I remember dancing in the pouring rain.


I remember dancing in the pouring rain
Calling you up just to say your name
We felt like lovers
Regarde un peu tout ce qu'on laisse derrière
Sous nos yeux on a bâti un enfer
C’était juste hier

- - - - - - - - - - -

Cian Scully & Siobhan Kearney (guest starring Caleb O'Sullivan)

Par la fenêtre entrouverte, l’herboriste contemple la pluie fine qui s’abat sur les toits éclairés d’Arcadia. Encore brûlants de leur journée de canicule, les tuiles et le béton fument sous les eaux salvatrices et le changement brutal de température. Un courant d’air file de la chambre au salon et rafraîchit l’appartement dans lequel elle se tient, perché au dernier étage. La brise délectable se mue bientôt en rafales, et l’orage entonne ses premiers grognements dans le lointain.

Dépourvus de protection, les doigts nus de l’Enchanteresse glissent dans sa chevelure et apprécient leur liberté. Elle savoure ce moment, la fraîcheur qui s’engouffre après un après-midi insoutenable, le coeur battant pourtant la chamade. A l’unisson des coups qu’on frappe soudain à sa porte, et qui sonnent le départ. Sac à main sur l’épaule, cellulaire attrapé, elle se dépêche de fermer derrière elle les vitres et les volets. Un peu d’eau dans la gamelle du chat qui s’est habitué à sa vie de canapé, et la voilà campée sur le palier, embrassant son frère cadet alors qu’elle fait tinter ses clefs. « Faut qu’on y aille, ça a déjà dû commencer ». Et sur ce bon conseil, l’herboriste se hâte de verrouiller l’entrée, avant de dévaler les escaliers à la suite du jeune homme. « Ca ne me dérangerait pas d’arriver sur la fin », lui fait-elle remarquer en poussant le battant de l’immeuble. Un parapluie aux couleurs vives s’ouvre pour les abriter jusqu’à ce qu’ils regagnent l’auto, et le visage du benjamin se pare d’un sourire plaisantin : « En espérant qu’il ne soit pas trop amoché pour pouvoir te parler » ; regard noir de l’aînée pourtant bien incapable de lui en vouloir, et la voiture démarre en trombes sous le ciel ténébreux.


Dans les bas-fonds du Royaume, le couple improbable se fraye un chemin au milieu des hangars jusqu’au ring des combats clandestins. Si Phaedrig y a quelques fois accompagné leur père lorsqu’il tenait encore ce business d’une main de fer pour la mafia, Siobhàn y demeure un visage inconnu, ou presque. Malgré l’eau qui ruisselle dans sa crinière de rouille, l’élégance légendaire détonne au coeur du paysage. Ses gants revenus envelopper ses phalanges, elle se cramponne au bras d’un frère qui ne la quitte pas des yeux une seule seconde. « On monte, Caleb est au courant ». Pincement au coeur pour l’herboriste qui s’affranchit ce soir de tout jugement, elle opine et grimpe les marches grinçantes jusqu’à la place des rois. Le remplaçant d’Alan s’y trouve, récurrence d’un ami d’autrefois. Tandis que la foule scande les surnoms des adversaires, soulevant de gestes brusques la chaleur étouffante et la poussière, l’Enchanteresse s’approche du Maître des lieux avec douceur. Guidée par son frère, lui-même salué d’un lourd claquement d’épaules, elle tend sa main frêle et gantée au gradé ; « Bonsoir Caleb ». Colombe tombée dans la fange d’une famille reniée, elle se moque pourtant bien d’être vue en ces lieux et refuse à présent de se cacher. Un sourire fend ses lèvres tandis qu’elle remercie le Duc de son accueil, mais c’est un autre que son regard plongé en contrebas cherche à voir désespérément.    

I remember dancing in the pouring rain

I remember dancing in the pouring rain.


I remember dancing in the pouring rain
Calling you up just to say your name
We felt like lovers
Regarde un peu tout ce qu'on laisse derrière
Sous nos yeux on a bâti un enfer
C’était juste hier

- - - - - - - - - - -

Cian Scully & Siobhan Kearney (guest starring Caleb O'Sullivan)

Il devrait arrêter de combattre.

C’était la réflexion qui lui traversait l’esprit chaque jour de combat, chaque fois qu’il était convié à se rendre sur le ring. Cassandre avait réveillé en lui bien plus que des souvenirs et des traces brûlantes dans l’esprit. Il y avait les divers flashs, mêlés à ce nouveau talent de précognition. Certes, il n’était pas un oracle, pas comme la femme avait pu l’être. Juste, les iris percevaient les informations au-delà de ce qu’elles devaient, et le cerveau traitait le tout à une vitesse qui dépassait parfois l’exécution par les membres. Il pouvait anticiper, tout comme démêler le vrai du faux. Une telle capacité pouvait être entraînée par le commun des mortels, mentalistes se multipliant ces dernières années, mais était innée chez lui. Poussée à son extrême, elle bousillait pourtant les pensées de son possesseur. A ce point, ce n’était bientôt plus un don, mais une malédiction. Parce qu’il analysait tout. Et se rendait compte que le monde se perdait, mentait en permanence. Il n’y avait plus qu’à fermer les yeux, pour continuer d’offrir une chance à l’humanité…

Les yeux dérivèrent jusqu’au hangar duquel la lumière sortait. Dans un soupir, il s’en approcha, déjà au fait de la fin du combat qu’il mènerait dans quelques minutes. La victoire s’était dessinée devant ses yeux, impressions de déjà-vus qui lui apparaissaient. La pluie tombait sur la veste en cuir qu’il portait, seul vêtement à le protéger. L’eau dans ses cheveux, sur sa peau, lui importait peu.

Il se frayait un chemin parmi les corps, faisait fi des hurlements de la foule. Le combat précédent s’éternisait, aucun des deux combattants ne cherchant à finir l’autre. Pourtant, le reste souhaitait voir le sang coulé, les chairs arrachés par les ongles, les os brisés sous l’impulsion des muscles. L’être humain voulait du macabre, de l’horreur, des morts. C’était pour cela que les guerres revenaient sans cesse, ne s’arrêtaient jamais. Un coup d’épaule pour lui permettre de s’approcher au plus près du ring, et Cassandre sembla se réveiller soudainement. Le cerveau se remit à calculer, alors que la bataille devant lui touchait à sa fin. C’était ses sens qui lui parlaient, lui envoyaient les divers signaux. C’était le seul moment où la raison courbait l’échine, laissait l’instinct de la Princesse pleinement prendre possession de l’homme. A son grand dam, au vu des migraines qui le ravageaient les heures suivantes, au vu des auras qui brûlaient devant ses yeux. Tant que le pourpre restait loin de lui…

Combat précédent terminé, la place fut nettoyée avant de passer à la suite. A son combat. Il s’y glissa dans un silence voulu, faisant abstraction de la foule pressante. Eux voulaient une bataille. Lui voulait simplement en terminer pour ce soir, la fatigue s’accrochant sur ses traits. Un coup d’œil vers les loges, pour apercevoir le maître des lieux. Ancien combattant, il avait pris la place là-haut depuis peu, bien que cela ne soit pas étonnant. Puis le regard se reposa sur l’adversaire du jour. S’il ne payait pas de mine, l’instinct du militaire lui hurlait de se méfier, tandis que le cerveau accumulait déjà les informations. Dans son état, mieux valait mettre fin au combat rapidement.

