Milàn se retourna une dernière fois sur le studio qui l'avait abrité pendant près de 5 ans. Il lui semblait que cela faisait à peine quelques semaines qu'il avait aménagé ici, aidé de ses frères et sœurs et de son père ! Mais en y réfléchissant bien, il revoyait sans peine tous les souvenirs qu'il avait ici défiler dans son esprit. 5 ans... et aujourd'hui il partait.
Il n'avait jamais été particulièrement amoureux de ce lieu ; le loyer était beaucoup trop cher, les voisins bruyants et vieux... Mais malgré tout, il ne pouvait s'empêcher de ressentir le pincement au cœur caractéristique des séparations. Une page se tournait dans sa vie, c'était certain, mais c'était aussi pour le mieux, se raisonna-t-il en attrapant le dernier carton avant de fermer la porte derrière lui.

Il descendit tranquillement les escaliers, essayant de graver tout ce mélange de sentiments en lui dans sa mémoire. Arrivé devant la loge du concierge, il lui sourit et tendit les clefs du studio. Une vague de sensations lui sauta soudain au visage, et s'il n'avait pas été constamment sur ses gardes, il en aurait presque lâché son carton.
Ennui. Faim. Ah, c'est ce petit merdeux qui s'en va ? Bon débarras ! Amertume, soulagement, envie. Agacement. Pourquoi il reste planté là avec sa gueule de con ? Peur. Il faudrait pas qu'il se mette en tête de ramener son gang se venger. Ces gens là, ils font tous partie de gangs, je l'ai vu à la télé. Immigrés... Mépris. Violent mépris.

Milàn cligna des yeux, essayant de chasser tous ces sentiments qui ne lui appartenaient pas. Une légère nausée le pris, tandis qu'il forçait un sourire au concierge avant de s'éloigner. Ces derniers temps, ce genre d’événement se produisait de plus en plus souvent. Lorsqu'il n'y prenait pas garde, son esprit s'égarait et à la seconde où il était trop proche de quelqu'un, tout ce que cette personne ressentait lui sautait dessus sans prévenir.
Il n'osait se confier à ce sujet à personne, ou presque. Le jeune homme sourit en pensant à Ayo, ce qui ramena soudain ses pensées vers le grand événement du jour : son déménagement ! C'était grâce à la jeune femme qu'il avait rencontré Merlin. Enfin, rencontré... disons de manière plus officielle que leur première rencontre !

Milàn sourit, repensant aux présentations officielles. Il ne s'était absolument pas attendu à ce que le meilleur ami d'enfance d'Ayo soit un de ses coups d'un soir, ça non ! Passé l'instant de gêne, Milàn n'avait pas pu retenir un gloussement amusé et les deux hommes avaient ri un bon moment sous le regard médusé de la jeune femme, qui ne comprenait absolument pas ce qui se passait devant elle.
Mais cette seconde rencontre avait été une sorte de révélation pour lui ; Merlin était un type génial, totalement taré, mais avec qui il se sentait bien et aurait pu discuter des heures, ce qui arrivait souvent, généralement autour d'une bouteille. Ils se ressemblaient en un sens, leurs caractères se complétaient et étaient très rapidement devenus amis. Aujourd'hui, c'était même l'un de ses meilleurs amis, si bien que lorsque Merlin lui avait proposé de venir habiter dans son appartement trop grand pour lui, Milàn n'avait pas hésité longtemps, d'autant que le prix de loyer que lui proposait son ami était moins de la moitié que ce qu'il payait pour son studio minable ! Et si cela pouvait lui permettre de libérer un peu ses parents financièrement... Cette collocation spontanée lui sauvait la mise !

Il rangea le dernier carton dans sa voiture de location et après un dernier regard pour son ancien immeuble, il démarra. L'appartement se trouvait dans le quartier historique de la ville. Lorsqu'il l'avait visité pour la première fois, le jeune homme était resté muet sous le choc. L'appartement était sublime, et bien qu'il ait été au courant que Merlin était un héritier, il n'aurait jamais imaginé un lieu pareil. Il y avait deux chambres ; Milàn s'était vu attribué de la plus petite, même si à elle seule elle faisait la taille de son ancien studio !
Quand au quartier, il était assez réputé et beaucoup de personnes passaient par là. Par chance, lorsque Milàn arriva dans la rue de Merlin –ma rue aussi maintenant, se corrigea-t-il mentalement –, il n'y avait quasiment aucune voiture stationnée, ce qui lui permis de trouver une place rapidement. Il attrapa avec entrain le premier gros sac et un carton avant de sonner joyeusement à l'interphone.
Lorsque Merlin ouvrit la porte, Milàn ne put s'empêcher de pousser un grand cri de joie :

« Eeeeeeh, devine qui voilà ! J'espère que t'as pas de regret, parce que c'est trop tard pour reculer maintenant ! »

Il avait l'impression d'être un gosse lorsqu'il déposa son butin dans la chambre qui était désormais la sienne. Il regarda autour de lui, un grand sourire aux lèvres. C'était un peu un nouveau départ pour lui, et il avait hâte de commencer cette nouvelle vie !

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