pas du regard, littéralement cloué sur place par ses yeux noirs. Il la voit du coin de l'oeil apporter son verre à ses lèvres, et il sait qu'ils seront bientôt dehors, dans un taxi, à faire chemin jusqu'à chez lui. Il fronce les sourcils quand elle le repose sur le comptoir après une seule — quoique généreuse — première gorgée. Mais il est moins contrarié quand elle tend la main pour le toucher. Ses doigts effleurent le revers de sa veste, s'y accrochent et l'attirent à elle. Il ne résiste pas, se laisse faire, amusé et secrètement satisfait. “ I want you too. ” Il n'a pas le temps de sourire d'un air victorieux (et soulagé) en entendant ces mots quasiment murmurés à même ses lèvres qu'elle l'embrasse.
Ils ne se sont jamais embrassés en public, réalise-t-il en cet instant précis. La première fois qu'elle a posé ses lèvres sur les siennes, c'était dans l'ascenseur les menant à chez lui. Ça fait bondir son coeur dans sa poitrine, il pose une main sur la chaise près de ses hanches, et l'autre sur le comptoir pour mieux se pencher vers elle, profiter de cette pépite, cette chose qui, peut-être, n'arrivera plus jamais. “ Tonight I want to take my time, I know you don't have a lot of it, promise I won't waste it Requin. ” Son souffle est chaud contre ses lèvres et les yeux de Requin sont noirs comme de l'encre quand il se détache pour la regarder avant de lentement hocher la tête, reniflant quand elle le repousse de deux doigts et qu'il retombe un peu bêtement sur le tabouret qu'il a quitté avant tant de précipitation.

Il l'observe boire sans rien dire, trouvant ça étrangement hot de la voir vider son cocktail pourtant bien fort si rapidement — il a goûté le rhum sur ses lèvres, il aime beaucoup cet alcool qui lui rappelle Haïti, mais il a encore meilleur goût sur la bouche d'Amna. Elle n'a pas le temps de dire ce qu'elle a derrière la tête quand elle ouvre la bouche ceci dit, Requin pendu à ses lèvres tournant un regard agacé vers l'homme dont provient la voix qui suit: “ Hey man, do you play? ” Il cligne des yeux bêtement en comprenant qu'on lui parle à lui et puis l'instant suivant, son coeur bondit dans sa poitrine, presque plus fort et violemment et douloureusement que quand Amna l'a embrassé. Presque.
Il a l'impression qu'on lui met de l'adrénaline dans les veines. Oui il joue. Il adore jouer. Jouer, jouer, jouer. Requin sait qu'il n'aime pas jouer avec les autres. Mais en cet instant précis, il a l'impression que c'est tout ce qu'il adore le plus au monde. “ I bet I can take you in less than ten minutes. ” Requin sourit. Oh. Il se trompe. Il se trompe. Il doit lui prouver qu'il a tort. “ How about I get a kiss from your girlfriend if I win? ” Requin ne pense même pas à le corriger. Il se sent juste... oh God. Il a envie de jouer. Il a besoin de jouer. L'autre ne sait même pas à quoi il s'est engagé en le défiant ainsi. “ How about me and him kick you and your friend's ass instead? ” Amna glisse de son tabouret et puis Requin, comme une ombre derrière elle. “ What's in it for us? Money. Money. ” Il retire un peu rapidement sa veste et avec des gestes précis, retrousse les manches de sa chemise jusqu'à ses coudes. Il enlève ses lunettes, les essuie, les remet sur son nez — tout ça très rapidement, sous les regards moqueurs des quatre mecs. “ Two hundred? Or is that too much for you pussies? ”

Le silence qui suit est un peu tendu. Il est le plus grand homme des cinq, mais certainement pas le plus musclé ou le mieux foutu; pourtant il ne change pas un instant de position, ou d'expression, jusqu'à ce que les quatre amis se concernent avant d'accepter. Il ne pense même pas à retirer Amna de l'équation. À vrai dire, en cet instant, elle n'existe pas. Il ne pense qu'au billard, observant calmement quelqu'un rassembler les quinze balles dans le triangle, lui donner une queue pour jouer. “ I'll start. We'll take the stripes, ” dit-il abruptement à Amna, sans quitter des yeux la balle blanche dans laquelle il va frapper. Il se met en position sans attendre, à moitié sur la table de billard. Il sait déjà ce qu'il va faire. Il tire dedans très rapidement, avec force, pour briser le paquet.

Et les sept balles rayées trouvent, dans l'ordre, les six trous répartis autour de la table de billard, suivies par la boule noire dotée du 8.

Requin n'a pas quitté la table des yeux en frottant ses doigts l'un contre l'autre dans sa poche. Quand il détourne le regard pour observer l'homme qui l'a interpellé pour le défier, il sourit légèrement.
Impossible de décrire le visage des quatre hommes. Ils ne peuvent pas prétendre qu'il a triché — comment aurait-il pu? — mais il faut avouer que c'est... étrange. Requin se sent tout léger. Joueur. Content, satisfait. Mais pas totalement. Pas assez. Pas encore. “ Should we play again? ” demande-t-il avec un certain cran, avant de faire craquer son cou comme si il venait tout juste de finir l'entraînement. “ She didn't have time to play yet, ” fait-il en désignant Amna, tournant les yeux vers elle avant de lui adresser un petit sourire. Il a envie de l'embrasser. Le high du jeu lui donne envie de l'embrasser, encore et encore, et de rentrer chez lui finir la soirée; mais il aime trop joueur pour s'en détacher maintenant. “ And how about we raise the stakes? Any idea, Amna? ”

“ What's in it for us? Money. Money. ” Elle entend à la proximité de sa voix que Requin l'a suivie jusqu'à la table et elle esquisse un sourire en direction du groupe, plutôt satisfaite de l'offre que Requin leur fait ; elle a toujours de quoi faire avec un peu plus d'argent. “ Two hundred? Or is that too much for you pussies? ” Elle se tourne un peu brusquement vers lui, surprise tant par la hauteur de sa mise que par le dernier mot qu'il leur lance à la figure. Ce n'est pas qu'elle n'ait pas l'habitude de le voir assuré — avec elle, au lit, il l'est toujours et pour être honnête c'est aussi qu'il a de quoi —, mais c'est autre chose que de le voir parler ainsi à quatre types bien plus musclés que lui. Elle espère que Requin sait ce qu'il fait, parce qu'elle douée pour briser des queues sur des nuques oui mais peut-être pas à quatre gros mecs à la fois. Et vu le silence tendu qui s'en suit elle a l'impression que c'est comme ça que ça va se finir. Requin a l'air différent arrangé comme il l'est, la veste oubliée, les manches retroussées, un air déterminé et très sûr de lui sur le visage. Peut-être qu'il a menti, peut-être qu'il est obsédé par le billard, peut-être qu'il est très bon ; après ce sursaut d'assurance presque arrogante, Amna l'espère sincèrement. Elle tourne de nouveau le visage vers les autres hommes après avoir laissé traîner un peu trop longtemps ses yeux sur Requin, ils sont en train de se concerter visiblement, choqués d'être insultés, mais incapables de refuser le défi et de précisément passer pour un lot de pussies — étrange dédain dans la voix de Requin quand il a dit ça, Amna sait qu'il les aime bien ses chatons. Quatre hochements de têtes finissent par leur répondre et, un peu soulagée que ça ne se finisse pas en rixe, Amna se permet un nouveau regard en coin vers Requin qui a l'air tout concentré sur la table cette fois-ci et ne semble même pas la remarquer elle quand elle s'approche. “ I'll start. We'll take the stripes, ” lui fait-il sans même la regarder une fois que les boules ont été arrangées pour la nouvelle partie. Une moue tord les lèvres d'Amna, elle en bouderait presque, mais elle ne dit rien pour ne pas le déconcentrer quand il commence à jouer. Il tire son premier coup et…et c'est tout. En un tir chaque balle qu'il leur appartenait de faire tomber tombe dans un trou et ils ont gagné.

Même Amna ne peut masquer son choc quand elle dévisage Requin aussi bien que les quatre hommes contre lesquels ils jouent. Enfin il joue, parce qu'Amna n'a même pas effleuré la table des doigts. C'est complètement impossible ce qu'il vient de faire, même elle en a conscience et pourtant, c'est tout aussi impossible qu'il ait triché. “ Should we play again? ” ose-t-il proposer en faisant craquer son cou d'une manière qui assombrit un peu les yeux d'Amna. Elle a toujours aimé les gagnants. “ She didn't have time to play yet, ” fait-il en tournant enfin les yeux vers elle, lui adressant un sourire qui à son grand damne la rend un peu faible des genoux. “ And how about we raise the stakes? Any idea, Amna? ” Oh des idées elle en a pleins, mais aucune qui ne concerne ce jeu débile ou la table de billard — sauf à faire partir tous les clients du bar et qu'elle se retrouve seule avec Requin dessus. Elle s'approche un peu de lui, tend la main en faisant mine de vouloir récupérer la queue en bois qu'il a encore entre les doigts, les siens venant toutefois plutôt effleurer son poignet, remonter le long de son avant-bras nu. “ Well I can think of a few rewards for you baby, ” susurre-t-elle assez fort pour être entendue des quatre autres joueurs, s'approchant toujours un peu plus du seul qui se trouve dans son équipe, se penchant finalement en avant pour lui offrir le prix qu'aurait voulu gagner celui qui les a mis au défi.

Ceci dit, Amna l'aurait jamais embrassé lui — elle refuse d'être un trophée, du moins sans l'avoir décidé elle-même — et elle l'aurait surtout jamais embrassé comme elle embrasse Requin en cet instant précis à pleine bouche, passionnée et avide, comme pour lui faire oublier le baby employé devant tout le monde, donnant presque raison à celui qui l'a prise pour sa petite-amie. Quand elle se détache, elle passe un bras dans le dos de Requin et se tourne vers les autres qui n'ont pas détaché leurs yeux d'eux deux. Ils ont l'air d'un couple. Elle ne fait que jouer le jeu. Elle tend la main, paume levée, vers l'imbécile qui a osé mettre au défi le meilleur joueur de billard du coin, “ First of all, I think you owe us two hundred bucks man, ” techniquement c'est à Requin que revient tout le mérite et donc tout l'argent, mais elle espère qu'il voudra bien faire moitié-moitié avec elle. Contrairement à lui, ça pourrait lui être vraiment utile à elle. Ils grognent presque en cœur, mais fourrent tout de même leurs mains dans leurs poches pour sortir leurs portefeuilles et parvenir à additionner les deux cent dollars à coup de billets de dix et de vingt. “ Second of all, if we win you have to kiss his shoe and call him sir. As for me, I'll take any winner into the bathroom and show them how well I can handle sticks. ” Ils étaient sur le point d'éclater de rire, mais sa seconde proposition, couplée de sa langue passée innocemment sur ses lèvres rougies par le maquillage semble suffire à les réduire au silence. Amna se doute qu'ils n'ont même pas envie de jouer de nouveau, mais l'enjeu semble au moins leur faire considérer la chose. “ And you get the first strike, we're generous like that. ” Elle a surtout étonnamment confiance dans les talents de Requin pour les éclater quoi qu'il arrive — il ne peut pas en être autrement vu le coup extraordinaire qu'il a fait pendant la première manche. Elle est très franchement étonnée et même si elle trouve que le billard c'est quand même un peu un jeu de beauf elle est aussi très impressionnée. Elle se hisse sur la pointe des pieds quand ils arrangent de nouveau les boules sur la table, pour chuchoter à l'oreille de Requin: “ Rip them to pieces and I'll rip your clothes out…baby” Le bout de sa langue vient flirter avec son lobe et puis elle se détache complètement pour le laisser observer le premier joueur de l'autre équipe qui s'approche de la table avec un air déterminé.

Requin aime bien le regard plus sombre que d'habitude qu'Amna a de posé sur lui. Il aime même beaucoup ça. Il a l'impression d'être en feu, et il aime ça aussi, cette énergie, cette adrénaline dans ses veines. Il aime jouer, il adore jouer, plus qu'il n'aime gagner. Il a envie de remettre ça. Il a envie de jouer avec elle aussi — d'une autre manière. Elle s'approche et il ne bouge pas jusqu'à ce qu'elle tend la main sans doute pour récupérer la queue de billard; à la place, les doigts d'Amna se posent sur son poignet et remontent le long de son bras. “ Well I can think of a few rewards for you baby. ” Il est surpris par le surnom — complètement pris de court et pendant un instant, cette sensation parfaite qu'il ressent grâce à la victoire et au jeu en lui-même disparaît, laisse place à de l'incompréhension et du doute et de l'espoir — mais oublie tout quand elle se penche vers lui et l'embrasse, avidement. Requin n'hésite pas une seule seconde à répondre à son baiser de la même manière, posant une main sur sa taille qui glisse lentement dans son dos pour la presser contre lui. Ils ne se sont jamais embrassés devant quiconque avant ça, et elle ne l'a jamais appelé baby. Et en plus on est jeudi. Too many firsts ce soir.

Ses yeux n'ont jamais été aussi noirs posés sur elle quand elle se détache et se tourne vers leur petit public. Requin quant à lui semble obnubilés par elle, détachant seulement son regard pour observer les quatre autres hommes lorsqu'ils retournent leurs poches à la demande d'Amna. “ First of all, I think you owe us two hundred bucks man. ” C'est jouissif de les regarder fouiller jusque dans les tréfonds de leurs poches et portefeuilles pour aligner la somme. Requin a un grand sourire satisfait sur les lèvres. Ce n'est pas suffisant ceci dit. Il aime bien le bras qu'Amna a de passé dans son dos. “ Second of all, if we win you have to kiss his shoe and call him sir. As for me, I'll take any winner into the bathroom and show them how well I can handle sticks. ” Il aime bien cet enjeu, il aime même beaucoup cet enjeu, un air un peu malicieux et cruel venant se poser sur ses lèvres à l'idée de les voir se baisser et lui embrasser la pompe. Il ne ressemble pas à Requin en cet instant précis, mais ces hommes ne le connaissent pas et Amna ne le regarde pas. “ And you get the first strike, we're generous like that. ” Il renifle un peu en l'entendant, il ne connaît qu'un domaine dans lequel elle est généreuse et c'est au lit (et encore) mais justement, il aime bien ça, il aime bien tout à propos d'elle si il est honnête.
Il n'a pas envie d'être honnête. Il baisse les yeux vers elle quand elle tourne le visage vers lui et penche la tête quand il voit qu'elle veut lui parler à l'oreille. “ Rip them to pieces and I'll rip your clothes out…baby. ” La touche humide sur le lobe de son oreille doit être sa langue, et le petit souffle sur sa peau a le mérite de parfaitement trouver l'effet recheché. Requin rougit un peu, embarrassé et excité et amusé à la fois, trop confiant en lui pour trop s'en vouloir ceci dit même si il s'approche un peu trop de la table pour s'y appuyer en voyant les autres hommes commencer à jouer, essayant mentalement de réprimer un peu de son désir impatient qui commence à se faire sentir.

