To fallen stars

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Elle avait merdé.

Elle ne savait plus où et quand exactement, mais les militaires avaient fini par frapper à la porte de son appartement. Quelques coups, suivis d’éclats de voix, et elle n’avait eu que le temps d’effacer les données, de faire disparaître tous les outils qu’elle utilisait au quotidien. Pouvoir bien utile dont elle avait soudainement abusé, pour éviter que les objets compromettants soient retrouvés. Ils avaient certainement atterri dans l’une des caches des Obscuris, ou de la Triade. Le souci avec la précipitation, c’était que cela la poussait à faire des erreurs. Même si elle se pensait, se savait supérieure, elle échouait dès que la situation s’emballait. Les multiples armes et armures ne suffisaient pas à faire face à une attaque des militaires. Et le blackout n’arrangeait en rien la situation de celle qui aimait vivre par Internet plus que tout. Les banques étaient à l’arrêt, les transactions, le système social aussi. Impossible de récolter des informations, d’infiltrer les réseaux de surveillance, et de lancer les mails de chantage. En fait, Jennie était au point mort. Il lui était aussi impossible de commander des outils et de la matière première avec le peu d’électricité qui subsistait. Pourtant, elle avait essayé, d’utiliser ce qui était fourni par l’hôpital, ou les lieux de première nécessité.

Et elle avait été trop loin.

S’approcher des militaires en tant que déité était stupide en soi. S’approcher des militaires en faisant partie du groupuscule qui avait égorgé le précédent maire était discutable. S’approcher des militaires dans le seul et unique but de se connecter aux générateurs qu’eux possédaient était questionnable. Mais elle l’avait fait la gamine. Elle s’était dit que c’était le mieux à faire, et qu’avec ses capacités, jamais ils ne remonteraient jusqu’à elle. Elle était si douée, elle avait tant détruit et sauvé de vies. A ses yeux, personne ne pouvait lui faire face quand il s’agissait de hacking en tous genres. Sauf qu’à trop y croire, qu’à trop se prendre pour une reine, une impératrice, elle avait fini par chuter de son piédestal.

A trop jouer, ils l’avaient retrouvée.

Les menottes autour de ses poignets lui rappelaient la douloureuse chute. L’annonce de ses droits rendait encore plus réelle les soucis auxquels elle s’exposait. Pourtant, un sourire insolent restait collé à ses lèvres. Ceux qui l’arrêteraient n’étaient pas encore nés. Parce qu’elle avait des alliés, forts, puissants, intelligents. Qu’importait le trou dans lequel elle finirait, quelqu’un serait là pour l’en sortir.

Une dizaine de minutes plus tard, alors que la perquisition avait toujours lieu dans son appartement – presque vide –, elle était dans le commissariat, investi autant par les forces de l’ordre d’Arcadia que les militaires nouvellement arrivés. D’un regard, Jennie percevait les tensions ainsi que les liens qui se créaient. D’ici quelques mois, il se pouvait qu’une vraie force en ressorte. Et là, ça deviendrait encore plus tendu pour elle…

Une fois derrière les barreaux, on lui proposa de contacter quelqu’un, notamment un avocat. Juste un nom fut offert, même si elle savait qu’ils viendraient à deux. « Alessio Vesari. » Pas un s’il vous plait, pas un merci, pas un sourire autant que l’insolent qui ornait ses lèvres depuis le début. De toute façon, elle valait mieux qu’eux. Et elle vaudrait toujours mieux.

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C’était toujours la même histoire avec les Vesari. L’un se mettait dans la panade, et les autres accouraient pour l’en sortir. En général, c’était plutôt l’apanage d’Evgenia. Son côté sanguin, agressif et sauvage lui valait des ennemis tout aussi destructeurs. Des luttes sanglantes où la violence explosait comme des bombes semées sur son passage. L’aîné et sa cadette étaient des cérébraux. Avec eux, les problèmes survenaient autrement. Ils se réglaient selon la situation, avec esprit ou le concours de l’Amazone et son goût du spectacle. Mais quand les complications concernaient Jennie… tout était différent. Sans vraiment l’être pourtant.

« J’vais le chercher ». Pour une fois, l’italienne aux yeux clairs s’étaient tenue tranquille. Elle avait regardé les militaires mettre les fers à sa frangine, et disparaître avec au détour d’un couloir. La surprise avait surpassé la fureur et sa démence protectrice. Les mots de l’avocat et même ceux du Khaos avaient résonné dans son crâne comme une litanie menaçante. Ne pas sous-estimer les Hommes à l’heure où les Puissances devaient encore s’y loger pour survivre.
Elle avait juste tourné les talons, dévalé la rangée d’escaliers et prit la fuite par la sortie de secours, s’étonnant à raison de ne pas avoir été prise. L’occasion lui avait semblé trop belle, pourtant. Mais non. La gamine lui avait sans conteste volé la vedette, et ses poignets à elle demeuraient pâles et libres. Alors, elle avait rejoint sa bécane garée sur le parking, pesté sans retenue, et traversé la ville à vive allure pour le retrouver lui.


