Le soleil réchauffe sa couenne et elle ouvre les yeux sur du vide à ses côtés. Le front se pare d'un pli inquiet, elle grogne, roule et finit par quitter les draps. L'odeur du café la guide. Dans la cuisine, se trouve l'objet de ses recherches, chemise ouverte dont les pans peinent à cacher la poitrine dénudée. Sourire mutin qui s'esquisse, la rousse glisse sa main sous le tissu pour caresser la carne nue : « Ben alors, tu me laisses seule au lit ? Et tu piques mes affaires sans me demander ? » Et son cœur, sans le dire.

C'était une connerie. Regrets ? Non. Ùna n'regrette jamais rien. Peut-être qu'elle aurait mieux fait d'y réfléchir à deux fois, mais maintenant, c'est fait. Autant assumer tout de suite. Rouquine lovée au cœur des draps qu'elle délaisse précipitamment à l'aurore dévoilée – peur de s'éveiller à ses côtés. Amertume de la caféine qui apaise le palpitant, arythmie caractéristique. Pas le temps d'oublier. Pas le temps de filer en douce. Déjà, les pas résonnent, et le faciès poupin apparaît dans l'encadrement de la porte. Pas de sourire, rien qu'un frisson à l'effleurement des soies. « Je suis presque sûre que c'est mon chemisier. »

L'outrecuidante nie l'appropriation vestimentaire et Sinead sourit de plus belle, les paumes qui glissent jusque sur l'échine de la brune. On se toise, on se cherche, on se ment. Elle qui a émergé buste nu de sous les draps fait la quête de chaleur humaine auprès de sa compagne, les dermes qui se frôlent et se pressent. « T'arrives même pas à le fermer et on sait très bien qui a les plus gros seins. », argumente la chevelure cuprifère, appréciative. Enlaçant la sculpturale héroïne, Reed sent pourtant le vent tourner. « J'peux y aller, si tu veux. »

Elle est vulgaire, Sin – pas que ça lui déplaise. Simplement qu'il faut trouver des arguments, accepter de trouver des vices, pour tout cacher et ne rien dévoiler. Refus d’obtempérer, de reconnaître que les cœurs peuvent se lier malgré eux, comme si ça allait la tuer. Peut-être que ce serait le cas, finalement. Alors elle se tait, Una, lorsque la rouquine l'enlace et qu'elle se complaît malgré elle contre sa chaleur, laisse échapper un semi-grognement du bout des lèvres qui lui coûte plus qu'il ne le devrait, maigre tentative de la retenir sans l'avouer.

« Ne sois pas idiote. »

En faisant miroiter son départ, elle est parvenue à terrasser le dragon féminin et a vaincu les réticences qui pouvaient faire obstacle. Elle se hisse sur la pointe des pieds : ses lippes sont conquérantes et, puisque la victoire est acquise, éraflent la bouche qui a énoncé sa reddition. Loin de vouloir planter un drapeau ou marquer son territoire au vu et su de tous, Sinead se complaît dans cette affaire privée et ne libère pas encore sa prisonnière : « Tu me promets que si je te lâche, tu ne disparaîtras pas ? » C'est qu'elles partagent cette peur de l'abandon.

« J'ai l'air de vouloir partir ? » qu'elle gronde, comme si elle voulait prétexter l'hallucination, omettant ses propres exactions ; le fait qu'elle cherche déjà ses affaires, le fait qu'elle voudrait disparaître plutôt que d'accepter des émotions qui remuent viscères et tripes par trop d'excédent. Elle n'aime pas, ça non – qui aime encore, de nos jours ? Sentimentalisme navrant dont semble éprise la compagne de quelques nuitées révolues, comme elle se promet à nouveau de ne plus céder à ses bras ouverts, à ses airs complaisants. « C'est plutôt à toi que je devrais dire ça, non ? »

Un sourcil arqué à la question rhétorique de la brune, que Sinead dévisage avec un rictus narquois. Évidemment qu'elle a voulu mettre les voiles, ça se sent. La rouquine recule pour mieux admirer sa compagne de l'instant. Sans être auréolée du divin, Ùna est autre chose. La rage dans ses veines et le feu dans ses yeux sont une combinaison enivrante. La déesse se frotte les yeux, se verse une tasse de café, noir comme la crinière de l'amante, en hume le fumet. « À réitérer l'expérience, j'avoue trahir ma réputation. » De volage, la voilà encagée.

petit animal qui ne tremblera pas, n'avouera jamais ce qu'elles savent toutes les deux. ce serait pourtant si facile de mentir – d'attendre qu'elle se rendorme pour se glisser à travers la fenêtre entrebâillée. disparaître sans laisser de traces, refus d'avouer que l'engagement lui est insupportable. elle n'veut pas, ne serait-ce qu'en entendre parler et pourtant, la rouquine a l'air d'attendre quelque chose. subsiste dans sa vie comme un pansement au cœur qu'on oserait pas arracher, d'un coup sec. « yu as une réputation à tenir, c'est vrai. » pars. pars avant que moi, je ne doive le faire, que gronde le palpitant agacé.