tous les assassins d'naguère sont des héros s'ils gagnent la guerre
c'est une figure indélicate, un corps transparent de vie qui s'agite avec une vigueur étrange ; il semblerait qu'on lui accorde un étrange attachement. déjà plusieurs jours qu'il est là marvel, à traîner des pieds depuis sa voiture, puis jusqu'à l'accueil où il montre son badge avec sa tête de déterré et ensuite jusqu'à votre bureau. oui cela fait un rien de temps qu'il est le fantôme de ces lieux. tamisé par des lumières bien rectilignes (là où il est flou), des héros du peuple qui déambulent sans peine et qui font pardonner les accusés à tort, il ne veut que retourner dans son appartement avec ses volets fermés et vivre séquestré par son propre mal. son bourreau est sa propre silhouette et sa sentence se résume à se morfondre dans sa calamité personnelle. son échec en tant qu'humain et d'existence.
avec sa chemise bien blanche pour une fois bien repassée (sa mère ne l'aurait pas laissé se présenter débraillé, il n'est pas question de vous faire honte alors qu'elle vous a confié son précieux rejeton) il s'avance dans une morne routine. baisser les yeux. serrer les doigts autour des deux gobelets de café encore brûlant, les nouer pour ne pas laisser transparaître ses éclats de mal-être dans un lieu aussi sain - il s'est promis que tout irait bien. il doit montrer qu'il n'est pas qu'un adolescent mal dans sa peau. il glisse sur ses lèvres un sourire bien fait, un sourire dessiné suintant d'une fausseté qui s’accommode parfaitement à l'uniformité terrible des lieux. il toque deux coups, faiblards mais existants, et ouvre avec un peu de mal la porte du bout du coude sans se soucier du regard d'autrui. bonjour monsieur herd. sa simplicité serait presque élégante s'il n'était pas un aussi morne personnage. il dépose un des deux gobelets sur votre bureau sans un mot, un rituel silencieux, et se retourne pour fermer la porte derrière lui.
sans jamais croiser votre regard.
il va s'asseoir dans un fauteuil qu'il a sciemment positionné dans un coin du bureau, assez loin pour être dans sa bulle mais assez prêt pour vous entendre sans qu'il y'ait à hurler. marvel trouve là un très grand intérêt dans le liquide encore brûlant qui fume. quelque chose qu'il n'aurait pas deviné trouver s'il ne permettait pas d'échapper à la prison des prunelles - ah quelle tragédie d'être condamné à zieuter le sol.
vous avez quoi de prévu aujourd'hui ?
ce n'est pas que c'est l'intéresse - mais c'est le piquant de l'obligation pour ne décevoir personne.
Avoir un stagiaire dans les pattes n'était pas pour ravir Dwayne. Le juge en avait déjà accueilli par le passé - des étudiants en droit qui savaient un minimum où ils mettaient les pieds - mais Marvel était loin de correspondre au profil et sa candidature aurait certainement finie à la poubelle si seulement il y en avait eu une. Deux coups timides résonnent contre la porte ; regard avenant de l'homme qui ne rencontre pas celui de son vis-à-vis, yeux juvéniles sans cesse plongés dans le vide. Irruption timide du nouveau prédisposé-au-café dans l'antre du juge dissolu. Présence fantomatique drapée dans sa chemise blanche, Marvel fuit les pupilles comme si celles-ci étaient aptes à le fusiller sur place. Les commentaires vont bon train dans le tribunal depuis que le gamin se traînent dans les couloirs, * Il est bizarre le nouveau stagiaire de monsieur Hern *. Le gosse se comporte t-il toujours ainsi ou bien est-il particulièrement mal à l'aise de se retrouver ici ? Dwayne l'ignore et ne s'en formalise pas outre mesure. Le juge a déjà fort à faire avec les personnes qui se succèdent dans sa salle d'audience pour ne pas analyser en plus les comportements de l'enfant.
« Bonjour Marvel », voix claire et assurée qui tranche avec les paroles timides du gosse invisible. « Merci », liquide noir et bienvenu posé devant les yeux du juge, Marvel ferme la porte et va s’asseoir à l’écart. Distance mise entre le bourreau présupposé et le stagiaire effacé. Dwayne se redresse, cale son dos sur le dossier de sa chaise et tourne les yeux vers le jeune subalterne. « T'es pas obligé d'aller t’asseoir si loin, tu sais. » Sourire qui se dessine sous la barbe de l'homme mûr ; amabilité déniée au profit de l'observation du parquet. « Je voulais te montrer quelque chose mais ça va être compliqué si tu restes à l'autre bout de la pièce. » Gorgée de café qui brûle sensiblement le gosier, Dwayne s'étire pour chasser les fourmillements qui courent dans ses membres. L'homme est au bureau depuis plusieurs heures et l'arrivée de Marvel lui donne l'occasion de sortir le nez de ses dossiers.
« J'ai une audience de 10 à 12, j'ai vu avec Norma Simmons pour que tu ailles avec elle pendant ce temps. Elle est greffière, elle t'expliquera ce qu'elle fait. Son bureau est au deuxième étage, ça te va ? » Regard qui cherche l'acquiescement dans celui du jeune adulte. En vain. Les sourcils se froncent, le regard devient inquisiteur l'espace d'une demie-seconde avant de se radoucir d'un battement de cils. Marvel ne semble pas plus ravi d'être ici que Dwayne de devoir honorer le service promis à sa famille. Le môme ne le dérange pas en soit mais s'occuper d'un stagiaire est une tâche dont il se serait volontiers passé dans son planning déjà bien rempli.
