« All I believe, Is it a dream that comes crashing down on me ? All that I hope Is it just smoke and mirrors ?»
La nuit était déjà tombée depuis quelques heures alors que Piotr remontait la rue principale du quartier russe, le visage fermé et le regard dur. Sa mauvaise humeur le rendait encore plus impatient qu'à son habitude et ses malheureux employés en payaient le prix fort. Après avoir consacré ces derniers mois à monter ses nouveaux bureaux en ville, il avait engagé quelques personnes, triées sur le volet, et les affaires démarraient bien. Le Russe n'avait pas chômé, son perfectionnisme le poussant à négliger ses heures de sommeil au profit des affaires qui l'empêchaient de trop penser. A coté de ça, il avait réuni les maigres informations qu'il possédait sur sa sœur, sans pouvoir bien-sûr compter sur l'aide de sa famille. Impossible de parler d'Alexandra à ses parents qui se braquaient dès qu'on osait évoquer l'ombre de l'idée de son existence. Six mois s'étaient écoulé déjà, six mois qu'il errait dans cette ville immense, sans savoir par où commencer ses recherches.
L'ambiance d'Ashmill, bien que relativement lugubre, lui procurait néanmoins un peu de stabilité, dans le chaos de ses pensées. C'était là qu'il avait choisi de louer un appartement, bien qu'il travaillait au centre ville, et il appréciait de pouvoir échanger quelques mots dans sa langue maternelle avec ses voisins. Ce n'était pourtant pas avec eux qu'il comptait s'entretenir ce soir, alors qu'il se dirigeait vers le Kremlin, ce bar où la vodka coulait à flot et où il rôdait dès qu'il en avait l'occasion. Piotr en poussa la porte d'un geste un peu trop brutal, qui lui valu les regards lourds des habitués. Sans s'en soucier, il rejoignit le comptoir pour s'y installer et commander aussitôt un alcool fort qu'il vida d'un trait. Ce ne serait sûrement pas le seul verre de la soirée. Ce soir, il avait rendez-vous avec un gars qui lui avait été recommandé depuis ses contacts de Saint-Petersburg. Un gars de la Bratva. Ce n'avait pas été chose facile d'obtenir ce fameux rendez-vous, loin de là. Piotr ramait depuis des mois, espérant sans oser trop y croire, que cela pourrait le mener à quelque chose de concret.
Depuis quelques temps, il se sentait observé dans l'ombre et son instinct lui soufflait de rester sur ses gardes. Il savait que la Bratva l'observait depuis des années en réalité, bien avant qu'il ait terminé ses études à Saint-Petersburg. Les chefs d'entreprises influents étaient tous étudiés par l'organisation criminelle et la Maison Tkatchenko n'y avait bien-sûr pas échappé. Lorsqu'il avait été approché par les mafieux pour la première fois, dix ans auparavant, ces derniers s'étaient contenté d'allusions et de sous-entendus jusqu'à décider qu'il semblait assez intéressant pour lui proposer une collaboration. Piotr avait donc accepté de blanchir leur argent, considérant que cela faisait partie du monde des affaires, mais ce n'était pas pour autant qu'il faisait officiellement partie de la Bratva. Il n'était pas un criminel, il ne se considérait pas comme tel, il était un homme d'affaire. Pourtant, aujourd'hui, tout était différent. L'odeur de la violence lui montait à la tête. Peut-être était-il fou, peut-être que cette psychose qui le rongeait était en train de bousiller son cerveau. Mais pour que ses affaires prospèrent, se rapprocher de la Bratva d'Arcadia lui paraissait la meilleure chose à faire.
D'un geste à l'intention du barman, Piotr commanda une autre vodka et lança un regard froid autour de lui. Est-ce que l'homme avec qui il avait rendez-vous était déjà présent ? Il ne savait même pas à quoi il ressemblait. Son contact lui avait simplement dit d'attendre au bar et que la personne le reconnaîtrait. Rongeant son frein, il dévisageait discrètement tous les consommateurs qui l'entouraient, essayant de deviner qui pourrait être ceux qui appartenaient à la Bratva. Forcément, ce n'était pas écrit sur leur front. Enfin, au bout d'un moment qui lui parut infiniment long, une nouvelle tête s'imposa dans le bar. En posant ses yeux sur lui, Piotr ressentit un étrange fourmillement le parcourir, comme si un instinct ancestral l'attirait inexorablement vers cet inconnu. Refoulant cette intuition étrange qui semblait venir de nulle part, Piotr ramassa son verre dans un infime froncement de sourcil. Quand l'homme s'installa au comptoir, il se décida à l'aborder en russe, d'un ton neutre.