De toutes façons, une fois que le jeu commence, ses yeux sont rivés sur la table et il ne pense plus qu'à ça. Celui qui vient de briser le triangle se tourne vers eux en attendant qu'ils jouent mais Requin sourit. “ No. The four of you first, and then us. ” C'est un avantage absolument dégueulasse pour l'équipe adverse, mais Requin s'en fiche, adresse un long regard à Amna de l'autre côté de la table pour lui dire de lui faire confiance. Il espère bien que ce n'est pas leurs queues à eux qu'elle va toucher ce soir.
Ils mettent tout de même cinq de leurs billes dans les trous, ce qui est plutôt pas mal, et ils ont l'air sûrs d'eux quand ils font signe à Requin et Amna de jouer. Il la laisse faire en premier, la regarde (ainsi que les autres joueurs) se pencher d'un air intéressé. Elle met elle aussi trois billes dans les trous avant de louper la quatrième (sa moue déçue et frustrée et adorable) et lui enchaîne sans en toucher aucun. “ Oh no, your luck has run out it seems, ” les raille celui qui les a défiés alors que les deux autres regardent Amna d'un air avide, pensant certainement déjà à leurs récompenses. “ So it seems, ” fait Requin d'un air indifférent, jetant un regard en coin à Amna qui a l'air un peu moins fière qu'il y a quelques minutes.

Deuxième round. Ils rentrent leurs deux billes restantes, mais pas la dernière, le 8 commun. Mais ils sont persuadés d'avoir gagné, encore plus quand Amna foire son premier tir. Sa frustration est immensément amusante et Requin ne peut s'empêcher de sourire en l'attirant à lui pour déposer un baiser sur ses lèvres, très rapide, espérant en effacer la profonde moue. “ No worries, Amna. ” Il n'a jamais été bon avec les petits surnoms, surtout affectueux comme baby. Il effleure un peu sa hanche avant de faire tourner, de l'autre main, la queue en bois entre ses doigts. “ Alright. ”
Il rentre les trois billes restantes et puis il n'a plus que la bille noire — à l'autre bout de la table, et certainement pas près d'un trou. En temps normal, il essayerait de mettre dans la merde l'équipe adverse en rendant la situation encore pire mais non. À la place, Requin va vers Amna et efface la craie au sommet de la queue avec un torchon avant de la tendre vers elle et sa bouche si rouge. “ For good luck? ” demande-t-il, avant de lui adresser un clin d'oeil quand elle dépose rapidement un baiser sur la queue en bois. Et puis il se met en position, vise pendant environ une seconde, et tire.

La blanche touche la noire et les deux foncent directement dans le trou le plus proche, dans un arc qui semble défier toutes les lois de la géométrie, de la physique et de l'espace. La noire rentre et la blanche semble sur le point de la suivre, penche, penche beaucoup... et puis s'immobilise, quasiment en l'air.
Ils ont gagné.

Requin se redresse avec un air complètement blasé. “ So. ” Il pose la queue de côté, fait mine de s'étirer et puis pose le pied sur le rebord de la table de billard. Avec le torchon qu'il a gardé après avoir nettoyé la craie, il fait mine de nettoyer aussi un peu le dessus de ses chaussures en cuir déjà bien cirées. “ Who's going for it first, boys? — Fuck you man. Fuck you! ” Les quatre hommes ont l'air sur le point de commencer une rixe mais leur rencontre a amassé quelques curieux et devant leurs regards désapprobateurs — et un peu sérieux du mec de la sécurité qui est revenu de l'extérieur pour l'occasion —, ils se dégonflent et en grognant, ramassent leurs affaires et s'en vont. “ That'll be sir for you, ” dit simplement Requin avant de reposer son pied au sol, se tournant vers Amna en souriant un peu. Elle avait l'air un peu inquiète pendant le jeu, mais le delight sur son visage en cet instant précis vaut tout l'argent du monde. Il se laisse aller contre la table de billard, s'y assied presque, posant ses mains sur ses hanches pour l'attirer à lui avec un air satisfait. “ So much trust you put in me, ” dit-il, bêtement, trop high de sa victoire et du gain et du jeu qu'il ne réfléchit pas à ce qu'il dit. Amna ne lui fait pas confiance. Amna s'en fout de lui, comme en témoignent les dernières semaines. “ I want to play again. You know what we could do with that money? We could go to the casino and bet it. Yeah, let's finish the night like this. Let's never finish the night. Let's just go and see. What do you think? ” Il parle très vite, très enthousiaste, incapable de résister à l'idée séductrice et maladivement addictive de jouer, jouer, jouer encore et encore. Ça fait longtemps qu'il n'a pas dépensé (il dépense trop quand ses pieds le ramènent au Hidden Lotus, casino local). Il a envie de jouer. De parier. De-

Amna lui lance un regard un peu étrange et puis il se rend compte de ce qu'il est en train de dire et il détourne les yeux, gêné, rougissant un peu, le high redescendant aussi vite qu'il est monté. “ Sorry, ” marmonne-t-il, embarrassé et self-conscious soudainement. “ Sorry. I just get, uh. I get really pumped up by this sorta thing. It's my competitive side. ” C'est faux bien entendu. Mais il ne sait pas d'où lui viennent ces pulsions et elles lui font un peu peur. Il remonte ses lunettes sur son nez d'un geste nerveux. “ And I'm working tomorrow anyway... ”

Amna aime bien la réaction de Requin à son teasing, même s'il se reconcentre drôlement vite sur le jeu. Tant mieux, en un sens, elle n'aimerait vraiment pas perdre la partie, l'enjeu posé par elle est un peu trop haut à son goût. Elle n'a pas peur toutefois, pas avec Requin dans son équipe, il va sûrement leur refaire de la magie comme à la première manche et tout ira bien. “ No. The four of you first, and then us. ” Refuse-t-il pourtant de jouer, offrant un avantage plus que conséquent à l'équipe adverse sous le regard ébahi d'Amna. Requin lui adresse un long regard qui se veut certainement rassurant et Amna aimerait dire qu'elle lui fait confiance mais……trois tours de plus avant le leur bon sang, ils pourraient très bien gagner. Après tout elle sait que Requin est excellent, mais eux aussi pourraient s'avérer bons. Ils mettent cinq de leurs balles dans les trous sous les yeux anxieux d'Amna qui sourit malgré tout pour ne pas le montrer, juste soulagée quand c'est à leur tour, comptant sur Requin pour leur mettre une raclée. Il préfère la faire jouer d'abord, cette fois-ci et Amna fait la moue, mais hoche la tête, prend son temps pour préparer son coup parfaitement consciente des cinq regards braqués sur elle alors qu'elle est penchée sur la table. Men. Elle tire et fait rentrer trois billes seulement, un peu déçue et frustrée quand elle rend la queue à Requin. Qui n'en fait rentrer aucune. “ Oh no, your luck has run out it seems, ” et les autres rient et la regardent déjà comme s'ils avaient gagné et Amna a un peu envie de vomir en pensant à ce qu'elle leur a promis. Ce ne sont pas leurs queues à eux qu'elle avait l'intention de toucher ce soir. (Ni jamais.) “ So it seems, ” se contente de répondre Requin avec un air indifférent, qui révolte totalement Amna. Elle lui faisait confiance. Fuck. Elle lui faisait confiance, elle à lui, pour un jeu certes, et un défi complètement idiot, mais quand même. Elle lui faisait confiance et il n'a touché aucune bille, pas une seule. Et maintenant il a le culot d'être indifférent. Amna pourrait le baffer.

Elle a beaucoup de mal à masquer son anxiété au second tour. Toutes les probabilités sont du côté de leurs adversaires et Amna se sent vraiment stupide d'avoir voulu faire la fière, tout ça pour récupérer l'attention de Requin, pour qu'il la veuille autant devant la table de billard qu'il a dit la vouloir au bar, pour qu'il ne voie qu'elle, pour l'impressionner pour- Elle boude carrément, contre eux, contre lui et contre elle-même. Elle agit comme une gamine de huit ans, le destin la punit comme telle. Mais le huit justement, c'est le seul qu'ils arrivent pas à faire rentrer dans le trou et Requin et elle ont encore une chance de gagner et elle de conserver sa dignité. Sauf qu'Amna foire son premier tir et sa frustration est abyssale. Elle a véritablement envie de frapper Requin quand il ose sourire en s'approchant d'elle, l'attirant à lui avant qu'elle n'ait pu faire quoi que ce soit et déposant un baiser rapide qui, elle pourrait le jurer, a pour but de la rassurer. “ No worries, Amna. ” Ça ne marche pas, elle fait un peu plus la moue comme pour son bénéfice à lui et attend juste qu'il lui prouve qu'elle n'a pas de quoi s'inquiéter.
Il ne l'a jamais embrassée comme ça avant.
Quel idiot, elle le hait.
Il aurait du lui dire qu'il ne devait sa victoire précédente qu'à la chance (du débutant?). Ça lui aurait éviter de trop miser sur un perdant.

Elle se laisse faire ceci dit quand il effleure sa hanche d'une main avant de se mettre à jouer. “ Alright. ” Et effectivement sa performance est alright. Leurs trois billes disparaissent, ne reste plus que la noire et un coup pour eux. Elle n'est pas très bien placée, ça va être difficile de la faire rentrer et Amna ne sait pas ce qu'elle ressent exactement, si elle a confiance ou pas si… elle fait les gros yeux quand Requin s'approche d'elle plutôt que de préparer le coup le plus important de la partie, elle se demande presque s'il compte la laisser jouer elle — mauvaise idée, il devrait le savoir. Il efface la craie au sommet de sa queue et en tend le bout vers elle, vers sa bouche. “ For good luck? ” Elle hausse les sourcils en comprenant où il veut en venir, la queue doit être dégueulasse et pleine de germe et c'est vraiment con comme idée et putain il a intérêt à ne pas se rater cette fois, mais elle consent à se pencher et déposer brièvement ses lèvres dessus, y laissant une petite trace rouge. Il prend à peine le temps de viser et elle pourrait l'étrangler, mais la blanche touche la noire et ensemble les billes foncent vers un trou dans une trajectoire quasiment impossible, la noire tombant et la blanche s'arrêtant de justesse, un vrai miracle.

Requin se redresse avec un air blasé et Amna se sent sourire très grand, victorieuse comme si elle avait tout fait elle-même. “ So. ” Il repose la queue, s'étire et pose le pied sur le rebord de la table de billard avant de faire mine d'essuyer un peu le bout de sa chaussure. “ Who's going for it first, boys? — Fuck you man. Fuck you! ” Amna rit un peu, en croisant les bras sur sa poitrine, c'était pourtant le deal et elle ne doute pas une seconde que eux auraient insisté pour leur récompense s'ils avaient gagné. “ Tssk sore losers, so unattractive. ” Willy se payerait violemment sa tête s'il pouvait l'entendre. La tension commence à monter, mais l'attention autour d'eux aussi apparemment, au point qu'un mec de la sécurité s'approche d'eux et les quatre dweebs se dégonflent et quittent le bar la queue entre les jambes, plutôt littéralement. “ That'll be sir for you, ” les enfonce quand même Requin, reposant finalement son pied par terre et se tournant enfin vers elle qui sourit sans presque pouvoir s'arrêter. Il se laisse aller contre la table de billard, et pose ses mains sur ses hanches pour l'attirer à lui et elle suit le mouvement sans la moindre hésitation. “ So much trust you put in me, ” le pire, songe Amna, c'est qu'il a raison. Elle a douté (beaucoup), mais elle lui a fait confiance et c'est rare venant d'elle, extrêmement rare. Elle en a même un peu honte, un peu peur, aussi. “ I want to play again. You know what we could do with that money? We could go to the casino and bet it. Yeah, let's finish the night like this. Let's never finish the night. Let's just go and see. What do you think? ” Il parle très vite, sur un ton très enthousiaste, et Amna sent les coins de ses lèvres retomber un peu, ses sourcils se froncer, elle ne l'a jamais vu comme ça. C'est un peu étrange, il a l'air…il lui fait presque l'effet d'un addict à qui elle a vendu une nouvelle drogue et qui en veut déjà trois doses de plus après avoir gouté à une pincée de poudre. Elle n'aime pas trop ça. Et puis, surtout, ça n'a aucun sens, ne lui a-t-il pas dit qu'il devait rentrer tôt ce soir ? Qu'il n'avait pas beaucoup de temps ? Amna ne se voit pas aller au casino de toute façon. Si elle était riche, elle pense qu'elle aimerait ça, mais en l'état elle ne peut que mépriser tous ceux qui s'y rendent et risquent une fortune quand d'autres crèvent de faim. Requin est très différent d'elle, incompatible, elle ne devrait pas avoir à s'en souvenir dans des moments pareils.  “ Sorry, ” marmonne-t-il, avant qu'elle n'est pu répondre, il a l'air un peu embarrassé. “ Sorry. I just get, uh. I get really pumped up by this sorta thing. It's my competitive side. ” Elle secoue la tête, l'air de dire que c'est pas grave, de toute façon rien est grave, elle n'est pas son amie, elle s'en fiche de ce qu'il fait quand ils ne sont pas dans un lit ensemble. Sauf que c'est faux. Il remonte ses lunettes sur son nez, geste nerveux qu'elle remarque souvent et qui la fait sourire très légèrement. “ And I'm working tomorrow anyway... — Right. ” Elle pourrait se moquer de lui, l'enfoncer un peu, mais elle n'en fait rien, pose simplement ses mains sur ses épaules en se pressant un peu plus contre lui et lui contre la table. “ Well, I for one think you're pretty hot though when you get competitive sharkie, ” souffle-t-elle en approchant son visage du sien, souriant un peu plus quand leur nez se touchent presque. Elle devrait avoir peur de ça, de ce plaisir simple, de ça, du fait qu'ils soient s'y proche en public, du fait qu'elle ne pourrait blâmer personne ne les penser en couple en cet instant précis, du fait que c'est elle qui instigue tout ça, tout simplement parce qu'elle ne peut même pas admettre qu'il lui a manqué. “ We can play something else if you want, ” puisqu'ils n'iront pas au casino dépenser stupidement ces deux cent dollars durement gagner — et qui sont encore dans sa poche à elle — et puisqu'il ne peut pas rentrer trop tard parce que monsieur travaille demain, elle a quelques idées quant à ce qu'ils pourraient faire pour s'amuser. Elle bifurque avant que leurs lèvres ne s'effleurent, les siennes venant traîner sur sa joue, se frayant un chemin vers son oreille. “ I did promise the winner I'd show him some special talent of mine, ” y chuchote-t-elle, une des mains sur ses épaules ayant trouvé sa nuque, l'autre glissant lentement le long de son torse. “ Tell me, would your stick be ready for that baby? ” Elle ne va pas jusqu'à aller vérifier par elle-même, se contentant de sourire un peu plus quand elle s'écarte pour le regarder, en attendant sa réponse, sa tête légèrement penchée de côté, lui donnant un air presque innocent. Elle ne croit pas qu'il est détesté se faire appeler comme ça un peu plus tôt, elle se permet de ressayer encore, goûter le surnom, jouer avec comme si c'était pour elle la première fois. (C'est le cas.)