La première attaque ne vint pas de Cian. L’autre tenta la vitesse, réussit à asséner un coup de poing droit dans le nez de l’irlandais. Finalement, il manquait peut-être d’un peu de réaction… Ou l’avait-il pris exprès, pour offrir l’illusion que le tout était équilibré ? Qu’importait, car malgré le sang s’écoulant dans la narine, la réplique ne se fit pas attendre. Un coup dans la tempe de la part du militaire, un pied qui s’écrasa dans l’estomac, et la main qui récupéra le poignet de l’autre, pour le tordre. Les actions avaient anticipé celles de son ennemi du jour, comme les fois précédentes. Si Cian n’était pas encore capable de gagner tous ces combats – notamment ceux face à Majken – il gagnait au fur et à mesure en puissance et respect. L’humanité enchaînait un boulet à ses pieds, mais si l’autre n’était pas assez fort ou rapide, l’irlandais reprendrait forcément le dessus. Si son état psychologique le lui permettait. Alors, depuis quelques mois, il progressait. Jusqu’à inquiéter, au vu de la réaction de son adversaire. Car la lame qu’il sortit, malgré le combat au corps-à-corps du soir, perturba un instant Cian. Rapidité soudaine de l’autre, avec l’arme blanche, et ce fut l’instinct de survie qui le sauva sur ce coup-là. Esquive, qui pourtant ne le fit pas s’échapper à la coupure le long de la joue, et la perte d’une mèche de cheveux.

En retour, le pied s’écrasa sur la poitrine de l’homme, quelques côtes se brisant sous l’impact de la lourde semelle, et il voltigea sur quelques mètres. Seulement quelques minutes pour un combat, mais sans que l’adversaire ne se relève.

Cian passa ses doigts sur son visage, percevant l’entaille, tout de même profonde. Un regard vers le sol, vers l’arme, et la colère traversa les pupilles. Instinct sanguinaire qu’il réprima douloureusement, ramassant quand même la lame. « Faites-le dégager. » Simple murmure à l’intention des hommes du Royaume présents pour surveiller les combats.

Il n’aurait pas dû venir ce soir.
 

I remember dancing in the pouring rain.


I remember dancing in the pouring rain
Calling you up just to say your name
We felt like lovers
Regarde un peu tout ce qu'on laisse derrière
Sous nos yeux on a bâti un enfer
C’était juste hier

- - - - - - - - - - -

Cian Scully & Siobhan Kearney (guest starring Caleb O'Sullivan)

Sous les lumières criardes, le sourire ravageur de son hôte ravive les mémoires endormies. Dans les contrées sauvages d’Irlande, son Dieu arborait le même. La ressemblance frappante saisit de nouveau l’Enchanteresse, qui s’abandonne aux souvenirs.
La présence de Dagda lui procure une étrange sensation de chaleur, un sentiment de paix intérieure bienvenu dans ce contexte qui ne lui sied guère. Figure professorale, quasiment paternelle, il lui évoque la richesse de l’esprit et Airmed se souvient de ses enseignements. Il a compté beaucoup pour elle. A perfectionné ses talents et connu la déesse enfant, accompagnant sa transition vers l’âge adulte. Comme un père lui a toujours manqué, le dieu était pour elle ce qui s’en rapprochait le plus.  

Sortie de ses pensées par le verre qu’on lui tend, l’herboriste sourit et remercie la prévenance de l’interlocuteur. Elle s’installe à l’endroit qu’il désigne, imitée par son frère, et n’attend pas pour tremper ses lèvres dans le liquide ambré. Nectar, une bouteille de son cru qui pour elle, prend des saveurs de pâtisserie. Elle s’amuse de l’ironie sans la faire remarquer, mais ne manque pas de s’étonner devant cette marque de respect. Ils devaient la considérer comme une invitée de prestige, pour lui servir la Boisson des Dieux quand tous les autres tournaient au Neptra ou à la bière. Peut-être un privilège pour les Kearney, enfants d’un ponte des combats clandestins aujourd’hui décédé.

Derniers coups qui résonnent, annonçant le prochain duel, et le Maître se lève pour marquer le départ. La divine l’accompagne, le regard en alerte, et vient crisper ses mains gantées autour de la rambarde. « Je suis venue voir quelqu’un » ; elle répond sobrement, mais Caleb n’a déjà plus son attention. Aux premières loges pour assister au choc de deux guerriers, elle en reconnaît un et son souffle se brise. « Scully, justement ». Jusqu’au coup de poing, elle détaille la silhouette qui esquive et redécouvre un corps perdu dans ses souvenirs.
L’Irlande et ses promesses. Son rêve d’adolescente...

L’affection qu’elle lui porte toujours fait vriller ses paupières. La violence de la frappe la fait hésiter à les tenir closes, mais par respect pour celui qu’elle est venue voir combattre, l’irlandaise reste de marbre et garde ses grands yeux ouverts.
L’Appel du Sang et les sévices corporels sont un monde qu’elle a toujours fréquenté sans jamais en pousser les portes. Son père misait sur des guerriers, mais il ne les entraînait pas. Il ne voyait l’arène que depuis sa loge et son charisme agissait directement sur le mental de ses poulains. Les mots d’encouragement et les menaces faisaient tout le travail. Sa violence était froide, calculée, terrible. Rarement physique, le plus souvent psychologique.
Et Siobhan avait hérité de ce talent. Elle préférait lutter par la verve et l’esprit. Les jeux d’intimidation et la ruse faisaient partie de son environnement. Elle avait dû se montrer forte et maligne pour tenir tête aux mafieux d’Arcadia. Mais la torture physique lui soulevait le coeur. La vue seule des blessures activait son empathie, et la fonction première de sa divinité, Guérisseuse capable de ramener des êtres à la Vie. Tout ce décor s’opposait à ce qu’elle défendait. Elle ne connaissait la fougue et l’ardeur des corps qu’à travers l’Amour et le Désir, et Badb était la seule à l’avoir poussée à se battre un jour par Haine et par Dégoût.      

« Siobhan ! ». Phaedrig lui flanque un coup de coude et la divine secoue vivement la tête pour lui indiquer qu’elle n’a rien manqué de la scène. En contrebas, l’acier scintille sous les lumières vivaces, et la foule beugle son étonnement. Parmi les spectateurs, certains semblent plus excités qu’indignés cependant,  et le tableau lui donne la nausée. « C’était quoi, ça ? » Elle s’adresse à Caleb sans pour autant quitter des yeux son amour de jeunesse. Nul besoin de connaître les règles pour savoir que les combats au corps-à-corps n’autorisent pas les armes. Elle s’apprête à descendre déjà quand quelqu’un la retient par le bras. Ses orbes bleues restent vissées sur la balafre d’où s’échappe à présent l’ichor de l’irlandais. De là où elle se trouve, elle n’a pas les moyens d’évaluer sa gravité, mais un élan du coeur la pousse à se dégager de l’emprise.

En attendant que le Duc intervienne, elle observe de loin le tricheur délogé du ring par des sujets du Royaume. Depuis sa tribune, elle accroche de nouveau ses phalanges à la rampe et se penche en attendant un signe. L’envie de trouver le vainqueur est grande mais la peur des reproches qu’il lui fera sans doute l’aide à garder sa place.

Elle patiente et enfin, les yeux bleus la surprennent. Elle s’y noie sans déceler encore l’éclat de l’aura nivéenne, et puis les abandonne, le temps de dévaler l’estrade.

I remember dancing in the pouring rain

I remember dancing in the pouring rain.


