Extraits de paroles, de jingles et d’images entrecoupées, jamais fixés plus de dix secondes sur l’écran de télévision. C’est finalement sur une grande chaîne d’information américaine que le zappage éclair s’arrête, alors qu’une mère réprobatrice confisque une fois pour toutes la télécommande à son enfant. Sur l’écran, un présentateur bien arrangé au sommeil dissimulé sous une couche de correcteur se prononce d’une voix uniforme :

“En direct sur CNN Maine nous revenons sur l’Affaire Bellandi. Le premier janvier, Alcide Bellandi, personnalité influente de la ville d’Arcadia, se faisait arrêter pour meurtre au premier degré, mise en danger de la vie d'autrui et association à une organisation criminelle. Le procès a eu lieu cette semaine, au tribunal de district d'Arcadia. La décision de justice est restée méconnue jusqu'à aujourd'hui. Emmy Goldberg, journaliste juridique et correspondante locale de CNN, nous communique en direct l’issue du procès.”

Sur le téléviseur, images de foule et vidéos enregistrées à la volée du coupable à l’entrée dans l’édifice sont communiquées : le visage de l’accusé demeure dissimulé derrière un vêtement tandis qu’autour, les photographes font la course au meilleur cliché, celui qui aura l’honneur de faire la une dans le prochain numéro d’Arcadia News. Sur l’une des extrémités, une jeune femme relate en direct les événements devant un microphone, tandis qu’à l’opposé, un portrait impartial d’Alcide Bellandi illustre ses propos.

“Bonjour CNN. Je me trouve actuellement devant le Tribunal de district d'Arcadia où la sentence a été prononcée dans la semaine concernant l’affaire Bellandi. Là où un procès moyen aurait duré entre 10 à 12 mois, ce dernier semble avoir été pressé par sa médiatisation et par les récentes résolutions du maire de la ville, mais surtout les preuves accablantes qui pesaient contre l'accusé. Comparu devant le juge Samuel Breyer, sans jury (...). Tandis que les accusations pour mise en danger de la vie d’autrui n'ont pas été retenues, son association à une organisation criminelle ainsi que sa culpabilité pour le meurtre au premier degré de sa femme, Frances Bellandi, ont été prouvées. Le juge, s'est prononcé en faveur de la peine proposée par le procureur Luther McLeod, qui a prouvé sa culpabilité au-delà de tout doute raisonnable. L'homme a de ce fait été condamné à la réclusion à perpétuité, sans remise de peine.”