“ Right. ” Il a vraiment honte de lui, rougit beaucoup et garde les yeux fixés partout sauf sur elle, sauf dans les siens, embarrassé d'avoir été surpris dans un tel moment de faiblesse. Faiblesse qui leur a quand même rapport deux cent dollars et un peu de street cred dans le bar, ceci dit. Il se dit qu'Amna est bien généreuse de ne pas se fiche de lui et l'enfoncer, mais il ne dit rien, de peur qu'elle se le permette au final. À la place, elle se presse un peu plus contre lui et il se détend, surtout quand elle pose les mains sur ses épaules et qu'il garde les siennes sur ses hanches, glissant vers son dos. Ils n'ont véritablement jamais fait ça. Ces marques d'affection rapides, sans but précis ni demande avide. Ces surnoms, ces baisers, cette coopération aussi. “ Well, I for one think you're pretty hot though when you get competitive sharkie. ” Il rougit un peu plus mais il sourit, aussi, satisfait de se l'entendre dire. Elle s'est approchée jusqu'à ce que leurs souffles se mélangent et leurs nez s'effleurent, Requin en profite amplement avec satisfaction. Il essaie de ne pas penser à l'amertume, l'espoir, l'envie qu'ils...
Qu'ils soient exactement ce qu'ils prétendent être.

Formuler cette pensée est difficile mais une fois que c'est fait, c'est fait. Alors il la repousse et se dit que de toutes façons, c'est déjà beaucoup, plus que ce qu'elle ne voudra jamais lui donner consciemment. Alors il peut s'en contenter. Du moment qu'elle ne le lâche pas. “ We can play something else if you want. ” Il peut très bien imaginer ce à quoi elle pense en cet instant précis, parce qu'il
y pense aussi, tendant le cou pour l'embrasser et faisant la moue quand les lèvres d'Amna finissent finalement sur sa joue, sa pommette, près de son oreille. “ I did promise the winner I'd show him some special talent of mine. ” La main qu'elle a posé sur son torse et en descend lentement le long est en train de rendre Requin fou. “ You did? ” demande-t-il d'un ton faussement surpris. “ Tell me, would your stick be ready for that baby? ” Ce surnom encore, qui le fait un peu frissonner quand elle se détache rapidement. Une de ses mains à lui retombe alors que l'autre vient chercher la sienne, pour pas qu'elle ne s'en aille trop loin. “ Want to find out? ” demande-t-il, joueur lui aussi, son défaut mortel l'empêchant physiquement de ne pas entendre le défi dans la voix d'Amna. Elle a promis de montrer un certain de ses talents au vainqueur dans les toilettes du bar — bref, une situation que Requin éviterait à tout prix d'ordinaire, qui ne lui traverserait même pas l'esprit. Il se demande si Amna est habituée à ça, quickies dans les toilettes, aventures durant quelques minutes, oubliées une fois la porte fermée derrière elle. Il décide que ça n'a pas d'importance.

Amna en tout cas semble être plutôt impatiente de découvrir tout ça, vu l'entrain avec lequel elle l'emmène jusqu'aux toilettes en lui laissant à peine le temps de récupérer sa veste. Leurs lèvres se trouvent avec violence une fois qu'ils sont enfermés dans la cabine, Requin grogne un peu quand elle le plaque contre le battant de la porte mais se plaint un peu moins quand ses mains se glissent sous sa chemise puis vont s'occuper de l'ouverture de son pantalon avec impatience. “ You're crazy, ” marmonne-t-il contre ses lèvres quand elle l'effleure à travers son caleçon, finissant par la repousser pour la plaquer à son tour contre le mur de la cabine, laissant ses mains caresser ses cuisses avec douceur, remonter sous le revers de sa robe noire. “ God, ” marmonne-t-il faiblement quand les caresses d'Amna se font un peu plus insistantes.
Ils n'ont pas le temps de faire grand chose d'autre qu'on frappe à la porte avec brutalité. “ MANAGEMENT, GET OUT OF HERE. ” Requin laisse son nez reposer contre le cou d'Amna un instant avant de se détacher comme si il s'était brûlé, en piquant un fard. Amna n'a pas l'air dérangée le moins du monde, au contraire, elle a même l'air un peu smug, insistant sans le lâcher même quand ile ssaie de chasser ses mains de son entrejambe pour se rhabiller. “ Stooooop. — Don't make me open this door! — NO! ” Elle rigole bien mais Requin est mortellement embarrassé alors qu'ils sortent en précipitation du bar (il entend deux mecs applaudir et l'encourager quand ils passent presque en courant), Requin a l'impression de se liquéfier sur place, c'est horrible. “ We can never go back, ” geint-il, toujours honteux, mais elle étouffe le reste de ses lamentations dans un baiser.

Elle a pris la mauvaise habitude de l'embrasser trop passionnément dans la cage d'ascenseur, et à chaque fois ils manquent d'être renvoyés à un autre étage quand ils sont arrivés au sien. Ils ont passé tout le chemin du retour dans le taxi à se toucher et s'embrasser et se sourire et Requin a le coeur léger, très léger, même quand il se rappelle amèrement de la dernière fois qu'elle s'est incrusté chez lui et l'a quitté le lendemain sans un regard en arrière. Mais rien ne compte plus que ses lèvres en cet instant précis, ses mains sur sa peau qui le déshabille à toute vitesse, et le regard noir qu'elle lui adresse quand elle aussi se retrouve nue sous ses yeux, sous lui, avant de glisser ses doigts dans ses cheveux pour l'attirer dans un énième baiser. Rien ne compte, sauf que ça le rend un peu triste quand même.
C'est peut-être ça, et la victoire au billard, et le fait qu'elle l'ait appelé baby, et embrassé devant tout le monde, qui lui donne ce qu'il n'a jamais eu: du courage. Ils se sont bien amusés, il est bien trop tard alors qu'il travaille le lendemain, et ils se sont déjà installés pour dormir — Amna à moitié sur lui, un bras possessif autour de son corps — quand il gigote un peu. Elle n'est pas encore endormie et lui doute pouvoir fermer l'oeil avec tout ça qui lui trotte dans la tête. “ I'm sorry for doing all of that washing, ” finit-il par lâcher d'une traite embarrassée. “ You probably didn't even want to me to see your clothes or fold them or- or I'm just sorry? And I didn't want you to feel unwelcome with the guest room and all I didn't know what to do and I didn't want to make you feel like you had to leave or something. ” Il pince des lèvres, elle n'aime pas parler mais il a besoin de parler, que ça sorte, qu'elle sache qu'il est désolé. C'est lui qui fout tout en l'air entre eux, avec ses sentiments à deux balles.

Requin la rattrape d'une main dans la sienne quand elle s'éloigne un peu et c'est tout ce dont Amna a besoin pour savoir que son plan marche parfaitement et qu'elle l'a, enfin, dans le creux de sa main. “ Want to find out? ” Elle pense que son regard noir en dit long sur ses intentions, mais elle hoche lentement la tête malgré tout et tire sur leurs doigts liés pour l'emmener à sa suite jusqu'aux toilettes du bar. Ça ne serait pas la première fois qu'Amna embrasserait quelqu'un là-bas, tomberait à genou pour venir satisfaire une entrejambe trop stimulée, mais ce n'est pas très courant non plus pour elle. Loin de là. De toute façon, Amna préfère largement quand c'est devant elle que l'on s'agenouille. Elle l'embrasse à pleine bouche avec une envie presque violente dès qu'ils sont seuls derrière la porte d'une cabine fermée à la va-vite, il n'est pas le premier qu'elle embrasse dans un endroit pareil, mais il est peut-être le premier qu'elle embrasse avec autant d'avidité, presque de besoin, ses mains venant déjà se glisser sous sa chemise puis vers la fermeture de son pantalon. “ You're crazy, ” marmonne-t-il contre ses lèvres quand ses doigts viennent le redessiner à travers son caleçon et il a peut-être raison, mais il l'aime sa folle en cet instant précis, Amna pense, Amna espère. Il ne la repousse que pour mieux la plaquer au mur de la cabine et venir la caresser elle, ses doigts remontant doucement sous le revers de la jolie robe noire qu'elle n'aurait pu mieux choisir si elle avait su en l'enfilant qu'elle allait le voir lui. “ God, ” il est un peu fébrile sous ses caresses, elle aime beaucoup ça, elle aime le voir perdre ses moyens devant elle, elle aime sentir son désir indécent sous ses doigts. Elle n'a pas le temps de faire autre chose que de le caresser ceci dit que l'on frappe brutalement à la porte de leur cabine pourtant très clairement occupée. “ MANAGEMENT, GET OUT OF HERE. ” Amna grogne, mais presse sa main dans la nuque de Requin quand il enfonce un peu son nez dans son cou avant de se détacher brusquement, tout rouge, arrachant un rire à Amna, qui pour être honnête n'est pas vraiment embarrassée de la situation, juste agacée d'avoir été interrompue. Elle n'arrête pas les caresses de son autre main, amusée de ses réactions, du fait qu'il ait du mal à la repousser, même alors qu'il semble si pressé de se rhabiller. “ Stooooop. — Don't make me open this door! — NO! ” Amna rigole un peu plus audiblement — elle a envie d'embrasser les joues toutes rouges de Requin, mais se débarrasse bien vite de l'idée — et elle sourit toujours presque fière d'elle quand ils sortent vite des toilettes et du bar sous les applaudissement deux types. “ We can never go back, ” geint-il et elle sourit un peu plus et vient plaquer son sourire contre sa moue pour le faire taire. C'est un énième baiser public, un énième interdit brisé, mais Amna décide que cette fois, elle s'en fout.

Leurs lèvres se quittent à peine quand ils montent dans le taxi, juste assez pour que Requin donne son adresse au chauffeur, ensuite ils sont de nouveau l'un sur l'autre à se toucher, un peu plus chastement peut-être que dans les toilettes et à s'embrasser avec passion. Elle n'a plus aucune forme de retenue quand ils sont enfin dans son immeuble, dans son ascenseur où ils pourraient tout aussi bien être seuls au monde que ça ne ferait pas de différence pour elle. Ils arrivent quand même à s'arrêter au bon étage, titubant presque jusqu'à sa porte, les mains d'Amna partout sur le corps de Requin en attendant qu'il ouvre la porte et qu'ils puissent laisser un chemin de vêtements de l'entrée jusqu'à la chambre.

Elle lui a donné sa récompense et plus encore et il l'a fait beaucoup gémir lui aussi, presque crié son nom à un moment donné et elle est un peu fatiguée, fourbue, mais contentée quand ils s'installent pour dormir : elle étalée sur lui un bras passé sur son torse, une position habituelle pour eux et en même temps pas vraiment pour elle qui essaye de se concentrer sur les battements du cœur de Requin contre sa joue, pour oublier les siens. Il gigote un peu sous elle et elle grommelle en s'appuyant presque un peu plus sur lui pour l'en empêcher. “ I'm sorry for doing all of that washing, ” elle fronce les sourcils, mais n'a pas le temps d'ouvrir la bouche, ni même d'esquisser le moindre mouvement, qu'il enchaîne déjà, d'une traite : “ You probably didn't even want to me to see your clothes or fold them or- or I'm just sorry? And I didn't want you to feel unwelcome with the guest room and all I didn't know what to do and I didn't want to make you feel like you had to leave or something. ” Amna a pratiquement retenu son souffle pendant sa tirade, ébahie. Il est désolé. Requin est désolé, de l'avoir accueillie, de l'avoir aidée, il est désolé parce qu'elle est partie, comme si c'était de sa faute. Elle l'a blâmé c'est vrai dans sa tête, elle l'a blâmé, elle a trouvé un moyen d'être en colère contre lui, mais elle sait, elle a toujours su, dès le moment où elle a décidé de tourner les talons, que ce n'était pas de sa faute à lui, mais de la sienne. Qu'elle a freak out. Et c'est pas vraiment à cause de la machine — parce que bizarrement ça ne l'a pas trop dérangée qu'il voie et touche ses vêtements — et pas à cause de la chambre d'amis parce que finalement elle n'y a pas dormi. C'était à cause d'elle et du fait qu'elle ressent des choses qu'elle devrait pas ressentir quand il sourit et la touche et la regarde. Elle a envie de se redresser un peu pour qu'il la regarde justement, voie comme elle est surprise de recevoir ses excuses, comme ce n'est pas nécessaire, comme elle ne lui en veut pas. “ Don't ", commence-t-elle, dans un murmure, la main du bras enroulé autour de son torse venant effleurer la peau de sa clavicule, près de là où sa tête est toujours posée. C'est à elle de demander pardon, ils le savent tous les deux et pourtant elle ne pense pas que ça soit pour ça que Requin l'a fait lui-même.

“ I- " Elle ne peut pas s’excuser, ça lui est presque physiquement impossible, ça lui brûle la gorge d’avance et- “ I shouldn’t have done that, ” c’est presque suffisant, pour elle est c’est déjà beaucoup. Elle s’en veut de ne pas lui en offrir plus — il le mérite et elle le sait — et en même temps elle s’en veut aussi de lui donner déjà autant. “ I shouldn’t have left like that without a word. We’re not- ” Ils ne sont plus comme ça, ils n’en sont plus à ce stade-là où elle peut juste partir sans dire au revoir et sans se retourner et sans rappeler. Ça lui fait peur, mais c’est la vérité. Elle est restée et revenue trop de fois. “ You deserve better than that. ” admet-elle dans un souffle qui échoue contre son torse duquel elle n’a pas envie de se détacher, pas encore. “ It was really…cool ” Elle a vraiment du mal à s’exprimer, elle ne sait pas gérer ces deux émotions : culpabilité et gratitude, et tout le reste de ce qu’elle ressent face à Requin. “ Of you to do the washing and let me stay. Without any question. That-that’s what I should have told you. ” Et plus encore, elle aurait dû dire merci, tout simplement. Merci de l'avoir aidée, de lui avoir sauvé la mise ce soir-là. Peut-être qu'elle aurait pu trouver un autre endroit où dormir, elle aurait pu aller chez Willy, elle aurait pu aller chez Akhmar ou un autre Enfant Terrible, elle aurait pu aller chez Lamar s'il était aussi question de sexe. Mais elle l'a choisi lui. Elle le voulait lui. Elle le veut, encore, lui. Elle se redresse légèrement, le coude replié sur le torse de Requin pour s’aider à se maintenir au dessus de lui, venant toucher ses lèvres du bout de l’index de sa main libre. “ What are you doing tomorrow Requin? ” Demain c’est vendredi, le jour normal pour les visites d’Amna chez lui. L’a-t-il remplacée les deux derniers vendredi ? A-t-il déjà des plans pour celui qui arrive ? C’est égoïste, mais elle aimerait que non. Elle aimerait qu’il soit libre pour elle. Elle aimerait qu’il la veuille elle. Elle se penche légèrement, avant même qu’il ne réponde, pour déposer un petit baiser au coin de ses lèvres. Elle n’en a pas dit assez, mais elle en a dit beaucoup, quelque part elle espère qu’il le sait. “ I'd like to see you. ” Une manière comme une autre de lui faire entendre que le lendemain matin ne sera pas comme la dernière fois.

