L'heure est venue. La veille, elle a rencontré Eamonn après son réveil, a hésité à l'enlacer et a su dès lors que l'heure était à l'appel. Elle a envoyé ses oiseaux se charger de la missive, les a convié, les personnages de confiance, les amis, les effigies, à même les égouts. Réunion des gradés pour parfaire les nouvelles réalités, ériger les nouvelles directives d'un Royaume immaculé. Il y a tant à dire, tant qu'elle doit annoncer. Elle sent l'incendie à ses pieds, le bûcher qu'ils risquent d'allumer sous elle pour avoir pris décision seule. Mais Reine doit parfois se faire solitaire dans ses choix. Et elle n'a aucune honte, ni aucun regret, d'avoir gardé le silence sur sa rencontre clandestine avec Mère et Pahkan. Elle est là aux aurores, Fiona, et toute la journée durant. Elle pense, trie les papiers, écrit quelques missives, envoie ses précieux soldats à plume livrer les lettres importantes. Deux d'entre elles pour les alliées nouvelles, notamment, échanges devenus courants depuis une dizaine de jours, où elles n'ont de cesse de faire croître l'apogée d'une guerre à naître. L'heure approche. Les minutes se succèdent et elle s'affale déjà sur ce pseudo-trône qui surplombe la salle. Parcelle des égouts qu'ils ont tous choisi pour l'absence d'odeur, décorée d'une table ronde, de quelques placards recelant des nourritures et boissons adéquates, de lanternes chaleureuses. Endroit qu'elle estime emprunt de sécurité, bien que l'impression d'être toujours épiée persiste. Ce sont les portes qui s'ouvrent, bientôt, tandis que la droiture se fait plus insolente sur l'échine, qu'elle trie les informations dans le cerveau, qu'elle sourit à chacun, légèrement, tout en leur accordant un signe de tête en guise de salutation tacite. Mais elle n'a pas le coeur à rire, ni même à paraître aussi bienveillante qu'à l'accoutumée. Il lui faudra force aujourd'hui, et forte elle paraît immédiatement. Situation grave qu'elle chevauche déjà sans qu'aucun n'en connaisse l'existence.
Sujet réservé aux haut gradés du Royaume : Fiona, Eamonn, Mairead, Alan, Aedan, Sinead, Marcella. Réunion décisionnaire pour la position du Royaume post-intrigue.
Je regarde mon reflet. Mes doigts passent doucement sur mon cou, ma gorge. Des lignes se dessinent, des changements de peau, quelques traces d’une blessure qui fait partie du passé. Je soupire, je détourne mes yeux de ce reflet que je n’aime pas avant d’enfiler un débardeur claire. Je n’ai pas l’intention de me mettre sur mon trente-et-un. Un jean, un débardeur et une chemise mi-longue feront parfaitement l’affaire. Je brosse rapidement mes cheveux encore humide. J’entends l’eau toujours couler dans ma salle de bain. Alan termine de se préparer. Mes fidèles bottines aux pieds, je me sers un verre de whisky. Je me place à la fenêtre de ma chambre, je regarde l’étendue d’eau qui se profile, l’océan à mes pieds. Il m’a toujours terrifié, pourtant j’ai une certaine fascination pour lui. Je me souviens des fois où mon père voulait à tout prix que je sache nager dans les vagues violentes, cette fois-là où j’ai failli me noyer. Sans doute la dernière fois que j’ai laissé l’océan me toucher. Je savoure la brûlure de l’alcool presque sucré. Je retrouve Alan de s’habiller. Je m’approche de lui, en silence, je lui vole un baiser. Je récupère mon portable sur la table de chevet et je cale dans la poche de mon jean. « - Je vais prendre une pomme, je te retrouve à la voiture. » Je descends rapidement. Dans ma cuisine, j’attrape le fruit défendu, je croque immédiatement dedans, j’attrape sur le porte clés celles de ma voiture et je prends la direction du garage. Elle appartenait à mon père celle-ci, une de collection que j’affectionne particulièrement. Je me place au volant, je vais peut-être faire râler Alan mais j’ai envie de conduire, ça me détend, sans savoir pourquoi, cette réunion me rend nerveuse. Je finis ma pomme, Alan arrive. Une fois tous les deux prêts, je démarre pour nous rendre au QG. On se gare à quelques rues. On n’éveille pas les soupçons. On retrouve le passage pour rejoindre les égouts, cette base qui nous sert de lieu de rencontre. Je suis nerveuse, on va repasser les faits du trianon en détails et je n’ai pas envie de revivre ce moment. Alors qu’on s’apprête à enter dans la salle, j’attrape la main d’Alan pour entrelacer nos doigts, un contact qui me rassure. Je lui lance un regard perplexe, espérant qu’il ne lâche pas tout de suite ma main. Puis on entre. Un hochement de tête à Fiona, avec un léger sourire. Mes doigts serrent un peu plus ceux d’Alan, nous sommes les premiers.
Temps sombres, pour une personne déjà peu lumineuse qu'est pourtant le dieu du Soleil. Alan se renferme sur lui-même de jours en jours, plus silencieux qu'à l'accoutumée. La veille il s'est défoncé, il a traîné les rues d'Arcadia, s'est perdu entre les corps et puis sous le delirium des drogues a est parti à la recherche d'une âme charitable pour l'exécuter une bonne fois pour toutes. Des coups, c'est tout ce qu'il a pris. La colère, la haine, la lassitude empoignent toujours son cœur depuis de longues années. Le désir de vengeance noircit le tableau récemment chambre magmatique sous l'épiderme, tout ça sur des conflits qui appartiennent au passé et qui deviennent présents. Les cambriolages se sont succédé ces derniers temps, renflouant les caisses, et les armureries du Royaume. Vendetta personnelle oui mais aussi besoin de donner encore plus de moyens au royaume de se défendre face à ce qu'il les attend.C'est Mairead qu'il a rejoint au final, ses pieds l'y emmènent toujours, car elle lui permet de se sentir moins fou. Il est arrivé, n'a pas prononcé un mot et ce lendemain là, réunion du royaume oblige, il est resté avec elle. Ordure vivante, mais Duc qui fait son travail, qui ne vit en réalité que pour cette grande famille, ses rêves, ses craintes.
Soupir, d'avance, parce que certains faits récent lui rongent le cerveau concernant le Royaume ; voir le château trembler est une source de frustration en plus pour lui. Ce qu'il s'est passé à l'Eden ne doit pas se reproduire. L'ordre du jour sera vite mis sur le tapis, avec il l'espère un récapitulatif de ce gros bordel. Qui a porté atteinte a qui, qui a aidé qui. Alan est le moins tolérant des Ducs concernant certaines alliances. Le Royaume est assez fort, assez puissant, il n'a pas besoin de pactiser avec d'autres et risquer de se faire engloutir. Qu'ils soient Grecs, Aztèques, Nordiques, Egyptiens. D'avance il sait que cela va forcément se diriger sur ce sujet, ça le fatigue rien que d'y penser. Il laisse Mairead lui prendre la main quand ils arrivent, l'emmène avec lui à leur place habituelle à cette table ronde. Alan salue Fiona, silencieusement et puis s'assied, allonge ses bras sur la table pour attraper la bouteille de whiskey et s'en descendre un verre comme un assoiffé avant que les autres n'arrivent. Il espère que Ned sera là, qu'il aura les esprits assez clairs.
Sinead est d’humeur maussade. Se faire sommer par un piaf, à force, elle est habituée. Elle dirait bien, un jour, à Fiona que les pigeons voyageurs, c’est le siècle précédent, mais elle reconnaît que ça a une certaine prestance de se faire livrer le courrier par un oiseau dressé. Toujours est-il que les voilà convoqués, les gradés, par leur Souveraine. Et ils se présentent tous, si elle en croit les visages qui sont déjà présents et les silhouettes qui encadrent la royale Rousse. Des hochements de tête à leur adresse, des billes qui glissent sur les doigts entrelacés de Maisy et Alan, un regard plus appuyé à la Reine.
