Il n’y aurait que l’obscurité pour terrain et que les étoiles comme témoins ; ce soir, tandis que certains s’abandonnent à leurs songes, d’autres conspirent à la lueur chaude des lampes. Plantée devant l’immeuble, fixant les les lumières s’éteindre les unes après les autres, la brune imaginait dans l’ordre les enfants se coucher puis les couples se glisser sous les draps ; elle se demandait si leur insouciance n’était pas parfois plus douce que la constante tourmente dans laquelle elle se trouvait et si elle était prête à l’échanger contre une existence fade. La cigarette se consume, la fumée forme un écran opaque devant ses yeux la ramenant à la réalité et elle laisse tomber le cylindre qui vient finir sa course sous sa lourde chaussure. L’odeur du tabac froid encré dans le cuir de sa veste, Astrid fit la moue en la jetant sur ses épaules tandis qu’elle gravissait les escaliers la menant jusqu’aux appartements d’Aura. Elle n’était pas prête de dormir et Dieu sait qu’il s’agissait déjà d’un exploit lorsqu’elle parvenait à s’abandonner mais elle était toujours sur le qui vive et son instinct ne lui accordait qu’un sommeil léger, prêt à dégainer au moindre coup de vent qui viendrait la caresser. De toute façon, avec sa récente intégration aux obscuris, elle avait fort à faire. Le X de Khaos la hantait et les actes récemment perpétrés avaient un impact certain sur ses pensées, mais ça, Aura ne devait en aucun cas le savoir. Si elle venait à apprendre que tel un doux poison, la doctrine obscuri arrivait à trouver un sens dans son esprit, sa confiance pouvait en être ébranlée, voir même petit à petit corrompue.

Comme Astrid. Corrompue.
Elle ne laisserait pas ça arriver. Elle était maîtresse d’elle-même et de ses convictions. La brune se fige lorsqu’elle arrive face à la porte, prise soudain d’hésitation. Même si elle ne l’admettrait jamais, ce genre de rapport ne lui plaisait guère car ils sonnaient pour elle comme une mise à l’épreuve dont elle se serait bien passée.

Trois coups. Suivie d’un quatrième, espacé de quelques secondes, une sorte de code établi pour savoir qu’il s’agissait de sa fidèle amie.

« Jolie baraque. » se dit-elle à elle-même, comme pour s’entraîner à complimenter les lieux avant que son hôtesse ne se présente dans l’encadrement de la porte. Trop grande à son goût. Trop d’espace, trop de recoins dangereux. Elle tente une plaisanterie. « Vous arrivez à vous voir, dans toute ces pièces ? »  Surtout lui, il n’est pas très imposant. Pourquoi faut-il que ce soit si grand ? Pourquoi se complaisent-ils dans un si vaste espace inutile ? On a plus froid dans une grande maison, c’est un fait.

Astrid aurait préféré l’ivresse pour cette soirée, se noyer dans un whisky , ou dans des draps interdits.

Les yeux rivés sur le mur, Aura réfléchissait aux derniers événements. Elle se demandait jusqu’où irait Khaos, dans son envie de récupérer le monde sous sa coupe. Combien de vies supplémentaires allaient être sacrifiées… Certes, cela venait d’un esprit aussi sanguinaire et perverti que celui de l’italienne, capable d’évoquer la mort de tous sans jamais sourciller. Néanmoins, elle ne sacrifiait pas ceux pensant différemment pour mettre en avant sa propre doctrine. Elle ne valait peut-être pas mieux que celui qui fut le grand-père d’Hécate, cependant, elle ne rejetait pas la faute de son comportement, de ses meurtres, sur les autres pour les justifier. La voilà, la différence principale entre eux deux. Les ténèbres avaient beau être profondes, à l’image de ce ciel sans lune, Aura n’en effleurait que la surface. Une petite joueuse dans un monde bien plus violente, bien plus dégueulasse. Combien de temps pourrait-elle résister à la noirceur de son âme, à l’impact de l’entité suprême sur sa divinité ? Car Août avait été une mise à l’épreuve désastreuse. Cette conscience entièrement éveillée, l’italienne en gardait toujours un goût amer. La perte de contrôle, rien ne l’avait préparée à cela, tout comme l’impuissance qui en découlait. Khaos pouvait les contrôler.

La réalité l’avait frappée une nuit, au milieu d’un cauchemar. Elle dormait peu depuis son retour, réclamée une attention réelle de la part de Clemens. Il avait cette humanité réconfortante, qui lui rappelait qu’elle n’était pas encore divine. Qu’elle ne voulait en aucun cas le devenir. Néanmoins, il y avait eu du positif dans cette histoire. Les obscuris s’étaient révélés, organisation bien rôdée dont l’avocate avait déjà eu vent auparavant. C’était pour cela qu’elle avait confié ses doutes à Astrid, la seule à même de l’aider, l’unique à qui elle accordait sa confiance sur ses sujets-là, aussi sensibles. Il fallait aussi faire face à la récurrence d’Eris, cherchant le chaos envers et contre tout, sans jamais se rendre compte qu’elle sacrifiait aussi son futur dans l’affaire. Après tout, à quoi bon régner sur un monde en cendres ? Hécate fournissait les souvenirs, les connaissances sur les précédentes affaires aussi sombres que celle-ci. Tout comme les pouvoirs de prémonitions d’autres hôtes, d’autres récurrences avant Aura. La migraine pointait le bout de son nez, mais il fallait dire que cette conscience supplémentaire était utile, pour brainstormer, pour tenter de trouver des solutions. Car s’ils ne faisaient rien, tout panthéon qu’ils étaient, toute mafia qu’ils se prétendaient, il n’y aura bientôt plus de quoi se battre.