I remember dancing in the pouring rain
Calling you up just to say your name
We felt like lovers
Regarde un peu tout ce qu'on laisse derrière
Sous nos yeux on a bâti un enfer
C’était juste hier

- - - - - - - - - - -

Cian Scully & Siobhan Kearney (guest starring Caleb O'Sullivan)

Colère brûlante, battant dans les tempes de celui qui se maîtrisait tant bien que mal. L’injustice le faisait bondir, le dégoûtait d’autant plus qu’il en avait souvent fait les frais. Sa chair s’en rappelait, en même temps que les souvenirs. C’était douloureux, quoi qu’il en dise, qu’importe la force qu’il met pour tout effacer. Ca restait, ça revenait, ça murmurait dans le creux de l’oreille… Violence qu’il portait à bout de bras, serait prêt à laisser partir sur n’importe qui. Famille, proches, amante… Y’aurait rien pour l’arrêter, et il le savait bien. Fallait sans cesse se rappeler qu’avec Cassandre, il devenait encore plus dangereux. Parce qu’il était capable de prévoir, de parer les coups et ceux qui souhaiteraient l’arrêter. Certes, il n’avait rien d’un dieu, aucun réel pouvoir pour lequel on pouvait le craindre. Néanmoins, il suffirait d’un rien pour qu’il dérape. Et aujourd’hui était un de ces jours. Les doigts tremblaient, derrière la voix de marbre. Il se donnait une contenance derrière l’esprit qui vrillait. Sensation dérangeante de savoir que tout s’échappait entre ses doigts, sans rien pouvoir retenir…

Ce fut la poigne de Caleb qui le rappela à l’ordre. Ne pas péter un câble. Le sourire qui se dessina un instant sur ses lèvres était devenu plus froid. Qu’il aurait aimé pouvoir faire taire l’autre mec, lui trancher proprement la gorge. Mais ce n’était pas la guerre ici. Ce n’était se défendre contre des talibans. Il lui fallait juste respirer, ne plus faire gaffe à la blessure sur sa joue. Odeur de rouille qui lui donnait par ailleurs toujours envie de vomir… « Tu devrais faire un peu plus attention à tes combattants. » Cassandre faisait preuve d’insubordination… A moins que ce ne soit lui-même ? Ce ne serait pas la première fois…

Jusqu’à ce qu’une autre silhouette se glisse dans son champ de vision. Ou alors venait-il de la voir…. « Aislinn… » C’était le nom qu’elle utilisait ces temps-ci. Mais que faisait-elle en ces lieux ? « Pourquoi ? Je pensais que tu ne venais jamais par ici. » Des soucis avec le Royaume, dont il n’avait pas eu envie d’avoir des détails. Et la voilà à présent devant lui. Vraiment. C’était quoi ce bordel ? « On ferait mieux de sortir. » Il ne souhaitait pas rester par ici. Puis le combat suivant se devait de commencer et de se dérouler dans les règles. Les doigts remirent le blouson en cuir correctement sur ses épaules. Léger soupir pour chasser la rage qui brûlait dans les entrailles. Aller. La blessure n’était guère profonde, si ce n’était qu’elle ramenait à la mémoire de dangereux souvenirs… Les mêmes histoires de combats, de guerres, qui revenaient en boucle, à la moindre évocation de violence… Et lui continuait de s’y adonner aussi. Toujours se plonger dans l’horreur, pour espérer ne plus en ressortir un jour…

La fraîcheur du temps à l’extérieur lui permit de calmer la tête brûlée qu’il était devenu. Ne manquait qu’une rasade d’eau, averses pour lui permettre de redevenir lui-même… « Pourquoi regardais-tu le combat ? » Parce que son champ de vision périphérique l’avait captée. Et que c’en était plus qu’étrange de la voir ici.

 

I remember dancing in the pouring rain.


I remember dancing in the pouring rain
Calling you up just to say your name
We felt like lovers
Regarde un peu tout ce qu'on laisse derrière
Sous nos yeux on a bâti un enfer
C’était juste hier

- - - - - - - - - - -

Cian Scully & Siobhan Kearney

Il était là, de nouveau face à elle. Debout, au beau milieu d'un cercle dessiné par la foule, entouré d'hommes de mains. Le visage presque blême, les yeux rivés sur celle qui le redecouvrait.
Presque aussi bleus que la mer caraïbes.

Elle avait oublié, son regard saisissant. Les heures passées à se noyer dedans. Et comme il venait la sauver ; une main glissée dans la chevelure fauve, son cou picoré de baisers… Les carcasses allongées dans l’herbe grasse d’Irlande, où la pluie venait trop souvent les surprendre.

Comme à chaque fois qu'ils se retrouvaient, des scènes du passé revenaient l'assaillir. Mélange de nostalgie pour ces bons souvenirs, relents de culpabilité pour toutes les fois où la vie les avaient séparés. Elle se disait toujours, en voyant resurgir la silhouette, qu’elle ne s’était pas battue assez pour lui.


Détaché du brouhaha ambiant, l’écho de sa voix la fait doucement tressaillir. La surprise s’entend aussi bien dans le timbre qu’elle se lit sur les prunelles. Il ne s’attendait pas à la voir ici. Sans doute jamais, où que ce soit à Arcadia, car telles étaient les règles qu’elle lui avait dictées. Un simple haussement d’épaules, elle fend la foule à ses côtés. Caleb est déjà loin, bientôt l’amas de spectateurs aussi. « Je n’ai plus besoin de me cacher ». Le calme les étreint, tout comme la fraîcheur de la nuit, et elle s’immobilise sur le pas de la porte. Une sortie de secours.

Tout s’est passé trop vite.
Elle agrippe son regard, puis contemple ses traits. La lumière est trop fade pour lui permettre d’en distinguer les détails. Mais la blessure se voit sur la joue poussiéreuse. « Je voulais te le dire. Et aussi te revoir ». Aussi simple que ça. A quoi bon y passer des heures après tout ce temps perdu déjà ? Par sa faute, par ses choix qui avaient atrophié leur relation comme toutes les autres ; mais lui était toujours là. Désormais, elle avait l’occasion de réparer les choses ; ou du moins d’essayer.

« Est-ce que ça va ? » Sa main gantée fend la pénombre. L’instinct la pousse à effleurer la tempe, examiner la plaie qui trône sur le visage redécouvert ; un geste bienveillant qui se meurt dans la nuit. Elle n’ose pas suivre son élan, de peur que la proximité le fâche. Qu’elle soit perçue comme déplacée. Pourtant c’est là son rôle de guérisseuse. « Je pourrais regarder » ; elle murmure sans bouger.
Et tandis qu’ils s’observent, mille questions la tourmentent. Elle se demande ce qu’il fait encore là ; ce pourquoi il se bat. Comment toute cette violence peut devenir addiction.
Tant d’hommes de son entourage proche perdus dans ces arènes…

    « Je… je ne savais pas ». Et puis, les orbes aux longs cils parcourent l’aura. Argentée, parfois presque aveuglante, comme des rayons de lune égarés sur la terre. C’est la première fois qu’elle en voit d’aussi si près ; et l’instinct ne trompe pas.
Cian a toujours fait partie des héros à ses yeux.
Maintenant, il en est un réincarné.  

I remember dancing in the pouring rain.


I remember dancing in the pouring rain
Calling you up just to say your name
We felt like lovers
Regarde un peu tout ce qu'on laisse derrière
Sous nos yeux on a bâti un enfer
C’était juste hier

- - - - - - - - - - -

Cian Scully & Siobhan Kearney (guest starring Caleb O'Sullivan)

Il ne l’avait pas revue depuis longtemps, tant elle avait eu de cesse de se cacher, de se soustraire à sa vue. Et peut-être Cian n’avait-il pas pris le temps de se rapprocher d’elle, de la retrouver. Ou juste n’en avait-il pas eu envie. Elle avait tant couru pour s’échapper, qui était-il pour la rattraper ? Et les démons de la Guerre l’en avaient empêché, avaient brûlé son cœur pour ne plus jamais avoir à ressentir. Elle avait voulu partir, cruelle histoire de famille, dans tous les sens du terme. Lui n’était qu’une vision d’un passé révolu depuis bien longtemps, qu’un fantôme errant sur des chemins qui ne lui appartenaient plus.

