Does it take courage to learn how to cry (Clarence & Annalisa) - Ven 8 Juin - 4:51
does it take courage to learn how to cry
Clarence & Annalisa
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«And when at last you find someone to whom you feel you can pour out your soul, you stop in shock at the words you utter— they are so rusty, so ugly, so meaningless and feeble from being kept in the small cramped dark inside you so long.»
Ce sourire est une contrefaçon ; un mensonge innocent pour faire taire les questions. L’enfer pavé de bonnes intentions que tu t’imposes pour ne pas inquiéter ta progéniture. S’ils savaient combien l’effort gruge ton énergie. Comment tu donnerais ton âme – ce qu’il en reste – pour échanger cette sortie contre les bras tendres de tes draps. Ce n’est rien contre Annalisa, pas du tout, mais tu doutes être de bonne compagnie, ce soir. Demain, ça fera officiellement huit ans que tu refuses de laisser partir Eleanor. Elle commence à te glisser entre les doigts, mais tu t’y accroches. Parce que tu ne sais pas ce qui arrivera quand elle ne sera plus qu’un souvenir enterré. Quel pilier te soutiendra ? C’est l’incertitude qui nourrit ton deuil infini. Et dans six mois, t’auras quarante-et-un ans. Ça ne te fait pas grand-chose, à l’intérieur, mais tu trouves que le temps passe trop vite. Timothy ira bientôt à l’université, Maisie partira en pensionnat… L’appartement se remplira de solitude au fur et à mesure. Chaque année, tu détestes cette journée. L’impuissance devant les questionnements existentiels qui s’enfilent et le Zoloft qui ne te gèle pas assez la conscience. C’est comme si tu voulais mourir de l’intérieur – en oubliant que tu l’est déjà un peu. Pourtant, quant tu regardes ta ribambelle de cannetons, noyés dans le soleil de l’après-midi, se propulser vers la porte de la demeure, alors que tu es toujours dans la voiture, tu te dis que tu n’as pas le choix de rester en vie. Tu les as, eux. Ils ont besoin de toi comme t’as besoin d’eux et tu ne peux pas t’imaginer ne pas les voir grandir et réaliser leurs rêves.
C’est Heathcliff, un livre sur les araignées serré contre son cœur, qui se retourne pour te dire de te dépêcher. T’es têtu, habituellement, mais pas devant leurs bouilles adorables, alors tu cesses d’hésiter et tu sors du véhicule. Une fois les portes verrouillées et un paquet récupéré, tu rejoins ta marmaille qui a déjà sonné à la porte. Les lèvres pincées, tu fixes tes chaussures jusqu’à ce que la porte s’ouvre. Si tu n’étais pas avec eux, tu aurais fait demi-tour. Mais tu prends sur toi et tu salues les enfants en leur ébouriffant les cheveux. Un peu nostalgique, tu regardes la dizaine de gosses s’éloigner dans la maison. Ça te surprend que Timothy se mêle à eux, mais ça te fait chaud au cœur de savoir qu’ils s’entendent tous assez bien. Sans te faire prier, tu suis ton hôte et l’odeur du repas en train de cuire arrache à ton estomac négligé un son heureusement presque sourd. « Quel honneur de se trouver au même endroit qu’un futur chef étoile ! » Le rire sur le bord des lèvres, le sourire que tu portes est plus sincère. Quand tu es en bonne compagnie, t'oublies un peu ce qui te tracasse. Ça te reviendra, mais tes pensées sont libres, pour l’instant. Doucement, tu te penches pour poser un baiser sur la tête de Sveinn. Tu le connais depuis sa naissance – même depuis avant, si on peut le dire ainsi –, alors c’est un peu comme si c’était un neveu, le lien de sang en moins, non ? « Il a grandi depuis la dernière fois, le petit bonhomme. » C’est drôle, t’avais presque oublié comment ça évoluait vite à cet âge-là. T’as l’impression qu’hier encore, Timothy entrait à la maternelle alors que Maisie faisait ses dents sur un jouet en plastique.
« Je ne vais pas te mentir, c’aurait pu mieux aller. » T’hausses les épaules ; tu ne vois pas l’intérêt de lui mentir. De toute façon, ça se lit dans ton regard, dans ta posture un peu moins droite qu’à l’habitude, que le poids que tu portes sur tes épaules t’écrase. Pensif, tu t’appuies contre le comptoir de la cuisine et tu croises tes bras contre ton torse. Tes iris glissent sur ton amie. « Ça me rend mal de penser ça alors que j’ai passé la journée avec mes enfants. Sinon, Maisie a l’air de bien se porter, donc ça me rassure un peu même si je sais que ça risque d’être différent cette nuit ou demain matin. » On parle de toi, maintenant, Clarence, mais t’as toujours un moyen de détourner le centre d’intérêt quand ça ne te convient pas. Tes faiblesses, tu les tais. Parce que parler de tes maux à voix haute, c’est accepter qu’ils existent et qu’ils t’embêtent. Même chez le psy, tu ne le fais qu’à moitié. Comme un souffle perdu, un soupir s’évade de ta gorge et ta voix se fait un peu plus douce. « J’ai laissé un sac près de la porte d’entrée. On est allés refaire leur garde-robe d’été – ils grandissent vite, pas le choix – et j’ai trouvé quelques petites choses pour Sveinn. J’ai pris un peu plus grand que ce qu’il faut pour qu’il puisse les porter jusqu’à la fin de l’été, mais si ça ne va pas j’ai laissé la facture dans le sac pour que tu puisses aller échanger. » S’il y a bien une chose qui te manque du fait d’avoir des enfants de moins de cinq ans, c’est de magasiner les vêtements et de choisir ceux que tu aurais voulu avoir quand t’étais môme. Tantôt, t’as regardé Timothy, l’air faussement sérieux, en lui disant que s’il avait un peu de bonne volonté, il rapetisserait pour pouvoir porter ce fabuleux – à ton humble avis – chandail violet sur lequel était inscrit « wizard in training » avec un dessin de baguette magique, et tout, et tout. Du coup, tu l’as acheté pour Sveinn en te disant que ça ferait l’affaire en attendant qu’il soit assez vieux pour déterminer dans quelle maison de Poudlard il serait réparti si les tests du Choixpeau existent encore dans dix ans (#teamslytherin). Maintenant, tu laisses tes enfants choisir et ça t’enlève un peu le plaisir des séances de shopping, mais t’as l’impression d’avoir trouvé un petit remplaçant pour combler ton côté un peu gaga. « Oh, et, tu vas voir, j’ai un peu craqué sur un peignoir avec des oreilles d’ours et les pantoufles assorties. » Les joues un peu roses, ton regard balaie furtivement la cuisine. « Et toi. Ta journée ? Tu as besoin d’aide pour quelque chose ? », demandes-tu en désignant les préparatifs qu’Anna semble sur le point de terminer – mieux vaut tard que jamais, hein…
Does it take courage to learn how to cry (Clarence & Annalisa) - Mer 13 Juin - 16:06
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«And when at last you find someone to whom you feel you can pour out your soul, you stop in shock at the words you utter— they are so rusty, so ugly, so meaningless and feeble from being kept in the small cramped dark inside you so long.»
T’es un peu perdu dans tes pensées quand tu la regardes déballer toute la panoplie de vêtements que t’as acheté pour Sveinn. Au départ, t’hésitais un peu ; t’avais peur que l’intention soit mal interprétée, qu’Anna soit insultée. Ce n’est rien de mal, mais l’enfer est toujours pavé de bonnes intentions : tu connais les jugements de la société envers les parents monoparentaux et tu sais qu’ils sont encore pires à l’égard des femmes. Elle aurait très bien plus le prendre comme une remise en doute de son autonomie. C’aurait été un peu idiot, mais est-ce que tu lui en aurais voulu ? Réellement ? En tout cas, voir la réaction de la mère te fait chaud au cœur et le baiser qu’elle vient claquer sur ta joue te fait sourire. Drôlement, il y a quelque chose en moins sur tes épaules et tu sens ton âme un peu moins lourde qu’au moment où t’as mis les pieds dans la maison. Mais ça part et ça revient. C’est toujours comme ça quand on a les pensées en roue de hamster, quand on ne sait plus comment faire taire les envahissantes. Quand t’étais jeune, tu n’étais pas comme ça. Tu ne pensais à rien d’autre qu’au moment présent. En vérité, tu ne sais pas si tout ça a commencé après la mort de ta mère ou après celle d’Eleanor – mais, comme beaucoup d’autres questions, il n’y aura probablement jamais de véritable réponse.