Les pneus crissèrent devant le grand building. L’Amazone retira son casque, chercha les clés en hâte, et pria fort pour que son frère soit chez lui à cette heure. Encore des escaliers - elle les maudit cette fois - et s’arrêta sur le palier du vaste appartement. Là, elle secoua la porte et testa la poignée. Ouverte. Tornade, la Furie déboula dans l’antre. Elle n’avait pas le temps de s’annoncer, et lui n’avait pas besoin qu’elle le fasse pour reconnaître son tact et sa discrétion légendaires. Ses talons claquèrent sur le sol, tempête, tonnerre, et l’aîné daigna enfin se montrer. Elle le pointa du doigt, exaspérée par son flegme éternel. « Ils ont eu Jennie. Prends tes affaires, on y va ». Pas un bonjour, rien de tout ça ; ils avaient plus grave à gérer, et le sens des priorités, en règle générale. « Laisse tomber ton chauffeur, j’ai ma moto en bas. On arrivera plus vite ».

Quelques minutes plus tard, elle faisait vrombir le moteur, et démarrait en trombes. Sous la conduite experte, le commissariat fut rejoint en une poignée de rues et de voitures doublées. Elle s’arrêta comme à son habitude en faisant rouspéter l’asphalte, et descendit avec humeur de son assemblage métallique.

Étonnamment patiente et calme, la Vesari laissa son frère passer devant et l’escorta jusqu’au bâtiment vaste. Ici, la Guerrière n’avait pas d’utilité, c’était son terrain de bataille à lui, et il devait mener la danse. Elle contempla les marches et la façade, puis le béton qui entourait l’endroit. C’était désert et oppressant. « Je devrais peut-être rester dehors », suggéra-t-elle en croisant son regard.

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La journée aurait pu être belle. Ce black out général lui offrait la chance de travailler sur ses affaires de façons différentes, cela lui laissait plus de temps vu que tout ce qui était relié à l’électricité était stoppé. Il n'y avait que les hôpitaux et autres organes indispensables qui avaient des générateurs de secours. Le sien était en cours d'installation. Il avait payé une petite fortune pour se l'offrir, mais cela prenait un peu trop de temps à son goût, la faute au manque d'outils électriques et tout ce dont les employés et installateurs avaient habituellement besoin pour travailler normalement. Alessio se contentait donc de lire des documents, préparer des plaidoyers pour sauver des petits frappes, ou des hommes bien plus importants qui grâce à son intervention, lui devrait bon nombre de services. Il avait accès à tout ce qu'il avait lu, entendu et cela lui permettait d'être encore bien plus productif qu'avant. Ce changement en lui... lui offrait une nouvelle perspective, de nouvelles contre mesures pour atteindre tous ses objectifs. Il adorait ça, ce changement, le tout prenait un côté épique qu'il adorait et avec ses sœurs, ils entraient dans la cours des grands.

En parlant d'elle, il comprit rapidement que sa sœur faisait son entrée fracassante chez lui et alla à sa rencontre pour voir son air grave. Il n'y avait pas grand chose pour qu'elle soit dans un tel état et elle lui fit rapidement... comprendre la gravité de la situation. Jennie, ils l'avaient eu. « Qui ça ? » Il y avait tellement de gens qui pourraient en vouloir à la famille, tellement d'ennemies et si peu d’allier, mais c'était ainsi le succès, vaincre l'adversité. Evgenia lui dit rapidement de quoi il en retourne ou tout du moins ce qu'elle en sait : pas grand chose. Une chose est certaine, la petite Jennie est au poste de police et le voilà qui monte sur l'engin de mort de sa sœur. Il n'aime pas du tout ça, encore moins la façon de conduire de la jeune femme, alors il se cramponne à elle, contrôlant ses coups de panique lorsqu'elle tourne trop vite et coupe la route à d'autres voitures. Elle était bien trop douée pour se faire renverser, mais c'était plus fort que lui, c'était un sentiment humain.

Une fois arrivée, elle semble ne pas vouloir avancer et elle lui propose de rester dehors. Un regard vers elle, il fallait dire qu'elle était pas très utile dans ce genre de lieu, mais il y avait toujours du bon à avoir des yeux et des oreilles, même à l'entrée. « Viens, tu attendras et tu écoutera tout ce que tu pourra. Retiens bien les noms, j'en aurais besoin pour mes recherches. On ne sait jamais. » Celui qui avait le plus d'informations était celui qui avait le plus de carte en main. Il entra en poussant les deux portes battantes et l'officier à l’accueil soupira. « Nous vous attendions Mr. Vesari... Nous... » Il le stoppa d'une main levée. Tous le connaissez ici. « Amenez moi à ma cliente. » Le lien familiale devait déjà être fait et un autre officier l'emmena dans une salle spéciale pour qu'un avocat puisse discuter avec son client sans qu'on ne les écoute. Il entra et ferma la porte avec force. « Jennie. » Il la regarde de haut, avant de la prendre dans ses bras. « Entre toi et ta sœur, je me demande qui est la pire. Vraiment. » Il soupire et s'installe sur une chaise. « Raconte moi exactement ce qui c'est passé. N'oublie aucuns détails de ce qui pourrait être compromettant pour toi, pour nous. »

