Qui aurait pu seulement envisager, en les trouvant face à face, qu'elles étaient issues d'une même lignée? Qui aurait pu seulement concevoir la pensée qu'elles puissent être soeurs? La pensée la traversait chaque fois qu'elle posait les yeux sur l'aînée, encore stupéfaite de la succession de miracles qui lui avaient donné Silena - et plus récemment, Medena. Silena, astre déposé sur la terre, étoile offerte aux hommes. Silena, ange de blondeur aristocratique face à la sauvage sombreur de ses cadettes les plus exotiques. L'aînée, la seule, alors même qu'elle continuait à se percevoir comme matriarche de la famille. Une partie d'elle, pourtant. Qui s'était imposée, et dont elle ne saurait plus se défaire. Comme l'être qui croissait sous son nombril. Comme la fille qui croissait sous son nombril. Les doigts se posent sur le ventre qui s'arrondit, dans un geste protecteur - et viennent ensuite trouver l'épaule blessée, traversée d'une balle et aussitôt ressoudée, et pourtant siège de démangeaisons nerveuses. Douleurs fantômes. Elle n'avait toujours pas compris pourquoi. Mais elle balaie les pensées d'un mouvement de tête, la jordanienne. Ce n'est pas pour parler langes ou tentatives d'assassinat qu'elle est venue trouver sa soeur dans le musée qui était son domaine - leur domaine à toutes. C'est la statuaire égyptienne qui l'intéresse - et les connaissances de l'aînée en la matière. Alors elle parcourt les allées du musées du pas de celle qui s'y sait à sa place, ne tarde pas à trouver les cheveux blonds recherchés, et c'est son visage qui se fend d'un sourire sincère. 'Lena. Ça fait toujours plaisir de te voir, beauté.' Elle s'empare du coude de son aînée, l'entraîne vers son bureau, loin des caméras du musée - et, à l'abri dans l'antre de la blonde, elle dévoile l'outchebi qu'elle dissimulait auparavant dans une sacoche. Email précieux terni par le temps, jade et feuille d'or. 'Cadeau. Si tu peux me l'estimer, il est à toi.'