Sinead est inquiète. C’est pas parce qu’elle a raillé Éamonn en passant le chercher dans sa caisse enfin retapée -mais toujours avec un bruit ronflant un peu foireux- en le sifflant et en l’appelant loverboy, qu’elle n’est pas inquiète. Au contraire, presque. Pour être lourde comme ça, ça se voit qu’elle est pas sereine et ça n’aura certainement pas échappé au Sénéchal, à qui elle a pu exprimer ses doutes sur la marche à suivre quand elle assurait encore sa sécurité à l’hôpital. Parce qu’en dix jours, elle a cogité comme jamais. Qu’en dix jours, elle a écumé tout ce qu’elle pouvait comme livres pour faire sens aux écrits de Novelli -carnet qu’elle a pris avec elle pour cette réunion. Qu’en dix jours, elle a pris des nouvelles de personnes qui ne seront certainement pas de leur bord si guerre il y a. Qu’en dix jours, elle a acquis la certitude viscérale que si guerre il y a, ils sont morts, tous autant qu’ils sont, quelle que soit leur mafia d’appartenance et leur confiance en l’avenir.
Sinead est discrète et ne fanfaronne pas, pas après la discussion -l’engueulade mutuelle devrait-on dire- avec Fiona. Pas quand ils sont convoqués. Pas quand elle est courtisane au milieu de ducs, sénéchal, reine. Elle peut détendre l’atmosphère avec ses conneries, en général, mais c’est pas le rôle qu’on lui accorde aujourd’hui, pour sûr. Alors elle prend une chaise, la fait tourner sur elle-même et s’assied à califourchon, bras croisés devant elle, sur le dossier. De l’intérêt d’avoir un pantalon, pour se permettre pareil tenue. Elle se tait, et attend que Fiona prenne les choses en main. Parce qu’elle est curieuse aussi, de savoir ce que Killough a à leur dire.
Call me a traitor, I'm just collecting your victims and they're getting stronger. I hear them calling, calling, calling. I'll stop the whole world, I'll stop the whole world from turning into a monster eating us alive. Don't you ever wonder how we survive? Well you find your strength in solutions but I like the tension and not always knowing the answers. But you're gonna lose it, you're gonna lose it
Fulgurante, la migraine ne passe pas. Toujours ces agrafes qui oeuvrent et cette douleur incessante, qui devient cette amie, perdue de vue depuis novembre, et retrouvée pour rester. J’observe ce brave dévoué, Oisin. Il parle, et son accent à couper au couteau me fait du bien. Lui aussi, il vient de l’Île Emeraude. Lui aussi, il sait les vents impétueux de la côte atlantique. Il remémore, ressasse et enfile son verre de bourbon. Un mortel. Je lui tends une liasse de billets, pour lui et sa famille. Parce qu’il fait partie de la nôtre à tous, celle du Royaume et qu’aucun membre ne saurait être laissé derrière. Il refuse, puis hésite, et finalement accepte. Les traits détendus, je lui offre une tape sur l’épaule et le raccompagne jusqu’à la ruelle. Un vieux bruit de moteur, une voix famillière qui s’élève. Sinead. Elle siflle, la courtisane, autant qu’elle flâte. J’esquisse un sourire carnassier et me dirige vers elle. Mais quelque chose cloche. Sa voix n’est pas aussi cinglante. Ses traits ne sont pas aussi mutins. Quelque chose cloche. Je me répète, je renifle bruyamment. Une fois à bord, je me contente de raconter des inepties, qui ne sont pas nécessairement drôles mais la courtisane sait. Elle sait que ce n’est qu’une tentative foireuse de lui arracher un sourire, parce que je sais que quelque chose ne va pas. Plutôt que de le dire, autant rire pour ce qu’il y a à venir.
Fermement, j’empoigne la canne de la main hideuse et observe la courtisane prendre place en esquissant un sourire amusé, pour finalement entrer à mon tour, à la traîne non pas par effet de style. L’éclairage ajoute sévérité à mes traits déjà fatigués et pâles. Crâne rasé, mâchoire saillante, la bande autour du crâne m’enserre mais empêche les complications supputées autant qu'elles sont redoutées. L'écharpe autour de l'épaule m'emprisonne, et je me sens étranger dans ce corps affaibli. Je salue finalement Fiona d’un geste de la tête et le reste de la famille. A mon tour, je prends place autour de la table ronde, desserre la cravate que la fiancée a si méticuleusement nouée et les observe. « Qui a soif ? » Œillade complice adressée à Alan, je me lève et sers un verre à chacun. Quitte à parler de choses sérieuses, autant que ce soit autour d’un bon whisky, d’autant plus que ses effluves alcoolisés me laissaient de marbre. « A ce putain d’Eden Manor, pourvu qu’ça brûle encore là-bas. » Je le bois d’une traite et plaque le verre sur la table et fixe Fiona d’un œil désappointé, pour finalement me raviser, ce n'était pas le sujet du jour. Le regard s'égare et s'aventure à étudier les traces qui subsistent sur le cou de Mairead. Que la fête commence, ou plutôt qu’elle continue.
Il y a choses qui ne surprennent pas. Il y a Mairead et Alan, leurs mains entrelacées, aussi proches que leurs regards lors des incidents de la semaine précédente. Il y a Aedan, et toutes les bouteilles qu'il amène, amies fidèles qu'il partagera toujours avec ses frères et soeurs. Il y a Sinead, qui reste mutine, enfermée dans le silence, elle, au summum d'une guerre à poindre, qui attend seulement que l'apogée entre en jeu. Et il y a Eamonn, toujours fier et toujours haut malgré les bandages, les sutures et les douleurs persistantes. Ils sont tous fidèles à ce qu'ils sont. Et pourtant, elle a la pénible impression que tout ceci n'est qu'éphémère, et que tout aura tôt fait d'imploser ça et là. Et malgré la gravité de la situation, Fiona les observe, un à un, et laisse la satisfaction de les voir tous en vie lui réchauffer les reins. Et elle se contente de prendre un verre, comme chacun d'entre eux, à trinquer en silence. Bien que l'alcool ne lui fasse plus l'effet tant recherché pendant des années, elle en apprécie encore le goût, et le redécouvre depuis qu'elle a compris qu'elle ne serait plus jamais vraiment saoule. Mais il n'est pas temps à festoyer. Bien que les événements récents pourraient constituer une forme de triomphe quelconque, pour avoir obtenu des réponses, Fiona n'a que trop sensation du danger qui s'amoncelle autour d'eux. Alors elle les laisse finir leur verre. Elle leur adresse un sourire bienveillant. Puis attend patiemment que silence se fasse. Et qu'ils prêtent tous attention à elle. Et seulement à cet instant précis, elle se lève, présidant l'assemblée telle la Reine qu'elle devra toujours être. « Bien. Commençons. » C'est le glas qui sonne, monstrueux et vertueux à la fois. « Je tiens avant tout à vous remercier pour votre présence, votre dévouement, et vos agissements durant les événements de l'Eden Manor. Je ne puis être plus fière. » Elle pourrait également parler de leurs sacrifices à tous. De leurs blessures. Mais elle ne souhaite aucunement enfoncer la lame dans les plaies encore béantes. Les douleurs seront persistantes, ce soir, et elles viendront d'elles-mêmes chatouiller la rancune et la colère. « Si je vous ai conviés ici ce soir, c'est parce que nous avons bon nombre de sujets à aborder. » Sujets tous graves, bien que certains le soient davantage que d'autres. « Tout d'abords, je souhaite entendre vos points de vue sur la soirée ayant eu lieue la semaine dernière, et les actions que vous estimez justes de mettre en place : concernant à la fois Chaos, les autres Clans, et les potentielles conséquences de leurs comportements et paroles. » Car avant de se prononcer, il leur faut tous s'entendre, se comprendre, et trouver terrain d'entente. Et parce qu'elle a bien des choses à leur dire par la suite, elle a besoin de connaître leurs opinions. Alors elle se rassied. « Nous débattrons après avoir terminé ce premier tour de table. » Elle se tourne doucement vers Mairead, lui accorde un léger sourire entendu. « A toi l'honneur. »
