Des nausées montent lorsqu'elle s'imagine les corps mutilés. Le sang qui recouvre les membres. La scène est morbide, insoutenable. Elle vient de passer une journée quasiment entière à parler avec deux personnes.
Milena. Poupée de la famille, promise au dieu nuit, princesse vouée au pire pour que la vedmak se protège.
Alfonso. Homme de la Nuova Camorra, l'un de ceux qu'il ne faut pas approcher, le sauvé qui lui doit la vie.
Elle utilise ceux qui ne se servent pas d'elle ; et les hautes têtes, celles qui contrôlent tout, elle n'arrive même pas à les atteindre. Ou du moins, trop naïve et confiante, Malkina ne s'imagine pas à la place de l'objet.
Et pourtant.
Ses yeux sont de couleur sang à cause des larmes. Son t-shirt est humide. On dirait une pauvre fille déprimée après le départ de son homme ; mais en réalité, c'est une gamine perdue qui croyait aux paroles de sa mère.
Il ne t'arrivera jamais rien, à toi comme à tous les autres, qu'elle disait. Vieille femme morte trop tôt, laissant la jeune et fraîche oracle devenir vedmak, laissant l’oisillon prendre son premier envol sans que sa mère ne puisse le sauver. Fragiles épaules, plusieurs vies dansent entre ses mains. Inconsciente. Un homme entre dans la boutique sans toquer, sans prendre la peine de dire bonsoir, il claque à l'enfant-lune des mots qui traversent sa colonne. «
Elle m'a envoyé te chercher. Dépêche-toi, vedmak. » Son accent russe se fait particulièrement ressentir. Malkina ne bronche pas sachant pertinemment ce que l'Elle voulait dire. L'enfant se lève, agrippe son sac (contenant un bric-à-brac énorme et son deck de Tarot). Pouchkine fixe l'individu quelques secondes avant de passer la porte en première, déçue que celle considérée comme sa nouvelle figure maternelle lui cache des choses.
L'immeuble est immense. C'est un hôtel d'après l'accueil et l'extérieur ; mais l'ambiance n'est pas luxueuse, d'avantage tendue et violente. Le personnel regarde de haut en bas la nouvelle arrivante, comme peu habitué de voir un autre visage que celui d'Oksana et Avgust.
Elle compte les marches, deux hommes lui refusent l’ascenseur.
Elle monte les étages, son cœur bat plus vite.
Une porte.
La porte.
Son poing vient claquer contre le bois trois ou quatre fois. Pas de réponse ; elle s'élance, rien à perdre, vie protégée en ces murs. Logiquement. Malkina pousse lentement le morceau de bois qui la sépare de la mère, tout est assez sombre, les lumières n'éclairent pas énormément. «
Oksana ? » Toujours rien. Plus elle s'avance, plus Pouchkine se sent à l'étroit, comme en présence de quelque chose qu'elle ne devrait pas voir ou connaître.
Son souffle se ralentit, elle commence à perdre l'équilibre, se rattrape de justesse à un meuble. Dans le lit, devant elle, le père et la mère dansent sous les draps. Elle tourne rapidement la tête ne sachant pas s'il s'agissait d'une vision ou de la réalité, posant immédiatement sa main sur sa bouche, prête à vomir. «
je-je suis désolée, je-je pars tout de suite, je- » Paupières recourant ses iris elle recule, bousculant ainsi la dangereuse.
«
C'est une vision. »
AVENGEDINCHAINS