Quoi de mieux qu'une journée bien remplie ? Une bonne fatigue obtenue à la suite d'un dur labeur et de beaucoup d'efforts, voilà ce qui devrait ravir le coeur des hommes et occuper leurs pensées. Ça et la récompense de la fin de la journée bien sûr ! Une matinée passée à couper deux dizaines d'arbres à la hache, quatre heures sans interruption, ça vous forge un homme. Puis une après-midi passée ensuite à pousser de la fonte et à soulever des poids. Enfin, une bonne heure de lecture en fin de journée avant de décider d'aller manger et boire une (plutôt plusieurs) pintes de bière dans un bar malodorant mais avec une bonne ambiance. Et par bonne ambiance, j'entends qui peut dégénérer en baston à tout moment. Tolkien avait raison : "si plus de gens mettaient de la valeur dans la bonne nourriture, de l'amitié et un travail honnête, et moins dans l'or ou les pierres précieuses, le monde serait plus heureux." Et c'est clairement ce que je compte faire !
Installé dans un bar du quartier industriel (il n'en porte plus que le nom), j’enchaînai les pintes de bière à un rythme plutôt soutenu. J'avais aussi commandé un burger et je dus m'avouer surpris par sa qualité. Pour un coin miteux comme celui-ci, il s'avérait plutôt bon. La bouche constamment pleine, je profitai de ce moment tranquille tout en gardant un oeil sur les gros lourds qui emmerdaient la serveuse. De temps en temps, je leur lançai une injonction ou un grognement suffisamment imposant pour qu'ils se calment quelques instants. Mais si ça continuait, j'allais sans doute passer à la deuxième étape de la correction.
Enfin... c'était le plan jusqu'au moment où un type random, trop bien habillé pour traîner dans ce genre d'endroit sans avoir pour seule envie de se saouler la gueule vienne m'agripper et me passe un téléphone tout en lançant
Tiens Mickaël, ma femme insiste pour te souhaiter tes cinquante balais.
Je buguai sur l'instant, ne sachant quoi répondre. Le type me lança un regard suppliant, comme s'il voulait vraiment que je le couvre. Je jetai quelques regards à droite à gauche, hésitant sur la marche à suivre. J'entendis ensuite la voix criarde de l'autre côté du téléphone. Je n'avais jamais été marié, mais j'avais connu une sacrée chieuse durant mon temps en Russie, et je savais bien ce que pouvait signifier une soirée d'évasion loin de bobonne. Aussi, avec le plus d'assurance possible, je lançai dans le petit appareil.
C'est gentil Doris ! Merci beaucoup ! Merci d'avoir appelé mais... Oh putain ! Hey mec, c'est pas l'moment où j'fais un discours ? Si ! Y'a Bob qui m'appelle. Allez passe une bonne soirée... Oui j'lui ai demandé de parler avant moi. Tu crois quoi ? Le foutre dans la merde, c'est ce que j'adore ! Allez je te laisse.
Je raccrochai le téléphone et le rendis à son propriétaire en souriant. Je repris une grande bouchée de mon burger et, alors que le gusse en face allait se lever pour partir, je le rassis en lui posant la main sur l'épaule.
Pas si vite mon pote. Vu que visiblement on est frangins... ? Potes...? Collègues...? J'en sais rien. Quoi qu'il en soit, on va discuter.
J'attrapai ma chope de bière, vide, et la lui montrait.
Tu vois de la bière là-dedans ? Non ? Et tu vois un verre dans ta main ? Moi non plus. Alors tu sais quoi faire.
J'engloutis encore un quart de mon dîner, lui laissant le temps de commander la suite de notre soirée. Une fois les boissons arrivées, je pris la mienne, en vidai la moitié et lui demandai, avec un rot bien gras.
Bien. Moi c'est Hadrien, pas Mickaël. Et t'es qui toi ?