On est suivi de près par Aedan, puis tout le monde Sinead et Ned. Je souris légèrement. Je lâche la main d’Alan. Le Whisky coule déjà. Le Whisky n’a plus la même saveur, plus le même effet. Je suis contente de voir Ned, je lui ai envoyé des chocolats, les fleurs je suis un peu près sûre que ce n’est pas son truc. J’espère qu’il a pu en manger avant que d’autres ne picorent dedans. J’ai pensé à lui et comme lui, je me suis rétablie. Je soupire, tremblante, hésitante, pleine de colère, de rancœur. Qu’est-ce qui va se décanter de cette réunion ? Qu’est-ce qui va se passer ? Je regarde Alan se noyer dans l’alcool, je ne dis rien. Quelque chose cloche. J’observe je ne dis rien jusqu’à ce que Fiona, ma sœur me demande de prendre la parole. Je me redresse légèrement, pour sûr, tout le monde peut admirer les cicatrices présentes dans mon cou, descendant sur mes clavicules. Mais avant de parler du Trianon, j’ai quelque chose à dire, de plus personnel. « - Ned, je suis ravie de te revoir parmi nous. Tu as été héroïque, je tenais à le souligner et à te remercier, qui sait si on serait encore là sans ton prodigieux mur de glace » Je lui offre un sourire honnête et chaleureux, parce que j’ai de l’admiration pour lui, il n’a pas hésité à se mettre en danger pour Fiona. « - Sans toi, j’aurais peut-être perdue une sœur cette nuit-là » Un sourire à Fiona. Voilà, les remerciements sont faits. Maintenant je vais parler de la soirée à l’Eden Manor. Elle veut un point de vue, elle va l’avoir. Finalement je ne vais pas être douce. Je ne vais pas réussir. « - On s’est fichu de nous. On a été humiliés. Cette réunion au Trianon n’en était pas une. Alcide voulait simplement des témoins pour le meurtre de Mendes. Oh et Mendes parlons-en… Chaos. Un Titan. Pour ma part, La Nuova Camorra et la Calaveras ont déclaré une guerre. Pas seulement entre nous, pour moi en tuant le titan, ils ont ouvert une brèche, quelque chose, c’était bien trop facile. On va se prendre le revers de la médaille très bientôt. » Je marque une pause, je ne sais même pas si tout le monde me suit, peu importe. « - Sans parler qu’il est hors de question qu’ils restent impunis pour ce qu’ils ont fait » La colère de l’attaque que j’ai subi. « - Si cela ne tenait qu’à moi, je les aurais mis sur un bûché avec le plus grand des plaisirs » Je croise les bras sur ma poitrine, un peu arrogante mais je tiens à montrer que si rien ne se décide ici, je me ferais justice toute seule.
La pièce se rempli peu à peu de ces personnalités que constitue le Royaume, du moins les hauts gradés. C'est le seul type de réunion qu'Alan tolère, parce que c'est utile, ce n'est pas vide de sens et il a l'impression de servir à quelque chose. Il salue Sinead avec respect, le sourire légèrement plus marqué quand Ned montre sa tronche de cake. Amoché, comme souvent, mais en vie. Ça rassure Alan de voir que son ami est de nouveau sur pieds, motivé. Alan ne dit pas non au whisky, fait glisser son verre sur la table jusqu'à lui et puis s'empresse de s'en abreuver. Fiona prend la parole ; l'air grave, elle est dans une sale période et il espère qu'elle mesure à quel point ils restent unis. ; Elle ne doit pas perdre la face, ils sont là, toujours. L'ordre de jour est donc posé, Eden manor, Chaos, l'avenir. Trois sujets importants pour lesquels chacun doit avoir son avis propre. Ils sont là pour discuter, trancher. C'est Mairead qui s'exprime, sa voix porte, son vis compte comme tout le monde mais on la sent encore fragilisée par ce qu'elle a subi. ; Alan plisse les yeux, grimace, il ressent sa colère comme la sienne. Sa main se pose sur sa jambe, un moyen pour lui de lui assurer qu'il est à ses côtés, qu'il partage son avis. Ces actes là ne doivent pas rester impunis, Alan ne supporte pas voir les jours défiler sans qu'il ne puisse venger ses frères et sœurs, sans venger Mairead. Il prend sa suite, bien que sa présence n'ait pas été utile au Trianon, il a tout de même son point de vue à partager ; ici l'on écoute tout le monde, c'est leur force. « Je n'ai pas assisté au trianon, j'étais de garde au QG, mais de manière générale, je pense que l'on devrait rester seuls au combat. S'allier à d'autres clans c'est risquer la trahison. C'est risquer qu'un épisode du trianon se répète. » Alan réfute tout autre clan qui n'est pas le royaume. Nuova Calavera, Enfants terribles, Bratva, Calavera, pour lui ils sont tous de la même trempe, pour lui ils ne recherchent que la suprématie de leur sang et tous les moyens sont bons pour cela. Faux amis, fausses alliances, le temps est venu de les considérer tous ennemis.
La guerre divine fera rage jusqu'à ce qu'un panthéon restera le dominant, il n'y a pas de possibilité de cohabitation, encore moins d'alliances. Il expose donc ses réticences quand à la pseudo amitié faite avec la bratva suite à cela, certes sur le moment ils ont été utiles, mais Alan préfère voir au delà et à l'avenir. Il n'a guère confiance en cela, encore moins lorsqu'il s'agit des enfants terribles quand l'on sait que certains qui ont fuit la Bratva s'y trouve. C'est un mauvais coup de jeu, se retrouver entre deux rives, se voir déchirés.
Son regard passe sur Ned, Mairead, les autres victimes de cette soirée infernale, il n'est pas prêt à vivre cela une seconde fois et perdre ce qui lui est devenu essentiel. Il refuse qu'on lui envoie un message pour lui dire que tout le monde est entre la vie et la mort à cause d'une pseudo réunion soit disant à but pacifiste, c'est de la connerie. « Je suis d'avis qu'on réagisse, rapidement, qu'on ne leur laisse pas d'occasion de croire que nous avons été affaiblis et les dissuader de toute tentative qui pourrait nous coûter encore plus cher. »
Un verre de whisky dans la main, elle en a pris une gorgée mais fait tourner le reste du liquide ambré au creux du contenant transparent. Elle ne dit mot, mais ne consent pas pour autant à tout ce qu’ils disent. Fiona sait déjà ce que Sinead a à dire sur la guerre qui se profile, mais Sin n’avait pas conscience de la véhémence qu’elle rencontrerait chez Mairead, dont elle distingue les cicatrices qui lui rappellent malheureusement celles d’un capitano à qui elle est venue en aide. Ça, elle évitera de le dire. Après l’appel à la vengeance, c’est l’appel à l’isolationnisme et elle fixe Alan avec appréhension. Ils ont dû se chauffer mutuellement pour prôner la guerre et la réaction, rien de par leur proximité extrême, ils n’ont pas la tête froide. Elle soupire, sent son tour arriver, et est réellement soulagée lorsque le timbre grave d’Aedan s’élève pour enjoindre à l’apaisement. Nemhain n’aurait pas forcément parié sur Dagda comme allié dans cette prise de décision mais elle s’en sent renforcée. « Je suis de l’avis d’Aedan. Si tu veux une guerre, Fi, on ira en guerre, on le fera. » Elle lui a déjà dit tout le mal qu’elle pensait de cette mesure radicale. Les autres ne l’ont pour autant pas entendue.