Dès qu'il a fini de parler, Requin a envie de recommencer, de continuer jusqu'à ce qu'il soit noyé sous ses mots, qu'il n'ait plus du tout à réfléchir, jamais, en parlant. Il ouvre la bouche pour recommencer sa tirade quand Amna se redresse un peu et le regarde, les yeux écarquillés, apparemment plutôt surprise de ce qu'il vient de lui dire. Il aimerait ajouter qu'il ne veut vraiment, vraiment pas être condescendant et lui donner l'impression qu'il méprise ou a une opinion négative de sa vie. Il ne va pas dire qu'il est ravi qu'elle squatte et appartienne (littéralement) à un gang et vende de la drogue, mais il n'a pas envie qu'elle pense qu'il la juge d'avoir fait ces choix, d'être libre et indépendante et de n'appartenir à personne, même si il aimerait bien qu'ils soient autre chose qu'un coup d'un soir tous les vendredi. “ Don't. ” Il referme la bouche en faisant la moue, douloureusement conscient de ses doigts qui effleurent sa clavicule, doux contre sa peau. Il n'a pas envie non plus qu'elle pense qu'il veuille qu'elle s'excuse, déjà parce qu'il sait qu'elle ne le ferait pas (ce n'est pas son genre) et ensuite parce qu'il se blâme, de vouloir d'elle plus que ce qu'elle est prête à offrir. Plus que ce qu'ils ont décidé implicitement la première fois qu'ils se sont retrouvés dans les bras l'un de l'autre après une journée entière passée ensemble au tribunal.

“ I- ” It's okay, a-t-il envie de lui dire, mais il est pendu à ses lèvres et il ne dit rien, l'observe même si il a du mal parce qu'il n'a pas ses lunettes et que la pièce est très sombre. C'est dommage, il aimerait bien lire les émotions qui se trouvent sur son visage en cet instant précis. “ I shouldn’t have done that. ” Partir, doit-elle vouloir dire, et Requin se rembrunit un peu en se souvenant de l'amertume qui l'agitait jusqu'à recevoir son message. “ I shouldn’t have left like that without a word. We’re not- ” Son coeur s'emballe et puis se calme. Ils ne sont pas... Ils ne sont rien. Ils sont un peu plus que leur première fois, mais ils ne seront jamais ce qu'il veut. Requin a l'impression qu'il n'a jamais ce qu'il veut. Enfin, c'est surtout qu'il ne veut rien de particulier, vraiment pas grand-chose. Et et que la seule chose qu'il veut réellement, sincèrement, c'est elle. Il trouve ça injuste. Mais il ne la trouve pas elle, injuste, il pense juste que la vie a un sacré sens de l'humour tordu. “ You deserve better than that. ” Il n'en sait trop rien, de ça, mais il n'en dit rien. Il récolte juste ce qu'il a semé, après tout.

Étrangement, Amna n'en a pas fini — il ne s'attendait pas à ce qu'elle réponde à ses excuses, et encore moins comme ça. “ It was really…cool. ” Il pense qu'elle parle du billard, au début. “ Of you to do the washing and let me stay. Without any question. That-that’s what I should have told you. ” C'est beaucoup, ce qu'elle est en train de lui dire, et ce ne serait pas assez pour la plupart des gens. Mais pour Requin, c'est énorme, et il le sait, et il n'en demande pas plus, pas du tout. Et ça l'énerve, aussi, parce qu'il sait qu'il sera là à chaque fois, sans question posée, sans rancoeur ravalée au fond de sa gorge. Ça l'énerve parce que c'est pathétique mais il n'arrive pas à s'en vouloir, parce que ça voudra aussi dire qu'il pourra passer du temps avec Amna.
Elle se redresse un peu, coude replié sur son torse, le bout d'un de ses doigts venant effleurer sa bouche. Il se laisse faire sans rien dire, replie timidement son bras qui était jusque là sous elle, autour de sa taille. “ What are you doing tomorrow Requin? ” Elle se penche et lui embrasse la joue près des lèvres. “ I'd like to see you. ” Il est très surpris et son coeur bat un peu fort dans sa poitrine une ou deux fois avant qu'il ne réponde. “ I'm working tomorrow, ” répond-t-il dans un murmure, toujours la même réponse. Il tend les lèvres et embrasse le bout de son doigt avec douceur, timidement. Ils n'ont jamais été affectifs. Jamais. Tout ça est très nouveau et très effrayant. “ But I'll try to clock out early and we can do something? ” offre-t-il, toujours aussi hésitant, souriant un peu quand elle semble approuver. Il ouvre la bouche et attrape le bout de son doigt, le maintient autour de ses dents, le taquine de sa langue avant de la relâcher pour se pencher en avant et venir chercher ses lèvres. Elle répond à son baiser. Et Requin ne peut pas s'empêcher de sourire un peu, soulagé et content, contre ses lèvres.

Quand ils se détachent, Requin retombe sur le matelas et l'encercle un peu plus de ses bras, Amna nichant son nez contre son cou, un bras possessif toujours passé autour de lui. Il enfouit son nez dans ses cheveux, machinalement, et y murmure: “ you're always welcome here, Amna. Every day of the week. ” Il rougit un peu — on dirait qu'il lui offre de venir vivre avec lui —, mais il est sincère, jeudi, vendredi, samedi ou mardi, elle est toujours invitée chez lui. Il a envie de lui dire qu'elle lui a manqué, mais il n'ose pas, finit simplement par gigoter un peu pour trouver une position un peu plus confortable avant de s'avachir rapidement sur le matelas, dans les bras d'Amna, et de s'endormir presqu'aussitôt.

Quand il se réveille, le lit est vide et pendant un instant, il pense avec un brin d'amertume qu'elle est partie, qu'elle n'était pas sérieuse, qu'elle ne voulait juste pas l'alerter. Il cligne des yeux difficilement, regarde sur son téléphone sur la table de nuit qu'il s'est réveillé dix minutes avant son alarme et la désactive avant de se tirer du lit, enfilant rapidement ses lunettes et quelques vêtements pour aller se faire à manger avant d'aller se doucher. Il pense qu'Amna est partie, très simplement, et il sait qu'il ne devrait pas lui en vouloir. Il ne remarque que trop tard l'odeur de café qui flotte dans l'air, et a des yeux ronds comme des soucoupes quand il comprendre qu'Amna est dans sa cuisine, portant l'un de ses t-shirts, en train de faire griller du toast.
“ That's... ” new, a-t-il envie de dire, avant de revenir sur ses mots et de s'approcher d'elle. Il hésite et puis finalement tend le cou, un peu rasséréné quand elle l'embrasse légèrement... et puis moins légèrement quand il pose sa main sur le plan de travail près de sa hanche et que la sienne à elle trouve sa nuque. “ You make a man want to skip work... ” admet-il, chose qu'il n'a jamais faite avant. Il est encore tôt, il a encore le temps de changer d'avis et d'aller travailler mais... Amna rend ça très dur. Elle ne semble pas trouver cette proposition si terrible quant à elle. “ Who is going to stand up for the big guys if I don't go to my very boring and morally dubious work? ”

C'est un peu dangereux ce que fait Amna, très dangereux même. Elle propose des choses impossibles ; ils ont l'habitude de se voir le vendredi soir, mais jamais comme ça, pas après s'être vus le jeudi, pas après qu'elle ait demandé comme ça d'une manière presque vulnérable en admettant qu'elle, en tous cas, elle aimerait le voir en dépit des semaines de silence. Elle pense qu'il devrait lui en vouloir, mais elle pense aussi que la position dans laquelle ils se trouvent montre bien que ce n'est pas le cas. Le noir de la pièce l'empêche de très bien discerner les traits de Requin et pour une fois c'est une bonne chose, parce qu'elle a un peu peur de ce qu'elle lirait dans ses yeux. “ I'm working tomorrow, ” répond-t-il dans un murmure, arrachant une petite moue à Amna. Ce n'est pas ce qu'elle voulait dire, elle ne pensait pas à la journée, elle- Elle est totalement prise de court quand il embrasse le bout de ses doigts qui traînent encore sur ses lèvres. Ils n'ont jamais fait ça. “ But I'll try to clock out early and we can do something? ” Elle ne pensait pas à la journée, juste au soir, comme d'habitude, quand il est déjà sorti du travail et rentré chez lui, comme d'habitude, exactement. Sauf que ça aussi ça lui plaît, l'idée qu'il finisse un peu plus tôt, qu'ils se retrouvent avant le coucher du soleil peut-être, qu'ils fassent quelque chose. Et elle ne sait pas ce que ça serait ce something, mais elle sait que ça lui fait envie. “ Yeah…” à peine un murmure, un vague hochement de tête et pourtant, pourtant son cœur bat un peu plus vite dans sa poitrine et elle se sent sourire en même temps que lui. I'd like that, a-t-elle envie de dire. Oui elle aimerait bien qu'ils se voient demain et ça allume tous les signaux d'alarmes dans son esprit, mais elle décide de les ignorer, facilement distraite après tout quand Requin capture son index entre ses dents et vient jouer avec du bout de la langue. Ses yeux n'ont jamais été aussi noirs. I'd like that very much. Finalement leurs lèvres se retrouvent avant qu'elle n'ait eu le temps de craquer et de lui faire part de tout son enthousiasme timide et elle s'oublie contre lui, souriant tout contre ses lèvres. Ils ne font rien de plus, ils en ont déjà beaucoup faits ce soir et quand leurs lèvres se détachent ils se réinstallent un peu mieux sur le matelas et cette fois, si Amna est toujours un peu sur lui, le nez dans son cou, un bras autour de lui, lui aussi referme les siens atour de son corps et enfonce son visage dans ses cheveux et Amna a très peur, mais elle sourit, aussi. “ you're always welcome here, Amna. Every day of the week. ” Elle devrait s'écarter, juste comme ça, elle devrait rejeter ce qu'il dit, rire, partir en courant, mais elle ne dit rien, cale juste un peu mieux sa joue contre son épaule et resserre très légèrement son bras autour de son torse. Elle ne sait pas s'il est sincère, mais elle pense que oui et elle ne sait pas si elle utilisera jamais son offre, elle pense que non, mais ça la touche quand même. Il bouge encore un peu, la faisant grogner, et puis elle le sent se détendre sous elle, s'endormir rapidement, Amna se laisse bercer par les battements de son cœur à lui, en essayant de calmer les siens alors qu'elle pose très légèrement ses lèvres sur sa peau nue, là où elle le sent battre. “ Thank you. ” chuchote-t-elle à son corps endormi et c'est beaucoup et pas grand chose à la fois, mais ça lui laisse un petit sourire sur les lèvres quand elle s'endort.

Elle se réveille, tôt, un peu trop à son goût, avant Requin surtout qui pourtant travaille aujourd'hui. Elle n'a aucune idée de l'heure à laquelle il se réveille d'ordinaire pour aller au bureau vu qu'elle n'est jamais là pour ça d'ordinaire, elle ne se réveille normalement que le samedi avec lui. Mais elle est là et y a toujours la même peur qu'à son dernier réveil avec lui qui lui enserre un peu la poitrine quand ses souvenirs lui reviennent, mais pas autant de panique. Elle hésite quand même, pourtant, elle hésite un peu quand elle se détache doucement de ses bras pour l'observer, toujours profondément endormi. Elle pourrait blâmer l'alcool pour tout ce qu'il s'est passé la veille, pour l'avoir invité, pour l'avoir voulu, pour l'avoir embrassé de pleins de façon qu'elle n'avait pas fait avant, pour l'avoir appelé baby, pour s'être montrée douce, affectueuse presque. Elle pourrait, mais déjà elle a envie de se blottir de nouveau dans ses bras et c'est terrifiant, mais…mais elle reste. Pas dans ses bras, qu'elle finit par quitter comme à regret en essayant de ne pas le réveiller, venant fouiller dans un tiroir pour lui voler un des t-shirts qu'il lui prête d'ordinaire, souriant timidement quand elle l'enfile. Elle ne récupère pas ses affaires à la va-vite, elle va juste dans la cuisine. Il est tôt et elle a faim, elle n'a pas dîné la veille et puis il va bientôt se réveiller pour aller au travail et après…après Amna ne sait pas trop. Mais Amna a faim et d'habitude c'est Requin qui fait le petit-déjeuner — ils sont chez lui après tout — mais il n'est pas réveillé donc elle cherche seule dans ses placards le café et le sucre — dont elle a un peu honte de déjà connaître les emplacements. Elle n'est pas très douée pour la cuisine alors elle se contente de faire griller des toasts, sachant qu'il a toujours de quoi les tartiner. Elle devrait pas savoir tout ça, être si habituée à tout ça, à chez lui, être contente qu'il lui ait dit qu'elle était toujours la bienvenue. Comme s'ils étaient amis. Ou ce qu'ils ont un peu prétendu être au bar.