Tes iris fixent obstinément le sol ; tu te dis qu’elle a raison, au sujet de Maisie. Ta fille est plus forte que toi. Tu le sais. Être fort, ce n’est pas tout garder à l’intérieur, tout ruminer et espérer que ça s’en aille aussi vite que c’est arrivé. Des traces indélébiles se sont installées sur sa psyché, mais ce n’est pas ce qui l’empêche de vivre et, ça, tu l’as compris quand vous êtes revenus de son examen de sélection pour le pensionnat. Malgré tout, elle est prête à te quitter pour passer les plus belles années de sa vie dans un autre État. Tu soupires alors que ton cerveau essaie de gérer tout ce qu’Anna te dit. Tu voudrais faire l’enfant boudeur, fuir son regard, garder la tête haute pour ne pas chiffonner ton orgueil. Mais plus tu penses, plus tes yeux se remplissent d’une eau honteuse. Tu déglutis, tu bats des cils pour que rien ne s’échappe. Tu croises les bras sur ton torse, comme une forteresse contre le monde. Tes pupilles observent furtivement Anna avant de se reposer sur tes chaussures. Sa douceur te touche. Contrairement à ton psy, elle ne fait pas ça pour l’argent en bout de ligne et ça parvient à te mettre un peu en confiance, mais elle devra se parer de patience. Tu veux parler, mais il y a toujours cette boule d’angoisse au fond de ta gorge, cette amertume sur le bout de ta langue. Tu crains qu’on te juge. C’est à se demander si ton problème c’est vraiment la mort d’Eleanor ou simplement le fait que tu n’aies pas réussi à faire la paix avec toi-même ? Peut-être un peu des deux. « Je ne pense pas que ce soit l’amour qui me retienne, Anna… », marmonnes-tu, avec au fond de ton cœur l’espoir qu’elle ne t’entende pas. T’as aimé Eleanor. Tu sais que tu n’aimeras probablement plus jamais aussi fort, de cette manière. Mais huit ans se sont écoulés. Ce deuil-là, tu as réussi à le faire. Si vous vous croisiez maintenant, dans la vie ou dans la mort, vos retrouvailles ressembleraient surtout à celles d’amis de longue date. C’était une femme précieuse et merveilleuse, mais l’amour romantique, contrairement au deuil, se fane trop vite.
Tes lèvres se serrent, tu passes la paume de ta dextre sur tes yeux en un geste que tu veux subtile. Encore, tu penses passer inaperçu. Dans ta tête, rien ne va. L’incompréhension te guide, parce que pleurer n’a jamais été naturel, chez toi. La colère domine la tristesse. C’est ce que ton deuil est, en vérité : une bulle de colère. Parce que tu n’as rien pu contrôler. Parce que tu penses encore que c’est ta faute. Encore trois ans après la mort d’Eleanor, t’étouffais tes cris dans un oreiller en croyant que personne ne t’entendait, mais tu te calmais toujours quand Heathcliff, du haut de ses quatre ans, se tenait contre le cadre de porte en te demandant ce qui n’allait pas. Alors, tu le prenais dans tes bras et tu restais silencieux. Doucement, tu t’approches pour prendre les mains d’Anna dans les tiennes. Penser à ton fils t’a rappelé comment la simple chaleur humaine pouvait te rassurer et te calmer, te permettre de faire confiance à l’autre. C’est peut-être ce manque de proximité, cette barrière imposée, qui t’empêche de t’ouvrir pleinement à ton psy et qui destine toutes tes sessions à se terminer en heurtant un mur. « Je me souviens des belles choses, tu sais. Mais les mauvaises prennent le dessus, parfois. On veut croire que les mots frappent plus fort que les images, mais quand j’y pense, ce n’est pas les mots des médecins ou ceux de la mère d’Eleanor à ses funérailles qui me reviennent à l’esprit. » T’as la gorge serrée, alors tu te tais quelques secondes. Tes yeux qui fixaient encore le sol se posent sur le visage de ton interlocutrice, l’air désolés. « C’est Maisie dans sa robe trempée et rougie. Le regard sévère de Timothy quand, le lendemain, il a décidé de cesser de parler – ça a duré deux ans. Leur air perdu en leur expliquant que, non, maman ne reviendra pas. » Tu hoches un peu la tête. « Et puis, je crois que si j’avais fait les choses autrement, si j’avais été aussi têtu que je le suis d’habitude, peut-être que ça ne serait pas arrivé… J’ai beaucoup de « peut-être » dans la tête. » Tu presses un peu les mains d’Anna entre les tiennes et un soupir presque sourd s’évade encore de tes lèvres.
Does it take courage to learn how to cry (Clarence & Annalisa) - Mar 19 Juin - 17:34
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«And when at last you find someone to whom you feel you can pour out your soul, you stop in shock at the words you utter— they are so rusty, so ugly, so meaningless and feeble from being kept in the small cramped dark inside you so long.»
Les lèvres pincées, le regard se reposant à nouveau sur le sol, tu l’écoutes. Ses mots te touchent en plein cœur, parviennent doucement à te rassurer, mais l’orgueil détruit laisse un peu d’amertume au fond de ta gorge. Tu voudrais bouder comme un enfant honteux, mais tu combats contre tes sentiments désagréables. Les yeux fermés, t’essaies d’oublier les larmes qui coulent sur tes joues, leur goût salé lorsqu’elles se faufilent entre tes lèvres. Là, maintenant, tu ne sais pas si elles sont libératrices ou aussi douloureuses que des milliers de petites lames de couteaux. Tout n’est pas assez clair dans ta tête pour que tu puisses tout comprendre. Combien d’années se sont écoulées depuis la dernière fois que t’as pleuré ? Beaucoup trop. Assez pour que t’aies oublié la sensation désagréable des yeux humides et du hoquet disgracieux qui accompagne les pluies torrentielles. Tu ne veux pas laisser Anna sans réponse, craignant de lui faire croire que tu ne l’écoutes pas, mais rien ne veut sortir, aucune phrase ne veut se composer à travers ta gorge serrée. Chaque tentative de lui répondre se termine en une syllabe solitaire, perdue. Alors tu lâches prise tout comme tu voudrais lâcher ses mains et aller t’enfermer dans ta voiture pour laisser tes larmes te déshydrater jusqu’à plus possible, sans qu’elle ne te voie. Comme un oiseau, tu te caches pour mourir quand tu crois que tes ailes sont brisées.
Pourtant, quand elle t’enlace et qu’elle s’éloigne presque aussitôt pour reprendre tes mains, tout simplement, un frisson de détresse chatouille ton échine. T’as l’impression de défaillir, comme si on venait de t’arracher ton rempart. Doucement, tu la reprends dans tes bras, la serre un peu trop fort contre ton cœur et blottit ton nez dans ses épais cheveux. Pendant quelques secondes, peut-être même une ou deux minutes, tu restes immobile, tu ne dis rien. Parce que c’est bien beau de mettre des mots sur ses tourments, mais encore faut-il les trouver. D’autant plus que parfois, il n’y a pas de mots justes pour exprimer ce que l’on ressent. Surtout quand c’est douloureux. Alors, il faut trouver un moyen de l’expliquer et, ça, c’est plus difficile.
