TEMPTATION

YULIYA & MAIREAD

 Cela fait une dizaine de jours. Une dizaine de jours et je n’ai pas encore eu l’occasion d’aller cramer celui qui m’a rendu inapte à défendre ma Reine, que la soirée de Bellandi a viré au cauchemar et où on a appris que les Titans pour se trouver parmi nous. Quel gaspillage quand on y pense, on aurait pu en savoir tellement plus. Je suis frustrée, je voulais comprendre ce qui se passait avec Mendes, je voulais en savoir davantage. On n’aura sans doute plus jamais l’occasion d’avoir des réponses. Et puis il y a l’homme qui s’est jeté du moi. Je revois ses mains devenir des scalpels et venir découper ma peau, ma chair avec une telle facilité. Son regard était féroce, il a voulu m’empêcher de faire griller son chef. S’il n’avait pas été là Joaquin brûlerait en enfer à l’heure qu’il est et je suis sûre que l’on aurait percé à jour les mystères qui entourent tous les sacrifices de Mendes. Le destin semble en avoir décidé autrement. Ma frustration n’est toujours as redescendu. Je suis restée deux jours, épuisée, après avoir fini quasiment égorgée. Une part de moi ne s’en plaint pas vraiment Alan était aux petits soins. Je crois qu’il a vraiment eu peur de me perdre. J’ai aussi eu peur de mourir. Je pensais que j’allais y rester. Les talents de notre dieu thaumaturges sont sans failles, plus puissants qu’un thaumaturge cela est sûr, je n’ai presque aucune cicatrice au niveau de la gorge, simplement ma peau est légèrement plus claire, elle est neuve. Bientôt on ne verra plus rien. Je n’oublierais cependant jamais. Un jour, je sais que j’aurais ma vengeance. Je le veux et il n’est pas question qu’Alan la fasse pour moi, je suis une grande fille, je peux faire griller qui cela me chante. Pas besoin d’un chaperon. Je sais que cela part d’une bonne intention. Qu’il est lié à moi, je ferais sans doute la même chose, s’il manquait de clamser dans mes bras, je voudrais aller tuer celui qui l’a mis dans un tel état. Cependant, là c’est différent. C’est mon erreur, c’est moi qui n’ait pas anticipé cette attaque, j’aurais dû me douter qu’il se passerait quelque chose après l’explosion du mur de Ned. J’ai été distraite, distraite par une blonde qui se vidait elle aussi de son sang. C’est Fiona qui a voulu la sauver en premier, qui s’est approchée. On ne pouvait pas la laisser mourir comme ça, cela ne me dérange pas de voir la mort mais j’aime qu’elle ait un sens, celle de Yuliya n’en aurait pas eu. Alors j’ai fait ce que j’ai pu, j’ai tout mis en œuvre pour stopper son hémorragie comme je l’aurais fait avec Alan. C’est une erreur, je n’étais plus concentrée que le reste et je n’ai pas anticipé. Voilà ma bêtise. J’aurais dû interroger Mendes, je savais à qui on avait à faire, ses paroles étaient pleines de sens, il n’y avait pas de doutes à avoir. Pourtant mon esprit était ailleurs. Je ne suis pas médecin, ce n’était pas à moi d’agir mais aux autres membres de la Bratva. Pourtant… Je dois arrêter de me torturer avec cela. Ce qui est fait est fait. Je peux être fière car je crois que la Thaumaturge des russes était présente sur les lieux et qu’elle a pu agir dans les temps avant que la belle blonde ne meure d’une hémorragie interne. Cette soirée va être source de colère interne encore quelques semaines, c’est plus fort que moi, et si Joaquin avait décidé de tuer notre Reine ? Je ne me serais pas remise de la mort d’une autre de mes sœurs.

Je tente de calmer mes nerfs. J’ai besoin de décompresser. Je me rends au Teddybeer où j’espère croiser Ikkar. Un de mes repères. C’est l’un des barmans qui est derrière le bar, j’hésite à entrer mais je n’ai pas fait le chemin pour rien. Je me pose sur l’un des tabourets hauts qui contourne le comptoir. Je demande au barman que je connais bien un whisky avec un léger sourire. Je reçois rapidement le verre. Je fais tourner les glaçons dans le verre avant de me décider à prendre une gorgée. J’hésite, je fais un cul sec et sentant que la brûlure de l’alcool me fait un peu de bien, j’en commandé un nouveau. Alors que je reçois mon nouveau verre, je constate que je connais ma voisine de comptoir. Une blonde avec un visage familier, trop familier. Elle semble en meilleure forme que la précédente fois où je l’ai vu. Je pouffe en regardant mon verre, discrètement. « - Tu as meilleure mine que la dernière fois qu’on s’est croisé ! » Je souris, Yuliya est sublime, c’est le genre de femme qui doit le savoir, qui en joue, je me trompe ?

