“the lost gods” & 

ploc

ploc 

ploc

le liquide rouge et chaud coule lentement sur le sol de la cuisine.

à côté de lui, une tomate écrasée et milles morceaux de porcelaine.

les yeux qui clignent, tentant de faire sens des événements tandis que la douleur commence à s'éveiller, remontant le long de ta main par vagues pulsatiles. après le vacarme, le silence est assourdissant.

la tomate n'était pas assez mûre, c'en était assez pour que le repas semble raté, l'inconcevable était arrivé. 

les oignons grésillaient doucement au fond de de la poêle, tandis que l'étrange créature en toi se réveille.

la tomate n'était pas assez mûre. 

tu ne pouvais pas faire de korma vegan sans tomates.

au creux de ta poitrine, le coeur qui s'agite, s'emballe, s'excite.

pas de tomate. pas de recette. pas de repas. pas de soirée. 

échec.

misérable échec.

un frisson brûlant qui remonte le long de ta colonne.

comme une envie d'étrangler quelqu'un.

la vision qui se brouille, la lumière aveuglante, les couleurs criardes.

un bruit déchire l'air de la fin d'après midi. un cri ou un rugissement, on ne saurait définir la nature du son sorti du fond de ta gorge.

déconnexion cognitive, fureur décomplexée.

un mouvement brusque et la tomate aux reflets verts s'écrase péniblement sur le carrelage. 

un autre et c'est l'assiette qui la rejoint.

puis un verre.

un vase.

une tasse.

une tâche.

le morceau de faïence s'est logé au creux de ta paume.

ploc

ploc

ploc


un rire nerveux.

et comme toujours, une vague nausée après la crise. honte et humiliation, perte de contrôle, perte de valeur.

la douleur sourde au creux de ta main comme une vague purificatrice.

avilissement de ton être, de ta foi. voeu d'ahimsa rompu, une fois de plus, une fois de trop.

capitulation nécessaire, la colère est remplacée par le dépit et le dépit par la résignation.

la main enveloppée dans un torchon sale, tu te sers un verre de vin. quitte à bafouer les plus simples principes jain, autant accompagner la décadence d'un rosé fruité.

quand plus rien ne va, la seule solution est de vivre comme une femme blanche de la classe moyenne se servant de ses latte et verres de rosé comme anxiolytiques avant son cours de yoga occidentalisé.

il est temps d'allumer une playlist au doux nom de 'calme et volupté'.

tu navigues entre les morceaux jonchant le sol de la cuisine, ignorant tout effet de ta crise, pour reprendre la recette, verre à la main.

figure baroque et absurde, digne d'un film de seconde zone, tentant de se raccrocher tant bien que mal au dernier bastion de stabilité dans une vie qui semble s'écroule lentement mais sûrement.

des tomates en boîte devront bien faire l'affaire pour aujourd'hui, et la dose d'épice qui atterrit dans la poêle suffirait à camoufler n'importe quel problème.
  
 

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