Au loin, t’entends le bruit des enfants qui s’amusent et ça te ramène lentement à la réalité. Est-ce que parler te rendra plus léger, moins tendu dans la vie de tous les jours ? Tu ne libères pas immédiatement Anna, mais tu relâches un peu l’étreinte. « Je ne pense pas être un père si formidable, comme tu dis. Quand Eleanor était encore là, je n’étais presque jamais à la maison. Je travaillais trop, elle me le disait souvent, mais j’étais jeune et égoïste, je crois. Et je pense que Timothy m’en veut encore, tu sais. Les autres sont trop jeunes pour s’en souvenir, mais Timothy avait neuf ans quand leur mère est morte, il a subi mon attitude plus longtemps. Si tu savais le nombre de fois qu’il m’a demandé, à l’époque, si je pourrais jouer avec lui ou l’amener au parc d’attractions, et que je répondais « bientôt » sans que ça ne veuille rien dire… » Mais maintenant, il te suit partout. Il te considère comme un modèle, mais tu n’en dis rien. Parce qu’en ce moment, ces choses heureuses ne te sautent pas en plein visage. C’est comme si le passé mangeait le présent. Des efforts pour t’améliorer, pour être un meilleur père, t’en as fait et t’en fait encore, mais on dirait que tu ne t’en rends pas compte. Avec les autres, t’es imbus, t’as tendance à croire que t’es parfait ou un truc du genre, mais c’est loin d’être le cas avec tes enfants. Avec eux, tu vois tes défauts plus que jamais et chaque moment de réalisation te frappe en plein cœur, te forçant à douter de tes capacités. Finalement, tu t’écartes d’Anna pour prendre une de ses mains et la mener s’asseoir à la table avec toi. « Tu sais quoi, Anna ? Au fond de moi je suis sûr que sa mort n’est pas autant de ma faute que celle d’un système désuet qui n’accorde pas d’attention aux maux de l’esprit tant et aussi longtemps qu’on n’a pas déjà essayé de se tuer, mais si c’était aussi simple, j’en aurai déjà fini avec tous ces sentiments envahissants. Je peux être rationnel, là, maintenant, mais quand je n’y réfléchis pas et que j’y pense soudainement, c’est loin de ressembler à ce que je viens de te dire. Mais je fais des efforts pour changer ça, je pense, même si c’est difficile. Des tous petits, mais je pense que c’est bien pour commencer. »
En passant encore la main sur tes yeux pour en chasser ce qu’il reste de larmes, tu hoches doucement la tête. « Je ne sais pas comment te remercier pour ton écoute, Anna… Si je peux faire quoi que ce soit en retour, n’hésites pas. » Tu n’as pas fini de parler, tu sais que si ça ne vient pas maintenant, ça viendra plus tard, mais tu ne veux pas tout dire en coup de vent, parce que certaines choses méritent qu’on leur porte plus d’attention. Sur sa chaise, non loin de vous, Sveinn gazouille et s’agite pour réclamer ton attention. T’as toujours le cœur qui fond un peu devant les mômes que t’affectionnes, alors tu te lèves pour aller le prendre dans tes bras. En revenant t’asseoir, tu l’installes sur tes genoux et tu le laisse se blottir contre toi. Un sourire qui s’installe à nouveau sur tes lèvres, tu te rappelles l’époque où Timothy avait cet âge-là ; loin des angoisses, tu ne remettais pas encore tes capacités paternelles en doute. Qu’est-ce que tu ne donnerais pas pour retourner dans le passé et réparer tes erreurs. C'est la nostalgie, maintenant, qui éclaire ton regard.
Does it take courage to learn how to cry (Clarence & Annalisa) - Dim 24 Juin - 3:57
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«And when at last you find someone to whom you feel you can pour out your soul, you stop in shock at the words you utter— they are so rusty, so ugly, so meaningless and feeble from being kept in the small cramped dark inside you so long.»
Ce qu’Annalisa t’a dit n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd. Ce qui te tourmente, ces pensées infinies qui te ramènent toujours à ta culpabilité, ne touchent qu’à peine tes enfants qui sont trop jeunes encore pour les maux d’adultes. Tu ne lui as rien répondu, à ce moment-là, mais t’as faiblement hoché la tête pour lui faire comprendre qu’elle n’avait pas tort. Alors que tu penses être responsable de la mort d’Eleanor, tes enfants, de Maisie à Aster, ne semblent pas t’en vouloir. Avec Timothy, c’est une toute autre histoire. Les enfants peuvent être cruels et c’était, quand il a retrouvé la parole, le cas de ton aîné qui t’a balancé toutes sortes d’atrocités qui, à ses yeux, ne paraissaient pas blessantes. Or, tu ne lui en as jamais voulu, parce qu’il était jeune et en colère. Quant à tes capacités parentales, l’affection que tes enfants te portent et comment ils s’agglutinent à toi comme des chewing-gums sous des chaussures devraient peut-être t’ouvrir les yeux, un peu ; ça fait 16 ans que tu collectionnes les tasses « #1 Dad ». Mais c’est ça, la dépression. Même la plus grande des joies peut vous passer sous le nez que vous ne la verriez quand même pas, et quand vous les voyez, il y a toujours un « mais ». Les petites pilules de bonheur ne font pas des miracles, non plus.
À chaque fois que Sveinn couine de joie, t’as les larmes qui te remontent aux yeux et ton visage se crispe subtilement, parce qu’il y a au fond de toi cette envie de le protéger, même si tu sais bien que tu ne seras pas toujours là. Le protéger de rien, spécifiquement ; des peurs des adultes, probablement. C’est toujours de ça qu’on veut protéger les enfants : de nos propres peurs. C’est pour ça que quand il s’aide de tes mains pour se redresser et explorer un peu la table, plein de confiance bambine, tu le retiens doucement, mais fermement, pour qu’il ne tombe pas. En même temps, t’essaies de garder une bonne partie de ton attention sur Anna. « Ça me touche que tu t’inquiètes pour moi. », murmures-tu presque silencieusement, un sourire soulevant tes pommettes doucement roses. Plus on vieillit, plus on court pour rattraper ce sentiment de protection réconfortante qui accompagnait l’enfance, alors qu’à l’époque, il nous étouffait et on voulait trop vite vieillir pour s’en échapper. Selon toi, il y aura toujours quelque chose d’un peu maternel et d’agréable lorsque cette attention t’est offerte par une femme. Généralement, ce genre de pensées te fait plisser les yeux, comme une honte vague découlant de cet étrange mélange, un peu dérangeant, entre un Œdipe irrésolu et un brin de sexisme aliénant.
« J’aurais peut-être dû apporter le dessert. », réponds-tu, pensif, au fait qu’elle compte t’offrir un verre plus tard. « Je peux peut-être envoyer Timothy chez le pâtissier, après le repas si c’est nécessaire ? » Et ça lui donnerait quelque chose à faire à ce flanc mou que tu soupçonnes s’être affalé dans son coin pour passer le temps le nez plongé sur son smartphone. À contre-cœur, tu te lèves pour aller réinstaller Sveinn sur sa chaise le temps que Cyrus vienne s’en occuper. Drôlement, c’est une séparation douloureuse pour vous deux. Autant pour toi qui s’amusait à le voir bavouiller comme un vieux St-Bernard que pour lui qui te voyait comme un allié d’exploration. T’haussas les épaules, l’air exagérément désolé, quand tu crus lire un reproche dans les grands yeux globuleux du môme. « La vie, ce n’est pas toujours juste, petit homme. », lâches-tu le ton riant avant d’aller aider la maman à préparer le nécessaire. Sans te gêner, tu sors le nombre de couverts nécessaires que tu déposes sur le comptoir avant d’en faire de même pour les assiettes.