Rapidement, la foule devint qu’un souvenir, brouhaha lointain, plongée dans le combat suivant. Car telles étaient les règles des combats : ne jamais s’arrêter, même quand des meurtres étaient prémédités sur le champ de bataille. Ca le ferait presque rire s’il n’était pas sous le coup de la colère et de la surprise. Douloureux mélange, qu’il devait maintenir sous contrôle, envers et contre tout. Ils s’arrétèrent, se jaugèrent, jusqu’à ce que la vérité éclate. « Tu n’as plus à te cacher ? » C’était répéter le tout, pour s’assurer d’avoir bien compris. Elle qui avait tant tenté d’éviter le Royaume, qui avait toujours voulu s’en détacher, la voilà à nouveau par ici ? C’était étrange, après tant d’années. Pourquoi était-il si sceptique ? Pourquoi ne sautait-il pas de joie ? Il avait peur. Elle pourrait très bien repartir, une fois de plus. Peut-être qu’il ne le supporterait pas, cette fois-ci. Certes, lui-même avait pris la fuite, à l’armée. Mais ce n’était pas tant qu’il voulait couper les liens avec elle, c’était sa famille qu’il fuyait, les possibles responsabilités qu’on lui inculquait. Il avait voulu courir loin de tout cela, simplement pour tomber en enfer.

« Ca fait longtemps oui. » Se revoir. Peut-être qu’il était resté sur les nouvelles données de temps à autre, alors même qu’ils habitaient la même ville. Comme quoi, pas besoin d’un océan, de milliers de kilomètres, pour ne jamais se croiser, pour détourner le regard l’un de l’autre, se tourner le dos. Puis, ça avait été plus simple pour lui finalement, d’agir de la sorte. « Ca va oui. En soi, j’ai l’habitude des blessures désormais. » Depuis toujours. Ce n’était pas la première, pas la dernière. Quoi qu’il fasse, il semblait attaché à la violence. Pas besoin de faire la guerre pour se retrouver gangréné au quotidien. Juste la mafia suffisait. Pourtant, c’était un moyen de se contrôler, d’éviter les bains de sang autrement. « Si tu veux, plus vite ce sera parti, mieux ce sera. » Il n’avait pas envie d’expliquer à ses équipes les raisons de cette blessure. Puis il sentait aussi qu’elle avait besoin de s’en occuper. Que ce soit elle, ou bien la déesse dont elle était hôte, dont les couleurs dansaient sous les iris de l’homme.

La réaction lui fit hausser un sourcil. « De ? » Certainement de celle qui partageait maintenant son corps. Princesse maudite, héroïne blessée, Cassandre de Troie lui était si semblable et si différente… Et elle était lui désormais. Les épaules se haussèrent, dans un geste de nonchalance qui exprimait bien ses sentiments. « Ce n’est pas important. Et ça m’a plutôt bien aidé. » Au moins, il ne trainait plus dans les bas-fonds. Maintenant, il les protégeait. Richesse s’accumulant, tout cela grâce à l’esprit brillant de l’héroïne. Et il n’était pas du genre à cracher sur celle qui lui permettait de survivre dans l’horreur qu’était Arcadia…

 

I remember dancing in the pouring rain.


I remember dancing in the pouring rain
Calling you up just to say your name
We felt like lovers
Regarde un peu tout ce qu'on laisse derrière
Sous nos yeux on a bâti un enfer
C’était juste hier

- - - - - - - - - - -

Cian Scully & Siobhan Kearney

Son annonce répétée, la divine peut ressentir l’appréhension et la surprise, à la fois dans le timbre et sur les traits du combattant. Elle comprend à quel point la nouvelle peut dérouter, car bien d’autres avant lui ont peiné à la croire. Elle-même n’aurait jamais pensé pouvoir le dire un jour, ni redevenir libre ; en quelque sorte, redevenir Siobhan, et l’accepter surtout. « Tout le monde sait qui je suis depuis le leak d’informations ». Même si Arcadia était grande, il devait être au courant. Parce qu’il était du Royaume, et que sa présence en son sein ces derniers mois n’avait pas manqué de faire jaser ses membres.

La police ne l’avait pas encore contactée, mais son histoire d’identité était entre les mains d’un juge et elle avait bon espoir de s’en tirer indemne. Du reste, les mafias ennemies n’avaient plus donné de leurs nouvelles depuis janvier et tout portait à croire que ses contrats ne se renouvelleraient jamais. Depuis la fin de sa convalescence, elle avait décidé de changer beaucoup de choses et vivre dans la peur ne devait plus faire partie de son existence. Elle voulait retrouver sa famille, ses proches, profiter de nouveau d’eux et rattraper le temps perdu.
C’était difficile à comprendre pour eux tous, tant elle avait déployé d’efforts et d’énergie pour les fuir ou les éviter. Mais le fait de frôler la mort et de voir son entourage décimé lui avait enfin ouvert les yeux sur ses erreurs et surtout les raisons de ne pas les répéter.
Elle ne partirait plus. Ca n’avait jamais rien changé, ni pour elle, ni pour eux, et s’ils devaient tous finir par tomber les uns derrière les autres, autant profiter des quelques instants que la vie leur offrait…

« On va devoir rentrer pour ça » ; elle désigne la plaie, un sourire cafardeux imprégnant son visage. Elle n’avait rien sur elle pour soigner la blessure. L’infirmerie des hangars ne promettait pas le luxe de l’Emeraude ou de sa salle de bain, mais elle ne pouvait pas non plus lui proposer de l’emmener ailleurs. La voiture qui l’avait conduite jusqu’aux docks ne lui appartenait pas et la situation aurait été bien trop inconfortable.

Comme il acquiesce, la divine entrouvre la porte, mais elle devine à l’attitude qu’il n’est pas encore prêt. Alors elle la retient, et les deux restent là, encore quelques secondes, dans les ombres et l’humidité. Les silhouettes éclairées à peine se jaugent et se contemplent. Les réverbères sont trop distants pour leur permettre à chacun de distinguer leur expression. L’Empoisonneuse se sent un peu gênée, regretterait presque d’avoir provoqué leurs retrouvailles ; mais la réserve qu’elle ressent lui paraît tout à fait normale, et l’exercice est chaque fois plus facile à force d’être répété.

Sous le ciel menaçant, à force de l’examiner, les yeux de l’herboriste sont attirés par l’aura. Déjà aperçue bien auparavant, elle se déploie pourtant à cet instant précis, comme pour la sauver du silence qui les a engloutis. « Tant mieux » ; son regard bienveillant toujours posé sur lui, elle dévisage le militaire alors qu’il se confie sur la présence de l’héroïne. « Ce n’est pas toujours facile », de partager son être avec une entité mythologique. Avec Airmed, elle n’a jamais eu ce problème ; leur fusion est parfaite. Mais qu’il s’agisse de récurrences, de héros ou de monstres, ou bien encore de créatures, elle a connu quelques personnes pour qui la cohabitation s‘est apparentée à l’Enfer.  
Et puis elle reconnaît Cassandre. Ses connaissances en la matière et son goût prononcé pour la lecture lui permettent aussitôt d’associer tous les traits du mythe qui possède à présent le Chevalier. La situation l’intrigue comme elle n’a jamais vu de femme choisir son opposé pour hôte. Elle est surprise aussi que les dons de l’oracle ne l’handicapent pas davantage, mais s’interdit de poser des questions.