« Ça ne veut pas dire que je l’approuve, cette guerre. Je suis persuadée que c’est en prenant les armes qu’on la perd, celle-là. Tu l’as dit toi-même, May : c’était trop facile de tuer Mendes. Comme s’il fallait le buter pour que le chaos règne vraiment. C’est pas lui, Chaos. Ça ne peut pas être lui. C'est peut-être nous… », affirme-t-elle, forte des dix jours à lire, lire, lire, tout ce qu’elle pouvait. Elle est amère, et inquiète, et incertaine de l'issue de cette réunion. « On s’est joué de nous, rien qu’en nous attirant si nombreux et si gradés dans le Trianon dont, vraisemblablement, on n’était pas censés sortir vivants. Ou en tout cas, pas unis. » C’est peut-être le seul moment où elle pourra les convaincre de ce qu’elle dit, peut-être le seul moment encore où elle a un rôle à jouer. « Je sais que tu refuses de ployer l’échine, Fi. On ne leur proposera pas la paix, puisque tu ne le veux pas. Mais déclencher les hostilités nous met dans une situation impossible, et nous lancera sur des terrains qu’on ne maîtrise pas vraiment. »
Elle s’est levée, le verre de whisky posé sur la table. Se déplaçant pour être à côté d’Aedan, elle a un dernier argument à mettre dans la balance. Le carnet est sorti de la poche intérieure de son veston et elle le brandit comme un livre sacré : « Les autres mafias sont problématiques et hostiles, oui. Mais ce ne sont pas eux les véritables ennemis, la lecture de ce truc m’en a convaincu. C’est pas contre eux qu’il va falloir se battre, pas vraiment. » Mais qui alors est l'ennemi ? Elle-même n'en sait rien. Peut-être leurs préjugés si férocement ancrés, et la volonté d’aller au combat pour venger quiconque, sœur de la Reine ou pas.
Et elle écoute, chaque âme qu'elle chérit, leurs paroles, leurs ressentis. Elle assimile chaque information qui trépasse sur les lèvres, chaque geste qui affuble les discours. Et elle entend bien, sans un mot, mais avec fierté que de côtoyer tels amis, tels alliés, eux qui la suivront, eux qui n'en perdent cependant pas sagesse. Et lorsqu'elle s'élève, quittant le confort de sa chaise, elle croise les mains devant elle, inspire profondément. L'heure n'est plus aux discussions, mais aux décisions. « Je vous remercie. » Merci, pour leur honnêteté. Merci, pour leur présence. Merci, pour leur loyauté. Remerciements infinis qui ne saurait suffire, en particulier lorsqu'elle observe les blessures de ceux qu'elle a vu tomber. « Je constate que nous avons tous observé le mépris et l'insolence de la Nuova Camorra et de la Calavera, ainsi que le danger engendré par Chaos lui-même. » Ils ont tous conscience de ce que cela implique également, bien que les avis divergent sur les méthodes à employer. Elle tranchera. Parce que là est sa place. « Nous devons prendre position dans ces deux conflits. Car conflits il y a, malgré vos réticences, que j'entend bien. » Alors elle inspire profondément. « Je partage chacun de vos avis. Justice nous devons obtenir. Bien qu'une guerre me révulse, car multiples âmes innocentes y seront confrontées, et multiples vies y seront mises en danger, je crains que nous n'ayons pas le choix. » Et elle continue sa litanie, apposant justifications et informations supplémentaires. « La Nuova Camorra et la Calavera se sont alliées. Nous ne pouvons ignorer les fondements de ce pacte. » Elle n'est pas dupe, ils ne se sont guère unis par simple amitié. Et elle n'a guère besoin de le souligner à ses interlocuteurs. « Et si la menace des Titans est bien plus dangereuse, à mon sens, et bien qu'il s'agisse là du combat prioritaire, nous ne pourrons agir sur deux fronts. Nous sommes forts, certes, mais nous ne sommes pas invincibles, ni assez nombreux pour mener deux combats à la fois. » Et elle sait que ce qui va suivre risque d'en bousculer plus d'un. Et elle prend son temps pour mieux asséner le coup fatal. « Je me suis entretenue avec Savannah et Oksana, dans la nuit qui a suivi les événements du Trianon. Après longues délibérations, nous en sommes venu aux mêmes conclusions : Chaos doit être stoppé, et la Nuova Camorra et la Calavera doivent être réduits au silence afin d'éviter toutes possibilités d'attaque. » Et elle les observe, un par un, avant l'assaut ultime. « Nous avons donc décidé, d'un commun accord, de nous unir face à nos ennemis communs. Nous avons joint nos Clans. » Et elle sent déjà la guillotine lui revenir en pleine face.
Aucun soutien. C’est l’impression qui ressort de ce tour de table. Le seul à vouloir une guerre c’est Alan. Toujours comme moi, toujours avec moi. Je lui adresse un léger sourire mais je le sens absent, tellement loin. Je tente de me reconcentrer sur la conversation. Je me sens bouillir mais je ne dis rien, chacun à son tour de parole, c’est une démocratie non ? Enfin allez savoir, les mafias ne respectent pas tellement les codes politiques. Peut-être que les paroles de Fiona commencent par me rassurer. Peut-être. Elle semble d’avis qu’on ne doit pas se laisser faire, qu’ils nous ont manqué de respect et qu’une telle faute ne peut pas être impunie. Je suis de cette avis, il n’est pas question qu’on se soumette à d’autre. On ne peut pas rester en retrait, on ne peut pas regarder les autres nous affaiblir sans rien dire, c’est tout bonnement inconcevable. Je la laisse cependant finir et la suite n’est pas à mon goût. Une alliance ? Elle sort d’où ? Pourquoi nous ne sommes au courant que maintenant ? Je parlais de démocratie ? Mais clairement ce n’en est pas une. Elle veut notre avis mais elle a déjà pris une décision qui va changer la fonction de notre famille. Alors je n’accepte pas. On est capable de se débrouiller, et surtout, elle devait nous demander pour ses alliances. Les enfants de la nuit cela n’a jamais pos trop de problème, mais la Bratva, les russes… Je n’aime pas ça, pas du tout. Je sens tout le monde s’agiter. Je fronce les sourcils. C’est encore à moi de prendre la parole ? Je n’en sais rien mais je vais le faire. « - Fiona, tu nous demandes nos avis, nos ressentis, cependant tu as agi totalement seule. Tu as créé une alliance sans te demander si elle nous convenait. Tu es certes notre reine mais il aurait été peut-être plus judicieux de nous prévenir. Tu sais que je suis en faveur d’un combat, qu’il faut qu’on montre que nous ne sommes pas des laissés pour compte. Mais là, une alliance ? Tout droit sortie de ton chapeau ? A quoi nous servons ? Cette réunion est presque une mascarade, notre avis, peu importe, tu as déjà réglé les détails. » Je soupire. Je sens qu’elle a perdu l’audience. « - Qu’est-ce qu’elle va nous apporter cette alliance ? On va penser qu’on est faible pour s’allier à deux mafias, qu’on n’est pas assez fort pour une guerre. Si nous ne sommes pas capables de réclamer réparation tout seul, jamais nous ne serons respectés. » Ce n’est que mon avis, je doute que beaucoup de monde aime, ne comprenne, de toute façon, personne ne semble penser comme je le fais, ce n’est pas nouveau. « - Maintiens qu’on aurait dû être consultés » Je me renfrogne dans mon siège non sans avoir récupérer un peu de whisky, dont l’effet n’est plus, juste pour le goût.
Trop pacifiste à son goût Sinead pour que cela ne cache pas quelque chose. Il pose sur elle un regard noir et sévère. Elle pourra pas berner tout le monde avec ces histoires de prophétie, c'est pas la lecture qui l'a convaincue, c'est ses petits amis de la Nuova Camorra et de la Calavera qui suffisent à la rendre aussi naïve que croire que les autres diront la même chose. Elle se fait avoir en beauté Sinead, et cela rend fou Alan de voir qu'elle aussi s'est fait empoisonnée par Augustin. Habile manipulateur et menteur qu'est Hermès, il croit pouvoir saturer son cerveau d'idéaux dignes d'Hollywood pour affaiblir leurs défenses dans l’œuf. Il n'aura qu'à ramasser les débris ensuite, s'en faire une mosaïque quand le Royaume sera brisé. Il déteste l'entendre sous-entendre qu'il est préférable que tout le monde s'allie contre chaos en mettant de côté ce qu'ils ont osé leur faire. Elle ne l'a pas dit, mais il le voit venir et cela ne lui plait pas. Et il n'a pas le temps de lâcher sa pique insultante, que Fionna reprend la parole derrière, encore une fois, les avis diffèrent des siens et les annonces sont d'autant pires que ça sort de la bouche de la Reine. Alliance, avec la Bratva.
C'est une blague.