- Bonsoir. Il le dévisagea un moment avant de poursuivre sur le même ton. J'attend quelqu'un, je ne sais pas si vous êtes cette personne. A ce qu'il savait des mafieux, ils se montraient très méfiants et leur approche était lente. Il s'efforça donc de rester patient et de ne pas gâcher cette première entrevue dont il ignorait encore les possibles retombées. Piotr n'était pas spécialement doué pour initier ce genre de conversation, surtout quand il était de mauvais poil. Généralement, c'était les autres qui lui courraient après et sûrement pas l'inverse. Mais en l’occurrence, il était bien obligé de faire un effort, puisqu'il était étranger dans ce fichu pays. Quitter la Russie avait été un véritable crève-cœur, même si la décision venait de lui. Il n'aimait pas les américains. - Piotr Nikolaïevitch, de la Maison Tkatchenko, se présenta-t-il d'un ton froid et presque sec, une lueur d'impatience dans les yeux. Vous êtes ?
Merci Varenka, l'affaire est donc conclue. Tu recevras ta part lorsque l'on aura réceptionné le container. La Meute ignore la peur, et la pitié. dis-je en russe avant de saluer mon interlocutrice et de raccrocher mon téléphone.
Assis derrière mon bureau, je venais de conclure une nouvelle transaction avec une branche de la Bratva qui officiait sur nos terres d'origine. Varenka était la Phakan de cette branche éloignée mais avec qui nous avions pourtant des liens puissants. C'était d'ailleurs elle qui depuis Saint Petersbourg m'avait transmis une recommandation pour Piotr Nikolaïevitch, le frère d'Alexandra, après plusieurs mois où ce dernier avait fait son possible dans le but d'obtenir un entretien. Qui aurait lieu ce soir d'ailleurs.
Quittant mon antre je pris la direction de la salle principale pour me diriger vers le bar, saluant quelques personnes sur mon chemin avant de porter mon regard sur celui qui m'attendait. Durant mon cheminement jusqu'à lui je pus apprécier son aura et en percevoir son panthéon slave. Un frisson me remonta le long de la colonne, ce qui me fit arquer un sourcil avant que je ne passe à autre chose. Prenant place sur le tabouret près de lui, d'un regard je commandais un verre avant qu'il ne m'adresse la parole en russe. L'impatience semblait le ronger, après tout cela faisait un moment qu'il espérait cette rencontre. Un brin joueur, je patientais volontairement avant de lui répondre finalement, d'un ton neutre.
Artyom Kozyrev. Pakhan de la Bratva d'Arcadia. lui dis-je en levant mon verre entre nous deux.Na zdrovie. lui dis-je avant de boire d'une traite mon verre de vodka, le faisant claquer sur le bar avant de me tourner légèrement vers lui.
Vous sembliez déterminé à me rencontrer Piotr. Mais pour vous, il me fallait attendre, vous observer, me renseigner, et vérifier quelques points avec Saint Petersbourg. lui expliquais-je sans chercher à m'en justifier. En définitive il n'y avait là rien d'exceptionnel, ce n'était qu'une information au sujet d'une méthodologie tout à fait routinière.
La maison Tkatchenko est bien connue de la Bratva. Mais dite-moi Piotr, pour quelle raison vouliez-vous à ce point me rencontrer? lui demandais-je tandis que l'on venait d'aligner devant nous dix shots de vodka, cinq chacun.
Lorsque j'avais cherché des informations à propos d'Alexandra par le passé récent, j'avais bien entendu exploré tout ce que j'avais pu obtenir au sujet de sa famille. Ainsi donc j'avais alors appris un peu sur eux, et donc par conséquent à propos de Piotr. Mais un peu d'actualisation de données ne me feraient pas de mal. Et puis je pressentais qu'il pouvait faire une bonne recrue, à condition que je ne décèle rien en lui qui serait incompatible avec nos codes.