Les coups portés sur la porte la firent revenir dans le présent. Quelques secondes pour savoir qui se présentait, et elle quitta son fauteuil bien confortable pour traverser quelques couloirs. Le bruit de ses talons était étouffé par les ombres s’entortillant autour des chevilles. Cela lui permit d’être parfaitement discrète, et d’entendre la seconde phrase en ouvrant soudainement la porte. « Tu sais, les GPS sont parfaitement au point aujourd’hui. » Sans manquer un seul son. Le français flirtait sur ses lèvres, au cas où un espion quelconque ait été placé dans le coin. Aura se savait surveillée par la police, et veillait donc à éviter l’anglais dans la majorité de ses échanges. « Bonsoir Astrid. » Le sourire se dessina, léger, sur le coin de ses lèvres, contrastant avec le sérieux que son corps et ses iris portaient. Le paradoxe d’Aura, emmitouflé dans le visage de poupée qu’elle se trimbalait encore. « Je te remercie d’être venue. » Et elle s’effaça, pour la laisser entrer. Dans son comportement, rien ne transparaissait, encore moins les multiples questions qui tracassaient l’italienne. Elle avait appris dès son plus jeune âge, à toujours montrer une face assurée, en toutes circonstances. Surtout quand tout s’écroulait.

Deux verres furent sortis une fois dans l’une des salles. « Que souhaites-tu à boire ? » Demande étrange, quand on savait qu’Aura n’était plus impactée par l’alcool depuis quelque temps déjà. Conscience gardée secrète, mais qui lui permettait sans aucun souci de voir Hel se dessiner sous ses pupilles…

Pourquoi aurait-elle peur ? N’était-elle pas souveraine des enfers ? Astrid avait vu ce dont elle était capable, de la malédiction que cela avait engendré dans sa vie, des pouvoirs extraordinaires qui en découlaient quand bien même ils l’épuisaient lorsqu’elle s’adonnait à ces miracles contre nature. Il y avait Elle et il y avait Hel. Elles cohabitent au sein d’un même corps mais ne suivaient pas les mêmes objectifs. Parfois, la jeune femme se sentait s’échapper à elle-même, à s’enfoncer dans une spirale de chaos et de pouvoir ; elle qui n’accomplissait ses sombres desseins que par professionnalisme, elle trouvait désormais j’en satisfaction, un sentiment de puissance décuplé à chaque sacrifice. Parfois, Khaos trouvait un chemin jusqu’à sa raison. Et c’est ce qui l’effrayait le plus, dans toutes ces histoires. Depuis les derniers événements, son appartenance aux Obscuris n’était pas officielle, mais elle faisait des efforts considérables pour dissimuler toute trace de son affiliation.

De toute façon, Astrid n’avait pas le choix. Elle était là pour rendre des comptes à sa supérieure qui l’avait entraînée là dedans et elle devait mieux savoir les tenants et les aboutissants de cette mission, la française n’avait de toute façon pas son mot à dire et elle était ravie d’être utile à son amie. La porte s’ouvre sur cette dernière, Astrid la dépasse de peu en taille mais elle sent Aura bien plus imposante par sa présence. Elle devait manifestement l’avoir entendue, puisqu’elle répond avec humour à sa réflexion. C’est sans surprise que l’italienne s’adresse à Astrid en français, détail qui lui arrache un sourire car même s’il s’agit uniquement d’une précaution en cas d’espionnage, la jeune femme avait peu d’occasions de parler sa langue natale.

« Salut, Aura. »

Elle garderait ses compliments pour elle. Passant la porte, Astrid fit mine de ne pas relever le souci qui devait peser sur les épaules de son amie, principalement car Aura mettait un point d’honneur à le cacher la plupart du temps mais aussi car il était inutile de relever ce qui était évident. La française n’était pas liée aux affaires de la Nuova Camorra, principalement car le jeu de pouvoir à Arcadia ne lui semblait pas valoir le coup, tout du moins pas suffisamment pour s’y mêler. Néanmoins, Aura y avait laissé une partie de son âme et cela devait s’ajouter aux nouvelles menaces qui devait probablement la tourmenter... Même si elle n’en avait aucune preuve.

Les verres sont de sortie, l’alcool aussi manifestement. Après tout pourquoi pas ; elle en rêvait suffisamment pour faire taire les voix dans sa tête.

« Whisky. Comme d’habitude. »

Astrid dérogeait rarement à son goût pour le whisky. Elle prit place en face de son amie, essayant de peser ses mots avant de finalement se lancer :

« Je suis désolée de te brusquer avec ça. Mais on doit parler. »

Le cadavre sur la mairie, l’assassinat du Maire, tout ça n’était qu’un début. Les Obscuris avaient l’intention de frapper fort, mais surtout de ne pas perdre de temps maintenant que leur symbole de ralliement était connu.

« Les recrutements sont de plus en plus nombreux. Chaque jour, un nouvel allié. Ce qui va arriver ne va pas être beau, Aura, mais je n’obtiens les informations qu’au compte goutte. Ils sont dangereux mais pas suffisamment stupides pour tout me déballer. »

Elle n’avait pas suffisamment fait ses preuves, n’étant arrivée que fraîchement. La brune plisse les yeux, sans montrer une note d’inquiétude dans sa voix ou sur son visage. Elle reste factuelle. En distinguant l’aura pourpre autour de l’italienne, Astrid hésite sur la suite de son rapport et à se confier sur ses questionnements mais elle craignait de perdre sa confiance si elle admettait sa faiblesse.  