Puisqu’à nouveau la pluie revient, elle rouvre la porte en grand et met elle-même un terme à leur conversation. « Tu viens ? » Première à regagner le couloir emprunté pour s’échapper elle attend qu’il la suive, avant de le laisser passer devant et la guider.
Les deux s’engouffrent dans un dédale de passages, jusqu’à rejoindre le vestiaire des combattants. Une salle glaciale entourée de béton où se pressent quelques corps amochés pour des soins prodigués par un vieil irlandais bougon. « J’ai juste besoin de gazes, de sutures adhésives et de désinfectant ». Elle se tourne vers Cian en espérant qu’il pourra lui fournir le nécessaire, évitant les regards de tous les autres qui pèsent lourdement dans son dos.
Ici, elle n’avait pas ses plantes et ses onguents pour lui promettre des miracles, mais elle pouvait faire sans. En revanche, elle n’était pas à sa place, et les gaillards auraient tôt fait de le lui faire comprendre.  
 

I remember dancing in the pouring rain.


I remember dancing in the pouring rain
Calling you up just to say your name
We felt like lovers
Regarde un peu tout ce qu'on laisse derrière
Sous nos yeux on a bâti un enfer
C’était juste hier

- - - - - - - - - - -

Cian Scully & Siobhan Kearney (guest starring Caleb O'Sullivan)

Que les gens sachent, que les gens puissent savoir ne veut pas dire qu’ils y croiront. C’était ce qui c’était passé lors de la Guerre de Troie, pour Cassandre, c’était ce que lui avait vécu par le passé… Même avec des preuves, l’esprit humain n’était pas du genre à plier aussi facilement. C’était triste, mais ça restait la réalité. Une réalité douloureuse, qui lui rappelait sans cesse ce qu’il avait perdu, pour diverses raisons. Que ce soit sa propre vie, ou ses relations avec les gens l’entourant… « Je ne fais que très peu attention aux rumeurs à Arcadia à vrai dire. » Il y en avait tellement, et au début, il s’était accroché à chacune d’entre elles, avant de juste les voir s’envoler. C’était douloureux, d’y croire, puis de voir ses espoirs brisés, les uns après les autres. Alors aujourd’hui, il préférait ne pas y croire dans un premier temps. Il préférait se dire que tout n’était qu’un simulacre, qu’une fausse réalité. Au mieux, une bonne surprise viendra, comme en ce jour. Au pire, aucun changement notable dans sa vie, et tout continuerait. Aucun effet papillon pour réduire en poussière ce qui avait été bâti, ni même le cœur de l’homme.

Pas toujours facile. Oui, elle devait avoir raison. Néanmoins, la Princesse n’était pas des plus virulentes, mis à part qu’elle ne supportait pas ceux de son panthéon, tous ces dieux et déesses qui avaient cru pouvoir faire ce qu’ils souhaitaient du destin des mortels. C’était moins lourd en présence d’une autre divinité, d’autres mythologies. C’était pour cela qu’il restait au Royaume finalement, personne ne viendrait l’emmerder de la sorte, en connaissant son appartenance à une autre mafia. Après, il ne suivait pas la violence, les combats, la lutte contre le Chaos. Tout cela lui importait peu, tant qu’il pouvait vivre… « Je n’ai pas tous les souvenirs de l’oracle. » Pause. « Ca doit être plus simple qu’avec vous, elle n’a eu qu’une seule vie, et elle reste plutôt calme… » Pas de dizaines de récurrences, de réincarnations à supporter. Ce n’était qu’un flou désagréable pour lui, que les mois avaient fini par lisser. Finalement, Cassandre avait été d’une aide inouïe dans une vie détruite, et c’était grave à elle qu’il avait remonté la pente. Elle lui avait offert une existence, et il aurait été bien stupide de cracher sur tout cela… Non ?

Rentrer, retourner à l’intérieur, se poser dans l’infirmerie rudimentaire du hangar… Il n’avait pas envie d’y rester trop longtemps, au milieu de ces combattants qui le regardaient depuis longtemps comme une bête de foire. La folie de Scully n’était que tristement renommée, quand les souvenirs revenaient, se brisaient aux frontières de sa raison. Ce passé si lourd sur ses épaules… « Oui, j’arrive. » Un sourire rapide, pour la calmer, pour se calmer aussi au passage, et le chemin fut fait en sens inverse, la foule retraversée, avec quelques regards qui pesaient sur la silhouette féminine. Les doigts glissèrent dans la poche de sa veste en cuir, effleurèrent la lame du couteau-suisse qui ne le quittait jamais. Tuer n’avait jamais été un souci, surtout si on s’en prenait à son entourage…

Une nouvelle porte poussée, de nouvelles pupilles posées sur eux, et ce fut un regard noir que leur rendit Cian. Le premier qui lui sauterait au cou serait accueilli par une gerbe de sang venant de son propre abdomen. Et chacun ici pouvait ressentir la violence et bestialité prêtes à se déchaîner, puisque tous étaient dans un état similaire. Ce fut la question de son amie qui le ramena dans le présent. Dans un hochement de tête, il se dirigea vers l’une des armoires de la pièce, dont il ouvrit la porte d’un simple geste. De quoi récupérer ce dont Aislinn avait besoin, puis de revenir vers elle. « Ca te suffira ça ? » Il lui tendit ses trouvailles, comme demandé, avant de lui adresser un regard qu’il espérait rassurant. « Ne fais pas attention à eux. » C’était un murmure, pour ne pas attirer l’attention plus que cela. « Aucun ne t’attaquera ici, ça ferait tâche, et tu restes sous la protection des ducs et du roi, j’ai tort ? » Le premier qui la toucherait se ferait exécuter sur place, c’était son instinct qui le lui disait. Ce foutu instinct…

 

I remember dancing in the pouring rain.


I remember dancing in the pouring rain
Calling you up just to say your name
We felt like lovers
Regarde un peu tout ce qu'on laisse derrière
Sous nos yeux on a bâti un enfer
C’était juste hier

- - - - - - - - - - -

Cian Scully & Siobhan Kearney

Quand elle le regardait, ses yeux brillaient parfois de la même flamme qu’autrefois. Sauf qu’aujourd’hui, ce n’était plus je t’aime qu’ils criaient avec fièvre, mais pardonne-moi, de toute la pudeur dont un être pouvait se montrer capable. La culpabilité ravageait ses entrailles, et jamais elle n’aurait l’audace de lui avouer qu’une partie d’elle tiendrait toujours à lui. C’était l’évidence même, ce que signifiait sa présence après des années de fuite et de mise à distance, mais le coeur préférait montrer ses faiblesses plutôt que de les formuler. Il en avait toujours été ainsi, lui le savait mieux que quiconque ; l’amour qui l’habitait, elle l’exprimait bien moins en mots qu’en attentions et gestes tendres. C’était tout comme se repentir, présenter ses excuses ; difficile, même si elle n’était pas avare de l’exercice. Et souvent, les actes étaient ses armes ou bien son drapeau blanc, bien plus que ce langage manié avec brio pourtant, lorsqu’il était question d’autre chose que de sentiments.