« All I believe, Is it a dream that comes crashing down on me ? All that I hope Is it just smoke and mirrors ?»
Dire que l'impatience le rongeait était un euphémisme. Les muscles de Piotr étaient si tendus qu'il se sentait sur le point d'imploser. Au prix d'un fabuleux effort, il demeura immobile, la mâchoire serrée, tout en fixant cet homme qui semblait prendre son temps avant de se présenter. Lorsqu'enfin il s'exprima, Piotr relâcha son souffle, un regain brûlant d'intérêt dans les yeux.
- Alors, à notre rencontre, Artyom Kozyrev, dans l'espoir qu'elle soit fructueuse, répondit-il sans attendre, avant de lever le coude dans un mouvement aguerri.
Si boire de l'alcool en Russie était une vraie cérémonie, Piotr ne négligeait jamais un toast, quelle que soit son niveau d'impatience. Ses contacts lui avaient fait miroiter la possibilité d'une rencontre importante mais il n'avait pas osé espérer que le Pakhan en personne se déplacerait ce soir. Maître de ses émotions, Piotr conserva cependant l'impassibilité parfaite de son expression, à l'exception de cette veine qui battait furieusement contre sa tempe. Une moue condescendante aux bord des lèvres, il avait acquiescé à ces explications, les balayant d'un mouvement d'épaule faussement indulgent.
- Ma détermination a payé, semble-t-il. J'imagine que vous êtes satisfait des info récoltées.
Il se doutait que ce genre de choses prenait du temps mais derrière son attitude hautaine se cachait cette incertitude, traînée depuis plusieurs mois. Celle d'avoir été éliminé d'entrée de jeu, selon l'un ou l'autre des critères nébuleux de l'organisation criminelle. Il supposait néanmoins que ces fameux points vérifiés avec sa ville d'origine avait contenté le Pakhan, puisqu'il s'était décidé à se déplacer.
- Notre maison pèse son poids, en effet. Comme vous le savez sans doute, nous venons d'ouvrir nos bureaux à Arcadia, ce qui pourrait potentiellement vous intéresser.
Tout en réfléchissant à la réponse à offrir, Piotr posa les yeux sur les shots de vodka qu'on alignait devant eux. Si le bougre désirait tester sa résistance à l'alcool, ce serait un plaisir de remporter le défi. Mais Piotr se doutait bien que les choses ne seraient pas si simples. Il poursuivit d'un ton mesuré, toujours dans le contrôle.
- Mes raisons sont multiples. Mon commerce est soumis à la concurrence des boites américaines et pour envahir le marché, votre aide sera la bienvenue. Une association qui serait profitable dans les deux sens, bien évidemment. D'autre part, je suis motivé par des motifs plus personnels. Il marqua un temps d'arrêt, s'humectant les lèvres avant de reprendre. Je suis à la recherche d'une compatriote. Une femme de ma famille qui m'a été enlevée il y a très longtemps.
Piotr s'interrompit, ne voulant pas en dire trop avant de savoir dans quelle mesure le Pakhan serait ouvert à des possibilités d'association. Quémander l'aide d'autrui n'était certainement pas une chose qu'il appréciait de faire et son orgueil était mis à mal. Il préférait donc mettre en avant les avantages qu'il était prêt à offrir à la Bratva afin de ne pas être dans la situation de demandeur. En vérité, le désespoir de retrouver un jour Alexandra l'envahissait au point d'en devenir fou. Cette violence qui le rongeait, ces images monstrueuses qui le hantaient, ces sensations étranges qu'il éprouvait en présence de cet homme... Piotr savait qu'il était fou, complètement psychotique. Mais ce n'était pas en tant que schizophrène qu'on se présentait à la Bratva.
Elle le sera, j'en suis certain. lui dis-je, gardant pour moi que cela dépendrait principalement de lui. Néanmoins les données récoltés à son propos me permettaient d'être plutôt confiant à ce sujet.
En effet. Il ne tient qu'à vous de transformer cela en réalité. ajoutai-je avant de l'écouter à nouveau.
