Damariss D. Noble ϟ Ashara al Kathlan
Le brouhaha la berçait.
Un peu absente, un peu présente, elle laissait son regard glisser, sans jamais l'ancrer quelque part, à l'affût du fourmillement si spécifique.
Elle avançait doucement dans son entraînement personnel, découvrant comment déshabiller les existences de chacun et dévoiler leurs secrets enfouis.
Certains, ceux jugés peut-être subjectivement de manière inconsciente comme dérisoires, ou encore les plus sombres, enterrés au tréfonds des identités, dissimulés avec application, étaient encore bien trop délicats à percevoir par elle-même.
En opposition à ces images que même le destin ne souhaitait murmurer, d'autres étaient si criantes, vivantes qu'elles s'imposaient à son esprit, envahissant ses sens et sa raison pour enfin éclore au grand jour.
Les visions qu'elle traquait aujourd'hui étaient d'une toute autre espèce.
Comme elle en cet instant, elles n'étaient ni totalement ici ni totalement ailleurs.
Elles flottaient, entre deux espaces, attendant que, du bout des doigts, on vienne enfin en effleurer la surface pour révéler leurs secrets au sein de ridules ondulées.
Restait alors à étudier et comprendre ces répercussions, s'éloignant toujours davantage en arc de cercle, avant qu'elles n'emportent avec elles leur savoir.
Sa recherche s'avérait encore infructueuse pour aujourd'hui mais elle ne s'impatientait pas.
Loin du mysticisme de la certitude d'une volonté supérieure, la voulant à cet endroit précis en ce jour, son calme reposait sur la simple idée qu'ici ou ailleurs, le moment viendrait.
Le costume qu'elle portait n'était que ça, un simple costume, destiné, paradoxalement à son excentricité, à lui fournir la discrétion, le rôle qu'elle souhaitait.
L'ondulation d'un tissu au sol accrocha son attention et, remontant le long de la robe, ses yeux rencontrèrent ceux de la propriétaire du vêtement élégant.
La femme était mûre, ce que ses traits gracieux et épargnés par le temps ne disaient pas. Ses yeux, en revanche, trahissaient les années dissimulées sous le masque de jeunesse apparente.
Sans besoin qu'un mot ne soit échangé, elle s'approcha de Damariss.
<< - Bonjour très chère, dis-moi tout vais-je trouver le prince charmant en rentrant chez moi ? >> Les railleries, expressions dubitatives et autres simagrées n'étaient que chose commune pour qui pratiquait son activité, et, si usuellement étudier les traits de son interlocuteur n'était que bénéfique pour les frasques et les farces envisagées, à l'instant même, elle n'y prêtait qu'une faible attention.
Il était là, le murmure de l'eau qui dormait sous la surface.
Le tintement des pièces, étouffé par le velours de la bourse, la rappela à la question.
Se contentant d'un sourire amusé à peine existant sur ses lèvres, pour la question comme pour le porte-monnaie atypique – cachait-elle des louis d'or là-dedans ? - elle enchaîna :
«
Je crains de ne pouvoir le garantir, ni même de m'intéresser à la question. En revanche, je pourrais peut-être attiser votre curiosité avec une lecture plus spéciale ? Elle espérait une réponse positive, sentant déjà l'onde frémir.
«
Accepteriez-vous de me laisser écouter ce que votre essence me chuchote ?
« L'issue est incertaine, mais qui sait ce que vous pourriez découvrir ? »