“ That's... ” elle se retourne brusquement quand elle entend Requin, prise sur le fait, sans trop savoir si elle devrait s'excuser ou- Mais il ne finit pas sa phrase, s'approche juste d'elle qui ne sait pas vraiment comme l'accueillir, satisfaite toutefois quand il se penche pour l'embrasser et qu'elle peut lui rendre son baiser un peu (trop) doux jusqu'à ce que ça le soit moins à cause de la main de Requin près de sa hanche et la sienne dans sa nuque. “ You make a man want to skip work... ” Il avait l'air un peu surpris de la trouver dans la cuisine — a-t-il cru qu'elle était de nouveau partie sans un au revoir ? Mais apparemment pas de manière désagréable. Amna sourit contre ses lèvres, elle ne serait pas contre qu'il arrive au moins en retard au bureau. Pour rester un peu avec elle, pensée inavouable. “ Who is going to stand up for the big guys if I don't go to my very boring and morally dubious work? ” Elle laisse échapper un rire, franc, mais petit, parce que c'est précisément ce qu'elle pense de son travail à Requin, il défend des gens probablement souvent indéfendables qui n'ont comme seul mérite leur compte en banque rempli. Y'a peu de morale dans son travail et bien sûr elle est mal placée pour critiquer, vu sa propre occupation, mais elle c'est pour survivre, et puis elle c'est illégal, alors que lui, c'est légitime et bien vu par la société et grâce à ça il est riche. Elle se renfrogne légèrement, mais pas assez pour le repousser, pour retirer sa main de sa nuque, pas assez pour ne pas chercher un autre baiser de sa part, comme pour lui donner plus de raisons de rester, faible qu'elle est. “ Why go do something boring when you have something that's anything but, right there, at home? ” murmure-t-elle contre ses lèvres quand elle rompt leur baiser. Le grille-pain derrière elle, fait entendre que les toasts sont prêts, mais elle ne bouge pas pour les récupérer, les yeux plongés dans ceux de Requin. Elle dit n'importe quoi, elle a l'impression de dire n'importe quoi en tous cas, l'impression qu'il va éclater de rire d'un moment à l'autre. “ Even big-shot lawyers get sick sometimes don't they? ” propose-t-elle avec une petite moue, deux doigts venant jouer sur son torse. Amna aussi devrait aller travailler, mais elle n'a pas de grosse livraison de prévue aujourd'hui et peut-être qu'on pourrait se passer d'elle, quelques heures au moins. Elle a bien travaillé la veille, oui peut-être qu'on peut la laisser tranquille aujourd'hui. Elle a un peu honte de penser ça, très honte même, d'être si forward alors que ce n'est pas ça eux, qu'il ne veut pas ça, qu'elle-même, elle ne veut pas, ou en tous cas ne devrait pas vouloir ça. Elle se retourne donc pour échapper à son regard et déposer les toasts prêts sur une assiette avant d'en plonger quatre autres dans le grille-pain puis de tendre l'assiette à Requin. “ Spreading duty for you. Butter and jam for me. Thanks.” ordonne-t-elle presque avec un petit sourire en coin avant d'aller couper le feu sous le café.

Amna rit, un rire franc et spontané qu'il aime bien, un son qu'il n'entend pas assez trouve-t-il. Elle sourit beaucoup, Amna, des sourires aguicheurs, moqueurs, satisfaits, victorieux, mais il ne l'entend pas souvent rire même si il trouve que c'est un joli son, surtout quand il a presque l'air... surpris, surpris de s'amuser avec lui. Elle doit vraiment penser qu'il est le mec le plus chiant de tous les temps, mais il ne peut pas vraiment la blâmer. Elle s'assombrit un peu — comme à chaque fois que le poids de son métier, l'injustice de leurs vies si différentes, flotte au-dessus de leurs têtes — mais elle l'attire quand même à elle pour l'embrasser, et il s'exécute avec plaisir. “ Why go do something boring when you have something that's anything but, right there, at home? ” Il sourit un peu en l'entendant, avant de froncer les sourcils et de porter une main à son visage pour gratter son menton comme si il était en train de réfléchir. “ Hm... valid point. ” Le toaster indique que leur petit-déjeuner est prêt, mais ils ne bougent pas, restent serrés l'un contre l'autre contre le plan de travail. “ Even big-shot lawyers get sick sometimes don't they? ” Il rit un peu en secouant la tête. “ I'm not a big-shot lawyer, Amna. ” Mais pour le reste elle a raison. Ils tombent parfois malades... sauf lui. Il est toujours là, premier arrivé et dernier parti, il travaille beaucoup, même à la maison parfois quand il le faut, il fait des heures supplémentaires et il ne profite de rien d'autre que de son salaire. Il ne se souvient pas de la dernière fois qu'il est parti en vacances, en vraies vacances — les seuls jours qu'il saute, c'est les vendredi 13. Il a juste posé un jour pour le mois prochain, un lundi, le lendemain du mariage de son coloc de l'université, pour se donner le temps de rentrer tranquillement de Saint Louis.

Elle laisse traîner ses doigts sur son torse et Requin sourit un peu — un peu distraitement, un peu bêtement, juste content qu'ils passent du temps ensemble, qu'il ait l'impression de l'apprivoiser peu à peu. Il se penche pour l'embrasser une nouvelle fois, incapable d'y résister, mais déjà elle se retourner pour sortir les toasts et les déposer dans une assiette. “ Spreading duty for you. Butter and jam for me. Thanks. ” Il renifle un peu, peinant à croire qu'elle lui donne des ordres sous son propre toit mais... c'est Amna. Au final, ce n'est pas si surprenant que ça.
Il lui tartine une généreuse tranche de pain, et une plus timide pour lui-même, avec du chocolat ceci dit parce qu'il préfère. Il s'assied à la table de la cuisine pour manger — ne jamais manger debout, lui a appris sa mère — et sourit un peu en voyant Amna s'asseoir en face de lui, de l'autre côté de la petite table carrée. C'est stupide et c'est si simple, mais il aime bien ça. “ Right, I'll call my boss, then, ” dit-il en finissant son toast. Il n'a plus très faim — il n'arrive pas à croire qu'Amna prépare tant de nourriture — mais emporte tout de même la deuxième tartine qu'il s'est faite avant d'aller chercher son téléphone dans la chambre pour appeler son supérieur et le convaincre, à grands renforts de toux factices, qu'il est très malade et ne peut pas venir travailler.

Ça lui prend quelques minutes, son chef est agacé, énervé, mais finit par abandonner et accepter qu'il ne vienne pas aujourd'hui, ça lui fait un bon petit weekend de trois jours. Il aimerait bien faire quelque chose de spécial — aller au restaurant, à la plage (même si lui préférerait rester sur le sable), se promener dans un parc, aller dans une salle d'arcade — mais il n'ose rien proposer, de peur qu'elle prenne peur, en revenant trouver Amna toujours en train de se goinfrer de toast dans la cuisine. Elle est en train de leur servir du café dans deux tasses et il s'approche silencieusement d'elle, venant se coller à son dos et poser ses lèvres sur la peau sensible et délicate sous son oreille, ses mains glissant sur ses hanches et son ventre. “ Seems like you're going to have to take care of a very sick Requin today, ” murmure-t-il lentement à son oreille, laissant ses lèvres trouver son cou, son épaule alors qu'elle renverse un peu l'épaule pour lui laisser un meilleur accès. Elle est nue sous son t-shirt et il en est douloureusement conscient alors qu'elle se presse contre lui qui ne porte rien d'autre que le caleçon qu'il a enfilé par mécanisme en se levant. “ Ah, the very bad things you make me do... ” Il embrasse un peu plus sa peau, s'amusant de ses soupirs quand ses mains se glissent sous le tissu du t-shirt pour effleurer sa taille et son ventre nu, son bas-ventre... et puis de se détacher, attrapant une tasse de café avant de s'écarter. Le regard noir d'Amna le fait sourire, surtout quand il sait qu'ils vont passer une journée ensemble, plus d'heures ensemble qu'ils n'en ont jamais eu depuis qu'ils se connaissent — enfin, depuis qu'il l'a préparée à passer à la barre au tribunal, en fait. “ What is it that you would recommend for a very sick lawyer, doc? ” demande-t-il, véritablement curieux de ce qu'elle pourrait avoir envie de faire avec l'homme le plus chiant de la Terre.

Amna ne prend pas le temps d’observer la réaction de Requin, coupe juste le feu sous l’eau chaude de leur café — il a une machine à expresso aussi, mais elle déteste ça —, ses doigts hésitants brièvement au-dessus des flammes bleues, naturellement attirés par leur chaleur et leur danse. Quand elle se retourne après avoir versé une quantité généreuse de grains de café dans les tasses, il a déjà fini de lui tartiner une première tranche de pain qu’elle vient vite attraper, en laissant la casserole sur la gazinière désormais éteinte. Il s’est assis et elle l’imite machinalement, même si d’ordinaire elle mangerait sûrement sa tartine debout, trop pressée, son manque de manière comparé à lui étant néanmoins tout à fait rendu évident par sa position sur sa chaise : une jambe repliée contre son torse et son menton posé sur son genou alors qu’elle avale ses premières bouchées avec un petit sourire. Lui-même a une risette sur les lèvres, incompréhensible, mais qu’Amna aime bien voir, pour être honnête. “ Right, I'll call my boss, then, ” dit-il quand il a lui-même terminé sa tartine, alors qu’Amna s’empare déjà de la deuxième pour la beurrer généreusement. Elle hoche simplement la tête, en essayant de masquer toute la satisfaction que ces mots lui procurent. Il va s’absenter à son travail, pour elle. Il y a un peu de culpabilité qui vient se mêler à la joie et l’excitation, parce qu’il ne devrait pas faire ces choses pour elle, parce qu’elle l’a planté sans prévenir alors qu’il mérite mieux, parce qu’elle ne s’est même pas excusée, pas vraiment, juste à demi-mots. Il mérite plus que ce qu’elle lui a offert et pourra jamais lui offrir. Les coins de ses lèvres retombent un peu quand il a quitté la pièce. Elle est heureuse, vraiment, à l’idée de passer la journée avec lui et ça aussi, son enthousiasme, la pousse à se renfrogner, parce que c’est trop, parce qu’elle ne devrait pas vouloir ça. Requin devait être un amant de passage, comme les autres et elle ne sait pas trop ce qu’il est aujourd’hui, mais elle sait que ce n’est plus que ça.

Elle achève sa seconde tartine un peu plus lentement, l’estomac un peu noué, se lève quand le toasteur se fait entendre de nouveau pour récupérer la deuxième — et dernière — fournée, semble ne se rappeler du café qu’à ce moment-là, servant l’eau chaude dans chacune de leur tasse. Elle sursaute quand deux mains se posent sur ses hanches alors qu’un corps chaud se colle au sien, dans son dos, les lèvres de Requin trouvant un coin de peau sous son oreille qui lui arrache un frisson avant même qu’il ne souffle dessus en parlant. “ Seems like you're going to have to take care of a very sick Requin today, ” un simple murmure dans son oreille qui provoque pourtant un autre frisson alors que, très naturellement, Amna se presse sans réserve contre lui, un petit sourire satisfait tordant ses lèvres. Elle ne s’imaginait pas trop que ce puisse être compliqué pour quelqu’un comme lui d’obtenir un jour de congé, surtout un congé maladie, ce n’était donc pas dans l’éventuel refus de son supérieur hiérarchique que résidait son anxiété, et pourtant elle est un peu soulagée grâce à ce qu’il lui dit. Le reste, elle l’oublie dans le baiser qu’il dépose sur sa peau, son cou, son épaule, son corps lui laissant presque de lui-même un meilleur accès. “ Ah, the very bad things you make me do... ” Elle sait qu’il la taquine, qu’il est amusé, elle peut sentir son sourire contre sa peau qu’il a trouvé malgré le t-shirt qu’elle porte, mais elle sait aussi qu’elle est une mauvaise influence, de la mauvaise graine aux yeux de gens comme lui — et pourtant elle espère un peu, pas à ses yeux à lui. Les mains de Requin viennent la trouver sous le tissu, effleurer la peau nue de sa taille, de son ventre, et puis un peu plus bas alors qu’Amna soupire un peu de satisfaction et d’impatience, laissant bien malgré elle échapper un grognement quand il se détache sans prévenir et attrape une des tasses qu’elle vient de servir.

Les prunelles d’Amna sont très noires quand elle se retourne pour le suivre du regard, attrapant elle aussi sa tasse en essayant un peu vainement de retenir sa petite moue frustrée. Elle ne voudrait pas qu’il sache exactement tout l’effet qu’il lui fait. “ What is it that you would recommend for a very sick lawyer, doc? ” Elle sourit légèrement, portant la tasse à ses lèvres, attrapant l’assiette pleine des derniers toast grillés de sa main libre pour revenir à la table, en essayant d’ignorer un peu la chaleur qu’ont provoqué les baisers et les caresses de Requin entre ses jambes. “ Well, ” elle s’installe dans la même position qu’avant, souriant quand il se rassoit aussi, elle pousse machinalement l’assiette de pain vers lui pour qu’il lui en tartine un autre morceau. Elle n’as plus très faim, mais elle sait qu’elle mangera tout quand même. “ For starters you need your fill of energy juice… ” Elle le regarde sous ses cils avec un petit sourire en coin, “ not talking about the coffee ” café dans lequel elle trempe ses lèvres avec un sourire. Elle le boit noir, pour sa part, et c’est très amer, mais elle aime bien. Ce qu’elle propose à Requin en guise de sirop en revanche, devrait être bien plus doux et sucré. En tous cas, lui quand il la goûte, a l’air d’aimer. “ You need a good shower too, maybe someone to scrub your back a little, ” non qu’elle n’en ait pas déjà fait son affaire la veille de ses propres ongles. Elle saura être plus douce ce matin. Ou essayer, au moins. “ And then… ” Elle ne sait pas trop à vrai dire. Elle n’a jamais fait ça, une journée avec quelqu’un, alors que ce qu’ils sont n’est pas défini, pas clair le moins du monde. Elle réfléchit, se demande ce qu’elle ferait avec un ami, Willy par exemple, mais elle ne sait pas, ils ne sont pas bons pour faire des plans, ils se retrouvent juste, improvisent. Et puis Requin n’est pas un ami. Pourtant, et quand bien même elle aime énormément passer des nuits entières avec lui, elle n’a pas envie de passer la journée au lit. Elle doute que ce genre de choses se reproduise, doute d’avoir de nouveau une telle opportunité — elle s’inquiète, aussi, de sa déception à cette idée — donc elle préfère en profiter.  “ Maybe we could, we could go stroll around in the Village, check the shops, I think I need a new bag, ” pas vraiment, mais elle a l’impression d’avoir besoin d’une excuse pour proposer un truc aussi stupide et mondain. La vérité c’est qu’elle aime juste bien ce quartier, même si ça l’agace terriblement, à chaque fois, de voir les jeunes qui vont en cours ou en qui en sortent, insouciants et chanceux, même si ça lui brûlerait la langue de l’avouer.  “ Oh! Or check the aquarium I haven’t been in a long time. ” La dernière fois c’était avec sa dernière famille d’accueil, autant dire il y a vraiment longtemps, c’était un peu nul et à vrai dire celui d’Arcadia est vraiment tout petit — non qu’elle ait de quoi comparer — mais elle aime bien la mer et les poissons. Elle se rend compte qu’elle est un peu trop excitée pour rien alors elle masque de nouveau ses lèvres et son enthousiasme dans sa tasse. “ Let’s eat out, too. I mean a very sick lawyer cannot cook and well…while I plan to feed you good, you don’t want to eat my butter pasta. ” plaisante-t-elle en conclusion. Elle ne sait vraiment pas cuisiner. Et puis, ça ne la dérangerait pas trop, de se poser dans un restaurant avec lui. Même si ça ressemblerait affreusement à un date et que tous ses principes se révoltent et qu’elle doit, à grand renfort de café — et d’envie — noyer ses peurs pour les faire taire.

warning. soft smut

Les yeux d'Amna sont particulièrement noirs, vissés sur lui, et Requin se sent sourire un peu malgré lui. Elle aime bien le teaser elle aussi, mais elle apprécie moins quand c'est lui qui se le permet; même si il devine un peu d'amusement malgré tout dans le sourire qu'elle referme sur la tasse apportée à ses lèvres. “ Well. ” Elle revient s'asseoir en face de lui et Requin abandonne son propre café pour tartiner les tranches de pain restantes qu'elle fait glisser vers lui. “ For starters you need your fill of energy juice… not talking about the coffee. ” Il était en train de reprendre une dernière gorgée pour se donner du courage et manque de s'étrangler dessus, secouant la tête d'un air réprobateur (quoiqu'amenuisé par le sourire en coin qui s'étire sur sa bouche) en relevant les yeux vers elle. Il comprend très bien de quel genre de jus elle veut l'abreuver, non pas qu'il soit à plaindre. “ You need a good shower too, maybe someone to scrub your back a little. ” Il hume un peu, cette perspective lui plaisant bien, il regrette simplement de ne pas avoir de baignoire pour avoir le temps de se prélasser (non pas qu'Amna apprécierait ça, il pense, elle n'a pas l'air du genre à prendre son temps comme ça, et ça les forcerait à une intimité jamais partagée jusque là). Il reprend son devoir de tartinage en l'écoutant, yeux rivés sur ce qu'il est en train de faire, mais toujours avec ce petit sourire sur les lèvres. “ And then… Maybe we could, we could go stroll around in the Village, check the shops, I think I need a new bag. ” Ce n'est vraiment pas ce à quoi il s'attendait et il relève rapidement un regard curieux vers elle, avant de le laisser retomber sur les tranches de pain. D'accord... surprenant, mais pas déplaisant, loin de là. Juste surprenant.