La neutralité des traits, seulement traversée par un léger sourire, rappelait que la vie n’était pas aussi simple qu’elle l’aimerait. La guerre des mafias faisait rage dehors, Khaos n’attendait qu’un faux-pas venant des panthéons pour reprendre le contrôle. Et Aura connaissait bien ces instants, ceux où tout peut basculer, où on attend simplement, chacun dans sa tranchée. Maximilio lui avait fait étudier les multiples moyens de briser ce statu quo, à son avantage. Néanmoins, à Arcadia, elle était pieds et mains liées. Impossible pour elle d’avoir la marge de manœuvre et le temps nécessaire pour mettre en place un quelconque plan. Et surtout… Elle manquait d’informations. Elle en avait discuté avec Astrid, quand elle avait été certaine pour les obscuris, cependant, Aura elle-même ne pouvait pas pénétrer dans leurs rangs. Hécate était trop présente, et bien que maléfique, elle se devait de garder une indépendance comme son hôte désormais. Se lier d’un poids supplémentaire à ses chevilles, voilà qui était devenu pour elle inconcevable. Si elle gardait son aisance habituelle à se glisser dans les divers rôles à sa portée, Khaos était un trop grand ennemi. Et depuis ce stade de conscience où sa propre volonté avait été écrasée, et celle de sa déesse balayée, elle avait compris qu’il lui faudrait être bien plus lente que d’habitude.

Sans un autre mot, l’italienne attrapa deux bouteilles dans le placard, une de whisky, qui trônait là pour une raison quelconque, et une de nectar, payée à prix d’or dans les tréfonds de la ville. Liquide aussi ambré, mais bien plus puissant si on s’y attardait… Verres remplis, avant de s’installer dans les fauteuils installés il y a peu. Tout était neuf par ici, tout comme la nouvelle page qu’elle écrivait. « Ne t’en fais pas, il faut en effet que nous évoquons ces sujets. » Hel brillait, d’une violente aura rougeâtre. Etait-elle stable Astrid ? Plus proche de l’italienne ou d’une personne comme Sybille, bouffée par la divinité en son cœur ? Les questions se bousculaient, néanmoins, pour le moment, Aura lui accordait toujours son entière confiance. Pas besoin de douter de la française, malgré les interrogations. Elle était un peu la sœur qu’elle n’avait jamais eue, avec une ligne de vie si différente et si similaire à la sienne. Tant qu’aucune preuve tangible ne viendrait entraver sa pensée, l’avocate continuerait sur cette voie, avec Astrid. Le reste, les soucis, elle y penserait en temps voulu. Même si tout le monde savait qu’Aura ne faisait pas dans le sentimental.

Elle écouta silencieusement les propos d’Astrid. Evidemment que tout était en train de basculer. Khaos avait changé sa façon de faire, pour des raisons qui lui échappaient toujours. A moins qu’il se sente condamné, ou en danger… Ou qu’il sache les panthéons voués à leur destruction. Chaque réponse soulevait des dizaines d’autres questions, sans fin. Le regard se perdit un instant dans le vide, alors que le poignet faisait jouer le liquide dans son verre. « Ils ont assassiné le maire. Khaos s’est infiltré à la Mairie entouré des titans. » Aura le savait, elle qui percevait les auras, les identités, elle qui se souvenait de toutes ses réincarnations, et de la mythologie antique qui coulait dans ses veines… « Il se cherche des alliés capables de rivaliser avec des dieux, et qui nourrissent une haine profonde envers eux. » C’était logique, cohérent. Les doigts remirent une mèche de cheveux à sa place. « Ne te mets pas en danger. Fais ce que tu souhaites à côté de cela, mais si tu te rends compte que ça mènera à ta perte… Arrête. » Ce n’était pas tant un ordre qu’une demande. D’un côté, Aura ne voulait pas perdre Astrid.

Puis une autre question passa la barrière de ses lèvres, comme pour inviter à une autre discussion. « Comment te sens-tu là-bas ? Et à Arcadia ? » Ce n’était pas la France. Ce n’était plus un terrain connu et conquis. Et dans la ville des dieux, l’âme en elle aurait tôt fait de s’agiter…

Les verres sont de sortie, l’alcool viendrait délier les langues. Astrid se sent différente, perturbée, les maux de son âme qui viennent la bouffer jour après jour comme si elle se consumait. Khaos avait trouvé une porte d’entrée et s’était engouffrée dans ses entrailles, c’était désormais une gangrène qui se développait dans le coeur de la déesse, séduite par l’idée du chaos et de la désolation, elle qui avait toujours régné sur un empire de poussière. Elle en avait vu des révoltés, des coeurs brisées, des colères sombres venues affronter le monde tel qu’il était ; Astrid avait été témoin distant des personnalités qui s’étaient frayées un chemin jusqu’à la déesse de la discorde. Et elle ? Il ne s’agissait que d’une mission, une mission qu’elle craignait de peut-être échouer si la déesse prenait le dessus, si elle devait se plier aux exigences de celle qui l’habitait. Elle devait faire ça pour Aura, il n’y avait que ça qui comptait car quand bien même les deux poupées étaient de glace, Astrid était persuadée que leur coeur pourrait se briser si jamais une telle chose venait à les séparer. Bien sûr, elles sauraient chacune quel devoir leur incomberait, celui d’éliminer l’autre, qu’à cela ne tienne, elle s’y plierait mais derrière le masque de pierre se cacherait bien plus qu’on ne peut l’imaginer.