Je levais mon premier verre en même temps que lui, ayant un net avantage sur lui. En tant que Primus j'étais insensible depuis lors contre les effets de l'alcool, aussi allais-je voir à quel point il pouvait tenir avant de s'en rendre compte.
Le commerce est la base d'une organisation solide, tout comme un partenariat judicieux. La première étude semble désigner votre entreprise comme solide, et pourra donc être intégrée dans un partenariat économique. Elle restera donc votre propriété, et nous y gagnerons une part des bénéfices. En échange de quoi, vous bénéficierez de l'étendu de notre réseau au sein des différentes strates de la société d'Arcadia, ainsi que de tout ce dont vous pourriez avoir besoin. Avec les bons contacts, une simple formalité administrative peut voir enterrer votre dossier ou au contraire se retrouver sur le dessus de la pile. lui exposai-je sans détour avant d'abord le second point, celui qui semblait lui tenir à coeur et à juste titre.
Alexandra. lui dis-je en prenant le second verre et en le vidant d'une traite.
Nul doute que de ce que je pouvais en percevoir, il serait prêt à tout pour retrouver sa soeur et cel était une bonne chose pour la Bratva. Cependant je voulais m'assurer d'une chose avant de lui permettre de renouer avec elle.
Votre soeur m'est précieuse, ainsi qu'à la Meute Piotr. Mais vous avez fait un long voyage pour la retrouver, et je suis certain que vos retrouvailles vont seront heureuses. lui dis-je en sortant un téléphone prépayé d'une de mes poches, avant de le faire glisser devant lui.
Rappelez-vous de ce jour Piotr, celui où je vous ai parmi de retrouver Alexandra. Nouveau verre descendue avant de reprendre.
Ce portable ne contient qu'un seul numéro à ce jour et n'a jamais été utilisé. Pour tout ce qui concerne la Bratva vous ne devrez utiliser que celui-ci. Il sera récupéré et remplacé par un autre bien souvent. Dès lors que cette rencontre sera terminée, vous aurez donc désormais tout le loisir de la contacter avec. lui dis-je d'un ton cordial.
Souhaitez-vous conserver la surprise de son présent, ou préférez-vous que je vous en donne un aperçu? lui demandai-je sans attendre. Après tout il pouvait préférer apprendre sa nouvelle vie directement auprès d'elle.
Il reste un point à aborder Piotr, mais avant cela buvons. lui dis-je en enchainant les deux derniers verres devant moi, puis en tapant doucement de l'articulation médiane de l'index sur le bar pour que l'on nous resserve.
Vous devez avoir une idée de la structure de notre Meute, quelle place envisageriez-vous parmi nous? lui demandai-je encore tandis que déjà l'on nous apportait la suite de ma commande.
« All I believe, Is it a dream that comes crashing down on me ? All that I hope Is it just smoke and mirrors ?»
Le Pakhan démarrait l'entrevue avec une certaine bonhomie, présentant les choses sous des augures des plus prometteuses. La Maison Tkatchenko était fortunée et il aurait fallu être fou pour ne pas profiter d'une telle aubaine. Piotr commençait déjà à se dire qu'il avait été ridicule d'être aussi inquiet ou de croire qu'il pourrait échouer à cet entretien pour de fumeuses raisons. Il ramassa donc le premier des cinq shots de vodka qu'on avait posé devant lui et le vida sans effort. L'alcool le revigorait, réchauffant son corps et nettoyant son esprit. Les coudes posés sur le comptoir, il écouta donc attentivement le discours du Pakhan et réfléchit un léger moment avant de fournir une réponse mesurée.
- Un échange de bons procédés, satisfaisant pour les deux partis. Je suis bien entendu d'accord sur le principe. Il ne resterait qu'à déterminer la part de bénéfices en question, afin que nous puissions estimer si le jeu en vaut la chandelle.
