Carcasse culbutée des poings, phalanges meurtrières, côtes brisées, suffoque à l'inspiration. Salope, qu'exècre l'autre, saisit sans plus attendre la tignasse avec brutalité, la force à s'agenouiller, elle, l'hérétique, l'hérésie. Pointe déjà sans plus attendre, un revolver de collection contre sa jugulaire, étrangle d'une pression le rire qui commence à poindre, résigné. Ne pense plus un seul instant à la correspondance interrompue, au point de rendez-vous où il pensera la découvrir à l'attendre pour cette fameuse petite escapade. Elle aurait voulu le voir, ce putain de soleil couchant, s'endormir une dernière fois contre sa peau. Elle sait. Cette fois, tu ne t'en sortiras pas.  

Bras ballants, les pans de la chemise dansent au vent. Et j'attends. Je l'attends. Que la dulcinée vienne et que l'ombre se chasse, face à ce bonheur insolent qui, jamais ne s'efface. Mais il ne vient pas. Il ne viendra pas. Je dois aller à lui. Elle ne peut pas être loin, non. Au détour de la rue, là voilà à genoux. Le sang qui dégouline, les gouttes qui s'écrasent et le rire qui s'envole. Plutôt mourir que la voir prendre ma place. La supplique se dessine et implore. « Prends ma vie plutôt qu'la sienne. »

(102 mots)

Soupçons d'horreur, les rires cessent à l'apparition fugace, polyphonie complainte que les suppliques qui se mêlent et qu'elle se met à crier, bien moins à rire. Non. Se refuse à le laisser approcher, à accepter que le coup parte ou que l'autre ne puisse porter atteinte à l'unique. Ils ne leur prendront pas ce bonheur pour lequel ils ont tant lutté. Morsure glacée du canon sur la gorge, étouffe un sanglot en pressentant l'attendrissement de l'index sur la détente. « Va t'en, te dis-je. Va t'en ! Je te l'ordonne. » qu'elle hurle, le timbre brisé par des milliers de larmes.

Le spectacle ne tardera pas à se vêtir de couleurs macabres, aux tons carmins et aux ombres morbides. Mais le rideau ne s'abattra par sur la promise. Il ne devait pas s'abattre. Au son de ses cris, aux chutes de ses larmes qui perlent, en écho des pas, les miens. La détente menace, l'homme change de cible. Sourire à la supplique, clin d'oeil mutin au deuil qui menace de se porter. Mains tendues, sujétion éphémère, je prie pour que le leurre prenne. L'arme chargée, l'égide invisible activée, le coup part.

(96 mots)

Au coup qui part, le corps qui bouscule l'assaillant, le fait lourdement chuter pour l'empêcher de viser juste. Trop tard, le mal est fait, le coup part et atteint l'amant – dévie du cœur, vise l'abdomen dont quelques artères suffiraient à le laisser se vider de son sang, meurtrissure au dénouement sans équivoque. Il ne peut, il ne peut l'abandonner ainsi une nouvelle fois. Et elle hurle tandis que le chaos prend sa part, Antigone, elle hurle pour qu'on ne lui prenne pas, désarme non sans difficulté l'un de ceux qui tentent de l'immobiliser à nouveau, catin muée en furie.

Aux heurs qui s'élèvent, au cor qui résonne, le coup part mais l'ichor ne coule pas. Pas aujourd'hui, penserons les présomptueux et les audacieux. Les fous, eux, crient. La balle qui ricoche et je me relève, mais les cris sont de biens maigres ficelles qui ne retiennent pas la belle de se plonger dans les ronces mortelles. Alors c'est le Dieu qui s'impose et l'eau crasseuse qui s'infiltre dans ses poumons. Il lutte, le malfrat. Il résiste, le scélérat. Mais qui saurait vaincre face à ces deux maudits ? Un deuxième coup part, peut-être ai-je parlé trop vite.

(106 mots)

opportunité saisie sans hésitation, comme la vie qu'elle mord à pleine dent. s'empare de l'arme, assassine, ne laissera personne lui prendre l'aimé. vise, la pogne qui ne tremble plus que de la fureur adrénaline, tire au cœur. premier assaillant qui s'effondre, palpitant brisé. la belle image, l'équivoque en miroir du sien qui n'va pas s'éterniser. s'il faut qu'elle y laisse la vie, ainsi soit-il, le sort soit-il jeté sur sa carne. elle n'a pas mérité grand chose, antigone – mourir pourtant, lui semble tout désigné, lorsque dans un dernier élan, elle protège le corps du sien et s'immobilise, les yeux grands ouverts, poupée lestée. c'en est fini, de la vilaine petite antigone qui n'aura jamais été si belle que dans la mort embrassée.

(123 mots)