Astrid contemple son verre et le liquide ambré qui y sommeille, elle considère un instant l’alcool, installée au fond de son fauteuil. Les jambes se croisent, le dos est droit ; la française ne déroge pas de son port de tête malgré la lueur d’inquiétude qui marque son visage l’espace d’une seconde. Les mots et l’ordre sont clairs, Aura ne souhaite pas qu’elle s’aventure par delà la raison mais Astrid ne l’entend pas de cette oreille et répond calmement mais fermement :

« Je ne peux pas arrêter, Aura. Je ne peux plus reculer désormais et tu le sais. Je le savais également en choisissant cette voie. »

Jamais Khaos n’accepterait que quelqu’un qui en sache tant fasse machine arrière, d’autant plus quand on la savait liée de près à d’autres dieux. Elle était les yeux et les oreilles de l’italienne au sein des Obscuris, elle devrait gagner leur confiance en se salissant les mains et les conséquences… Ils verraient plus tard. De toute évidence, cela ne se terminerait bien pour personne mais elle était prête à prendre le risque. Pour appuyer ses propres, la brune lance :

« Quand il sera l’heure pour moi de faire mes preuves, je ne sais pas encore ce qu’il me sera demandé. Je ne sais pas si je devrais ôter la vie ou si je devrais montrer l’exemple ; quoi qu’il arrive, sache que je suis de ton côté, n’en doute pas. »

Même si Astrid doutait elle-même de ses paroles. Un jour, lorsque Hel prendra les rênes, la française savait qu’elle n’aurait plus son mot à dire et peut-être plus la même retenue qu’aujourd’hui. Elle était une tueuse froide et professionnelle ; peut-être serait-elle sanglante et redoutable. Le sujet dérive sur l’intégration à Arcadia et le verre de whisky se vide à vue d’oeil tandis que la jeune femme peut sentir la qualité de l’alcool brûler son palais.

« Ici ou ailleurs. » se contente-elle de répondre. Puis après un instant de rélfexion, elle se corrige : « Ce n’est pas l’Europe, mais on a vécu bien pire toi et moi. Je ne dirais pas que c’est la fatalité qui nous a menées ici, mais c’est tout comme. » La ville des Dieux, celle du conflit. Astrid n’aimait pas croire en une forme de destin mais tout pointait dans cette direction, contournant la question. La mafieuse plisse les yeux :

« Mais je constate que tu y construis quelque chose. »

Ce n’était pas un reproche, bien au contraire. Même si Clemens était une distraction, peut-être même une faiblesse, il était néanmoins de bonne influence sur Aura. Mais elle ne le lui avouerait jamais.

Les verres s’entrechoquèrent, l’alcool à l’intérieur différait, tout en restant d’une couleur ambrée si caractéristique. Whisky et ambroisie divine, l’un était pour tous, l’autre seulement pour les quelques divins, tuant tous ceux qui n’étaient pas surnaturels. Si dégueulasse. Et Clemens qui s’interrogeait sur le goût, se demandant avec des yeux écarquillés ce dont il s’agissait. Sauf que ça le tuerait, pauvre mortel qu’il était. « A nous. » Un simple murmure envers l’amie, avant de prendre une gorgée, brûlante. Ca lui donnait l’illusion d’être vivante, quand elle s’y attardait. De boire, de manger, épicé, alcoolisé. Surtout avec les mots qu’Astrid lui offrait. Ne plus avoir le choix, les dents se serraient, la colère traversa ses pupilles dans un éclat, avant que le lac reprenne le dessus. Sans un mot, sans une réponse sur le coup. Ca l’agaçait, ça lui donnait envie de mettre une claque à la jeune femme, de lui rappeler qu’un ordre en restait un, et que sa vie valait plus que la moindre mission. Et si le problème était Khaos, mieux valait ne pas sous-estimer Aura et sa force de frappe. Ce n’était pas pour rien qu’elle avait survécu pendant des années, géré une mafia à distance. Certes, cela avait été possible grâce à Astrid, mais l’esprit et la puissance de l’italienne restaient inouïes pour une femme dans ce domaine…

« Certes, cela peut s’avérer difficile. Mais je ne souhaite pas perdre une amie pour ce genre de choses. » Pour une vulgaire mission… Même si Aura la tuerait de ses propres mains si cela s’avérait nécessaire. Qu’importait l’amitié, les liens qui les unissaient. Peu pouvaient passer outre la folie meurtrière et glaciale de l’italienne, à part peut-être son oncle et son ancêtre, l’un s’étant fait tuer comme un con tout seul, le second étant bien plus puissante qu’elle ne le serait jamais. Et Clem, qui était encore à part. Peut-être qu’elle aurait mal au cœur l’italienne, qu’une larme s’échapperait, mais si Astrid décidait de s’en prendre à elle… C’était vivre ou mourir, et Aura ne souhaitait certainement pas perdre la vie. « Tout comme je suis du tien. » Un sourire, derrière les traits de marbre. « Je te fais confiance, et tu le sais Astrid. » Elle était la seule à connaître son passé, l’une des rares à savoir pour l’organisation construite à partir de rien. Elle était comme une sœur, quoique ce mot veuille dire. Comme un deuxième doigt sur la main.

« Il est vrai que nous sommes des nomades. Partout chez nous, pour un peu qu’on nous laisse le temps. » Et l’ascension d’Aura au cœur de la Camorra en étant l’exemple, tout comme Astrid en ferait de même au sein des Obscuris, elle en était certaine. Elles étaient faites pour cela après tout, une vie de crime dans un monde empli de chaos. « Je pense… Qu’il y a une certaine attraction pour Arcadia chez les dieux. Ce lieu nous attire, indéniablement. » Ils s’y retrouvaient tous, et ce, depuis des années. Comme si, quelque part dans leurs gênes, ils sentaient que la fin était proche, et qu’ils devaient s’en prémunir. « D’ailleurs, Arkadia est le nom donné à une ville utopique dans la mythologie. » Le sourire se fit narquois. Et voilà où nous en sommes. Elle s’appuya, s’enfonça un peu plus dans son fauteuil. Hécate se calmait sous l’impulsion de Clemens, l’italienne n’en doutait pas. Et ça lui permettait de maintenir un équilibre, de retrouver un but, après que les trahisons et les morts se soient multipliées.