  « C’est parfait ». Avec une infinie douceur, l’herboriste saisit les objets que l’irlandais lui tend, et les étale les uns après les autres sur le rebord d’un comptoir de fortune. Un sourire se dessine sur ses lèvres, un peu triste et touché, quand elle discerne sa volonté de la sécuriser par-delà son regard empreint de lassitude. Ses orbes balayent à son tour l’assemblée, avec la discrétion qui la caractérise. « Je ne les crains pas ». Heurtée par la violence et l’agressivité, la bestialité qu’ils imposent, elle n’aime pas cet endroit et elle ne connaît pas ces hommes, mais il lui en faudrait plus pour les laisser l’intimider. Autrefois, son père était maître en ces lieux, et certains d’eux s’en souvenaient peut-être encore. Aujourd’hui, elle y était invitée par un Duc, proche du Roi en effet, et protégée du Sénéchal. Mais eux, qu’en savaient-ils ? Elle pouvait se défendre sans se cacher derrière un titre ou un statut de favorite ; tout du moins essayer. Aussi, ce n’était pas trop le risque qui la faisait frémir ou la peur d’être prise à nouveau pour cible… même si le traumatisme des attaques subies se faisait persistant ; non, ce qui l’incommodait par dessus tout, c’était l’ambiance pesante et la menace que tous faisaient planer, même sans intention réelle de la toucher, d’une façon ou d’une autre. Elle restait la fille de Kearney, la fierté dans les veines et la morgue suffisante pour les écraser tous. Et les provocations, les tentatives d’intimidation et les fanfaronnades, n’étaient bien sûr pas à son goût.

« Ca ira » ; elle acquiesce, admettant cette vérité qu’il énonce, sans pour autant entrer dans les détails. Ce n’est qu’elle, le problème. Elle qui ne supporte plus qu’on lui manque de respect, qu’on cherche à la descendre ou bien à l’enfoncer ; elle qui est fatiguée de se battre et de tous les défier, de lutter pour montrer qu’elle est capable de leur tenir tête, et de les dépasser. Au fond, c’est aussi de la paix qu’elle espère retrouver en renouant avec les siens…

Ôtant ses gants délicatement, la divine s’approche d’une vasque fracassée pour glisser ses doigts fins sous un filet d’eau froide. Les mains propres peuvent alors s’emparer du matériel médical, déchirer l’emballage de la compresse, et la couvrir d’antiseptique. Ses bras restent en suspens quand elle effleure la joue blessée ; elle hésite, d’abord parce qu’une proximité nouvelle est déroutante, puis parce qu’elle sait qu’elle doit se concentrer. Les mouvements sont infiniment lents, précautionneux et délicats. Ses doigts sont du poison qui pourraient le tuer. Du poison qu’elle sait à présent contrôler, et réabsorber au besoin, même si l’exercice lui demande un effort considérable. Pour lui, qu’importe ; c’est le moins qu’elle puisse faire.
Et puis, elle repense à leur conversation au dehors en appliquant la gaze. Parler de quelque chose, n’importe quoi, rendrait sûrement ce moment moins… étrange. « J’ai dû rester une semaine alitée quand j’ai récupéré les souvenirs d’Airmed ». Un sourire douloureux vient étirer ses traits, alors que ses orbes glacées fixent la plaie ouverte. « Tu as l’air de t’en sortir plutôt bien ». Elle plaisante à moitié, pose une question de façon détournée, sans y mettre le ton. C’est vrai qu’elle a connu des récurrences plus mal en point ; mais que ce soit la guerre ou l’héroïne, la vie tout simplement, elle peut voir dans ses prunelles comme son visage que des choses l’ont marqué. Qu’il n’est plus tout à fait le même, même si cela, elle l’avait déjà remarqué.

Avec une minutie extrême, elle applique finalement les bandes, recommandant de ne pas bouger. Et puis, la question brûle ses lèvres, trop pour qu’elle parvienne à la taire plus longtemps. Elle ne comprenait pas, n’avait jamais compris. Pourquoi tous les hommes de sa vie se retrouvaient un jour ou l’autre au coeur de ces hangars, pourquoi ce besoin de se battre et ce qu’ils y trouvaient. Peut-être au fond que leurs raisons étaient semblables aux siennes, elle qui se plaisait à défier tous les grands de ce monde et les plus dangereux, qu’importait les risques et les conséquences, puisqu’elle se sentait exister. Capable et brave, bien que parfois stupide, chaque bataille remportée nourrissant l’ego suffisamment pour supporter toutes les défaites.

« Pourquoi les combats clandestins ? ».  

I remember dancing in the pouring rain.


I remember dancing in the pouring rain
Calling you up just to say your name
We felt like lovers
Regarde un peu tout ce qu'on laisse derrière
Sous nos yeux on a bâti un enfer
C’était juste hier

- - - - - - - - - - -

Cian Scully & Siobhan Kearney (guest starring Caleb O'Sullivan)

C’était un regard qui s’attardait sur le visage, sur les traits de la compagne, de l’amie, de la proche. Les souvenirs s’infiltraient dans l’esprit, la mémoire remontait à la surface, dans une douleur certaine. Parce que tout était loin, tout le positif s’était dilué dans un magma de dégoût, de haine, plus envers lui-même que les autres. L’humanité s’était retrouvée pied au plancher, visage dans la boue, battue à mort par la guerre et les combats. Cian ne pourrait jamais oublier, jamais changer. Quoi qu’il fasse, quoi qu’il pense. Les iris s’attardèrent un instant sur les alentours, alors que la femme récupérait tous les objets apportés. Lui n’y connaissait pas grand-chose aux herbes médicinales, aux soins à apporter. Dans un soupir, il détourna le regard. Les hommes autour n’étaient que des chacals qu’il désirerait écraser. Car il était sanguin le petit, il pouvait rapidement chercher à tuer, au lieu de simplement maîtriser. Cela lui jouait des tours lors des combats, ou dans son métier. Quand une attaque survenait, l’instinct de l’animal prenait le dessus, et le stopper relevait de l’impossible. Se battre réveillait la haine, la colère et la douleur.  « Tu peux ne pas les craindre, mais cela ne les empêchera pas d’attaquer. » C’était le problème avec les brutes : même l’autorité ou l’absence de crainte ne suffirait pas à les maintenir sous silence.

Les fesses se posèrent sur le rebord d’une chaise mal en point. Si Siobhan s’était mise en tête de le soigner, il ne pourrait qu’accéder à sa demande. Déjà parce que le duc ou le roi l’estimaient, et qu’il ne pouvait aller contre leurs décisions. Ensuite parce qu’il lui faisait tout de même confiance à ce niveau-là. Peut-être qu’elle repartira dans quelques jours, quelques semaines. Cassandre ne lui faisait aucune remarque à ce sujet néanmoins, Cian savait bien qu’il n’était pas un Oracle, qu’aucun futur ne pouvait lui apparaître. Seul l’instinct parlait, investiguait. Et si pour l’instant, il n’y avait aucune question, réaction, tout pouvait changer dans les mois à venir, du jour au lendemain. C’était le principal grief de son talent, relevant plus d’impressions, de sensations, que de réels futurs ou possibilités. Quand lui le ressentait, il était déjà trop tard. Tout était immuable, et être une héroïne signifiait aussi ne pas pouvoir contrôler les talents. S’il avait eu un don, tout aurait été différent. S’il avait été un dieu… Un soupir, pour se rappeler qu’avec des si, il n’aurait pas fini en Afghanistan, et il n’aurait pas autant perdu dans son existence…

« Je ne pense pas que nos deux situations soient similaires. » Encore une différence avec le sang divin qui coulait dans les veines de l’irlandaise. Lui n’était qu’un mortel avec de vagues souvenirs. De ce qu’il avait entendu, les souvenirs prenaient le dessus sur l’hôte, écouraient celui-ci. Pour lui, ça n’avait été qu’une présence, qu’un murmure dans le creux de l’oreille, dont il n’entendait pas tous les propos. Même les pensées lui étaient floues. Alors, il ne pourrait jamais comprendre ce que l’autre avait vécu à ce niveau-là. « Je n’ai pas tous les souvenirs de Cassandre. Et ils ne m’apparaissent pas clairement. Ce n’est pas une voix réelle, plus des murmures. » Pause. Un léger soupir quitta ses lèvres. « Et je n’ai qu’une seule vague de souvenirs à gérer. » Ce qui n’était pas le cas des divinités non ? Principale différence entre les deux entités. L’un d’entre eux était la somme de tous ses passés, tandis que l’autre se contentait d’un seul. Et aux yeux de Cian, c’était déjà suffisant. Il fallait déjà gérer les difficultés liées à ses choix à lui, pourquoi devoir s’attarder sur des échos aujourd’hui disparus ? C’était à peu près la seule façon qu’il avait de continuer d’avancer, envers et contre tout.