TEMPTATION

YULIYA & MAIREAD

 L’oublie. Voilà ce qui me donne envie. L’oublie. J’ai envie de ne penser à plus rien, de me laisser enivrer par les vapeurs d’alcool fort. J’ai envie d’oublier. En premier lieu, le Trianon, l’horreur des lieux, le massacre, le sang. Puis il y a le braquage. Alan, Augustin, ce passé trouble qui semble être toujours présent. Je suis en colère, frustrée, vexée, un tas d’émotions que je ne comprends pas. Je me rends compte de plein de choses. Alan. Alan, cet homme qui veut m’épouser mais que je ne connais pas. J’ai l’impression d’avoir un inconnu en face de moi. Comment suis-je censée lui dire oui après ce qu’il m’a fait, les choses qu’il ne m’a jamais dit ? Comment suis-je censée l’aimer ? Je n’ai jamais songé à me marier, c’était une condition trop extrême à mes yeux, depuis quand a-t-on besoin d’appartenir à l’autre pour tenir à lui ? Avoir des sentiments pour lui ? Cette idée m’a toujours paru complexe, absurde et pourtant le soir où Alan m’a demandé si on pouvait se marier, j’ai dit oui. Bêtement, sans penser que la suite des événements pourrait être bien plus compliqués. Ce braquage va avoir des conséquences, je le sais. En cambriolant une banque appartenant à la Nuova Camorra, on s’engage dans une querelle. Une guerre peut-être même. En tirant sur la récurrence d’Hermès, j’ai merdé, je le sais mais c’était lui ou moi, je sais qu’il ne m’aurait pas laissé en vie, juste pour faire chier Alan, il aurait pris gratuitement ma vie. Alors j’ai tiré. Je ne l’ai pas tué, j’aurais pu. Largement. Je lui ai laissé une chance de se barrer. Et puis j’ai appris des choses, des choses que j’aurais préféré ne pas connaître ses détails alors que la police était sur le point de se pointer. J’aurais voulu que ce soit Alan qui me déballe les détails de cette querelle et cela avant que j’accepte de m’engager dans un braquage qui aurait pu avoir notre peau à tous les deux. Je lui en veux de m’avoir caché cela, comme je m’en veux de ne pas avoir demandé les intérêts qu’il avait. J’ai pourtant senti quelque chose de différent quand il m’a parlé de ce braquage, j’étais fatiguée et je n’ai pas approfondi, une erreur de ma part que je ne suis pas prête de commettre à nouveau. J’avais confiance en Alan et maintenant je vais me retrouver avec un doute permanent le concernant. Ce n’est pas ce que je voulais, pas du tout.

Je me lamenterais presque autour de ce verre de whisky. J’espérais trouver mon meilleur ami derrière le comptoir mais forcée de constater qu’il ne bosse pas ce soir. Quel échec. Je vais boire en solitaire, parfois être seule a des avantages, je n’ai jamais détesté cela. Au contraire, on peut réfléchir. Rapidement une blonde prend place au comptoir à côté de moi. J’aurais voulu oublier son visage que cela m’aurait été impossible. Je l’aborde, elle semble être rétablie. C’est ce que je souligne alors que mes doigts pianotent sur le verre de whisky. Elle semble me reconnaître, j’esquisse un léger sourire. Elle est belle, elle est apprêtée. Elle se rappelle donc que je lui ai sauvé la vie, enfin presque, j’ai simplement fait en sorte qu’elle ne se vide pas de son sang, le reste c’est sa thaumathurge qui a dû s’en charger. Elle ne se souvient pas de mon prénom, forcément puisque je ne crois pas le lui avoir communiqué, je crois qu’on avait autre chose à faire lors de notre dernière rencontre. « - Maisy » Je lui donne mon surnom ; le prénom celte est déformé la plupart du temps. Autant lui donner celui que j’utilise le plus. « - Et désolée pour la douleur, je ne suis pas réputée pour être douce. » Alan le sait, il me le reproche parfois quand il vient se faire soigner dans ma cuisine. Je sais extraire des balles, cautériser des plaies mais jamais dans la dentelle. « - Je n’ai pas le souvenir de connaître ton prénom… » Un léger regard interrogateur, j’avance mon verre à mes lèvres, je sens la brûlure familière de l’alcool. L’effet aussi, doucement. Elle me propose un nouveau verre mais malheureusement le mien est toujours plein. J’arque un sourcil, presque étonnée, qui a dit qu’il était plein ? A nouveau, le verre s’approche de mes lèvres, je le bois cul verre et je le repose à côté du sien. « - Tu disais ? » Je passe au tutoiement. Je n’ai jamais été du genre à vouvoyer. Surtout pas dans un verre. J’attends alors son offre, on ne dit jamais non à un verre gratuit, je crois que c’est un peu le deal. Je me tourne un peu plus verre elle. « - C’est dommage, pendant que tu étais dans les vapes au trianon, tu as loupé le moment où j’ai moi aussi failli y rester. Drôle de soirée, je ne suis pas prête à remettre les pieds à un bal masqué. » L’ironie, à moitié sans doute. « - Je crois que définitivement, je préfère les bars dans ce genre, et toi qu’est-ce qui t’amène ici ? »