Pendant que tu crois qu’elle ne te regarde pas, tu la zyeutes subtilement, avec une certaine tendresse, elle et ses cheveux impossibles. Parfois, t’aimerais glisser ton nez et tes mains dans cette chevelure de feu, ne plus bouger, comme un élan d’affection particulier qui te pousserait à vouloir t’y perdre. Mais ce sont toujours des pensées que tu refoules, jugées inappropriées par rapport à tes standards d’amitié. Quand tu détournes finalement tes iris bleutées, ce n’est pas sans te sentir doucement attendrit. Si bien que tu comptes deux fois de plus l’assemblage des ustensiles et de la vaisselle pour t’assurer que ton cerveau douteux ne t’en a pas fait rater un. Tu reproches à ton fils sa paresse, mais ça t’embête toujours de constater à la dernière minute qu’il te manque quelque chose et de devoir retourner sur tes pas. « Honnêtement, ça fait assez longtemps que je n’ai pas eu l’occasion de manger à table, avec mes enfants. Ce n’est pas par manque de bonne volonté, mais nos horaires sont tellement différents. Timothy travaille en plus d’avoir à faire avec deux troupes, Maisie a beaucoup de parascolaire à l’école sans compter le patinage artistique et les autres ont leurs activités sportives. Et je ne te parle même pas de mes horaires à moi et des week-ends où ils sont toujours partout sauf à la maison ! » Amusé, tu jettes un œil à ta progéniture qui déboule dans le couloir, se dirigeant vers le salon. Ton attention se pose surtout sur Heathcliff qui parle passionnément avec l’enfant d’Anna qui a son âge. Ça te rassure de le voir moins timide, cet enfant dont l’introversion te faisait de la peine auparavant. Soudainement, il y a Maisie qui entre dans la cuisine et qui, sans te le demander, prend la pile d’assiettes pour les apporter elle-même dans le salon. C’est le genre de petites actions qui te surprennent toujours dans le bon sens du terme et qui te font voir que non, finalement, tu n’as pas échoué à ton boulot de papa.
« Ça me rend heureux de voir qu’ils s’entendent tous si bien… Maisie avait super hâte d’arriver, elle m’a dit qu’elle avait de nouveaux tours de magie à présenter aux plus jeunes. Elle aime beaucoup Sveinn aussi, si un jour t'a besoin d'une babysitter de secours quand il sera un peu plus vieux ! » En te concentrant pour ne pas trop laisser paraître ta maladresse, tu rassembles dans tes mains les douze cuillères, les douze fourchettes et les douze couteaux. Après avoir lancé un clin d’œil complice à ton amie, tu sors de la pièce pour aller aider ta fille à la préparation de la table.
Does it take courage to learn how to cry (Clarence & Annalisa) - Mar 26 Juin - 4:24
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«And when at last you find someone to whom you feel you can pour out your soul, you stop in shock at the words you utter— they are so rusty, so ugly, so meaningless and feeble from being kept in the small cramped dark inside you so long.»
Quand Anna revient vers toi, quêtant à nouveau ton affection, tu n’hésites pas une seconde avant de la serrer entre tes bras protecteurs. Ça te fait du bien à toi aussi, une présence féminine avec qui tu peux échanger ces tendresses. Le nez contre ses cheveux, tu restes silencieux un moment. Tu profites avant que la séparation fatidique ne survienne. « Je ferai de mon mieux pour en profiter, tu peux compter sur moi. » Même si tu sais que ce sera difficile. Même si tu sais que de vous voir tous rassemblés à la même table, la veille de cet anniversaire tragique, ne pourra qu’éveiller en toi des souvenirs tristes. Sagement, t’embrasses le haut de sa tête avant de la libérer et de te concentrer sur ses beaux mots au sujet de Maisie. Ça t’attendrit d’en entendre parler en bien. Tu sais qu’elle fait de son mieux, que depuis la mort d’Eleanor, elle essait d’être comme une petite maman pour les trois plus jeunes et puisqu’elle ne peut pas prétendre à ce rôle avec Timothy, elle était devenue sa meilleure amie et inversement. Tu remarques le même schéma d’attitude lorsqu’elle se trouve en présence des plus jeunes enfants de ton amie et surtout en celle de Sveinn. Parfois, elle te dit à quel point elle a hâte qu’il se mette à parler pour l’aider à apprendre de nouveaux mots. « Je lui en parlerai, je suis sûr qu’elle sera d’accord. », confirmes-tu, avec de la détermination au creux de la voix. Ça aiderait probablement ta fille à se responsabiliser plus rapidement.
En t’installant entre Sveinn et Maisie, tu remarques du coin de l’œil le regard suspicieux de ton aîné ; toi, t’hausses les sourcils en guise de seule réponse. Il a vu l’étreinte, tu le sais. Ce n’est qu’un geste innocent pour toi, mais pour ton fils c’est un acte de pure trahison ; il dégage ce même air de reproche que quand il te voit trop près d’Aislinn – bien que pour cette dernière, tu te doutes que l’effronterie de ton fils puisse avoir des racines bien plus personnelles. C’est une impression un peu bizarre que t’as, mais de vous voir tous ainsi et ta proximité avec Anna et ses enfants te donnent l’impression d’être en famille. L’odeur des plats qu’elle vient de servir te rappelle tes jours heureux où, avec Eleanor, vous faisiez la cuisine à deux. C’était votre petit instant ; un moment léger où tu pouvais souffler un peu de ta semaine débordante. Enfin, vous cuisiniez ensemble, mais toi tu passais plutôt ton temps à glisser ton nez contre son cou, à entourer sa taille de tes bras protecteurs amoureux en murmurant des sweet nothings à son oreille. Soudainement, son odeur te manque ; il n’y a certes plus d’amour romantique, mais il y a toujours ce besoin d’un réconfort connu qui revient de temps en temps. Mais tu essaies, malgré tout, de ne pas laisser le nœud dans ton ventre dominer toutes tes sensations. Tu forces un sourire sur ton visage pour que tes enfants et ceux d’Anna ne voient pas ton malaise. Tu ne veux gâcher le repas de personne. Alors, tu bats furtivement des paupières pour chasser le voile qui s’est momentanément posé sur le monde. Distraitement, tu jettes un œil à Sveinn qui mange à côté de toi en faisant le fier, armé de sa cuillère en plastique. Ça t’arrache un rire amusé de le voir faire de son mieux pour mener l’ustensile à sa bouche, mais de renverser la moitié du contenu en chemin. Soudainement, il appuie sa petite main trop fermement sur l’assiette en plastique et manque de la faire tomber par terre, mais tu la rattrape juste à temps. « T’as du talent, mon bonhomme… », murmures-tu, une pointe de sarcasme affectueux dans la voix.
Instantanément, sous l’effet des exclamations d’Anna, toi et Maisie échangez un regard complice accompagné d’un petit sourire en coin. Elle est douée avec les cartes et sait très bien que, naturellement, tu ne lui arrives pas à la cheville, mais elle est capable d’admettre que tes capacités sont plus cool que les siennes – pour l’instant. Si ta fille ressemble bien plus à sa mère physiquement – les mêmes yeux, le même nez en trompette, les mêmes cheveux ébènes –, c’est à toi qu’elle ressemble le plus mentalement, ayant hérité de ta détermination orgueilleuse. Soudainement d’un geste gracieux, presque aérien, tu agites ta main et une pluie de pétales de fleurs tombe au-dessus d’Anna, disparaissant tout juste au moment où elles touchent la table. Lorsque les exclamations des enfants ébahis fusent, ton sourire s’élargit et tu bombes légèrement le torse, tout fier de toi. « C’est pour te remercier, à défaut d’avoir acheté de vraies fleurs, mais je me rattraperai, promis. », lances-tu en accompagnant tes propos d’un nouveau clin d’œil cette fois un tout petit peu plus charmeur que le premier. Les gazouillements de joie du bambin à tes côtés attirent ton attention. Comme le voir heureux t’attendrit, tu ouvres la main devant lui, paume vers le plafond, et tu te concentres quelques secondes. Soudainement, une petite créature issue d’un dessin animé qu’il regarde parfois s’anime sur ta main et salue le bébé qui te regarde avec les grands yeux de celui qui vient de voir une merveille. Il pousse un « ghaa ! » de satisfaction, alors que le compagnon du personnage qui se dandine sur ta main vient le rejoindre. « Si ce n’est pas beau ce qu’on peut faire avec la magie ? », lances-tu à la volée, à l’intention de personne en particulier. Inévitablement, l’enfant essaie d’attraper les personnages, mais tes illusions ne sont pas tactiles, alors la petite main passe au travers. Chez l’enfant, l’enthousiasme fait place à l’interrogation et ça te fait doucement rire alors que tu refermes ta main pour mettre fin aux manifestations. Tout fier de toi, t’offres à la maman un trop grand sourire. Lorsque tu t’attardes finalement au plat préparé par Annalisa – à qui tu envoies un thumbs up pour lui faire part de ta satisfaction –, le petit t’imite jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien dans son assiette.