« En effet. » Pourquoi l’infirmait, quand tout prouvait le contraire ? Aura n’avait pas à mentir dans ces moments-là, ce serait dénigrer ce qui la liait à la française. « Ca apporte une raison supplémentaire de ne pas mourir. » Ce qui lui manquait par instant, ce qui l’avait par le passé poussait à commettre des erreurs, à se plonger corps et âme dans des recherches, dans la mort. « Et pour être honnête… Ca calme la déesse aussi, de ne pas qu’entrer en résonnance avec des dieux. » Parce que c’était épuisant avec les souvenirs, même si Hécate n’était pas des plus prenantes, et qu’Aura ne lâchait aucunement la main. Il fallait juste être honnête parfois, et se rendre compte que le sang sur les mains ne faisait qu’accentuer la sociopathie et l’emprise du surnaturel dans sa chair…

« Tu l’as rencontré ? » Ce ne serait pas étonnant venant de celle avec qui elle avait tout partagé, qui avait tout appris concernant la recherche d’informations. Tant qu’elle ne lui mettait pas un couteau sous la gorge, évidemment.

Les flammes dans les yeux d’Astrid ne s’éteignaient jamais, comme si l’enfer brûlait dans ses yeux en permanence, elle dont la déesse trônait dans des déserts de glace. Quelque chose grandissait en elle, quelque chose qui la dévorait à petit feu. Serait-elle encore elle-même quand les flammes auront fini de se consumer ? Quand il n’y aura plus rien à lécher de leur chaleur éternelle ? Il y avait une forme de fatalité dans la maladie qui l’emprisonnait et Astrid n’avait plus qu’à accepter ; faisant tinter leurs verres, les amies, les soeurs, s’en remettent à la liqueur des dieux. Oh, elle était guerrière, combattante, mais avant tout, elle était dévouée. Astrid avait en horreur de laisser une mission inachevée, même si elle avait cet instinct de survie basique qui lui soufflait de s’enfuir quand tout devenait hors de contrôle. Pourtant le X gravé dans sa chair avait un goût de condamnation et elle doutait de pouvoir un jour y échapper, même si Aura avait eu envie de l’extirper de là. Le sourire d’Aura. Ce dernier était comme une signature de contrat, quelque chose qui rassurait sans nul doute son amie qui se détend malgré les circonstances qui la mettent mal à l’aise. Le sujet de Khaos serait oublié ; ce soir, il n’était pas forcément question de travail mais plutôt de se retrouver.


Astrid ne savait pas très bien comment l’italienne devait se sentir, sachant qu’il lui arriverait sans doute la même chose, le temps lui offrirait l’opportunité de le découvrir dans les semaines à venir. La seule chose dont elle était certaine, c’est qu’elle serait à ses côtés, au moment propice. Elles étaient celles qu’on pouvait qualifier de leaders naturels, gravir les échelons et se construire un nid le temps d’une mission, le temps d’un objectif. Pourtant, Arcadia semblait être aujourd’hui leur ultime destination, Astrid le ressentait au fond de ses entrailles. A la différence d’Aura, la française n’y avait encore rien construit de concret. Sauf peut-être… Eh bien, sauf peut-être avec Raphaël. Mais c’était encore fragile, incertain. Sur une note plus légère, la brune rétorque : «  Eh bien dans ce cas, je devrais peut-être déménager. Mon placard à balais commence à devenir étroit. » Elle avait toujours été une minimaliste et il était plus arrangeant d’avoir le moins d’affaires possible à laisser derrière soit pour s’enfuir mais elle se surprend à dire : «  Qui sait, je pourrais prendre goût à la décoration d’intérieur. » Elle pouffe, comme si tout ceci était surréaliste. «  En parlant de décoration, les fameux chats sont là ? » Créatures du Diable.

La confiance mutuelle leur permettait d’être un peu plus honnêtes et profondes même si Astrid ne voulait pas brusquer son amie sur le sujet. Elle la savait fragile sur le sujet des sentiments, quand bien même elle arrivait à desceller dans son iris une pointe de tendresse. C’est quelque chose que le temps lui avait permis d’apprendre à détecter sur le visage de la petite italienne, quelque chose d’imperceptible pour ceux qui ne voyaient encore que son masque crispé et sans pitié. Au fond, peut-être que Clemens était ce qu’il y avait de mieux pour Aura ; à force de vivre dans la violence et la soif de pouvoir, couplé à la guerre des dieux qui se profilait, on en devenait fou. «  J’ai eu le plaisir de le croiser une ou deux fois. » Mais il n’est pas très bavard. Et pour être honnête, c’est tant mieux. Il ne manquerait plus qu’il soit un moulin à paroles… Mais elle avait assez confiance en son amie sur les choix qu’elle faisait. Néanmoins, elle se permet : «   Mais si je l’ai vu, d’autres pourraient le voir. Ce n’est jamais bon pour les affaires. » Elle n’avait que faire du destin de Clemens mais celui d’Aura comptait alors par extension, si elle devait déchaîner les enfers pour lui, elle n’hésiterait pas une seconde. Dans un moment de faiblesse, Astrid ajoute : «  Je crois bien que je commence à comprendre. » Comprendre ce que c’était de partager sa vie, comprendre qu’il était possible de se mettre en danger pour la vie d’autrui. Un demi sourire naît sur ses lèvres : « Il faut croire que je n’en avais pas assez des dieux, il a fallu que je me mette sur le dos l’un de ses porte paroles. » Un porte parole bien étrange et qui n’en respectait que peu les préceptes mais un prêtre quand même. Un prêtre tout ce qu’il y avait de plus humain, du moins elle n’avait aucune raison de penser le contraire.

