Soirée paisible chez les Madden. Le plat de Mac’n’cheese a été nettoyé jusqu’au dernier micro-bout de macaroni et de fromage fondu par Rex, le golden retriever de cinq ans qu’Elsie a adopté quand il était encore un petit chiot. Le lave-vaisselle tourne et ronronne dans la cuisine. Luke dort à poings fermés, Madeleine a fini par éteindre et Gareth est barricadé dans sa chambre. Elsie s’affale dans le canapé défraichi après avoir posé sa tasse de thé désormais tiède sur la table basse, soupire et se tord le cou pour dévisager Hans, assis dans un fauteuil. « Bien joué tout à l’heure, Numéro Un a daigné sourire et sortir de son mutisme grâce à toi. Faudra que tu m’expliques comment tu fais, un jour… » Le sourire est tendre, affectueux. Ils ont passé une bonne soirée, Illuka a même accepté de manger ses légumes sans qu’il faille lui faire de prise de catch. C’est dans ces moments-là qu’elle se rappelle pourquoi elle l’a épousé, Monsieur Madden : quand elle le regarde à l’autre bout de la table, à faire le pitre pour faire rire leurs enfants, quand elle le couve de ses yeux plein d’amour. Et pourtant, il y a quand même une ombre au tableau. Elle le sent parce qu’elle le connaît, parce qu’ils sont un peu des étrangers depuis qu’il est sorti de prison, mais parce qu’ils ont vécu ensemble de longues années déjà.  

Alors elle se redresse, se retourne sur le canapé, ventre contre les coussins d’assise, coudes sur l’accoudoir le plus proche d’Hans. Elle étire le cou, les billes sombres dardées sur son époux, et elle l’interroge, dans le silence du salon bercé par les ronflements du chien dans son panier.  « Qu’est-ce qu’il y a ? À quoi tu penses, pour être si sombre, d’un coup ? »  Elle s'inquiète, et en son sein, c'est l'écureuil mythique qui est aux aguets, prêt à déguerpir au moindre grondement du tonnerre.