Does it take courage to learn how to cry (Clarence & Annalisa) - Ven 29 Juin - 4:18
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«And when at last you find someone to whom you feel you can pour out your soul, you stop in shock at the words you utter— they are so rusty, so ugly, so meaningless and feeble from being kept in the small cramped dark inside you so long.»
« Tu m’émerveilles. » ; ces mots restent avec toi, au creux de ton cœur, tout au long du repas Tu voudrais l’émerveiller à nouveau, les voir, elle et les enfants, s’exclamer encore devant tes illusions, mais tu gardes ça pour plus tard. Pour l’instant, ces quelques secondes qui passent trop vite, tu te perds dans ce regard étrange qu’elle te jette et qui te laisse plein de questions. C’est quelque chose que tu ne comprends pas, pour l’instant. Une naïveté imposée, probablement. T’es tellement dans ta tête que tu ne remarques pas la chimie adorable qui étincelle entre Maisie et Cyrus – et c’est peut-être mieux comme ça, pour ne pas laisser sortir le côté « papa trop protecteur ». Tu ne sors de tes pensées qu’au moment où les deux filles d’Anna reviennent, toutes fières, avec le dessert. Lorsqu’elles eurent terminé de servir tout le monde, tu leur tends les mains pour un highfive bien mérité avant de goûter au gâteau. Après avoir fini ta part, tu te surprends à gratter vaguement ton assiette avec ta fourchette comme tous ces petits gestes que tu fais inconsciemment quand tes pensées tournoient trop vite. Il n’y a que la voix de ton amie, lorsqu’elle mentionne la possibilité de sortir avec les enfants, qui te libère de la spirale infernale. Alors que t’hoches la tête, t’essaies de lui rendre son sourire avec autant de tendresse.
Au moment où Anna mentionne Aislinn et que tous les enfants s’exclament de joie à l’idée de pouvoir passer un peu de temps avec elle, Timothy lève la tête d’une manière qui attire ton attention. Vos regards se croisent, se fixent silencieusement. T’aimerais ne pas comprendre, mais c’est tout le contraire qui se produit. Un sourire compatissant, des sourcils qui se haussent à nouveau. « J’ai eu le béguin pour une de mes profs, à ton âge… Tant que ça reste un béguin, ok ? », murmures-tu doucement à l’intention de ton fils qui rougit violemment alors qu’il se lève de table. Tu t’excuseras plus tard, comme tu t’es senti mal en voyant sur son visage l’air des rêves et des espoirs qui éclatent en mille morceaux. Ton Timothy doit avoir quelque chose d’un leader, penses-tu en voyant les enfants se lever à sa suite et quitter lentement le salon, emportant avec eux leurs rires et leurs exclamations qui ne meurent pas pour autant ; avant qu’ils ne soient tous sortis, tu t’assures de leur annoncer que, oui, vous essaieriez d’aller à la plage avec tata Aislinn. Tu ne sais pas s’ils t’ont entendu, mais, de toute manière, le sujet reviendra bien un jour ou l’autre sur la table.
Ce qu’Annalisa te propose ensuite te prend un peu au dépourvu. Silencieusement, tu lui redonnes toute ton attention et tu la regardes, la bouche entrouverte, avec l’air de celui qui n’est pas convaincu d’avoir capté tous les sous-entendus. Pourtant, il n’y a ni peur ni de désolation dans ton regard, seulement de l’espoir que tu tentes de refrogner, mais qui revient toujours. « Tous les deux. », confirmes-tu avec une urgence qui ne t’est pas commune. Longtemps, t’as repoussé ce genre d’occasions ; tu t’es tenu loin de tout ce qui pourrait abîmer ton cœur. Ce n’est pas la crainte de remplacer Eleanor – elle est partie, elle ne reviendra pas, tu le sais très bien –, mais celle de te voir blessé à nouveau. Or, celui qui se cache derrière la peur ne vit pas. C’est comme si à ce moment précis – après avoir vu tes enfants heureux, en sentant Sveinn te donner des coups de cuillère en plastique avant de s’agripper faiblement à la manche de ta chemise –, tu venais de te promettre de ne plus fuir. Tu veux lui laisser une chance.
« Je reviens. » Un sourire doux pour t’excuser alors que tu sors de table, puis de la pièce. La chaleur de ton visage te laisse craindre le pire pendant que tu te diriges à grands pas vers la salle de bain où le miroir te confirme que t’as bel et bien rougi. T’as un peu honte d’être comme ça la veille de l’anniversaire de mort d’Eleanor, honnêtement. T’es venu t’isoler un court moment pour respirer un peu, pour te passer de l’eau sur le visage, mais t’en profites aussi pour prendre la boîte de lingettes humides pour bébé. Deux ou trois minutes s’écoulent avant que tu ne reviennes près d’Anna, dans le salon.
« J’ai plein de propositions en tête, mais je pense qu’on pourrait aller danser, peut-être ? », commences-tu alors que tu te mets à la tâche de nettoyer les petites mains de Sveinn qui sont salies d’un mélange étrange de gâteau de purée de légumes. « Il y a une petite place publique au centre-ville – ce n’est pas très loin de mon travail – et tous les vendredis soir de l’été, il y a des soirées de danses latines, si ça te dit. » T’aimes danser et tu crois que tu ne le fais pas mal ; c’est l’occasion, tu penses, d’impressionner un peu ton amie. Malgré l’opposition du gamin qui semble vouloir avoir l’air menaçant avec ses babillages de bébé, tu trouves un moyen délicat de nettoyer son visage lui aussi assaillit par le mélange douteux. Une fois la tâche périlleuse terminée, tu te lèves pour commencer à empiler les assiettes vides. « Ou, sinon, je connais un endroit très chouette dans le New Hampshire, où on voit très bien les étoiles la nuit. C’est sur le bord d’un lac, dans la montagne. On pourrait peut-être se faire un week-end camping ou un truc dans le genre, si la danse ne te tente pas. » Tu sais qu’en ce moment, Aislinn tomberait probablement de sa chaise en t’entendant autant parler de prendre du temps pour toi. Parce qu’honnêtement, t’en tomberais aussi si tu t’entendais.
Does it take courage to learn how to cry (Clarence & Annalisa) - Lun 2 Juil - 3:22
does it take courage to learn how to cry
Clarence & Annalisa
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«And when at last you find someone to whom you feel you can pour out your soul, you stop in shock at the words you utter— they are so rusty, so ugly, so meaningless and feeble from being kept in the small cramped dark inside you so long.»