Il fronce les sourcils, Alan, cette fois il en est à un point où il perd l'envie soudaine d'être dans cette pièce, avec eux. Le moment est peut être venu de démissionner. Mairead réagi, ne se fait pas attendre, et il est d'accord avec chacun de ses mots, elle n'aurait pas dû prendre la décision seule. Ahuri Alan, il observe la scène avec fatalité, le monde qui s'écroule autour. Il y avait cru, Ho oui, il y avait cru dur comme fer. Maintenant il n'y croit plus. Elle aussi, vendue, comme Sinead, vendue par les belles paroles des ennemis, de quoi ont ils l'air hein ? Le royaume sera le premier groupe à tomber si l'on ne maintient pas les positions. C'est pour cela que selon Alan il faut attaquer pendant qu'ils le peuvent encore, les prévenir que toute tentative est vaine, car ils ne sont pas affaiblis. Il soupire, pousse un juron, les mots sortent dans un argot français. Mairead a tout dit, il ne voit pas l'intérêt de se montrer diplomate et de prouver par a+b qu'elles ont tort. « Vous êtes des vendues, toi Sinead d'abord, et puis toi Fiona. » il les pointe du doigt l'une après l'autre, insistance, insultant, il n'en a rien à faire parce que c'est la stricte vérité à ses yeux. Alan est comme ça, il n'en est pas à ses premiers mots aiguisés, il est trop fatigué et trop vieux pour faire dans la dentelle et prendre le temps de considérer les sentiments de ces deux femmes qu'il a longtemps admiré. Et cette fois ci il n'arrive pas à se retenir, c'est trop. Pactiser avec le démon, envisager la bonne entente avec ceux qui ont failli tuer Mairead et Ned, tout ça pour un ennemi dont on est pas certain qu'il soit réel. « On sait tous que la Bratva cherchera à nous écraser, à te diriger et à te manipuler Fiona, parce que tu prends les décisions seule. » Alan sait que son avis comptera pour du beurre, parce qu'ici il est le plus extrémiste ; il ne l'a jamais caché, mais généralement ce n'est pas lui que l'on suit. « On a pas besoin d'être une armée, il suffit d'être les meilleurs. On l'était jusqu'à ce que tu renies nos valeurs. » Alan y a toujours cru, le panthéon celte regorge de talents et redoutables combattants avec les pouvoirs les plus puissants à ses yeux. Il n'apprécie pas cette domination slave évidente et plus encore il est déçu de constater que Fiona ne croit pas en eux.
« Ce sera sans moi si tu nous embarque là-dedans. »
Call me a traitor, I'm just collecting your victims and they're getting stronger. I hear them calling, calling, calling. I'll stop the whole world, I'll stop the whole world from turning into a monster eating us alive. Don't you ever wonder how we survive? Well you find your strength in solutions but I like the tension and not always knowing the answers. But you're gonna lose it, you're gonna lose it
Les mots fusent, les tons s'élèvent. L'agacement, l'animosité, ne sont que de piètres façades à la blessure que la Reine est entrain de causer dans chacun de nos coeurs, nous, membres d'une même famille. Famille imparfaite, comme toutes, famille survivante, comme peu. Amochée, blessée, meurtrie, mais l'échine toujours droite, qui jamais ne cède. La migraine ignore les gestes avant-coureurs, le verre qui se brise, les insultes, le chaos. Jusque là silencieux, confondu entre torpeur et douleur, je les observe, tous, se déchirer. Et c'est exactement ce que les loups, dehors, attendent de nous. Si la situation pouvait me faire rire, lorsque mes yeux se posaient sur le cou de Mairead, je n'avais plus le coeur à faire vibrer mes cordes vocales avec autre chose que la violence. Les traits encore fermés, inexpressifs lorsque tous se laissent à des démonstrations virulentes, j'ouvre lentement les paupières, me racle la gorge, et, lentement, me redresse sur le siège. Aedan interroge Sinead, d'une question au poids que ses épaules n'ont pas encore à porter. J'arque un sourcil, la fixe et lui offre une oeillade amicale. La main brisée s'anime, lui intimant de rester maitresse de ses émotions, de ne pas céder face aux piques provenant de sa propre famille. Au choix, probablement que celles-ci font le plus de dommages. J'attrape la déesse par l'épaule, d'une poigne ferme mais mesurée. Dans son regard, j'y reconnais sa fureur, et j'en comprends la douleur. « Vous voyez pas ça ? » Je pointe le cou de Mairead, aux quelques boursouflures encore visibles. « C'est ce qui arrive quand on est pas unis. Alan, Aedan, vous étiez pas au Trianon quand c'est arrivé. Sinead, Fiona et moi, on a vu de quoi ces sauvages étaient capables. On est pas comme eux, on est meilleurs qu'eux. C'est exactement ce qu'ils veulent, vous le captez pas ça ? Le moindre ennemi, Chaos, la Calavera, les bouffeurs de pizza, tous ils veulent notre peau. » Moins sanguinaires, moins sadiques aussi, sans doute. « J'ai vu un gars déchiqueter une des nôtres, Fiona a juste essayé de nous protéger tous. » J'inspire un instant, déambule en claudiquant, encore la canne à la main. « Il fallait une solution, rapide. Et valait mieux ça qu'aucune solution du tout. » Je tais la rancoeur, les surveillances, la défiance, et la découverte des alliances conclues. « Alan, j'l'ai vu dans ton regard. Tu veux revoir Mairead égorgée ? C'est ça que tu veux ? Quitte cette pièce et c'est ce qui arrivera. Et comme j'en doute, assieds-toi. » Je me tourne vers Aedan, lâchant la canne, pour lui faire face, de marbre face à sa carrure. « Et toi Aedan, tes hommes, tu veux les envoyer seuls au front ? C'est ça ? Notre Reine nous protège, du mieux qu'elle peut. Avec quelques frères d'armes en plus, p't-être que tu pourras encore discuter avec eux. Parait qu'les bonnes mères, ça fait pas toujours ce qu'on veut, mais ce qu'il faut. » Pourvu que ce soit ce qu'il faut, pourvu que ça tienne encore un peu. Lentement, je me plante à quelques centimètres de Mairead, approchant la main brisée par le talon de la Calavera pour effleurer son cou, et finalement me raviser. « Et toi, Mairead ? Maisy, la guerrière. Tous les combats valent d'être menés, mais tous doivent aussi être préparés, on doit connaître nos ennemis et chaque détail aura son importance. » Le sourire se fait mélancolique, triste et surtout navré de l'avoir laissée en proie aux sauvages sanguinaires, sans avoir pu la protéger. Et, discrètement, je contourne la Reine, lui offre un regard vide, annihilé par les secrets et les cachotteries alors qu'il y a peu, elle demandait ma transparence la plus totale. Plus tard. Le regard devient noir, par la douleur et l'incompréhension, espérant que les autres n'aient pas guetté ces signes.
Je regagne ma place, péniblement, regagnant un semblant de calme. Mais c'est le poing de la main hideuse qui s'écrase sur la table et y laisse sa marque. « Il est hors de question qu'on blesse encore un membre de ma famille. Et si c'est le prix à payer, je préfère le payer, plutôt que d'avoir à contribuer aux frais de l'un de vos enterrements, à vous là ou à un autre du Royaume. » Je me sers un autre verre de whisky, en hume les effluves. « On est une forteresse, tant qu'on est unis. » Tant que la guerre court, tout du moins. Tâchant de faire bonne figure, pour la Reine et Sinead, je tâche d'oublier les informations omises et celles volontairement cachées. Le temps n'était pas à la désunion. « Tous, prenez un verre. On est plus à ça près. » Je finis le verre d'une traite et le retourne sur la table. « J'sais que le prix est élevé. » Je soutiens Alan du regard. « Mais j'sens bien que, sans ça, ça soit juste pire. » Et je ne peux m'empêcher de fixer les traces de lacérations sur le cou de Mairead, le regard qui devient vite absent, et les agrafes qui tirent un peu plus sur le flanc du crâne. Tous, nous y avions laissé un prix. Et je parlerais du montant à Fiona plus tard.