Se croire invincible, se montrer de la sorte, tout était mieux, et plus facile par la suite. Même si parfois, les lames couraient trop la chair, l’éfilaient. Il laissa les doigts de la rousse appliquer les divers bandages, lui qui pourtant refusait désormais qu’on l’approche de trop. Peut-être parce que les coups de sang étaient de plus en plus violents et imprévisibles. Il pourrait tuer sans aucun regret, sans même s’en rendre compte. Et ce n’était pas l’héroïne qui agissait sur lui, mais simplement la personne qu’il était depuis la fin de la guerre. Vulgaire erreur de parcours qui l’avait transformé en ombre de lui-même, bien qu’il tente d’en masquer les conséquences.

La question lui arracha un sourire, et le regard se détourna presqu’aussitôt. Pourquoi les combats clandestins en effet ? Pourquoi la violence, à tout prix ? « Parce que c’est là que je me sens moi-même. » Foutaises. N’importe où aurait été mieux. Néanmoins, il s’était fait à l’idée Cian, il avait renié son humanité depuis longtemps. « Les monstres ne sont pas faits pour autre chose. » Un murmure, avant d’hausser les épaules. Nouveau sourire, pour masquer les tourments. « Je m’en sors plutôt bien aussi, tu n’as pas à t’en faire. » Il n’avait pas été blessé depuis longtemps, tant que les autres restaient dans les règles. Son métier était finalement bien plus dangereux que les combats clandestins au sein du Royaume...

 

I remember dancing in the pouring rain.


I remember dancing in the pouring rain
Calling you up just to say your name
We felt like lovers
Regarde un peu tout ce qu'on laisse derrière
Sous nos yeux on a bâti un enfer
C’était juste hier

- - - - - - - - - - -

Cian Scully & Siobhan Kearney

Un sourire amusé, discret mais bien là, éclaire le visage jusqu’alors sérieux et grave de l’herboriste. « Mais je sais me défendre », argue-t-elle, l'autodérision côtoyant pourtant la certitude d’en être tout à fait capable. Elle sait qu’elle n’est pas invincible. Preuve en est, ce soir là sur les docks , elle n’a pas eu les bons réflexes, ni même le temps d’ôter ses gants pour laisser le poison contaminer son agresseur. Ici, tout le monde est au courant ou presque ; elle a beau être dangereuse, son corps n’en a pas moins été trouvé inanimé sur les pavés crasseux du port. Elle reste un être fait de chair, un être humain aux milles faiblesses, mais depuis l’accident, elle a aussi appris à mieux manier ses dons. En cas d’attaque, ici ou autre part, elle pourrait s’en sortir. Ou non. Tout n’était qu’une question de chance ou de hasard, peut-être de Destin, mais les probabilités de s’en tirer ou pas étaient équivalentes.
Au fond, tout ça n’avait pas d’importance, car elle ne se sentait pas en danger. Peut-être grâce à sa présence, peut-être parce qu’elle était trop confiante. Ou bien peut-être encore parce que son instinct ne jugeait pas utile de l’alarmer. Elle n’aimait pas l’endroit, c’était certain, ni même les brutes qui le hantaient. Mais elle n’était pas là pour elles ; elle était là pour Cian, et c’était tout ce qui comptait.

« J’ai presque terminé ». La botaniste finit d’appliquer les soins tandis qu’à demi-voix, les deux protagonistes évoquent leurs différences et leurs souvenirs. Quand sa question nécessite des réponses à coeur ouvert, elle s’appuie contre lui et la chaise sans même s’en rendre compte. Ses mains nues s’écartent du visage progressivement. Elle le regarde les sourcils froncés, un voile de tristesse et d’empathie recouvrant son regard.

L’est-il, monstre ?

Son premier réflexe est de vouloir le contredire. Lui dire qu’elle n’y croit pas. Que l’homme qu’elle a connu n’en est pas un et ne le serait jamais devenu. Mais ses lèvres restent closes, et elle lui épargne ce discours visant à se montrer aimable et à le rassurer. Car après tout, les gens changent. Elle-même n’est plus celle qu’elle était. Et elle n’est pas en droit de prétendre le connaître après toutes ces années passées à fuir ou l’ignorer. Elle ne sait pas ce qu’il fait ni même ce qui l’a brisé. C’est qu’ils n’en ont jamais vraiment parlé. Car même après lui avoir tendu la main, à New York il y a longtemps, la Belladone s’est empressée de disparaître. Elle voudrait lui dire ô combien elle regrette, mais comme avec tous les autres, elle s’interdit de demander pardon. Elle ne pense pas le mériter ni même avoir le droit de l’espérer. Le paradoxe, c’est qu’elle croit pourtant devoir s’afficher auprès d’eux, leur faire savoir qu’elle a toujours tenu à eux même si les actes n’ont pas suivi la pensée. Saisir sa dernière chance, présenter des excuses dans un parfait silence, puisqu’il lui aura fallu vingt et plus pour enfin prendre conscience de ses erreurs…  

« Tu crois ? On est peut-être tous des monstres, chacun à notre manière... » La douceur dans le timbre, elle voudrait ajouter que peut-être il est dur avec lui-même, que ce n’est peut-être pas de cette façon que les autres le voient et que comme un miroir, sa propre perception pourrait s’en trouver modifiée s’il savait vraiment. Mais les mots se ravalent comme une gorgée trop fade car elle-même est incapable de suivre ce conseil.
A la place, elle lui indique par cette phrase qu’elle ne pense pas valoir mieux. Qu’elle-même est loin d’être exemplaire et qu’elle en a conscience. Une façon détournée d’avouer ses manquements et ses torts tandis qu’elle l’encourage à relativiser. Elle ne sait pas de quoi il se pense coupable mais elle veut croire que tous les deux ils peuvent se rattraper. Surtout elle, en vérité…

« Cian... » Elle le regarde fixement. Les prunelles bleu azur se mettent aussitôt à briller mais les rires environnants et la présence des autres gâchent la scène. Elle se force pourtant. Tâche de se concentrer sur lui, et de les oublier. « Je voulais te dire que... »

Que je suis désolée. Que je m’en veux de n’être jamais restée. De n’avoir pas fait plus pour t’aider.

« Prends soin de toi, tu veux ? » Et c’est tout ce qui franchit ses lippes sur le moment. Parce qu’en entendant ces mots résonner dans son crâne juste avant de les prononcer, elle se sent ridicule. Elle sait qu’elle a eu mille occasions de faire demi-tour et de changer. A leur place à tous, avec son hybris aux commandes, elle ne leur aurait jamais pardonné. Peut-être même qu’elle aurait ri en entendant leur repentir. Elle connaît l’amertume et la souffrance d’être blessée à répétition, d’avoir fait confiance pour finalement être trahie…
C’est une guerre contre elle-même qu’elle mène, à vouloir retrouver les siens mais à se l’interdire dans le même temps. Pourtant, en rangeant les affaires et en enfilant de nouveau ses gants, sentant venir l’heure de devoir partir, elle trouve le courage de souffler une promesse. Qu’importe s’il s’en moque, au moins ce sera dit. « Je sais que ça ne rattrapera pas mon absence, mais si jamais tu as besoin… J’ai fini de fuir maintenant. Tu peux compter sur moi ».
Et elle déglutit avec peine, des trémolos dans la voix.