« Alors, nous irons danser. » Déclames-tu en profitant des images qui s’éparpillent dans ta tête. Elle est belle, Annalisa. Et quand tu l’imagines danser, c’est comme si quelque chose se chamboulait dans ton estomac et mettait de l’huile sur le feu de ton anticipation. D’un côté, tu n’aimes pas vraiment l’explosion de telles émotions en cette journée – bien que veille – qui devrait en être une de deuil. Même si tu n’en dis rien, t’as honte et l’amertume se mêle à la timidité. Dans le meilleur des mondes, tu ne serais pas enthousiaste à l’idée de danser, ou quoi que ce soit, avec une femme qui n’est pas Eleanor sans que l'occasion se passe sous le signe de la "meilleure amitié", comme c'est le cas avec Aislinn. Mais tu te connais trop bien, Clarence. Tu sais que, peu importe, tu feras de ton mieux pour qu’Annalisa soit éblouie de sa soirée et qu’elle veuille que ce soit partie remise. Y’a ton petit côté paon pavaneur qui ne dégagera jamais vraiment. En tout cas, tu ne te rends même pas compte du sourire un peu niais qui soulève tes pommettes. T’aimerais en parler à Aislinn, lui demander conseil. Qu’elle te valide dans ton intention d’aller de l’avant avec la vie, mais tu ne crois pas que ce soit nécessairement une bonne idée. Vous n’êtes plus adolescents, mais tu crains que, même si rien ne se produira peut-être jamais entre toi et Annalisa, votre amitié n’en prenne un coup. Peu importe, quand elle te dit que le New Hampshire sera pour plus tard, t’hoches la tête ; tu préfères ça comme ça. Même si tu l’as proposé, tu n’es peut-être pas vraiment prêt à t’isoler tout de suite avec elle. Tu veux laisser un peu le temps couler avant de prendre de tels risques.
Sans te faire prier, tu suis Annalisa lorsqu’elle te dit qu’elle compte aller mettre Sveinn au lit. C’est le genre de petites scènes qui te rendent nostalgiques. La dernière fois que t’as mis un bambin de cet âge-là au lit, c’était il y a six ans et tu t’ennuies des babillages plaintifs de celui qui voulait continuer à jouer avec ses mega bloks ou encore t’entendre chantonner une berceuse. D’ailleurs, après qu’Annalisa ait déposé Sveinn dans son petit lit, tu te permets de fredonner pour lui cette même chanson qui accompagnait les dodos de chacun de tes enfants et que ta mère elle-même te chantait. Lorsqu’il s’endort finalement, tu fais de ton mieux pour retirer, sans le réveiller, tes doigts qu’il serrait entre ses petites mains pour mieux s’endormir. En sortant de la pièce, en compagnie de la mère, t’as toujours sur le cœur la petite voix enfantine qui prononce la première syllabe de ton nom. Tu ne l’avais jamais entendu, avant ; peut-être que tu ne portais pas assez attention ? « Tu as vu comment il dit « Cla », Anna ? C’est adorable… », lui dis-tu en fermant la porte derrière vous. Dans tes yeux, il y a de la tendresse qui scintille. T’as l’impression d’être un peu comme un oncle, pour cet enfant. Un honneur que tu n’as jamais connu, d’ailleurs, puisque tes sœurs n’ont pas de progéniture.
Vous laissez quelques secondes passer pour vous assurer que le bambin ne se soit pas réveillé au son de vos pas s’éloignant, puis vous vous dirigez vers la cuisine. Dans ta mémoire, le verre qu’elle t’a proposé s’impose à nouveau et ça calme tes angoisses qui s’étaient plus tôt faufilées dans ta tête. En chemin, tu tombe nez à nez avec Timothy qui revient de la salle de bain ; vos regards se croisent et alors que le tien se fait bienveillant, le sien est fuyant et gêné.. Tes lèvres se pincent pendant que ton regard fixe le sol. Jusqu’à la cuisine, tu restes muet, mais une fois dans la pièce, tu te permets de sortir les verres à vin, comme pour rappeler indirectement à Anna la proposition faite avant le repas. Un soupire se perd dans le silence que tu ne tardes pas à briser. « Je lui parlerai après-demain, à Timothy. On a une sortie père-fils prévue – il veut aller avoir le deuxième Deadpool, mais les moins de dix-huit ans ont besoin d’un accompagnateur. Ça serait le bon moment pour une discussion importante, je pense. » T’hausses les épaules et, après avoir déposé les coupes sur la table, tu tires une des chaises et tu t’assieds.
Tes iris bleutées se posent sur Annalisa et, autant que ton visage, ils sont doucement souriants. T’aimerais lui proposer de vous voir plus souvent ; de passer la voir quand tu n’as pas de travail ou en soirée, pour lui rendre un coup de main, mais tu préfères attendre un peu pour ne pas avoir l’air trop étrange. « D’ailleurs, je me disais qu’avant la danse, nous pourrions peut-être aller souper au restaurant. Celui qui te tente le plus, j’ai envie de découvrir de nouvelles choses. Et puis, après, nous pourrions aller prendre un verre. Je connais un petit bar à cocktails tranquille, pas trop loin du square. » Soudainement, tu parais un peu songeur, mais ça ne dure pas bien longtemps avant de faire place à une mine un peu piteuse. « Désolé si j’ai l’air trop enthousiasme… Aislinn m’a déjà dit que je devrais prendre un peu plus de temps pour moi, tu sais. Mais je ne l’ai jamais vraiment écoutée et je pense que c’est le temps de commencer à le faire. Ça me rend vraiment heureux que tu veuilles passer du temps avec moi. » Distraitement, t’hoches la tête. C’est qu’en fait, t’en as marre que tes seules sorties accompagné soient celles que tu fais dans le cadre de ton travail. Parce que t’en as marre de devoir, certains jours, compter sur l’ami Zoloft pour ne pas passer la journée au lit. Elle a toujours été plaisante, Anna, d’une certaine manière, mais tu n’as jamais songé rien qu’une fois à la considérer comme une possible amie de cœur. Et puis, t'extrapoles trop. Ce n'est qu'une sortie en amis, te convaincs-tu finalement. Ça ne veut rien dire.
Does it take courage to learn how to cry (Clarence & Annalisa) - Mer 18 Juil - 5:01
does it take courage to learn how to cry
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«And when at last you find someone to whom you feel you can pour out your soul, you stop in shock at the words you utter— they are so rusty, so ugly, so meaningless and feeble from being kept in the small cramped dark inside you so long.»
Dans cette maison, tu te sens aimé. Tout autant que dans la tienne, entouré de tes propres enfants, tu as l’impression d’y avoir ta petite place. C’est un étrange sentiment, peu commun crois-tu, qui te redonne parfois la joie de vivre. Des instants de tendresse qui n’ont pas été vécus depuis longtemps, des étoiles dans les yeux d’enfants qui ne sont pas les tiens. Quand Anna t’a raconté comment Sveinn te réclamait, l’espoir qu’elle ne se remarie pas t’a pris au dépourvu. Elle n’est pas à toi, penser de telles choses t’est interdit, mais tu crains de perdre ta place dans ce foyer chaleureux. Les larmes ont noyé tes yeux en réalisant à quel point tu comptais dans la vie de ce petit être que tu vois grandir. C’est aussi la réalisation d’avoir manqué beaucoup de ces petits moments, en l’apparence anodins, dans la vie de tes propres moments. Parce que tu étais jeune et égoïste, lorsque tu es devenu père. Le temps perdu revient à toi ; c’est lui qui te cherche, et ce n’est pas plus mal.