Ça ressemble de plus en plus à un truc qu'un couple ferait. Pendant un instant, les pensées de Requin deviennent un peu too much, il se demande si elle est en train de laisser entendre qu'elle aimerait qu'ils soient en couple. Après tout, elle est restée pour la nuit et hier, devant ces autres hommes, elle a prétendu que c'était ce qu'ils étaient, l'a appelé baby et embrassé devant tout le monde... C'est du pur fantasme bien entendu. Amna est Amna et Requin se déteste de penser ainsi. Peut-être que lui devrait prendre ses distances... non. Il n'est pas comme ça. Il sera là pour elle comme elle le veut et quand elle le veut. Rien de plus, et rien de moins. “ Oh! Or check the aquarium I haven’t been in a long time. ” Il arque les sourcils en l'entendant, souriant un peu plus. Un aquarium, tiens, il n'y est pas allé depuis... St Louis, sans aucun doute. Il n'a jamais été ça, surtout qu'il se rappelle y être allé avec un groupe d'amis qui l'avaient traîné jusqu'à la salle aux requins qui l'avait grandement mis mal à l'aise. Mais si Amna a envie d'y aller, il a hâte. “ Let’s eat out, too. I mean a very sick lawyer cannot cook and well…while I plan to feed you good, you don’t want to eat my butter pasta. ” Il renifle en l'entendant. Une balade en ville, un aquarium et un restaurant. Si il ne la connaissait pas... “ I plan to eat you out alright, ” rétorque-t-il plutôt calmement, réutilisant sa première et dernière proposition ensemble. “ Or you won't let me hear the end of it. ” Il fait mine de lever les yeux au ciel mais en réalité il aime bien ça, qu'Amna soit si demandeuse et impatiente avec lui. Ça le fait se sentir apprécié. “ But coffee first. ” Et tartines, aussi, qu'il finit de préparer pour Amna avant de les lui tendre. Il descend trois tasses de café comme à son habitude... enfin non. Habituellement, il n'y a pas quelqu'un de l'autre côté de la table pour lui faire du pied sous ladite table et le regarder d'un air joueur sous ses épais cils noirs.

Il grogne un peu mais il ne lui en veut pas trop de son impatience, surtout quand elle répond passionnément aux baisers qu'il plaque sur ses lèvres alors qu'il la déshabille après l'avoir presque jetée sur le canapé du salon, finissant par descendre vénérer chaque parcelle accessible de son corps en ignorant les mains pressantes d'Amna sur ses épaules, elle aimerait qu'il aille plus vite. Mais Requin profite, il sait que ce moment — ces moments — sont rares. Il fait jour — occurence rare pour eux — et il est encore eux, le soleil tirant des ombres timides dans son appartement, il sent même un rayon réchauffer la peau de son épaule nue alors qu'il se perd délicieusement entre ses jambes, guidés par les bruits étranglés qui s'échappent de la gorge d'Amna. Elle efface son sourire satisfait de ses lèvres d'un air baiser, même alors que ses jambes en tremblent encore, et Requin se dit que ça ne le dérangerait pas si ils se retrouvaient à faire ça plus souvent.

Ils finissent sous la douche, Requin se laisse faire alors qu'Amna lui frotte le dos comme promis, et s'occupe aussi de nettoyer le reste de son corps, avec beaucoup de zèle elle aussi bien entendu, à croire qu'ils soient incapables de garder leurs mains pour eux-même ce matin. Sortir de la douche semble être une mauvaise idée, même quand la salle de bains est remplie du sol au plafond de condensation, mais ils finissent par trouver le courage de se brosser les dents — Requin a toujours une brosse à dents de rechange dans son placard — et de s'habiller, Amna attendant en ronchonnant que Requin finisse de se raser et de choisir la bonne chemise en s'allongeant sur le lit. Elle a les yeux fermés et fait mine de dormir quand il lui grimpe dessus pour venir lui embrasser rapidement le coin des lèvres. “ What kind of bag do you want? ” demande-t-il sérieusement (le shopping est toujours une affaire sérieuse pour lui). “ Hey, stop, you're going to crinkle my shirt, ” marmonne-t-il en se détachant quand Amna fait mine de la retirer de son pantalon. Il sourit toujours un peu, toutefois, en lui tendant la main pour l'aider à se relever, relâchant ses doigts dès qu'elle est debout ceci dit. Ils vont passer la journée ensemble mais pas ensemble et ça, il en est très conscient. “ Don't forget our billard pocket money. Surely we can find a bag with that. ” Deux cent dollars en une soirée, c'est pas mal, il pense. Il se demande combien elle se fait avec ses livraisons. Il n'a pas envie de savoir, en fait. Il l'attire à lui en posant ses mains sur ses hanches, souriant un peu quand elle fait la moue. “ What's wrong? We can just stay and chill here if you don't want to come out anymore, I don't mind. I'm all the fish you need to see and I can make real food. ” Il lève une main sans réfléchir, effleure sa joue en replaçant une mèche de boucles noires. “ It'd just be a shame not to enjoy that sun outside. ”

Amna est un peu gênée, concept véritablement nouveau, tout autant que l’excitation enfantine et stupide qu’elle ressent à l’idée de cette journée avec Requin. Elle n’a pas envie qu’il s’en rende compte, elle n’a pas envie qu’il se moque, elle ne devrait surtout pas avoir envie qu’il se fasse des idées. Il renifle un peu, elle pense que ses propositions ne lui plaisent pas, malgré les quelques sourires que ça a pu lui arracher, Amna use alors de sa plus belle poker face pour masquer sa déception. Peut-être qu’il ne comptait que passer la journée avec elle au lit. Il devrait parce que c’est à ça qu’est censée se résumer leur relation. Ils ne sont pas censés sortir dehors ensemble, se balader, aller au restaurant ou dans un aquarium, ça n’a pas de sens et c’est dangereux et s’il ne veut pas, il a raison. C’est elle qui s’est juste pour une fois laissée tenter par ses envies impossibles. “ I plan to eat you out alright, ” rétorque-t-il en mélangeant sa première et dernière proposition, lui arrachant un sourire en coin quoiqu’un peu faiblard. Elle ne devrait rien vouloir de plus que ça, se servir de lui pour son corps. C’est tout. Il ne devrait avoir absolument aucun autre intérêt pour elle. “ Or you won't let me hear the end of it. ” Il lève les yeux au ciel faussement agacé, ça au moins Amna sait le reconnaître. “ But coffee first. ” Elle hoche vaguement la tête, elle imagine que ça veut dire qu’il accepte son plan stupide, même s’il ne l’a pas dit clairement et qu’elle a l’estomac plus noué encore quand il lui tend son assiette pleine de tartines. C’est presque un miracle qu’elle parvienne à tout manger malgré tout alors que lui descend trois tasses de café. Amna est déçue, mais elle préfèrerait mourir que de l’avouer, elle a déjà du mal à se l’admettre à elle-même. Il y a l’envie de partir, l’envie de lui faire oublier à jamais l’enthousiasme indécent qu’elle a montré devant lui à l’idée de faire des choses mondaines et stupides et finalement tout ce qu’elle fait c’est lui offrir tout ce qu’il semble vouloir d’elle (et la seule chose qu’elle peut vraiment admettre vouloir de lui) et rien de plus : elle lui fait du pied sous la table, lui rappelle qu’elle s’attend bien à ce qu’il tienne sa promesse.

Et c’est le cas. Requin lui offre une performance à la hauteur de ses attentes, quoiqu’ayant d’abord testé les limites de sa patience, la laissant finalement tremblante et gémissante, forcée de venir écraser ses lèvres contre les siennes pour en effacer le sourire trop fier de lui qui y trône. Comme promis, ils finissent sous la douche, et Amna s’emploie à lui frotter le dos, mais aussi à lui nettoyer diligemment le reste du corps jusqu’à le faire grogner et qu’il lui rende un peu la pareille. Elle est plus que détendue quand ils en sortent pour se sécher et qu’elle se rhabille avec ses vêtements de la veille avant de s’étaler sur le lit en attendant qu’il choisisse laquelle de ses immondes chemises il va porter aujourd’hui. Ils n’ont pas beaucoup dormi la veille et elle somnolerait presque en l’attendant, même si ce n’est que pour son bénéfice à lui qu’elle ferme les yeux, pour bien lui montrer comme il prend trop son temps. Elle les rouvre brusquement quand il lui grimpe dessus, souriant légèrement quand il lui embrasse le coin des lèvres. Elle ne devrait pas aimer ça. “ What kind of bag do you want? ” fait-il apparemment très sérieusement alors qu’Amna n’a proposé cette virée shopping qu’au hasard — pour être honnête elle a toujours besoin de sacs, mais n’en achète presque jamais. Son attention est vite accaparée ailleurs ; Amna ne lui répond même pas, trop occupée à faire les gros yeux devant sa chemise bariolée sur laquelle elle tire un peu comme pour la lui arracher. Il a vraiment des goûts de merde. Ça doit être pour ça qu’il l’aime bien. “ Hey, stop, you're going to crinkle my shirt, ” Amna roule des yeux et rit un peu, acceptant gracieusement de prendre sa main pour se relever du lit. Il lâche ses doigts aussitôt qu’elle est sur ses pieds ceci dit et sa risette se perd un peu. “ Don't forget our billiard pocket money. Surely we can find a bag with that. ” Les coins de ses lèvres s’affaissent cette fois. C’est elle qui a pris et gardé les sous hier et elle les avait presque oublié pendant quelques instants, mais c’est vrai qu’elle aurait voulu les garder, c’est vrai qu’elle l’aurait fait si Requin n’en avait pas parlé. Mais là, ce n’est pas qu’il les réclame, mais qu’il les lui donne, ou pire, les lui laisse, confirmant bien son idée qu’il n’en a pas besoin, parce que deux cent dollars ça ne compte pas beaucoup pour lui, ça n’est rien, ou pire, qu’il sait que pour elle ça représente beaucoup. Requin pose ses mains sur ses hanches et l’attire à lui alors qu’Amna essaye de contenir la colère qu’elle sent monter en elle. Elle n’est l’œuvre de charité de personne. “ What's wrong? We can just stay and chill here if you don't want to come out anymore, I don't mind. I'm all the fish you need to see and I can make real food. ”

Requin ne pensait pas à mal en insinuant qu’elle utiliserait tout l’argent gagné de la veille — et qui techniquement lui revient à lui, responsable unique de leur victoire. Du moins, Amna ne pense pas. Elle a envie de sortir aujourd’hui, de sortir avec lui, de faire des activités nulles et ordinaires et chiantes et drôles. Elle a envie de laisser sa rage habituelle de côté et faire taire sa fierté quelques instants. Quand Requin lève une main pour effleurer sa joue en replaçant une mèche de ses cheveux derrières son oreilles, Amna se détend sensiblement, comme si ce toucher était tout ce qu’elle avait attendu. “ It'd just be a shame not to enjoy that sun outside. ” Il a raison et pourtant ce n’est pas pour le soleil qu’elle a envie de sortir. Elle hoche très doucement la tête, plus pour elle-même qu’autre chose, comme si elle venait de prendre une décision très difficile. “ I want to go. ” fait-elle très simplement, avec sincérité, en relevant enfin les yeux vers lui. “ The money’s in my purse, ” son argent à lui en fait. Amna aime bien les cadeaux, ou du moins elle aimerait les cadeaux si elle en avait l’habitude, à défaut, elle s’en méfie toujours. Elle s’en prendra la moitié, parce que le pari les concernait tous les deux, même si elle n’a pas eu besoin de toucher la queue lors de la première manche pour qu’ils la remportent largement. Elle s’en prendra la moitié, c’est le jeu. En revanche, quand bien même cent dollars ce n’est pas qu’une bouchée de pain pour elle, elle ne prendra pas le reste, même si Requin le lui offre. Elle force un sourire à passer ses lèvres, qui devient plus sincère quand une idée germe dans son cerveau. “ We can probably put it to better use than a bag though, ” d’un doigt elle retrace l’épaule de Requin, puis son pectoral un peu plus bas, sous son immonde chemise. “ Like getting you one cool shirt. ” Elle n’a proposé la virée shopping qu’au hasard, comme pour tester les eaux, savoir si ça tenterait Requin, une sortie aussi peu excitante, aussi normale — c’est son genre certes, mais ce n’est pas ce qu’ils font ensemble, d’habitude. Toutefois quitte à aller faire les magasins, autant faire quelque chose d’utile et essayer d’arranger la catastrophe qu’est à ses yeux le dressing de Requin. Une petite moue vient ponctuer sa boutade avant qu’elle ne se penche pour embrasser ses lèvres presque avec douceur.

Amna a l'air boudeuse et ne le regarde pas, il a dû faire une erreur, comme d'habitude, et dire quelque chose de très stupide, elle doit lui en vouloir, il a tout fuck up de nouveau. Il panique un peu pendant quelques secondes, surtout quand elle hoche lentement la tête avec l'air de quelqu'un qui vient de trouver une solution insatisfaisante à un dilemme cornélien. “ I want to go. ” Il est rassuré, mais pas trop vu le léger ton qu'elle a en relevant les yeux vers lui, Requin s'adoucit, lui sourit, espère qu'elle ne lui en veut pas trop quelque soit la raison pour laquelle elle lui en veut. “ The money’s in my purse. ” Il hoche la tête — peu importe parce que pour lui, deux cent dollars ne représentent pas grand-chose, et il ne pense pas non plus que son complet manque d'attention à ce genre de détails puisse la gêner —, soulagé de voir qu'elle n'a pas l'air énervée, heurtée ou rageuse. Elle ne va pas l'abandonner. Enfin, il ne sait pas encore, qu'elle ne va pas l'abandonner. Mais il préfère y croire farouchement. Elle sourit un peu, puis un peu plus, et Requin achève de se détendre, même quand il s'immobilise quand elle pose un doigt sur son épaule. “ We can probably put it to better use than a bag though. ” Il arque un sourcil en se demandant ce dont elle a besoin, son doigt glissant sur son torse langoureusement.