     

I remember dancing in the pouring rain.


I remember dancing in the pouring rain
Calling you up just to say your name
We felt like lovers
Regarde un peu tout ce qu'on laisse derrière
Sous nos yeux on a bâti un enfer
C’était juste hier

- - - - - - - - - - -

Cian Scully & Siobhan Kearney (guest starring Caleb O'Sullivan)

Se défendre. Cian n’était pas certain qu’elle le sache vraiment. Après, en réalité, savoir se défendre ne voulait pas dire qu’elle serait capable de tuer si cela s’avérait nécessaire. Puis, pour l’irlandais, ce n’était pas une tare de ne pas savoir se défendre. Tout le monde n’était pas fait pour la violence, et lui aurait préféré ne jamais la connaître. Alors oui, parfois, cela pouvait éviter de mourir, d’être blessé, d’être pris pour cible. Cependant, lui avait connu la guerre, là où la défense devait mortelle. Peu seraient capables de répliquer en ayant cela en tête, et être capable de blesser un autre être n’était pas à la portée de tous. « Mais oui, j’y crois. » Y’eut un sourire léger, sur le coin des lèvres. Y croyait-il vraiment ? Il haussa doucement les épaules. « Tant que tu peux faire attention à toi. » Ne pas trainer dans les problèmes serait mieux, mais qui était-il pour lui dire ça ? Les murmures finirent par se taire, et il la laissa terminer. Il fallait bien soigner sa blessure non ?

Tous des monstres… Oui, très certainement. L’être humain n’était pas fait pour être bon, foncièrement bon. Au contraire, il fallait que tous s’écrasent les uns et autres, que les egos se veulent supérieurs, qu’ils soient monstrueux pour être au-dessus. Cian n’y avait pas échappé mais lui, ça avait été au travers de la guerre, de l’armée, des champs de bataille. Autant dire que le choix n’avait guère été présent. Il avait cru que ça lui irait, qu’il s’y ferait, mais dans le fond, il s’était brisé, était devenu ce qu’il avait longtemps détesté dans sa famille. Il leur avait reproché les meurtres, le fait d’être proches de la mafia, de certaines de leurs têtes. Et aujourd’hui, Cian était enfermé en tant que combattant, champion pour l’une d’entre elles, à l’autre bout du monde. Il tuait aussi, sur des coups de tête, des coups de sang. Quand Cassandre était trop présente, quand ses émotions se jouaient de l’esprit de l’homme, quand il abandonnait sa raison. Finalement, ce n’était pas la faute de la Princesse, mais juste de lui, qui ne savait pas trop comment réagir, ou tout simplement agir.

« Je ne sais pas. » Il laissa en suspens, détourna le regard pour se perdre dans la contemplation du mur en béton. Quelques fissures se détachaient du gris morose. « Beaucoup de gens sont morts à cause de moi. » Et des dizaines d’autres périront entre ses doigts. Quoi qu’il fasse, il n’était pas quelqu’un de bien. Il se donnait l’illusion d’être moral, d’aider les plus faibles. En réalité, il cachait juste les corps inertes qui se multipliaient dans son dos, six pieds sous terre. Cependant, il n’avait pas envie d’en parler, il ne souhaitait pas dévoiler tous ses torts aux yeux d’une femme dont il ne savait rien au fond. Puis voulait-il la voir partir après les révélations ? Il avait déjà trop, tant perdu. Sa famille, ses proches, tout s’effritait pour peu qu’il les touche, les effleure ou fuit.

Il l’écouta, après l’annonce de son prénom. Il l’écouta, en silence, malgré les rires alentours. Il l’écouta, se mura dans une immobilité intrigante. Il ne savait pas comment réagir. Alors, il finit par hausser les épaules, lentement. Tout ça pour gagner du temps, avant de parler. « Seulement si tu fais attention à toi. » Pour ne pas qu’elle soit retrouvée une fois de plus sur les routes défoncées des docks, à moitié morte. « Je survivrai toujours. C’est un peu l’opportunité qu’elle m’a donnée. » Cassandre, toujours et encore elle. Néanmoins, ce n’était que la vérité. Si elle n’était pas venue, il serait mort, battu à mort dans le caniveau. Son rôle de champion, son entreprise, il devait tout à la femme qui partageait son corps.

Il lui sourit doucement, aux derniers mots. Puis, il lui attrapa le bras, l’attira dans ses bras, la serra contre lui. Tout ça pour lui murmurer, contre ses cheveux. « Je sais bien. L’inverse est aussi vrai. » Il serait là si elle avait besoin. Peut-être que lui mettrait du temps à lui parler, à évoquer ses soucis. Parce que désormais, il gardait tout pour lui. Mais elle n’avait pas besoin de le savoir. « Nous ferions mieux de sortir. » Avant que certains ne cherchent à attaquer, chiens qu’ils étaient tous.

 

I remember dancing in the pouring rain.


I remember dancing in the pouring rain
Calling you up just to say your name
We felt like lovers
Regarde un peu tout ce qu'on laisse derrière
Sous nos yeux on a bâti un enfer
C’était juste hier

- - - - - - - - - - -

Cian Scully & Siobhan Kearney

Il y a des choses qui ne s’oublient pas. Un regard, un parfum, des promesses dans une voix, ou encore la chaleur d’un souffle. Rien de tout ça n’aurait pu lui échapper, dans cette vie ou une autre.
Alors, quand il brise les barrières et franchit de nouveau les lignes, l’étreinte a cette saveur d’antan. Réminiscence paisible, comme une parenthèse hors du temps, où elle se voit à ses côtés enfant, encore crédule et innocente. L’espace d’un instant, ils ne sont plus à Arcadia mais sur les terres d’Irlande, à rêver sous la pluie, encore étrangers à ces guerres qui ravageront leurs vies un jour. Cian et Siobhan adolescents se retrouvent dans ces souvenirs, comme ils étaient avant, heureux et inconscients, prêts à changer le monde.
Le retour au présent n’en est que plus brutal. « Je n’aurais jamais dû partir ». Blottie tout contre l’homme, elle a des échos de leur dernière nuit ; des images de leur dernière fois, au dernier jour de ses vacances, où aucun d’eux n’imaginait que l’au revoir traditionnel dans cet aérogare serait cette fois un adieu.

Peut-être bien qu’elle aurait dû rester comme ils l’avaient envisagé. Peut-être qu’ils auraient été heureux, épanouis, et non brisés. Ou bien peut-être qu’elle serait partie plus tard, et que ça n’aurait rien changé. Qu’ils auraient tout gâché pour se retrouver aujourd’hui. Ils ne le sauraient jamais, et les « si » n’avaient pas de place dans leur histoire.

Mémoires chagrines, la divine est prise d’une vague de nostalgie. L’étau de ses bras se resserre autour du chevalier, comme elle espère en profiter encore un peu ; juste avant que la crainte, la culpabilité et la pudeur ne les arrachent à ce moment.
Instant fatal qui vient avec les mots de celui qui, pourtant, a initié le rapprochement, elle se détache de lui progressivement. Dans ce mouvement, sa main gantée glisse le long de son bras, effleure ses doigts et, à défaut de s’y mêler, se cramponne au poignet. D’un simple hochement de tête, elle acquiesce, sans croiser son regard. Elle n’ose pas.

Et les chiens laissés là derrière eux, tout comme l’infirmerie, puis le hangar ensuite, elle lui emboîte le pas, jusqu’à la nuit couverte, jusqu’au ciel sans étoiles. Réjouie finalement de ces retrouvailles porteuses d'espoir, elle a dans le regard cette envie de tenir parole, et de lui faire savoir, bien qu’elle reste muette.
Cette fois, elle tiendrait sa promesse.