Et puis, tu l’as suivie jusqu’en bas. Tu lui as souris doucement, l’air de lui dire de ne pas s’inquiéter, quand elle t’a dit de ne pas y aller trop brusquement avec ton fils. La douceur n’est pas toujours ton point fort, mais tu ferais de ton mieux ; tu sais très bien qu’hausser le ton et réprimander pour rien fait plus de mal que de bien. De l’expérience avec les enfants, tu as eu cinq occasions d’en acquérir, mais aucune avec un adolescent. Tu apprends petit pas par petit pas. C’est difficile, mais le jeu en vaut bien la chandelle. Timothy est, malgré tout et autant controversé puisse être un tel lorsqu’il est tenu par un parent ayant plusieurs enfants, ta plus grande fierté. Installés dans la cuisine, ta tête est encore un peu perdue dans les nuages, mêmes lorsque tu parles à la belle. C’est sa voix, à l’enthousiasme contagieux, qui te tire de tes pensées et accroche à ton visage un sourire drôlement timide. « Je crois que le coréen est une cuisine à la mode en ce moment, non ? Ça me dit bien d’essayer, en tout cas. » La songerie porte tes mots alors que tu la suis dans le salon, le fantôme de son toucher toujours bien présent sur ton bras. Derrière elle, tu observes chacun de ses mouvements. La manière dont ses hanches bougent quand elle marche, ses cheveux qui te donnent envie d’y blottir ton nez, puis tout ton visage.
her hair reminds me of a warm safe place where as a child I'd hide and pray for the thunder and the rain to quietly pass me by
Ça te vient à l’esprit, ça te fait sourire. C’est doux, mais tu préfèrerais que ça ne le soit pas. Parce que le deuil est une punition de laquelle tu ne devrais pas pouvoir te libérer. Surtout pas pour en remplacer l’auteure. Mais tu t’installes tout de même avec elle, te blottissant dans le confort des coussins. Au-dessus de vous, un rideau qui frétille lentement au gré du vent. Elle est heureuse de passer du temps avec toi. Ça te tourne en boucle dans la tête, ton sourire est niais. Poussé par une certaine forme d’angoisse, le bout de ton ongle tapote contre la coupe en verre qu’elle vient de te tendre. D’ailleurs, tu en piques une gorgée. Sans mot, il suffit d’un haussement de sourcils pour exprimer ce que tu penses de ce liquide délicieux. « Dis-moi tout. », lances-tu pour lui signifier qu’elle peut te parler de ce qu’elle semble vouloir te raconter ; tu l’écouteras sans aucun doute.
Lentement, tu hoches la tête. Tu pinces les lèvres. C’est une question à laquelle il sera relativement difficile de répondre, émotivement parlant. Tu soupires, mais ce n’est pas d’embêtement, mais plutôt d’exaspération envers toi-même. « Pour être honnête… C’est plutôt difficile. Timothy ne veut pas vraiment en parler. Quand j’essaie d’aborder le sujet, il refuse de continuer la conversation. Il part ou change de sujet. Tu sais, je pense qu’il a peur. Il a déjà un diagnostic – de surdouance, je te l’ai déjà dit, je crois – depuis qu’il est enfant et il s’est toujours sentit différent. Maintenant, il découvre qu’il a un pouvoir et qu’il accueille quelqu’un d’autre en son âme ? Ça ne peut que le chambouler. Il est particulièrement irritable, je crois. Quand il voudra en parler, je serai là pour l’écouter. » Ton regard s’agrippe au sol, mais tu le remontes rapidement vers Anna en portant à nouveau la coupe à tes lèvres. Tu sais qu’une partie de la problématique est de ta faute. Tu as évité certaines choses et ça a eu son impact négatif, il fallait s’y attendre. C’est comme si tu n’avais pas appris des erreurs de tes parents. « Je ne sais pas si tu en as parlé à Cyrus, mais tu devrais. Je ne l’ai pas fait, pour Timothy, parce que j’étais convaincu qu’il ne serait qu’un humain normal, comme Eleanor. C’est ce que je souhaitais pour lui. » Pour qu’il ne vive pas le choc d’apprendre que son invité était un type qui avait eu des enfants avec son frère, sous formes animales, et engrossé sa sœur à l’aide de la magie, comme ça avait été ton cas, par exemple. Les joies de la mythologie.
« Alors, quand c’est arrivé, il a paniqué, c’est normal. J’ai vécu la même chose à son âge. Mes parents, deux personnes comme nous, ne m’ont rien dit. Et puis, un jour, quand j’ai eu seize ans, mon pouvoir s’est manifesté et j’en ai voulu longtemps à mon père et à ma mère de ne m’avoir rien dit. À mes sœurs, aussi. » Mais tu étais un peu con, il fallait dire : Rosaleen se jouait de tes parents avec sa capacité de métamorphose et c’était comme si tu n’avais rien vu. Aveuglement volontaire ? Peut-être. Doucement, tu attires Annalisa contre toi et tu l’enlaces d’un bras. Les marques d’affection, légères et tendres, ne sont pas inhabituelles entre vous. C’est une manière comme une autre de vous soutenir et, contrairement à l’enthousiasme que tu éprouves à l’idée d’une sortie rien qu’à deux, ça ne te rend pas mal à l’aise, ça ne te pousse pas à te sentir coupable. Et, en cette soirée qui annonce un jour tragique, tu en as bien de besoin. « Je suppose, considérant tes origines, que ta divinité est du panthéon nordique, non ? » Fidèle à toi-même, c’est la curiosité qui domine toujours.
Does it take courage to learn how to cry (Clarence & Annalisa) - Sam 28 Juil - 2:30
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«And when at last you find someone to whom you feel you can pour out your soul, you stop in shock at the words you utter— they are so rusty, so ugly, so meaningless and feeble from being kept in the small cramped dark inside you so long.»
Au fond de toi, t’es rassuré quand elle te dit qu’elle compte en parler à Cyrus. Anna, elle ne fera pas les mêmes erreurs que toi. Tu l’aimes bien, le Cyrus, alors c’est toujours mieux de savoir qu’il ne passerait pas par les mêmes épreuves que toi et Timothy ; ou un peu moins, tout dépendant. Le sourire qu’elle t’adresse est contagieux ; les petits papillons dans le creux de ton ventre et de tes reins s’activent une fois de plus. Ce soir, t’as l’impression que ce sont des mois de sentiments refoulés qui s’imposent à toi, en quête de reconnaissance. Elle s’éloigne, tu veux la retenir. Compensant la distance imposée, tu détailles le moindre de ses gestes, de sa démarche à la délicatesse avec laquelle ses doigts s’emparent d’un bouquin. La curiosité fait vibrer tes iris. Tes bras s’enroulent autour de sa taille, ton menton se pose sur le haut de sa tête, alors que tes yeux s’attardent au livre qu’elle te présente et te propose de prendre ; ce que tu fais. Silencieusement, tu regardes chacune des images qui se dévoilent à ton regard quand tu tournes les pages. T’admires sa dévotion, là où toi t’essaies plutôt de fuir ce que tu ne veux pas tellement assumer. Ta divinité n’est pas la pire, mais pas la plus glorieuse (au sens moral du terme) non plus.
La révélation te fait sourire, espiègle. Une déesse de la maternité, ça lui va bien, tu penses. « La grossesse te va bien, alors ça ne m’étonne même pas. » Un petit compliment comme ça, à la volée. Lorsqu’elle était enceinte de Sveinn, t’as passé de nombreux moments à ses côtés. Même si la gestation n’avait pas durée neuf mois, t’avais pu voir l’évolution de son corps et, à vrai dire, tu la trouvais ravissante, rayonnante et même plaisante ; tu t'étais quelques fois surpris à avoir envie d'elle . Ce qu’elle te raconte t’impressionne, te donne envie d’en savoir plus. Tu ne connais pas beaucoup la mythologie nordique, mais Anna t’ouvre à un monde de curiosités qui ne demandent qu’à être résolues. « Donc, la déesse des anglais… Considérant que je suis à moitié anglais, ça voudrait dire que je devrais te prier ? », plaisantes-tu, vif dans la manière dont du déclames chacun de tes mots, avant de te taire pour la laisser parler. Elle te dit qu’elle connait des réincarnés liés à sa déesse. Étrangement, ça te rend un peu jaloux. T’aurais aimé savoir qui est Arianrhod ou Matt, notamment. Un jour, peut-être. « Anna, j’admire ta motivation, c’est inspirant. » Le bout de ton nez se frotte sur ses cheveux. Muse passagère. Ça te plaît. Alors que tu déposes sur les genoux d’Annalisa le carnet soigneusement fermé, tu te permets de la serrer un peu plus fort contre toi. Elle veut savoir qui t’es, mais ça t’angoisse un peu. Ce n’est pas aussi doux qu’une mère nature, malheureusement. Au contact de ses lèvres contre ta joue, ton visage rougit.