“ Like getting you one cool shirt. ” Il arque les sourcils en riant un peu, répondant à son baiser en serrant un peu son dos où s'est glissée sa main depuis sa hanche, son autre main dans sa nuque, se mêlant à ses cheveux. “ But you love my shirts, ” prétend-t-il et elle en grognerait presque un peu pour protester alors qu'il rigole. Elle commente toujours sur l'horreur de ses chemises, mais elle a de la chance, elle ne l'a quasiment vu qu'en chemises du vendredi, chemises d'avocat et de travail donc — sauf les fois où il rentrait en vitesse chez lui pour se changer et choisir quelque chose de plus casual. C'est vrai qu'aujourd'hui il en a enfilé une un peu plus... colorée.
Mais il aime bien, ça lui rappelle Haïti et son père et son oncle. Les couleurs lui rappellent les Caraïbes et l'ennuient un peu moins que les couleurs neutres qu'il essaie de porter au travail — même si il se pointe souvent avec des pulls trop éclatants. Mais il aime bien son sens du style, Requin, il est un peu vexé, même si la perspective de faire du shopping avec Amna lui plaît. Ceci étant dit, il n'a pas envie de lui dire que si ils vont partager leurs gains, cent dollars suffiraient à peine à couvrir le prix d'une des chemises qu'il achète généralement. “ A'ight, I'll trust you on that one, ” finit-il par dire en soupirant un peu, toujours souriant ceci dit. “ Let's go to the aquarium first though, so we can get inspiration from the fishes' colors. ”

Elle l'empêche d'enfiler une veste — il fait trop chaud, avec sa chemise en coton — et il fait un peu la moue jusqu'à ce qu'elle l'embrasse dans l'ascenseur. Il attrape sa main quand ils sortent de l'immeuble, pensant un instant qu'elle va le repousser ou lâcher ses doigts, mais non, elle s'y accroche farouchement et Requin est un peu soulagé. Ils prennent un bus et puis ils se baladent tranquillement jusqu'à l'aquarium qui n'est pas loin du Village, Requin souriant lentement en voyant l'enthousiasme d'Amna augmenter alors qu'ils font la queue. C'est un vendredi, il n'y a pas beaucoup de gens et pas beaucoup d'enfants, même si quelques touristes sont très bruyants. Peu importe, Requin aime trop le sourire qu'Amna a sur les lèvres pour s'en soucier. Ils ne se sont pas lâchés la main alors qu'après avoir payé, il les traîne à l'intérieur pour regarder les poissons.
Elle s'amuse beaucoup et il fait quelques remarques qu'elle trouve drôle, il la prend même en photo devant les specimens les plus étranges et colorés. Finalement il y a le hall des requins qui le rend un peu triste et mal à l'aise, quoiqu'il n'en montre rien alors qu'ils s'asseyent au milieu de la pièce. Les requins passent autour et au-dessus d'eux sans s'arrêter. Le pouce de Requin caresse machinalement, sans qu'il ne s'en rende compte, le dos de la main d'Amna; quand il réalise ce qu'il est en train de faire, il s'arrête en rougissant. Amna tourne la tête vers lui et il sourit en amenant leurs mains liées à sa bouche, embrassant sa peau à elle. “ So? which one's your favorite shark? ” demande-t-il d'un air taquin, avec de battre lentement des cils en lui offrant son plus joli regard.

Amna aime bien les mains que Requin a posé sur elle, celle qui est passée de sa hanche au creux de son dos et qui la presse un peu contre lui dans leur baiser et celle qui se mêle à ses cheveux dans sa nuque, elle aime bien et ça lui fait un peu oublier le coup de sang qui aurait pu (aurait dû) la faire sortir de l'appartement en trombe. “ But you love my shirts, ” Non. Même s'ils la font rire et sourire et qu'elle aime se moquer gentiment de lui parce que ses réactions sont presque mignonnes, drôles en tous cas. Les couleurs vives lui vont bien ceci dit, mieux que les chemises classiques et classieuses qu'il porte quand elle le voit les vendredi soirs et qu'il sort tout juste du travail. Celles-là doivent coûter plus cher que sa part de leurs gains Amna pense. Même si elle n'en a pas les moyens, elle sait combien les belles choses coûtent. Déjà parce que c'est toujours bien de savoir ce que vaut ce que l'on vole et qu'elle aime voler des belles choses. Et puis, ça lui arrive de feuilleter un magazine ou deux. “ A'ight, I'll trust you on that one, ” concède-t-il dans un soupir malgré le sourire qui traîne sur ses lèvres. Amna cesse de grogner et lui offre une risette lumineuse. “ Good boy ” susurre-t-elle. “ Let's go to the aquarium first though, so we can get inspiration from the fishes' colors. ” Elle roule des yeux, voilà la preuve s'il en fallait une autre, qu'ils ne s'entendront décidément jamais sur son sens du style. Elle ne proteste pas ceci dit quand il se prépare enfin pour sortir — insistant plutôt pour l'empêcher de prendre une veste — et elle récupère simplement son sac à main avant de le suivre dehors. Comme une tradition elle l'embrasse dès qu'ils sont dans la cage de l'ascenseur — sauf que d'habitude ils vont chez lui, ils n'en sortent pas, jamais, ensemble.

Requin lui prend la main quand ils sont hors de l'immeuble, nouveauté ça aussi, autre chose qui devrait pousser Amna à s'enfuir en courant, ou au moins à lui rappeler fermement ce qu'ils sont et ce qu'ils ne sont pas. Mais cette frontière est devenue floue pour elle aussi et c'est presque instinctivement qu'elle s'accroche à ses doigts, comme pour l'empêcher lui de fuir. Ils sautent dans un bus, Amna fait l'effort d'y passer sa carte alors même qu'elle resquille la plupart du temps, s'assoient côte à côte, en sortent leurs doigts toujours entrelacés. Il fait beau, Amna est contente que Requin ne soit pas enfermé dans son bureau toute la journée (pensée étrange). Elle est contente aussi qu'ils se baladent tranquillement comme des gens normaux, comme quelque chose qu'elle a toujours refusé d'être, toujours eu peur d'être avec quelqu'un. Elle est contente et ça lui fait un peu peur, mais la paume de Requin contre la sienne l'empêche de courir, de partir sans un au revoir comme la dernière fois, alors elle reste et sourit un peu en mettant ses lunettes de soleil sur son nez et en discutant un peu avec Requin. Elle devrait s'inquiéter qu'on la voie, elle devrait s'inquiéter de cette insouciance qu'elle ressent pour une fois dans sa vie alors qu'ils sont dans la petite queue devant les caisses et qu'elle sent l'excitation monter. Elle n'est jamais allée dans un aquarium et c'est idiot, inutile, pas du tout nécessaire, une idée qu'elle a lancé au hasard, mais elle a hâte et Requin n'a pas trop l'air de vouloir se servir de ça comme arme contre elle. Et c'est peut-être pour ça qu'elle ne dit rien, ne perd même pas son sourire, quand il paye pour leurs deux tickets.

C'est un peu nul et Amna le saurait si elle avait déjà mis les pieds dans un autre aquarium ou si elle avait passé quelques minutes devant la Discovery Channel en grandissant. C'est un peu nul, mais pour elle c'est nouveau et merveilleux les petits poissons colorés qui vivent leur vie (un peu morne) derrière leur vitre, les méduses majestueuses qu'elle regarde un peu trop longtemps et les espèces un peu plus grosses et laides qui la font grimacer. Y'a les anguilles aussi qui lui font un peu froid dans le dos et les murènes (Comme dans la petite sirène !). Requin commente un peu, la fait rire et la prend en photo et Amna ne boude pas trop, pas du tout même, même quand ils sont assis en silence dans la salle aux requins. C'est un peu inquiétant comme ambiance, ils tournent dans leur aquarium autour et au-dessus d'eux et ils sont grands et Amna n'aimerait se retrouver face à l'un d'eux dans l'océan. Le pouce de Requin caresse doucement le dos de sa main alors qu'elle étudie les créatures aquatiques en silence, et elle s'y habitue tellement qu'elle tourne la tête vers lui quand il s'arrête soudain. Il lui sourit un peu et amène leurs mains liées à lui, à sa bouche, embrasse sa peau envoyant un millier de signaux d'alertes partout dans son cerveau et une vague de chaleur partout dans son corps. “ So? which one's your favorite shark? ” demande-t-il, joueur, lui arrachant à elle aussi un petit sourire quand il s'applique à battre des cils, charmeur. Elle détourne les yeux, fait mine de réfléchir en observant un des spécimens en particulier. “ Oh you know… ” Elle lève le doigt commence à pointer l'une des vitre avant de bifurquer sans prévenir et d'appuyer de son index sur le bout du nez de Requin. “ That one. ” sourit-elle doucement, les yeux un peu brillants alors qu'elle se penche ensuite en avant pour trouver ses lèvres des siennes. Pour la première fois depuis qu'elle le connaît, Amna se demande pourquoi Requin s'appelle Requin, elle a toujours supposé que c'était une surnom dû à son travail, aux faits que les avocats sont, somme toute, des requins. Mais pas lui, pas là, pas quand il est avec elle en tous cas malgré le fait qu'il ait trop d'argent et qu'il s'en rende pas compte.  “ A nicer, hotter specimen I reckon. ” Pourtant, il lui fait tout aussi peur que ses congénères dans l'eau. Mais quand elle retrouve encore une fois ses lèvres avec quelque chose comme de la douceur Amna se dit que, peut-être, aujourd'hui au moins, cette peur elle peut l'accepter.  “ Although, just as dangerous. ” murmure-t-elle doucement comme si elle avait peur que quelqu'un d'autre que lui — le peu de touristes dans la pièce avec eux — l'entende. Elle saute finalement à ses pieds en tirant sur leurs doigts pour qu'il limite. “ Let's go then, I'm hungry. ”

Ils ne font que prétendre. Requin doit se souvenir de ça. Ils ne font que prétendre, c'est que des faux-semblants. Ils ne sont pas ensemble, ne seront jamais ensemble, pas comme ça en tout cas. Ils sont plein de choses, le seront encore, dans des draps et ailleurs, mais ils ne seront jamais ça: l'insouciance parfaite d'une journée passée ensemble, avec le savoir réconfortant que ça ne durera pas plus que quelques heures. Mais ils sont bons, à prétendre et à jouer, alors Requin peut presque l'oublier alors qu'elle se détourne en regardant les squales qui nagent en face et autour d'eux sans se lasser. “ Oh you know… ” Elle en pointe un du doigt et puis revient lui faire face pour laisser reposer le bout de son doigt contre son nez, faisan exploser un sourire énorme sur les lèvres de Requin. “ That one. — Good, ” souffle-t-il avant de fermer les yeux pour l'embrasser, il aime bien quand Amna l'embrasse, quand c'est elle qui se penche vers lui, elle qui lui fait croire qu'elle en a autant envie que lui. “ A nicer, hotter specimen I reckon. ” Son sourit faiblit un peu sur ses lèvres, il devrait lui dire que les requins sont inoffensifs tant qu'on ne les provoque pas, qu'ils ne font pas grand mal aux gens, sauf que c'est un mensonge à ses yeux, les requins lui ont volé une partie de sa famille, une partie de sa vie. Mais ça, Amna s'en fiche, ils n'ont jamais parlé de leurs histoires, de leurs passés: ça ne compte pas, quand on vit dans le moment présent comme Amna le fait, et ça ne compte pas quand on oublie l'autre au moment où il sort de son champ de vision (Requin ne doute pas qu'elle ne pense jamais à lui, sauf quand elle est horny un vendredi soir et veut coucher avec un mec).

Elle revient l'embrasser, pourtant, avec une certaine douceur à laquelle ils ne sont pas forcément habitués entre eux. “ Although, just as dangerous. ” Il sourit en l'entendant, il ne pense pas être dangereux de quoique ce soit, et encore moins pour elle. “ Am I now? ” demande-t-il sur le même ton, dans un petit murmure, mais elle ne lui répond pas, se détache (mais garde sa main dans la sienne) avant de sauter sur ses pieds, Requin la suivant avec un temps de retard. “ Let's go then, I'm hungry. ” Il rit en secouant la tête, l'attirant à sa suite en direction de la sortie de l'aquarium. “ Of course, madame. ”

Ils sortent de l'aquarium et Requin consulte son téléphone pour trouver un endroit sympathique où manger, Amna s'appuyant contre son bras pour regarder son écran en même temps que lui. “ Hmm... I have a mighty desire for seafood now... ” Ça la fait rire et du coup ça le fait rire lui aussi, ils trouvent un endroit plutôt sympathique où il y a une terrasse et ils peuvent profiter du bon temps et de la chaleur. Requin se régale du calamar frit et Amna se moque bien de son appétit et de son entrain. Une fois qu'ils ont le ventre plein, ils vont acheter le sac pour Amna, Requin insiste, et puis une chemise pour lui, il aime bien le petit sac qu'elle choisit même si il n'ose pas insister quand il la voit lorgner le modèle un peu plus grand (et plus cher, quoique valant plus que sa part des gains de la soirée précédente) de peur de fragiliser l'équilibre maladroit et agréable de leur journée ensemble. La chemise qu'elle lui choisit est un peu boring à ses yeux, il préfère les couleurs vives et les motifs un peu funky, mais il adore l'air appréciateur qu'il y a dans les yeux d'Amna. Finalement, leurs achats sont mis dans un sac que Requin tient à bout de main, ses autres doigts liés à ceux d'Amna. Le soleil est en train de se coucher, le ciel explose de couleurs orangées et rougeâtres, ils ont passé la journée à se balader, manger, acheter des trucs et regarder des poissons: sans oute l'une des meilleures journées de Requin depuis plusieurs semaines. “ We still have some money left for dinner, if you want, ” lui propose-t-il en tirant sur sa main pour l'attirer à lui avec un sourire; elle est en train de regarder son téléphone, ceci dit, avec un air pas très enjoué. “ Something wrong? ” Il déteste sa voix, un peu sourde, un peu triste, parce qu'il peut déjà deviner que ses devoirs l'appellent, que des gens comme Claude de la dernière fois la pressent pour revenir vers eux, chez eux. “ Don't go, ” dit-il quand elle se tourne vers lui. “ Stay. With me. ”

Requin rit et Amna sourit, presque en réponse naturelle — elle se fait la réflexion qu’elle aime bien son rire. Il l’entraîne à sa suite en direction de la sortie. “ Of course, madame. ” Son sourire s’agrandit, Requin essaye peut-être de se moquer, mais elle, elle aime bien quand il l’appelle Madame et lui offre le respect qui lui est dit. Ils s’arrêtent quand ils sont dehors et Requin sort son téléphone pour trouver une bonne adresse pour leur déjeuner, Amna s’appuyant tout naturellement contre lui pour regarder l’écran avec lui. Leurs doigts sont toujours entrelacés, comme si c’était normal. “ Hmm... I have a mighty desire for seafood now... ” Elle rit et ça fait se froncer son nez un peu et il rit aussi et elle aime encore plus ça. Ils reprennent la route ensemble, se baladant main dans la main jusqu’à trouver le restaurant choisi par Requin où ils s’installent en terrasse. Amna n’ose pas dire qu’elle n’a jamais mangé de homard — qu’elle aimerait bien commander, mais n’ose pas — de sa vie, ni beaucoup de fruits de mer pour être honnête et elle se cache un peu derrière le menu en cherchant quoi manger, optant pour des pâtes aux seiches sans trop savoir ce que ces dernières sont. Elle trouve ça bon ceci dit et Requin la laisse aussi lui piquer un peu de son calamar frit et c’est très bon ça aussi. Elle le laisse payer sans trop se plaindre, elle préfère laisser leurs gains pour de vrais achats d’une part, d’autre part… elle se dit que c’est normal si c’est ce que ça a l’air d’être. Un date — ou quelque chose du genre. Elle ne veut pas y penser. Et puis, d’ordinaire quand ils se retrouvent dans un bar elle le le laisse aussi s’occuper de l’addition sans broncher.