Le carnet est toujours dans sa main, les doigts crispés dessus, et elle le range pourtant lorsque Fiona s’attache à faire une réponse groupée. Il y a quelque chose qui pue dans l’An Riocht, à cet instant. La Reine creuse un gouffre, presque, tout en se voulant conciliante. Bien sûr qu’il n’a jamais été question de dictature au sein du Royaume, et s’ils sont sujets, ou courtisans, ou ducs, c’est parce qu’à un moment de leur existence, ils ont choisi de donner leur allégeance à la cause, à la Famille, à la mafia. Reste que ce que Sin redoutait se révèle être vrai. Elle aurait dû s’en prémunir, elle aurait dû tirer les vers du nez de Fiona tant qu’elles s’enflammaient verbalement et physiquement. Elle ne l’a pas fait, et elle comprend -trop tard- qu’une alliance a été décidée sans vraiment les concerter. « Putain. », qu’elle soupire, avant de reprendre une gorgée d’alcool, dépitée mais résignée. Fiona a choisi, on ne peut revenir sur l’accord sans mettre en cause l’honneur du Royaume. Une alliance avec la Bratva, dans un sens, ça sert ses intérêts personnels : elle peut désormais plus aisément aller fouiner et échanger des informations, alors que son passage au Red Lantern aurait pu lui valoir des ennuis quelques jours plus tôt.
Mais les ducs ne s’accordent pas, et surtout ne se plient pas à la décision de la souveraine. Le bris de glace à ses côtés attire son regard, Aedan a le visage placide mais la main en sang. Si Mairead est particulièrement véhémente, Sinead partage en partie ses interrogations, et elle l’écoute avec attention. Ça pourrait aller. Presque. Mais Alan s’excite et elle a vu déjà la lueur dans ses prunelles quand elle parlait de paix. Il a un problème, à son égard, et elle ne sait pas encore lequel. Il faudra s’expliquer. Sauf que l’explication, qu’elle remettait à plus tard, devient nécessaire maintenant, sur le champ, tandis qu’il l’insulte ouvertement et qu’elle se contrôle pour ne pas lui lancer son verre dessus. « Vendue » ? espèce de fumier ! qu’elle pourrait rugir mais elle se contient. Parce qu’il va plus loin encore, à insulter Fiona en prime, et à clarifier une position de défiance totale. Le verbe est plus pacifique dans la bouche d’Aedan, et elle se contrôle encore un instant, car le regard du Sénéchal s’est ancré dans ses prunelles, et que le voilà qui lui intime de se calmer d’un geste doux. Il doit sentir qu’elle n’a qu’une envie, traverser l’espace qui la sépare d’Alan, lui mettre sa main dans la gueule et le trainer dehors pour qu’ils s’expliquent. Et voilà qu’Aedan double l’insulte à l’égard de Fiona. La loyauté pulse encore dans ses veines, à Sin. Même si elle considère que la Reine aurait dû leur en parler avant. Même si elle sait qu’Oksana est difficile à maintenir au loin, voire à faire patienter. Même si elle comprend bien la situation complexe voire inextricable dans laquelle était la Reine. Elle sait d’autres choses, et elle ne les dira pas. Ce n’est pas à elle d’accabler la Reine davantage.
Mais on l’interroge, elle Sinead Reed, elle la courtisane, sur la marche à suivre et elle cherche un regard ami chez Ned, tiraillée entre son envie d’en découdre avec Alan et son incapacité à se positionner plus en avant, à dévisager Aedan qui la fixe de ses yeux bleus. Que dire ? Que faire ? La main du Sénéchal se pose sur son épaule, la retient, fait taire les sarcasmes qui n’auraient pas eu lieu d’être, et l’empêche surtout de foutre le camp dans un sursaut de survivante. Soulagée, elle ne pipe mot tout au long des paroles mesurées de McNamara : il sait, il comprend, et il partage certainement nombreuses considérations qui lui étreignent le palpitant. Puisqu’il rappelle la nécessité de l’unité, la rouquine ravale son fiel tandis que ses billes reviennent sur Alan. Vendue, mais quel connard, songe-t-elle encore, profondément blessée par l’insulte. Mais elle ravale sa rage, l’étouffe, et se concentre sur Aedan avec sa main toujours en sang dont elle commence à enlever les éclats de verre, muette, alors que Ned expose la situation dans des termes qui ne peuvent que les réunir. Elle va dans son sens une fois qu’il achève, en hochant la tête tout en servant un nouveau verre à Aedan : « Le pète pas, lui. En vrai, à un contre deux, peut-être qu’on les aurait annihilés, les Latins. Mais peut-être qu’on se serait fait saigner de tous les côtés. Le nombre est la stratégie la plus pertinente, surtout qu’ils ont des moyens conséquents et le goût du sang comme personne. » Elle hausse les épaules, vide son deuxième verre d’une traite, comme si ça pouvait lui permettre d’oublier l’amertume qui pare ses papilles. Et elle gravite, d’un duc à un Sénéchal, d’un ami à un autre. Une main qui presse doucement l’épaule de Ned, tandis qu’elle se place dans son dos, comme pour le remercier silencieusement d’avoir su s’interposer tout en douceur. Et de poser les yeux sur Fiona face à elle pour commenter, sans animosité pour autant : « Les méthodes puent, j’pense que tu l’as compris là, mais l’offre était probablement unique et à saisir en urgence. Sinon, vu qu’on est là pour ça : guerre de rue avec forces jointes, ou climat d’hostilité individuelle dans les quartiers ? Que je sache quoi recruter. » S’il s’agit de rester défensifs, ils ont leurs chances -Alan la fustigera probablement pour son pessimisme- ; s’il faut passer à l’offensive, ça pourrait devenir plus coton, surtout s’il faut bosser avec les autres mafias. La guerre est lancée, puisqu’elle ne peut plus l’enrayer, autant voir ce qui est prévu.
Et ça fait mal. Elle le savait depuis quelques jours, que ça ferait mal. Prévenir, elle aurait du. Principale erreur dans le discours de chacun de ses pairs, et elle l'entend bien. Dans le discours de Mairead, cette soeur qu'elle a vu ensanglantée. Et elle prend sur elle. Dans le discours d'Alan, plus vénéneux encore, et elle serre les dents. Dans le discours d'Aedan, qui implante la monarchie qu'elle a instauré d'une seule décision, et elle baisse les yeux. Et ça fait mal. Parce qu'elle n'a jamais désiré devenir Reine si pitoyable à leurs yeux, mère insidieuse en leur coeur. Si les paroles d'Eamonn et Sinead tendent davantage à comprendre sa décision, elle ressent tout autant leur déception, leur frustration, leur agacement. Et ça fait mal aussi. Alors elle ravale ce qui trahit les tourments, ravale ces frasques de culpabilité qu'elle réserve pour plus tard. L'heure n'est pas aux larmes de la nourricière coupable. « J'entends vos afflictions, et je comprends vos inquiétudes. Sachez que je ne suis pas moins inquiète que vous. Et que c'est cette même inquiétude qui m'a poussée à décisionner seule. » Elle ose les regarder, un par un. « J'aurais souhaité pouvoir vous consulter avant de rendre tel verdict, mais je ne pouvais décemment pas renvoyer Oksana et Savannah sans réponse aucune, tandis qu'elles se positionnaient déjà en faveur de tel pacte. » Et elle ne s'en cachera guère. Même si la politique se trouve plus démocratique ici, elle estime qu'il aurait plus qu'humiliant d'éconduire les deux autres Chefs, par simple peur d'accepter l'inacceptable. « J'entends bien votre méfiance face à la Bratva, et je la partage. Je n'ai pas confiance en eux, et je ne vous demande pas de leur accorder la vôtre, ou de leur accorder une quelconque amitié. Je vous demande de les tolérer, et d'accepter qu'ensemble, nous serons plus nombreux et plus forts dans cette bataille qui vient malgré nos refus catégoriques de le constater. » Alors elle inspire, elle expire, tente d'annihiler les tensions présentes, mais elle sait fort bien que cela n'arrivera pas, quoi qu'elle dise. « Nous ne partageons pas les mêmes valeurs, pas les mêmes traditions, pas les mêmes morales. Mais nous nous battons pour les mêmes motifs, et cela m'est suffisant pour les accepter à nos côtés. » Et elle secoue doucement la tête, aimerait pouvoir dissimuler l'entièreté de cette blessure qui vient drastiquement de s'enfoncer dans sa chair. « Peut-être tenteront-ils de nous diriger, de nous manipuler, de nous trahir. » Et elle s'adresse à Alan, soutient son regard colérique, se noie dans sa rage. « Oksana est sournoise et perfide, je ne puis que t'appuyer dans ce discours. Mais elle est femme intelligente, et elle sait qu'en temps de guerre, mieux vaut bien s'entourer. » Et elle ne discutera pas du fait qu'elle est femme de parole, et que leurs actes ont été par quelques échanges salvateurs.
