Ashmill, quartier russe que tu sais dangereux, même pour un homme qui a l’habitude de traiter avec ses habitants. Il est tôt ce matin-là Èliakim, mais c’est d’un pas décidé que tu te diriges vers le petit café central du quartier, celui où les rumeurs courent lorsque l’aurore pointe le bout de son nez et les secrets de la nuit sont dévoilés. Ce qui se passe à Ashmill quand la lune est haute, ça ressort quelques heures plus tard autour d’un café et d’une part de gâteau traditionnel, femmes qui aiment discuter des horreurs perpétrées par la Bratva, hommes qui sont fiers de savoir que les leurs ont encore frappé fort. C’est devenu une habitude Èlia, deux matins par semaine, tu te rends dans divers coffee shop, prend un mug, quelques douceurs et t’arranges pour être au centre d’un groupe d’anciens. L’oreille attentive, le visage presque chaleureux, ici tu commences à être connu comme le loup blanc. Celui qu’on sait différent mais qui fait parti du peuple à force de vivre parmi ses homologues. Tu aides les russes à tenir leurs compte en ordre, les évitant de se faire prendre par des personnes de ton acabit. Maitre des chiffres, contrôleur du fisc, tu changes les neuf en zéro, place des virgules ailleurs et fait que tout est en ordre si quelqu’un venait foutre son nez dans les affaires de tes clients. Autant tu fais du bon boulot pour ceux qui ne t’intéressent pas, autant pour les membres de la Bratva, tu met des oeillères, voir même un bandage sur le regard, pour ne pas voir toutes les folies qui font exploser leurs chiffre d’affaires. Ils savent que tu sais Èlia, que tu connais leurs allégeance divine, que la mafia ne fait pas seulement dans les oeuvres de charités, mais après 6ans à te hisser dans leur rang comme une aide notoire, ils te font confiance. Du moins, assez pour te laisser en vie.
Il y a du brouillard ce matin, Salomé a encore passé la nuit dehors, à gambader sous la volonté de sa divinité et ça te fait mal chaque jour un peu plus, de savoir que ton sang est sous le joug d’une puissance que tu exècres. Ton âme d’agent  te quémande de la faire disparaitre, de lui arracher cet éclat divin, de mettre fin à ses souffrances, mais le père lui, est incapable de ça. C’est ton enfant, ta chair, ta petite Salomé. La tuer deviendra obligatoire si elle ne se maitrise pas. La tuer sonnerait la fin de ton propre myocarde Èliakim. Alors même avec elle, tu drapes tes yeux d’un mince tissu noir, tu te mets aussi des oeillères, tu bouches tes oreilles et t’empêches de crier. De rage, de honte et de colère, de les avoir laissé prendre la seule chose qui comptait à tes yeux. Ta Salomé, ta lumière, ton enfant devenu ton ennemi. La proie que tu tentes de faire tomber depuis tant d’années.

Café de commandé, ici on sait que tu adores les pâtisseries faites maison, surtout les skazka qui sont végétaliennes et qui te permettent d'en dévorer sans aucune honte. Assis à une table, journal du matin en main, portable posé sur le bois élimé, tu simules l’attitude parfaite de l’homme qui n’en a rien à foutre de toutes ces conversations matinales. Et pourtant, même à 7h du matin, le cerveau est en ébullition, l’attention portée à chaque mot murmuré, à chaque visage fatigué, à chaque silhouette qui entre dans le coffee shop, prêt à murmurer les vérités qui ont fait exploser les rues d’Arcadia la nuit passée.