Sa nuit avait été agitée. Bien plus, qu'il ne l'aurait souhaité. Pourtant, seul les dieux savaient à quel point le jeune brésilien était fatigué. Fatigué de ses consultations qui s'enchaînaient à un rythme effréné depuis maintenant trois années non stop. Certes, il était reconnu pour ses compétences et ses capacités de thérapeute… Mais il commençait presque à en avoir marre de ces personnes qui se plaignaient pour quelques broutilles. La faculté aussi… À croire que de nombreux criminels et autres dérangés sexuels avaient élu domicile à Arcadia, de plus en plus d'étudiants étaient en demande de cours, tout comme la cour pénale de justice de ses interventions et donc de ses expertises. Il fallait ajouter à cela ses différents entraînements obligatoires à la salle de Vale Tudo – il n'avait certainement pas envie que l'on trouve la moindre faille de relâchement chez « la nouvelle recrue », il savait très bien, que c'était à ce moment précis que de jeunes mâles ou femelles lions attendait pour attaquer et prendre la place de l'alpha actuel. Sans parler de ses différentes missions personnelles qu'on lui donnait, afin de tester encore et toujours sa dévotion au clan. Pas le temps de respirer, pas le temps de réfléchir. Ce n'était même plus le rythme du métro, boulot, dodo… C'était bien pire. Et il priait presque tous les soirs depuis maintenant quelques mois, pour revenir à un rythme de croisière qui pouvait sembler normal.

Alors, imaginer deux secondes… Une vie éreintante avec de la difficulté à voir sa famille, ses amis ou même ses collègues, une fatigue physique et psychique intense qui s'installe et pourtant au lieu de tomber comme une vieille merde dans ce qui pouvait lui servir de lit, sa mauvaise bonne étoile avait d'autres projets pour lui. L'insomnie. Tout un programme. Vous savez, ce moment où vous êtes tellement fatigué que vous êtes prêt à vous endormir n'importe où, dans n'importe quelle position et pourtant, vous résistez, tout en vous disant que le repos du brave le soir-même serait d'autant plus mérité et apprécié. Mais finalement… Chienne de vie.


Ses yeux s'étaient à peine fermé 30 minutes et s'étaient ré-ouverts un quart d'heure avant que son réveil ne sonne. Il ne savait même plus quel était son programme de ce matin, tellement il était décalqué. Il s'était avancé dans sa salle de bain, jetant un bref regard dans la glace… Il faisait clairement peur. Habituellement aussi, mais seulement quand il décidait de jeter des éclairs avec ses yeux et de faire ses yeux noirs injectés d'encre, tristement célèbre pour certain. Habituellement, son teint hâlé, sa peau bronzée lui donnait toujours l'avantage de paraître agréable, rayonnant… Un cliché de plus, mais qui avait eu par le passé, l'audace de lui servir. Mais ce matin, il savait que c'était peine perdue. Malgré une bonne demi-heure sous la douche, alternant les températures extrêmes histoire de bien se réveiller et d'être requinqué pour la journée, il savait que sa mine allait être affreuse, quoi qu'il ferait et que très certainement son moral allait en faire de même. Il détestait ça.


Sur le chemin de la prison, il s'arrêtait boire un café en terrasse. Le temps était très frais, à la limite des gelées. Mais il en avait envie et il ne valait mieux pas contrarier un homme grincheux et encore moins Cruz. Le fils de pute qu'il était censé analyser ce matin (et rencontrer pour la première fois par la même occasion) avait détenu trois femmes et un homme dans un abri sous-terrain, antiatomique. Il les avait séquestrés, violé, violenté et avait même eu deux enfants avec l'une de ses détenus (dont un qu'il avait noyé, parce qu'il pleurait de trop). Cette affaire avait durée quatorze années, alors qu'il ait une ou deux heures de retard, cela ne lui faisait ni chaud, ni froid.

Le café noir, allongé commandé, il touillait un liquide vide de sucre ajouté. Perdu dans ses pensées… C'était maintenant que cela allait être compliqué, son corps réclamait son lit, son esprit aussi. Mais cela allait devoir attendre.