Et sa droiture se bloque, elle ne faillira pas. C'est la déesse qui gît en elle qui semble lui dicter force et bravoure, qui lui insuffle la quintessence de l'immobilité. « Tu as raison, Sinead. Nous aurions peut-être réussi à dévaster la Calavera et la Nuova Camorra, seuls. Mais il y a un ennemi invisible qui s'épanche sur nous, dont nous ignorons la puissance. C'est avant tout contre lui que nous nous battons. Les deux Clans adverses ne sont que des contre-temps que nous ne pouvons décemment pas laissés de côté. » Et une fois de plus, elle observe Alan, et sans briser le ton solennel qu'elle emploie, préserve le calme. « Cette menace est réelle. Elle nous met tous en danger. Nous ne devons pas la sous-estimer, nous ne pouvons pas la sous-estimer. Je ne l'ai pas fait, et Oksana et Savannah ne l'ont pas fait, lorsque nous avons toutes trois scellé cette alliance. Je ne me considère pas comme toute puissante, et je ne nous considère pas comme invincibles non plus. Alan, notre famille n'accueille pas uniquement des soldats. » Et cette fois-ci, le ton monte, si légèrement qu'il semble dénaturer sa voix. « Aurais-tu été toi-même annoncer aux enfants nouvellement orphelins que leurs mères sont tombées au combat parce que nous avons surestimé nos capacités ? » Et elle aimerait le fustiger davantage, car sa haine l'aveugle. Mais elle n'en dira rien de plus. « Si une alliance, certes dangereuse, nous permet de diminuer les risque de perte, alors je suis prête à faire ce sacrifice. Pas pour nos vies, mais pour celles de ceux qui ne peuvent se défendre, ceux que nous devons protéger. » Alors elle se renfrogne, se tourne simplement vers Aedan, cette fois-ci. « De plus, je refuse que l'un d'entre vous considère notre famille comme une monarchie. Car elle n'en est pas une. » Alors elle inspire, encore, jette un coup d'oeil à celui qui s'est levé pour clamer son départ. « Si l'un d'entre vous refuse de continuer, il est libre de s'en aller. Je ne retiens personne ici, si cela est contraire à ce qu'il est. » Ce n'est pas une menace, seulement une constatation, un fait, une issue pour ceux qui le désire. Parce qu'elle refuse d'avoir des enfants qui ont l'obligation de l'être. « Quoi qu'il en soit, cette décision est irrévocable. Il est inutile d'en converser davantage. » Alors elle se rassied, soupire ouvertement. Elle est déjà épuisée. « Si je vous ai rassemblés ce soir, c'est pour réfléchir à une stratégie, mettre en place nos pions. Ces alliances ne font en rien nos actions. » Alors elle se cale davantage dans son siège. « Je suis d'avis de demeurer sur la défensive. Je ne veux pas lancer d'hostilité, risquer de blesser l'un des nôtres, ou un innocent. Cette guerre doit demeurer aveugle à la ville, le plus longtemps possible. Evitons de trop attirer l'attention. »
J’entends. J’entends tout ce qui se dit. N’apprécie que moyennement l’approche de Ned. Je comprends ce qui se dit, j’entends parfaitement. Certaines paroles apaisent la frustration qu’a engendré Fiona. D’autres m’énervent. J’ai envie de rentrer dans le lard du géant roux. Pour qui il se prend ? Ce n’est pas qu’il a posé ses mains magiques sur mon cou qu’il se doit de me parler comme cela. J’ai très envie de répliquer. Surtout quand il constate aussi la décision de Fiona. Mon regard est brûlant, c’est fou ce que j’ai un problème avec l’envie de brûler les gens quand ils ne partagent mes idéaux. On se retrouve majoritaire à ne pas aimer cette alliance. On ne l’aime pas à juste titre, les russes ne sont pas les plus fiables, ils peuvent parfaitement se retourner contre nous, alors comment être sûre qu’on ne sait pas fait pas avoir. Cependant, j’étais au Triannon et j’ai vu les répliques qu’ils ont lancé contre l’alliance Nuova Camorra et Calaveras. Je réfléchis, je réfléchis tout en écoutant. Après Alan, Aedan et Ned, c’est au tour de Sinead et Fiona. J’entends les arguments mais cela n’empêche d’être frustrée d’avoir été mise de côté, peut-être que finalement c’est bel et bien mon orgueil qui en prend un coup, c’est lui qui réagit. La corde sensible c’est Fiona et son discours. J'ai un faible pour l'esprit de famille, pour la protection de celui-ci. Il n'y a qu'à voir où va l'argent que je vole. Je baisse les cheveux, je frissonne. Je caresse ma gorge, les cicatrices qui resteront à vie, celles que Ned a voulu toucher. Je ne m’occupe pas des autres, si j’accepte c’est pour elle, pour Fiona. Je soupire. « - Tu es sûre de toi ? Si tu es sûre de toi alors je te suis, parce que je te fais confiance mais crois-moi aussi que si les slaves merdent, s’en est fini de l’alliance. » Sur ceux j’attrape un nouveau verre comme Ned le propose. Je le lève vers lui. « - Il nous faudrait plus fort, je crois que les trois-quart des récurrences ici présentes ne sont plus sensibles à l’alcool humain » Je le bois d’ailleurs cul sec, appréciant le gout mais n’ayant pas le moindre effet. Dommage.
Il n'est pas convaincu, Alan car pour lui il n'y a pas pire que de faire alliance à d'autres clans y compris la Bratva qui aux yeux d'Alan est avec la Calavera, la pire de toutes. Pas de tolérance pour lui, c'est laisser entrer le loup dans la bergerie parce que ces Russes et ces Nordiques n'auront d'autres objectifs que d'imposer leur suprématie. Ce n'est pas une alliance, c'est un virus, qui viendra démanteler les moindres branches de leur organisation. Tout le monde accepte, tout le monde s'en contente et lui il reste prostré sur ses positions. Fiona partage son point de vue sur Oksana, femme perfide mais surtout veuve noire, véritable poison, il n'y a qu'à voir les méthodes qu'ils emploient et ça n'est définitivement pas compatible avec les valeurs du Royaume. La Reine en est consciente, bien entendu, Fiona n'est pas idiote, c'est pour cela qu'Alan lui fait confiance, c'est pour cela qu'il a choisi de la suivre et de lui promettre son allégeance. Mais pour la première fois il est déçu, immensément déçu et loin d'être rassuré par ses paroles.
Qui vivra verra, et Alan espère qu'elle ne se trompe pas, qu'il n'ait pas à lui dire un jour qu'il avait raison alors qu'il aura perdu ce qui compte le plus à ses yeux. Le coude appuyé sur le bras de sa chaise, les doigts se promènent sur sa mâchoire dans un geste témoignant de sa réflexion ; le dieu du Soleil tente de mettre de l'ordre dans ses pensées, essaye de trouver un moyen de décolérer face à cette annonce. Il les observe un à un, en tentant de puiser dans cette force générale. Ce n'est présentement pas possible, cela est pire que tout ce qu'il a pu imaginer, bien sûr qu'Oksana est intelligente, c'est justement le problème ; et il est persuadé qu'elle n'hésitera pas à poignarder le royaume quand elle en aura l'occasion. Même Ned prend son parti alors qu'il avait pourtant cru partager la même vision des choses que lui jusque là. Les événements du Trianon leur ont retourné le cerveau à tous, peut être qu'ils ont besoin d'attendre avant de prendre des décisions trop hâtives qu'ils risquent de regretter par la suite ? Têtu qu'il est Alan, cherche des excuses à cette nouvelle lubie de vouloir s'allier à des organisations pareilles qui n'ont rien à voir avec eux. Discours d'idéalistes, une armée montée contre un ennemi dont on a que des esquisses d'informations, un fantôme, du vent. Alan a besoin de preuves, de concret pour y apposer son approbation et certes c'est le risque d'être pris de cours, mais le Royaume compte des éléments redoutables avec des ressources infinies qu'il n'est pas bon de sous-estimer. Bélénos croit en cette unicité Celte, dans ses valeurs de Gaulois, il ne l'échangerait pas contre une armée entière.