Finalement ils découvrent des petits boutiques, où ils cherchent un sac pour Amna. Un modèle lui plaît beaucoup, mais coûte trop cher pour les cent dollars qu’elle a à disposition donc elle ne s’arrête pas dessus au final, achète un sac plus petit mais pratique et joli. Après ça ils vont s’occuper de lui trouver une chemise, c’est Amna qui choisit plutôt contente de son choix quand il l’essaye, même si ça n’a pas trop l’air de le ravir lui. Il l’achète quand même avec sa part de leurs gains et puis ils retournent se balader, mains liées. Amna est…contente, satisfaite au moins, il fait bon un peu meilleur que dans l’après-midi maintenant que le soleil est en train de se coucher et c’est plutôt joli. C’est le genre de truc qu’elle n’a jamais pris le temps de remarquer avant. Elle a l’impression d’être une autre personne aujourd’hui, non que ça soit désagréable, juste triste, parce que qui qu’elle prétende être, cette personne n’existe pas et ce genre de journées, réalistiquement ne pourra pas se reproduire. Justement, comme pour lui rappeler que ce sentiment de tranquilité, comme tout ce qu’ils vivent, a une date de péremption, son téléphone se met à vibrer dans la poche de sa veste et elle l’en tire avec une moue, comme si elle devinait déjà ce dont il s’agissait. “ We still have some money left for dinner, if you want, ” propose Requin en tirant sur sa main, l'attirant à lui avec un sourire qu’Amna voit quand elle relève enfin les yeux de son téléphone avec une petite moue. Les Enfants Terribles ont besoin d’elle ce soir apparemment. Elle sait qu’elle peut déjà s’estimer chanceuse qu’on ne l’ait pas appelée plus tôt. “ Something wrong? ” Elle cligne un peu des yeux quand elle croit entendre quelque chose comme de la tristesse dans sa voix, comme s’il serait véritablement embêté de la voir partir même alors qu’ils viennent de passer la journée ensemble. “ Don't go, ” plaide-t-il justement. “ Stay. With me. ” Amna bat des cils de nouveau, reprend presque difficilement son souffle. Elle peut sentir, comme quelque chose de tangible la colère qu’elle ressentirait en temps normal, à l’idée qu’on essaye de la retenir, de la voler à sa vie, à ses devoirs. Elle peut la sentir comme quelque chose de tangible, mais lointain, qui appartient à une autre. Parce qu’aussi sûrement qu’Amna sait que c’est le moment idéal pour dénouer leur doigt et lui dire au revoir, elle ressent du soulagement et de la déception à le fois et pas dans l’ordre qu’il faudrait : soulagement parce qu’il veut la faire rester, il veut vraiment, déception parce qu’elle ne peut pas alors qu’elle voudrait, voudrait vraiment. Amna reste rarement coite mais ça semble être le cas cette fois-ci, alors qu’elle prend une décision impossible et dangereuse, hoche doucement la tête. “ Ok. ” souffle-t-elle. Parce qu’Amna ne fait pas un job pour lequel elle peut très simplement prétendre être malade — ou l’être pour de vrai et présenter un avis du médecin pour excuser quelque absence. Elle fait un job où on peut être appelé à n’importe quelle heure et on a alors intérêt à se présenter. Un job où on peut venir la chercher où qu’elle soit, ça elle l’oublie pas, comme ils sont venus la trouver chez Requin. “ A little longer. ” Elle ne veut pas lui apporter d’ennui. Pourtant, elle sait que ça pue les ennuis, les problèmes, les bêtises, quand elle range son téléphone dans sa poche et attire Requin à elle pour l’embrasser doucement et puis un peu plus passionnément, passant une main dans sa nuque. “ What do you feel like eating now? ” murmure-t-elle contre ses lèvres, son cœur battant un peu trop vite dans sa poitrine.

Amna hoche la tête et Requin sent son coeur faire une embardée dans sa poitrine. Il réalise à quel point c'est inhabituel et impossible qu'elle accepte, qu'elle mette de côté sa vie et son gang et son boulot pour lui, pour lui. Ça lui fait peur, et ça l'étonne — il ne s'attendait pas à ce qu'elle accepte — mais il n'a pas le temps de succomber à ces émotions. “ Ok. ” Il hoche la tête à son tour, trop choqué pour sourire, pour l'embrasser, pour faire n'importe quoi. “ A little longer. ” Juste un peu mais déjà un peu c'est plus que d'habitude, alors il est le dernier à plaindre. Amna range son téléphone et ses soucis dans sa poche et l'attire à elle, Requin répondant à son premier baiser avec un léger sourire, et au second avec les sourcils un peu froncés, sa main lâchant la sienne pour se poser dans le bas de son dos, il se concentre sur ce baiser comme si c'était le dernier. “ What do you feel like eating now? ” Ses lèvres bougent contre les siennes quand elle parle et Requin a le souffle un peu court quand il se détache pour la regarder. “ You, ” admet-il en toute sincérité. “ Let's go back to my place. ”

Il sait qu'il est injuste, qu'il essaie de la soudoyer avec ses charmes pour laisser plus longtemps — il n'a plus faim, enfin si il a encore faim, mais il l'ignore complètement. Égoïstement, il ne veut pas qu'elle parle, il veut qu'elle reste, qu'elle reste avec lui, alors il prend un certain plaisir à la distraire, à l'embrasser voluptueusement quand ils sont sur la banquette arrière de la voiture qu'il a commandé avec son téléphone, laissant sa main s'aventurer le long de sa cuisse, souriant en sentant les ongles d'Amna effleurer la peau de sa nuque et de son crâne. Ils finissent par s'embrasser plus franchement dans l'ascenseur — comme d'habitude — puis chez lui, le dos d'Amna trouvant rapidement le battant de la porte une fois que Requin l'a fermée derrière eux. Ils s'embrassent outrageusement longtemps, il n'a même pas pris la peine d'allumer la lumière, la pressant entre la porte et son corps avec force, soupirant quand elle gémit légèrement contre ses lèvres. Elle est en train de lui retirer sa chemise de son pantalon quand quelqu'un s'éclaircit la gorge.

Requin vit seul. Il vit seul depuis qu'il a quitté Saint Louis; le bruit le fait sursauter brutalement, faire volte-face d'un mouvement brusque; il fait machinalement bouclier de son corps pour Amna. L'appartement est sombre, noir, ainsi ne voit-il pas grand-chose jusqu'à s'avancer dans le salon; seulement là voit-il l'homme assis sur le canapé, son visage éclairé par l'écran du smartphone qu'il est en train de consulter. “ Who the hell-- — You thought you could just patch it? ” Il faut quelques secondes à Requin pour comprendre qu'il ne s'adresse pas à lui, mais à Amna dont il entend les pas se rapprocher de lui. “ What is it that you are doing here? I'm calling the police, ” fait machinalement Requin en plongeant déjà sa main dans la poche de son jean. Il sait que c'est stupide, il sait qu'il ne devrait pas, mais c'est plus fort que lui. Il suspend son geste quand l'homme soupire et que l'éclat de son téléphone vient effleurer la crosse de l'arme à feu qui se trouve sur sa cuisse.

“ You, ” répond Requin en se détachant un peu comme pour mieux la regarder elle et le sourire presque carnassier qui lui fend soudain les lèvres. Elle aime beaucoup sa réponse. “ Let's go back to my place. ” Un simple hochement de tête et il commande déjà une voiture sur son téléphone pour les ramener chez lui et Amna oublie tout sur cette banquette arrière, contre les lèvres de Requin. Ils arrivent à ne pas trop se toucher, même si les doigts de Requin flirtent avec l'intérieur de ses cuisses, et les ongles d'Amna jouent un peu trop avec la peau de sa nuque. Ils sont tous pressés l'un contre l'autre dès qu'ils sont seuls dans la cage d'ascenseur, c'est encore pire quand ils arrivent chez lui et qu'il la plaque à la porte qu'il prend tout juste le temps de fermer avant de revenir l'embrasser à pleine bouche. C'est passionné et lascif et long, si long, mais Amna ne compte pas et lui offre apparemment volontiers tout son souffle. Requin la presse de tout son poids contre la porte, mais à en croire le gémissement qui s'échappe des lèvres d'Amna elle n'est pas à plaindre le moins du monde. Elle tire sur sa chemise pour la retirer du revers de son pantalon, l'en débarrasser bien vite, mais n'a le temps rien que quelqu'un s'éclaircit la gorge et la fait sursaute. Parce que ça n'est pas Requin. Sauf qu'il vit seul et que la lumière est éteinte.

Requin réagit avant elle, s'avance comme pour la protéger de son corps. Amna ne comprend pas. Elle ne veut pas comprendre. Mais elle le suit quand il s'avance jusqu'au salon, où est assis tranquillement sur le canapé un jeune homme qu'elle a honte de reconnaître.  “ Who the hell-- — You thought you could just patch it? ” Oui elle a cru, elle a cru bêtement que c'était possible le temps d'un jour, d'une après-midi d'oublier qui elle est d'où elle vient à qui elle appartient. Elle a cru que, comme dans un boulot normal, elle pourrait avoir des vacances, s'amuser, sans tracas. Stupide, elle en rougit presque en s'approchant un peu plus.  “ What is it that you are doing here? I'm calling the police, ” Mais la chaleur de ses joues n'est pas due qu'à l'embarras elle est surtout due à la colère. La rage quand Louis fait taire Requin d'un petit mouvement qui éclaire tranquillement la crosse de son arme. Il ne s'est pas levé, regarde à peine l'homme dont il a violé l'appartement. La colère, monte monte et fat oublier le reste à Amna, la loyauté et l'envie de rester, et la peur de rester, et l'excitation et les doutes et tout.  “ Requin step back. ” fait-elle d'une voix très calme, trop calme, s'avançant déjà plus et passant un bras devant Requin pour qu'il se place derrière elle. Les enfants terribles ne sont pas trop sanguins, mais ils ne sont pas trop regardant sur les dommages collatéraux non plus — surtout les petits jeunes bien armés comme Louis.

“ You can't just come here. — We- — You can't you hear me? I don't give a shit what you want you don't come here period. ” Ça la met hors d'elle, le simple fait qu'ils osent encore une fois venir chez Requin la chercher. Beaucoup de choses dans ce simple fait l'énervent profondément : d'abord qu'ils sachent qu'elle s'y trouve, comme s'ils l'avaient fait suivre, la font suivre encore. Ensuite qu'ils devinent qu'elle ait choisi de passer sa journée avec lui, comme si ça leur semblait in-character de sa part, comme si ça n'était pas une exception tout à fait unique pour elle. Enfin, ça la rend furieuse qu'ils s'immiscent dans la vie de Requin, forcent l'entrée dans son appartement, lui rappellent comme s'il en avait besoin qu'elle fait partie d'un gang pour toujours et à jamais et puis…le mettent en danger. Elle n'aime pas ça. “ Or what? ” Elle déteste ça, même, parce que Requin n'a rien demandé, rien fait pour se retrouver entre deux membres de gangs. Et le pire c'est que c'est pas la première fois qu'ils viennent chez lui pour la trouver. Ils ne l'ont jamais fait avec un autre — elle n'a jamais autant traîné, avec un autre. “ Fuck you Louis. ” Rétorque-t-elle après une seconde de battement, parce qu'elle n'a rien de mieux malheureusement, aucune menace tenable à offrir. “ You don't fucking come here or I cut your balls off and you can go cry to mama as much as you want it won't make them grow back, understood? ” Louis connaît un peu son tempérament, a dû en entendre parler aussi, et il se contente de se lever du canapé avec un soupir. Amna faisant machinalement un pas de plus pour couvrir Requin. “ You can fall for a pussy ass lawyer all you want but don't let it mess up business, you coming with me. Now. — You need me is it? — Matter of fact we do, but don't fool yourself I ain't got no order to bring you back with a tongue. ” Elle soutient son regard malgré le faible éclairage simplement offert par le téléphone de son collègue et puisse pousse un petit soupir. Ellen'a pas le choix de tout façon, elle l'a toujours su. Elle hoche vaguement la tête. “ I'll meet you downstairs. ” Il ouvre la bouche pour protester mais elle l'interrompt avant même que la moindre syllabe n'ait pu quitter sa bouche. “ Fucking shut it and wait for me downstairs, where the fuck do you want me to run?” Il s'exécute sur un dernier regard, faisant briller la crosse de son arme juste pour le spectacle en passant devant Requin. “Bitch ass ” marmonne-t-elle audiblement sur son passage, ne se détendant un peu que quand il claque la porte derrière lui. Juste un peu, ceci dit.  

You can fall for a pussy ass lawyer all you want… Mais elle tombe pour personne Amna, il dit n'importe quoi. Elle ne s'amourache pas, elle laisse ces bêtises à Willy. Elle…elle n'aime pas que les Enfants Terribles la connaissent si bien, la contrôlent si bien. Savent peut-être qu'elle fera d'autant mieux ce qu'on lui demande si c'est lui qu'on vient menacer dans son propre appartement. “ I have to go,” elle se retourne vers Requin, simplement satisfaite que la pénombre masque les traits confus de son visage. Elle ne sait pas ce qu'elle ressent. Elle a peur de ce qu'elle ressent.