Les iris se perdaient dans celles d’Astrid, dans la couleur ambrée du liquide dans son verre. L’un était alcool divin, quand l’autre prouvait encore l’humanité de son porteur. Aura n’avait jamais aimé l’ichor dans ses veines, d’autant plus qu’il était la cause d’une majorité de ses problèmes, de son éveil en tant que mafieuse jusqu’à la raison même de sa survie, et de la mort de celle qui lui avait donné la vie. Néanmoins, c’était des pensées, des propos passés sous silence, parce qu’il y avait toujours pire ailleurs, toujours plus sanglant, toujours plus horrible. Des mots qu’elle avait entendus, non pas prononcés à son encontre, mais juste au gré de ses promenades. Des mots de parents envers leurs enfants, de la société envers ceux dont les maladies gâchaient la vie. A quoi bon se plaindre quand d’autres vivent toujours dans pire ? De toute façon, le passé ne pouvait être changé, et ce, malgré Hécate. Aucun pouvoir de manipulation temporelle ne s’était glissée entre ses doigts, et quand bien même elle en aurait, que pourrait-elle faire ? Aurait-elle tenté de changer quoi que ce soit ? Tant de questions, qui resteraient sans réponse dans l’esprit glacé de l’italienne.

« Tu pourrais trouver un appartement dans les environs. Même si ce n’est en aucun cas un ordre, tu le sais bien. »  Aura ne la pousserait pas à se rapprocher, si elle avait trouvé son chez-soi. Sinon, une place l’attendrait toujours non loin. « Et je t’aiderai dans tous les cas. »  Que ce soit une histoire d’argent ou de visite. De temps passé ou d’hommes à éliminer. « Tant qu’on peut éviter les murs tachés de sang... »  Non pas que cela la dérangeait elle, néanmoins, pour les visites que Clemens et elle avaient… Oui, ça ferait tâche dans le décor. Autant rester sur du soft. « Oh. Salem doit se promener dans la maison ou dans le jardin. Si tu vois un tas noir t’approcher, ce sera lui. »  S’il ne tentait pas d’écraser Astrid. Car c’était son kiff absolument, de s’asseoir sur les gens, de marquer son territoire. Et Aura se contentait de l’observer, et de soupirer. C’était le grand amour de Clemens après tout, la bestiole favorite, et l’italienne avait appris à l’accepter. En fait, sans jamais l’avouer, elle l’appréciait même. Les ronronnements avaient quelque chose d’apaisant, même si elle préférait ne pas se faire virer du lit la nuit…

« Je ne pense pas que quelqu’un tente de s’en prendre à lui. »  Si quiconque essayait, ce serait l’ire de la Calavera qui déferlerait sur la personne. Se mettre la mafia la plus violente de la ville à dos n’était guère le plus intelligent… Se mettre Aura à dos non plus cela dit. « Je sais très bien faire passer les messages. »  Une tête tranchée, un corps balafré, torturé. Et le sourire sur les lèvres se voulait reposant, se faisait dérangeant. Le vide dans les iris prouvait le sérieux de la remarque. De toute façon, Astrid n’avait pas besoin de cela. Elle connaissait suffisamment l’avocate, avait assisté à quelques-uns de ses messages. Un peu d’hémoglobine, des morceaux de corps, des tripes formant un chemin… Peu avaient continué sur cette voie par la suite. Et les rares assez courageux, téméraires, suicidaires y avaient perdu leur âme. Ne jouez pas avec le Diable. « Et s’il faut raser la ville, je le ferai. »  Un murmure, futur bien sombre qu’elle dépeignait dans la moindre hésitation. Quiconque s’en prendrait à lui, ou même elle, se verrait puni. Et s’ils mourraient, ce serait Arcadia qui tomberait en cendres…

« Qui a attiré ton attention de la sorte ? »  Les deux psychopathes parlant de sentiments, voilà qui était étrange. Néanmoins, elles n’en restaient pas moins humaines. Et quand les barrières s’effritaient, il ne restait que la fragilité dans son écrin le plus pur...

Astrid était consciente qu’il s’agissait d’une question de temps. Le moment où elle serait prise par la déesse, autant qu’Aura était hantée par Hécate, l’aura pourpre qui l’entoure comme preuve ultime. De quelle couleur elle était, son aura, à Astrid ? Elle se le demandait. Elle n’avait pas encore rencontré d’autres membres de son panthéon alors elle n’avait qu’une vague idée de ce que cela pouvait représenter.

Il est désormais question de sa localisation. Bien qu’Astrid n’était pas du genre à attacher une quelconque importance à son lieu de vie, préférant la liberté de choisir sa couche au gré de ses humeurs, peut être était-il temps de se rapprocher de cette grande maison.  «   Peut être devrais-je me rapprocher. Par sécurité. » Néanmoins, concernant la propreté, ça n’était pas encore ça. La criminelle n’avait que peu de scrupules à se salir les mains et la plupart de ses affaires étaient rapidement souillées, ce que son compte en banque savait prendre en charge lorsqu’il s’agissait de renouveler sa garde robe : «  Je promets de garder l’hémoglobine de mon côté. Même si le pressing n’accepte plus mes paniers, étrangement. » Un petit sourire en coin naît que les lèvres de la jeune femme alors qu’elle y porte son verre qu’elle finit d’une traite.

«  C’est bien ce qui m’effraie, Aura. » Son avis sur Clemens était bien arrêté mais elle ne souhaitait pas aller à l’encontre des choix d’Aura. Elle seule était capable de savoir ce qui était bon pour elle et au delà de ça, de ce qui était bon pour eux. Cependant, si c’était un danger pour lui de côtoyer Aura, il était également un danger pour elle. L’amour, c’est la plus stupide forme d’inconscience, c’est donner la possibilité à quelqu’un de nous détruire avec des armes qu’on leur a nous même fourni. Au même titre que d’autres émotions comme la colère, l’attachement était une tare que les gens comme eux ne pouvaient se permettre d’accepter dans leur vie ; la soif de pouvoir n’allait pas de pair avec la miséricorde de leurs ennemis. On place ses pions avec attention, la mafia c’est une partie d’échec à plus de deux joueurs. Astrid siffle : «  Dis à ta créature de ne pas s’approcher. Tu sais bien que je préfère les canidés. » Ils avaient toujours eu l’affection de la déesse, à l’inverse des félins qui malgré leur caractère très proche de celui de la jeune femme, n’arrivaient pas à s’attirer ses faveurs.