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Elle avait beau avoir foiré, se retrouver derrière les barreaux, elle gardait son sourire insolent, laissait ses pupilles détailler les alentours, au cas où une fuite était à prévoir. Normalement, c’était Evgenia qui se retrouvait à sa place, c’était bien la première fois que Jennie y échouait. Alors, elle gardait la tête haute, donnait l’illusion que tout se déroulait comme elle l’avait imaginé. En réalité, ils l’avaient prise par surprise, l’avaient obligée à supprimer des mois, des années de recherche. Une remise à zéro qui s’imposait, quand les militaires frappaient à la porte de son appartement. Comment comptaient-ils lui réparer les milliers d’heures perdues ? La colère perlait dans le fond de ses iris, un profond agacement dont elle ne parvenait pas à se défaire. Elle avait tenté pourtant, d’apparaître mignonne, perdue, déprimée, effrayée… Néanmoins, ces émotions, elle ne les connaissait pas. Elle les avait supprimées de son vocabulaire voilà des années, tout comme son frère et sa sœur. Désormais, elle sentait que cela énervait l’enquêteur lui faisant face, prêt à lui poser de multiples questions, avant que l’avocat arrive. Dommage pour lui, celui-ci fut plus rapide qu’il ne s’y attendait…

La présence d’Alessio accentua son sourire, tout comme la vision de sa sœur derrière lui. Finalement, ils étaient venus en force, même si Jennie était étonnée de voir que l’édifice tenait toujours debout. Ce n’était pas comme si son aînée aimait détruire ce qui se dressait sur leur chemin.

Les pieds ne touchaient pas le sol, elle les balançait, lui donnant une allure enfantine loin de correspondre à la tempête dans son esprit. Les menottes pesaient toujours sur ses poignets mais l’officier de police à ses côtés se leva, certainement sous ordre de son supérieur, et laissa l’avocat seul avec sa cliente. Avec l’aîné, il n’y avait aucune chance qu’elle dorme dans un cachot ce soir. La plupart de ceux présent devait s’en douter, il avait le chic, l’esprit pour défendre les siens. Ce n’était qu’une question de minutes, sauf si une preuve la clouait sur place. Cependant, elle était suffisamment à l’aise avec ses capacités pour savoir que celui qui la coincerait sur le terrain numérique n’existait pas. Normalement. « C’est la première fois qu’ils remontent ma piste à ce point. » Etait-il vraiment en train de la comparer à sa sœur ? Elle n’avait pas encore été condamnée elle. Oh, certes, ça arriverait bien un jour, mais pour l’instant, elle était libre. Presque libre.

Elle haussa doucement les épaules. Il n’y avait pas tant de soucis pour eux, tout était à l’abri. Ce n’était qu’un petit dérapage, et elle s’en prendrait aux militaires dès que l’électricité sera revenue de plus belle pour leur faire payer. Elle resta quelques secondes dans les bras de son frère, avant de retrouver sa place. Un regard sur la pièce pour s’assurer qu’aucune caméra, qu’aucun micro potentiellement visible ne serait là pour les enregistrer. « Déjà, tous les éléments compromettants ont disparu à l’autre bout du monde. » Utilisation gourmande du pouvoir, l’ayant empêchée de fuir. Cependant, les preuves étaient à faire disparaître, plus importantes que sa propre vie. « J’ai… Eu besoin d’électricité pour des projets. » Début de l’histoire. Autant dire que devoir raconter sa chute ne la rendait pas des plus amusées ou coopératives. « J’ai utilisé celle du générateur des militaires. Et j’ai voulu pirater leur réseau. » En soi, une idée assez simple, basique pour elle. « Je ne pensais pas qu’il serait aussi protégé, et que quelqu’un parviendrait à me traquer en retour. »

S’était-elle sentie trop puissante pour envisager cette idée ? A Arcadia, la protection des données, du numérique, ce n’était guère le cheval de guerre des autorités. Jusqu’ici, tout avait été trop simple. Comment pouvait-elle s’attendre à avoir une telle montée en connaissances chez les péons ? « Ils ont débarqué dans l’appartement du coup. Ils ont dû perquisitionner et récupérer les ordinateurs. » Pause. « Même s’ils sont vides. » Elle haussa les épaules doucement. « Après, s’ils arrivent à savoir que j’ai été sur des lieux interdits au public… » Elle n’avait pas eu le temps de s’occuper de toutes les images. Du moins, s’il y en avait…