Il lance un regard à Mairead quand elle prend la parole, soudainement sévère ; elle aussi l'abandonne et se range en faveur de l'alliance ? Il lève les yeux au ciel, ça dépasse la limite du supportable. Tous ici le savent derrière ses répliques aiguisées, il ne désire que le bien du Royaume, véritable dragon, qui n'entend rien de la raison, qui ne voit que des ennemis à abattre. C'est pour le Royaume qu'il reste, pour Mairead. « Si jamais j'entends une seule fois que les Bratviens font des magouilles contre nous, vous allez m'entendre. » Une manière pour lui de dire qu'il suit, mais qu'il ne reste pas d'accord. C'est déjà beaucoup lui demander. Alan croise le regard de Sinead, pas plus sympa que précédemment, et observe ce carnet devant elle. Il n'en veut pas à Fiona de lui avoir demandé de rester surveiller le QG cette nuit là, c'était tout à fait nécessaire. Mais les informations ont besoin d'être énumérées, un véritable débriefe. Fiona expose son désir de rester non hostile, sur la défensive de leur territoire et ne pas attirer l'attention. Alan n'est bien entendu pas d'accord, parce qu'il lui manque la moitié des informations. Il se permet de hausser de nouveau la voix, à l'attention de la Reine « Puisqu'on a bien fait de le mentionner, tout le monde n'était pas au trianon et il semblerait qu'il y ait eu d'autres découvertes depuis. Si tu le permets Fiona, j'aimerais que la situation soit éclaircie concernant Chaos et que les nouvelles preuves soient d'abord exposées. Histoire qu'on soit tous au même niveau avant qu'on puisse se manifester sur les mesures à prendre. » Alan étire un sourire crispé, il déteste l'idée de se battre contre quelque chose d'immatériel mais il accepte de faire des efforts et écouter ce qu'ils ont à proposer à condition que tout soit mis à plat d'abord.
La défense. C’est une stratégie qui va contre le vieil adage poussiéreux qui pulse dans les veines de leurs dieux, pour sûr : la meilleure défense, pour les Celtes, c’était probablement l’attaque. Mais ils ne sont plus à la même époque, et face à eux se tiennent des dieux tout aussi puissants qu’eux. Alors oui, rester sur la défensive semble être la meilleure des stratégies tant qu’ils ne savent pas ce qui les attend. Sinead écoute, et prend note des doutes de ses collègues, qui ne font pas confiance aux membres de la Bratva, quels qu’ils soient. Maisy et Alan se méfient, et menacent même sans le dire ouvertement. Et ce qu’ils disent n’est pas sans sens, bien sûr. Sinead considère toutefois qu’ils auraient pu s’abstenir de sortir ces évidences, elle se tait pour autant, pour ne pas remettre de l’huile sur le feu, d’autant plus qu’Alan la somme presque de détailler ce qu’elle a compris de ses lectures. Le silence d’Aedan persiste, et elle en sent la tension et l’appréhension, presque palpable pour qui connaît suffisamment le colosse roux.
Alors elle ressort le carnet de sa poche intérieure de veston et commence à le feuilleter, pour trouver exactement les mots qu’elle veut prononcer. Elle est songeuse. Et puis elle relève la tête, et parle : « Pour ce qu’il s’est passé dans le Trianon, disons que tout a vite dégénéré pour cause d’une influence néfaste : celle de Chaos, le titan du chaos -logique. Sauf que quand Carl Mendes, qu’on croit être Chaos est mort, c’est parti encore plus en couilles. » Elle s’interrompt un instant, un coup d’œil à Fiona. Et puis lorsqu’elle reprend, elle retrace les flingues sortis, les balles, le mur de glace, l’éclair, tout ça. Et elle développe : la guerre pour une putain de pomme d’or dans les Jardins, du moins la partie qu’elle connaît, la statue avec sa légende glaçante ( La vie est un champ de bataille où naissent les héros qui meurent pour que l'on vive. ) pour en venir au carnet qu’elle a ressorti, en expliquant qu’il lui est tombé dessus dans la Bibliothèque, comme si un esprit l’avait fait exprès, comme si la Bibliothèque bénéficiait de l’aura de son créateur. « Ce carnet est la clé de tout ça. Le type qui l’a écrit est probablement déjà mort -il devait avoir bien 70 ans en 1953- mais il prédit les choses et le bordel de l’Eden Manor. Comme si ça s’était déjà produit. Ou comme s’il avait une capacité divinatoire. » Elle se tait alors. Aux autres présents au Trianon de compléter, s’ils le veulent. Elle n’a plus rien à dire, ayant tout étalé par des mots parfois crus, parfois recherchés, sauf ce qui suit : « Je me répète, hein, mais la mort de Mendes n’est pas la fin de tout ce merdier. C’est en ça que je crois que c’est pas totalement con d’être sur la défensive, face aux autres trous de balle, mais aussi face à ce que Chaos a déclenché sans qu’on le sache. »
Je regarde mon reflet. Mes doigts passent doucement sur mon cou, ma gorge. Des lignes se dessinent, des changements de peau, quelques traces d’une blessure qui fait partie du passé. Je soupire, je détourne mes yeux de ce reflet que je n’aime pas avant d’enfiler un débardeur claire. Je n’ai pas l’intention de me mettre sur mon trente-et-un. Un jean, un débardeur et une chemise mi-longue feront parfaitement l’affaire. Je brosse rapidement mes cheveux encore humide. J’entends l’eau toujours couler dans ma salle de bain. Alan termine de se préparer. Mes fidèles bottines aux pieds, je me sers un verre de whisky. Je me place à la fenêtre de ma chambre, je regarde l’étendue d’eau qui se profile, l’océan à mes pieds. Il m’a toujours terrifié, pourtant j’ai une certaine fascination pour lui. Je me souviens des fois où mon père voulait à tout prix que je sache nager dans les vagues violentes, cette fois-là où j’ai failli me noyer. Sans doute la dernière fois que j’ai laissé l’océan me toucher. Je savoure la brûlure de l’alcool presque sucré. Je retrouve Alan de s’habiller. Je m’approche de lui, en silence, je lui vole un baiser. Je récupère mon portable sur la table de chevet et je cale dans la poche de mon jean. « - Je vais prendre une pomme, je te retrouve à la voiture. » Je descends rapidement. Dans ma cuisine, j’attrape le fruit défendu, je croque immédiatement dedans, j’attrape sur le porte clés celles de ma voiture et je prends la direction du garage. Elle appartenait à mon père celle-ci, une de collection que j’affectionne particulièrement. Je me place au volant, je vais peut-être faire râler Alan mais j’ai envie de conduire, ça me détend, sans savoir pourquoi, cette réunion me rend nerveuse. Je finis ma pomme, Alan arrive. Une fois tous les deux prêts, je démarre pour nous rendre au QG. On se gare à quelques rues. On n’éveille pas les soupçons. On retrouve le passage pour rejoindre les égouts, cette base qui nous sert de lieu de rencontre. Je suis nerveuse, on va repasser les faits du trianon en détails et je n’ai pas envie de revivre ce moment. Alors qu’on s’apprête à enter dans la salle, j’attrape la main d’Alan pour entrelacer nos doigts, un contact qui me rassure. Je lui lance un regard perplexe, espérant qu’il ne lâche pas tout de suite ma main. Puis on entre. Un hochement de tête à Fiona, avec un léger sourire. Mes doigts serrent un peu plus ceux d’Alan, nous sommes les premiers. 
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