Lorsque vient son tour de son confier, la française hésite. Jusqu’ici, Raphaël avait été son secret, ce qu’elle n’avait jamais osé dire même s’il s’agissait simplement de rencontres innocentes autour d’un verre mais il lui paraissait bien trop fragile pour survivre dans son univers... Trop pour que leur relation soit dévoilée en tout cas. Mais Aura n’était pas n’importe qui : c’était comme sa sœur... N’était-ce pas ce genre de choses qu’elles devraient se confier ? «  Un prêtre. Mais c’est trop dangereux pour lui, je crois que je préfère le laisser en dehors de ça, quitte à lui briser le cœur. » Comme c’était étrange pour les deux psychopathes de parler de coeur. C’était aussi étonnant qu’une fausse note dans une symphonie magnifiquement bien interprétée.

«  Je dois te parler de quelque chose. » Une pause, une seule, le temps de rassembler ses idées. Astrid parle encore affaires car c’est plus simple de se concentrer là dessus que sur ses sentiments ou ce qui ressemblait à des sentiments. «  J’ai des contacts à la police d’Arcadia. Des grandes pompes, du moins des gradés. On peut utiliser ça à notre avantage. » "Des contacts", pour ne pas dire "je me tape le capitaine de la police", entendons-nous bien. «  Mes informateurs en savent peu. » Des informateurs disséminés un peu partout en ville, de ceux qui ne font partie d’aucune faction à Arcadia, des yeux et des oreilles innocentes. «  Certains membres d’Hydra nous ont rejoint aux États Unis. » Hydra, parlons en. Le groupe avait une fière réputation en Europe, mais les gamines avaient plié bagage, depuis. «   Tu sais que je te suivrais où que tu ailles. Mais on ne peut pas les laisser dormir plus longtemps. » Les responsabilités appellent toujours... Il faut prendre une décision.  

Se rapprocher par sécurité. Ce n’était pas comme si Aura était protégée par la Camorra. Enfin, elle avait nettement plus confiance en Astrid qu’en n’importe qui d’autre. Elles avaient fait leurs armes ensemble d’une certaine façon, avaient conquis la France, l’Europe ensemble. Elles avaient effrayé jusqu’à Maximilio. Alors, à deux, elles étaient invincibles. Astrid était finalement la sœur qu’Aura n’avait jamais eue. Certes, Nina avait existé. Mais elle vivait dans un autre monde, plus doux, plus aimant. La française avait survécu aux horreurs qu’on lui avait balancées, comme l’italienne avait continué d’avancer malgré le sang sur les doigts, et la pression sur les épaules. « Tu te rapproches quand tu veux, mais ne te sens pas forcée. » Ce n’était pas une obligation, qu’elle vienne à côté d’elle. Evidemment qu’elle apprécierait Aura, mais ce n’était pas dans son intention de la forcer à venir par ici, si l’endroit ne lui convenait pas. « Tu apporteras tes vêtements ici, on a des machines spécialement pour cela. » Pour le carmin qui tapissait les vêtements de la mafieuse, cela était presque indispensable. Même Clemens l’utilisait quand il se retrouvait au milieu de fusillades… Ce qui arrivait fichtrement souvent ces derniers temps.

« Je ferai la même chose pour toi Astrid. » Ce n’était pas seulement Clemens, mais aussi elle. Ils étaient importants dans sa vie, même si d’une manière ou d’une autre, elle serait capable de les tuer si elle en venait trahie. Aura avait beau fermer les yeux pour le moment, ignorer les soucis que cela pourrait causer, elle se savait incapable de les détruire sur un simple coup de tête. Sauf s’ils devenaient trop dangereux. C’était toujours la même histoire, il fallait combattre l’éducation, le passé, la rigueur, pour laisser place à une humanité certainement destructrice. L’avocate était prête à en payer le prix, elle qui savait que sa vie était vouée à disparaître sous le poids de la déesse. « Je sais bien oui. » Un sourire en coin se dessina sur son visage, une lueur amusée dans le fond des iris grisâtres.

Il fallait s’amuser. Il fallait accepter les faiblesses dans leur vie, pour pouvoir mieux les protéger. Car fermer les yeux, c’était risquer de perdre cette personne. Les autres voyaient les liens se créer, bien avant leurs propriétaires. Et si tel était le cas, le danger les guettait à tout instant… « Un prêtre ? » Etait-ce si étonnant ? Le seul souci était qu’elle connaissait elle aussi un prêtre. Oh, pas de façon personnelle. Sauf que la déité résonnait avec Hécate, aussi étrange cela soit-il. « Tu pourrais aussi le protéger. » Même si Aura comprenait. Le sang sur leurs mains, les histoires de mafias, les pions… Personne ne devait tomber dans la noirceur de ce monde. Elles y avaient toujours vécu, mais les autres avaient le droit à une vie normale. C’était la raison pour laquelle l’italienne fut effrayée lorsqu’elle s’accrocha à Clemens. Il n’avait pas à finir dans le même univers qu’elle, empreint de violence et de torture.