Une grande inspiration, avant la « marche » de la honte. « Donc… Je peux commencer par te dire que mon dieu est celtique, mais de souche galloise, donc ça n’a pas grand-chose à voir avec la mythologie irlandaise si ce n’est que certaines équivalences entre les dieux de l’une ou de l’autre. » Moyen comme un autre de retarder la révélation. Tu n’es pas obligé de tout dire, mais avec l’ère d’internet, on ne peut pas cacher grand-chose, alors tu te lances. « Mon invité se nomme Gwydion. C’est un trickster. Je ne sais pas si tu sais ce que c’est ? C’est un dieu rusé qui joue des tours, à l’aide de la magie, pour atteindre un but ou faire chier son monde. Selon ce que j’ai pu lire, Gwydion était un très puissant sorcier illusionniste. Le plus grand de son temps. C’est justement le dieu de la magie, mais j’ai lu qu’on lui associait aussi la poésie, les sciences et l’astronomie, selon certains récits. C’était un excellent meneur de troupe et combattant, mais il était aussi intelligent et aimé du peuple de Gwynedd, dont il est devenu roi après son oncle. » À défaut d’avoir un scrapbook pour rapporter les faits, t’y vas à l’oral. Cette partie-là, cependant, tu la racontes avec une certaine fierté dans la voix. Parce que ce n’est pas rien d’avoir été choisi par quelqu’un avec de si grandes qualités. Étonnant, que l’orgueil ait rapidement germé à tes seize ans, n’est-ce pas ?
« Malheureusement, ce n’est pas tout le monde qui utilise ses avantages pour faire de bonnes choses. », préviens-tu pour lancer le ton de ce qui va suivre. Tes bras serrent ton amie un peu plus fort, comme une manière de te rassurer. Tu crains qu’elle te juge. Plus que de raison. « Gwydion avait un frère qui était très amoureux d’une jeune fille, mais elle devait rester vierge.. Alors, il s’est arrangé pour faire éclater une guerre entre deux royaumes pour éloigner l’oncle dans le but de laisser le temps à son frère de la violer. En revenant, l’oncle les a punis – Gwydion et le frère – en les transformant en animaux pendant trois ans et en les forçant à se reproduire. Trois enfants en naissent, mais ils ne peuvent pas être considérés comme héritiers. Le hic, cependant, c’est qu’il est marié à sa sœur, Arianrhod, qui veut rester vierge. Il utilise la magie pour la faire tomber enceinte. Elle accouche de deux jumeaux, dont Dylan qui est jeté à la mer par l’oncle et Llew que Gwydion récupère parce qu’Arianrhod refuse de le reconnaître. Et puis s’en suit une longue épopée de tours d’illusions et autres magies à l’égard de la sœur dans le but de rendre meilleure la vie de Llew et d’en faire un héritier digne. » Doucement, tu te penches pour poser le bout de ton nez sur son épaule. Ton souffle, qui s’est perdu à parler trop vite, revient lentement. Tu sais qu’elle t’a dit, bien qu’indirectement, qu’elle ne te jugerait pas, mais toi tu te juges et c’est suffisant pour te mettre dans un tel état.
« C’est bizarre, tu ne trouves pas ? », demandes-tu d’une voix douce. T’as si peur qu’elle te rejette. Tu te sens trop bien avec elle entre tes bras, bercés par la fraîcheur du vent. Tu resterais comme ça une éternité, sans bouger.
Does it take courage to learn how to cry (Clarence & Annalisa) - Dim 19 Aoû - 4:21
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«And when at last you find someone to whom you feel you can pour out your soul, you stop in shock at the words you utter— they are so rusty, so ugly, so meaningless and feeble from being kept in the small cramped dark inside you so long.»
Dans un silence pesant, tu crains son jugement comme le condamné redoute la chute de la guillotine. Même si elle t’a dit des mots rassurants, même si elle te dit que tu seras toujours Clarence, à ses yeux. Ce n’est rien ; essaies-tu de te convaincre, chaque fois que tu t’imposes ces angoisses. Tu n’es pas Gwydion. Et il n’est pas toi. Du moins, pour l’instant. Tu n’as pas encore questionné ton père sur l’évolution de ce fléau. Tu ne sais pas grand-chose de cette damnation qui, pour le moment, ne semble avoir de bon que la magie. Mais ce n’est pas si simple. Non. Si ce l’était, ça ne serait pas un poids. Beaucoup feraient le choix de se dissocier des actes commis par l’invité d’un passé mythique auquel tu ne crois pas encore entièrement, mais c’est impossible d’oublier qu’il a décidé que ce serait toi. Toi, et personne d’autre. Pourquoi ? Tu ne le saurais probablement jamais. Quand t’y penses, ton hybris te chatouille toujours : un orgueil trop fort pour l’ignorer, trop dangereux pour être inconsidéré. Comme l’enfant qui cherche un réconfort maternel, tu enlaces Annalisa un peu plus fort. Cette femme, sa simple présence, a le don de te ramener à toi, de t’apaiser ; mieux que tous les calmants, que tous les anti-douleurs psychologiques qu’on a pu te prescrire dans ta vie. Le rythme du palpitant se calme, mais la gorge se noue ; tu sais que bientôt, tu n’auras pas le choix de t’éloigner d’elle jusqu’à ce que tu puisses revenir la voir, étreint d’une impatience que t’auras du mal à gérer.
« Je suis content si tu trouves ça chouette. », réponds-tu tout doucement en venant embrasser le haut de sa tête, en retour à son baiser sur la joue. Un instant, tu laisses ton nez se frotter contre sa chevelure, cherchant un peu de chaleur pour contrer la fraîcheur crachée par la fenêtre. « J’essaie de me servir le plus souvent possible de ma capacité d’illusions pour faire de belles choses, en fait… Elles font plaisir à mes enfants et j’ai vu que c’était le cas aussi pour tes enfants. Et pour toi… », finis-tu sur un murmure en te concentrant pour faire virevolter un papillon autour d’Annalisa. Doucement, il vient se poser sur le bout de son nez et, d’une voix chantante, lui dit qu’elle est très, très, jolie avant d’exploser en des milliers de petites paillettes qui disparaissent lorsqu’elles touchent le plaid. Plus le temps file, plus le courant d’air qui caresse vos nuques se fait froid. Ici, en été, les journées sont humides, parfois très chaudes, mais les nuits sont fraîches et agréables. Alors qu’un coup de vent un peu plus imposant te fait frissonner, tu blottis mieux la rousse contre toi et tu tires le plaid pour qu’il vous recouvre plus convenablement. T’aimes bien l’odeur que la fraîcheur apporte avec elle. Ça sent les fleurs, la nature. Ça ne t’étonne pas, la maison d’Annalisa te donne l’impression d’être loin de la ville. Cette odeur, tu l’associeras toujours à la douce et, quand tu passes près de la boutique d’Aislinn et que les émanations se font semblables, ça te ramène toujours à Anna, bien que tu ne t’en rendes pas compte à chaque fois.
« En parlant de magie… », commences-tu, le songe au bout des lèvres ; content de pouvoir en parler avec Anna. « Il n’y a pas très longtemps, avec Aislinn, nous avons parlé de peut-être aller à Disney, en Floride, avec mes enfants. Je me disais que toi et les tiens apprécieraient certainement de venir avec nous. Ça fait longtemps que mes enfants veulent y aller. » Et toi, tu veux surtout visiter le parc Harry Potter qui se trouve tout près de Disney. Ta voix, malgré ton désamour pour la multinationale dont il est question, est rêveuse, légère. Parce que tu t’imagines là-bas avec Anna et vos deux armées d’enfants, et cette simple idée suffit à t’attendrir. Tu voulais voir les étoiles dans les yeux de chacun de vos marmots et, puis, dans les siens. Et tu penses aussi aux photos qu’un tel voyage donnerait ! T’espères sincèrement qu’elle dise oui. « On pourrait prendre une semaine de vacances, quelque chose comme ça, si ça fonctionne avec ton horaire… » Sagement, tu viens poser ton menton sur le haut de sa tête et t’attrapes ses mains dans les tiennes.