in the back of my head (ayo+sahar) - Sam 16 Juin - 13:05
in the back of my head
Is my heart breaking or do I have one at all? Am I feeling or faking, I don’t know anymore. What’s in the back of my head? It’s just like white noise or a demon under his breath telling me it’s time to dance with death.
Un soupir se glisse entre mes lèvres avant que je ne parvienne à le retenir. Il s’échappe, petite bulle d’air tiède ; j’en vois presque la couleur grisâtre se répandre devant moi comme un écran de fumée, un filtre d’émotions ambiguës qui m’empêche d’appréhender le monde directement, me force à l’engager par le prisme sans cesse changeant de mes ressentis. D’une main distraite, je tente de dissiper cette image étrange générée par mon cerveau flouté, et je pousse la porte du cabinet. Mes pas sont surs, mes talons claquent sur le parquet, mon port est altier et mon regard perçant : évidemment, j’utilise tous les outils que mon éducation a mis à ma disposition pour cacher l’incessant vacarme interne qui m’exténue. Avec un sourire et un salut de la tête à la secrétaire, je m’installe sur l’un des fauteuils sobre de la salle d’attente. Mécaniquement, je croise mes jambes, révélant le galbe de mes mollets par la fente de ma robe entrouverte par ce geste, et j’y pose deux bras indolemment croisés l’un sur l’autre. Les secondes s’écoulent dans ce silence, jusqu’à ce que l’apathie prenne possession de mon être. Je me bats : il faut rester vigilante, ne rien laisser paraître, toujours contrôler la gestuelle de ce corps que j’habite, maintenir l’illusion coûte que coûte. Peut-être est-ce l’âge et la fatigue grandissante ? Peut-être est-ce le cadre, l’approche de ma séance qui me pousse déjà à baisser mes barrières ? Peut-être est-ce la lassitude qui me gagne de plus en plus facilement, celle qui me murmure à l’oreille que mes efforts ne valent pas le coût ? Peut-être est-ce ma déesse qui se glisse lentement dans mon ventre, dans mon sang, dans mon épiderme, dans mon palpitant. Mes doigts dessinent des demi-cercles sur mon genou. Des demi-lunes. Des demi-cercles. Des arabesques. Mon esprit vagabonde, loin de cette pièce chaude, loin de cet immeuble blême, loin de cette ville engoncée dans son trop-plein divin. Mon esprit s’envole loin d’Arcadia, loin des Etats-Unis, loin de la planète Terre noyée dans son trop-plein d’humains. Il virevolte dans les cieux diurnes, trouve mes amies étoiles malgré leur illusoire disparition journalière, rebondit d’astre en astre pour finalement atterrir avec grâce sur celui qui me guide depuis le début, depuis toujours, sans même que je réalise l’attrait magnétique qu’il exerçait sur moi. La lune, mon foyer. Amas de roche douce sous mes doigts engourdis, lumière réfractaire palpable sous ma paume vibrante. Je n’ai pas réalisé que mes paupières s’étaient fermées, qu’elles m’offraient une toile noire où dessiner mes fantasmes avec de larges traits de lumière lunaire. Les flashs m’éblouissent au début, puis ils prennent forme et semblent me caresser les joues avec une tendresse maternelle d’un genre qui m’est inconnu. Une tendresse sans attente, sans limites, sans conditions. « Sahar Habib? » L’appel résonne dans la salle d’attente. L’interjection m’extirpe de ma transe, m’arrache du rêve d’un coup sec, comme ma mère m’a appris à retirer les pansements. Les syllabes détachées, ce nom qui ne m’appartient pas, m’ancrent au réel de l’instant, son poids douloureusement rappelé à ma conscience, comme un véritable boulet accroché à ma cheville. Je me force à inspirer, l’air fait craquer les bords de ma cage thoracique, la bulle pèse sur mon estomac. Un sourire fin se glisse sur mes lèvres comme une lame les effleurant avec une douceur âcre, laissant une fine ligne rougie extraire goutte à goutte mon essence vitale. Je me redresse et tends ma main à la jeune femme qui me fait face. Le docteur Adams. Je plonge mon regard dans le sien, aussi sombre l’un que l’autre ; un choc presque électrique me traverse, et je sais à cet instant que ma séance a commencé.