Piotr était déjà certain qu'il le vaudrait, mais il n'avait pas envie d'avoir l'air trop enthousiaste. Pas plus de mille dollars par mois, il avait déjà fait ses calculs... Néanmoins, le prénom que prononça Artyom l'empêcha de poursuivre. Il le fixa, ne pouvant réussir à dissimuler sa stupéfaction tout en le regardant vider son verre. Alexandra, il avait dit Alexandra. Pour le coup, Piotr n'allait pas se faire prier et il ramassa fébrilement son verre pour le vider dans le même mouvement. Sans quitter le Pakhan des yeux, il l'écouta poursuivre, peinant à croire à ce qu'il entendait. Alexandra leur était précieuse ? Son regard ne s'attarda pas sur le téléphone offert, tant il était accroché aux lèvres de cet homme qui lui apprenait ce qu'il n'aurait jamais osé espérer. Il savait que la Bratva avait étudié ses faits et gestes mais il n'imaginait pas qu'ils soient au courant du véritable objectif de son voyage, car il n'en avait soufflé mot à personne à Saint-Petersbourg. Dire qu'il pensait son enquête discrète... Le front lisse, il conservait néanmoins son impassibilité et seules les flammes dans son regard témoignaient des émotions qui l'habitaient.
- Je ne risque pas d'oublier ce jour, si vous dites vrai. Na zdrovie. Un verre pour ponctuer ce serment, Piotr ne revenait jamais sur ses paroles, surtout lorsqu'il les bénissait d'un shot de vodka.
Enfin, il posa les yeux sur le portable, sans pour autant le ramasser trop vivement. Démontrer trop nettement son impatience le desservirait, il le savait, même si l'homme s'exprimait sur un ton des plus cordial. Faire aveu d'une faiblesse offrait aux autres un trop grand avantage et si Piotr ignorait encore ce qui liait sa sœur à la Bratva, il préférait rester prudent.
- Une méthode couramment utilisée par la Bratva, je suis accoutumé à ces pratiques de discrétion, ce n'est donc pas un souci.
Affirma-t-il d'un ton détaché en ramassant l'objet d'un geste léger pour le ranger dans la poche intérieure de sa veste. Piotr avait chaud, son sang bouillonnait et sans doute la vodka avait une part de responsabilité dans cette chaleur, mais il ne se sentait pas ivre. Il se refusait néanmoins à commenter les affirmations d'Artyom au sujet de sa sœur, préférant les ignorer, feindre de les banaliser. Cependant, à sa question, il marqua une légère hésitation, interrogeant l'homme du regard.
- Je n'aime pas les surprises. Alors faites-vous plaisir et donnez-moi un aperçu des compétences de la Bratva. Je reconnais que je ne m'attendais pas à ce que vous la connaissiez.
Le ton neutre, il conservait son apparente sévérité, dénué de toute émotion parasite. Pourtant, le Pakhan semblait décidé à trinquer et Piotr esquissa un léger rictus. L'homme enchaînait les shots plus vite que le vent, même pour un russe. Il devait avouer qu'il avait rarement vu quelqu'un avoir une telle descente mais ce n'était certainement pas ce genre de défi qu'il refusait. Le fixant droit dans les yeux, il vida ses deux derniers verres à la suite avant d'incliner la tête. Quel diable. Il demandait déjà à ce qu'on les resserve ? Sa langue le brûlait un peu et il s'humecta les lèvres, notant la sérénité totale du Pakhan qui lui posait une question inattendue.
- Ma place ? Ma foi, je n'imaginais pas que vous me poseriez cette question. Vous êtes donc prêt à envisager autre chose qu'un simple partenariat économique ? Hum. Il le regarda un moment avant de reprendre. Je connais effectivement votre structure. Compte tenu de mes compétences et de mon niveau, je serais probablement un atout efficace en tant que chargé des comptes ou chef de brigade. Je n'irais pas jusqu'à me placer au rang de conseiller, je ne connais pas assez la réalité concrète du terrain à Arcadia. Poursuivit-il d'un air goguenard et relativement fouteur de gens. Son ego ne l'empêchait tout de même pas d'être réaliste. Cela étant, Piotr n'aurait bien sûr pas supporté de n'être qu'un subalterne, contraint d'obéir aux ordres d'un abruti. A vrai dire, abruti ou non, il acceptait difficilement l'autorité. Et alors qu'il posait les yeux sur les cinq nouveaux shots de vodka, il prit les devants en vidant d'un trait le premier verre. Ses yeux brillaient, il ressentait l'envie furieuse de lui rire au nez et le téléphone dans sa poche le brûlait comme un trésor.