La conversation changea de tournure, repassa dans un domaine qui les concernait toutes les deux. Aura se redressa, posa son verre sur la table basse. La cheffe se réveilla, le regard se refroidit, et elle redevint la calculatrice qu’elle avait toujours été. Son passé était un fardeau drapé de mensonges, qui paradoxalement lui avait donné toutes les clefs pour devenir dirigeante d’une mafia. Super chemin de vie. « Ce sera intéressant oui. » Surtout qu’en tant qu’avocate, Aura commençait à se mettre la police à dos. L’inconvénient d’avoir sorti Alcide de prison certainement. « Rien que pour savoir si des enquêtes courent sur nous. » L’italienne se savait toujours en danger suite aux révélations faites sur son possible passé mafieux. Si elle pouvait savoir en avance ce qui leur tomberait dessus, elle pourrait accorder ses plans en conséquence. « Oh, ils commencent à bouger d’eux-mêmes ? » Etait-ce une bonne chose ? Arcadia était une ville dangereuse pour une nouvelle faction, les Japonais avaient été renvoyés chez eux à cause de leur incapacité à s’adapter et s’intégrer dans le paysage criminel. Aura avait confiance en elle, en Astrid, si jamais elles se lançaient sur cette voie, mais était-ce le bon moment ? Les doigts tapotèrent l’accoudoir du fauteuil alors que les réflexions, multiples, faisaient surchauffer l’esprit. « On va leur trouver des occupations. » Surtout en l’état actuel. Même si les factions ne cherchaient plus à se détruire aujourd’hui. « Je me dis qu’ils peuvent se faire doucement embaucher par d’autres mafias. Les infiltrer de l’intérieur, pour connaître leur mode de fonctionnement. Et même à la Camorra. » Aura était trop connue désormais dans sa mafia, et certains éléments lui échappaient. Un nouvel arrivant pourrait récolter des données en plus. « C’est plus facile pour prendre le dessus sur celles-ci par la suite. » Pour les Esposito, elles n’en avaient pas eu besoin mais Aura connaissait les moindres rouages de cette mafia européenne. Combattre les siens, quand eux l’avaient éduquée, avait été un jeu d’enfant. Ici, elle restait si… Jeune dans le milieu. « A quoi penses-tu de ton côté ? »

Avoir l’avis de son amie lui était indispensable. Elle les avait contrôlés en Europe, quand l’avocate était interdite de séjour sur ce beau continent. Elle les connaissait, et Aura avait confiance en son jugement et ses idées.

Il était rare de voir la Française si à l’aise, un peu comme si elle était aussi chez elle entre ces murs, bien qu’elle abhorrait les espaces si grands et d’autant plus quand il y avait des félins dans les lieux. C’était plus la présence d’Aura qui la mettait en confiance, même si elles ne vivaient pas les choses au même rythme elles étaient comme des soeurs et elle était consciente que rien ne pourrait lui enlever ça, pas même Clemens. Elles avançaient dans la vie, avec les flingues, les couteaux, elles auraient rampé dans des mares de sang si cela avait pu assurer leur survie et leur succès. Les tentacules d’Hydra en Europe n’était qu’un vague exemple de ce qu’elles étaient capables de construire ensemble si elles en avaient l’envie. La quête de pouvoir n’était pas tout, Arcadia était désormais le centre névralgique du conflit entre les récurrences divines et autres créatures étranges. Un ricanement s’échappe d’entre ses lèvres : «    Je ne vais quand même pas salir mes Yves Saint Laurent pour le travail. » Qu’on soit clairs : se battre oui, vivre dans un tout petit appartement, oui mais ses vêtements ? Soyons sérieux.

Les règles sont les mêmes pour tout le monde. On se bat mais on ne fait véritablement confiance à personne. Les deux femmes connaissaient pertinemment les règles du jeu ; si l’une venait à trahir l’autre, elles n’auraient aucun mal à se descendre mutuellement. Quand on change de camp, on est plus la même personne qu’on a connu, les souvenirs ne sont pas assez importants. La survie avant tout. Est-ce qu’Astrid pouvait trahir son amie ? 

Oui. Aussi étrange que cela puisse paraître, avec leur amour, la sororité qui les unissait, oui, elle pourrait la trahir pour des raisons qui lui seraient propres et qui lui sembleraient juste. On naît seul et on meurt seul, on trace sa propre route et on avait déjà vu des familles se démanteler pour des histoires bien moins passionnantes. Mais la question de Clemens ne venait pas s’ajouter dans ces raisons et si Aura croyait maintenir la situation, Astrid n’en était pas vraiment convaincue et serait éternellement une épée de Damoclès au dessus du couple. Mais lorsque vient le moment de parler de ses propres sentiments, Astrid se bloque et chasse Matthew et Raphaël de ses pensées. L’un est un ennemi, l’autre est un innocent mais il y avait quelque chose chez eux qui parlait soit à la femme soit à la déesse. Elle n’était pas totalement sûre du pourquoi ou du comment mais ils faisaient partie de sa vie dans une mesure qu’elle n’était pas sûre d’assumer plus tard. «    Je pourrais le protéger si cela avait un sens. » Aura ne doutait pas des capacités de la française à mettre tous les moyens en place pour assurer la sécurité de ses proches mais était-elle suffisamment proche de cet homme pour le faire ? Pas encore, même s’il avait accepté ses péchés.

Et voilà que les deux psychopathes parlent de sentiments, on aura tout vu et ça ne fait même pas une heure qu’Astrid est là, alors elle prend la décision de changer de ton et de parler business parce que c’est moins compliqué et moins fatiguant. «    Si cela peut te rassurer, ils font plus une fixette sur mon cas que sur le tiens. » Snape mettait le dossier Arsenault en priorité quand ça le chantait. «    C’est simplement une question de contact. Nos hommes savent que nous sommes impliquées dans d’autres mafias et se sentent probablement un peu délaissés. Il faut tirer un peu sur le collier pour leur rappeler qui est le maître. » Mais l’idée de son amie est bien plus intéressante que de les occuper sur un territoire où elles ne mettraient plus les pieds pendant un certain temps : ni l’une ni l’autre n’avait l’intention de rentrer, même provisoirement. «    Tu n’as pas tord. Tout avantage est bon à prendre en ce moment est avec les Obscuris, je doute d’avoir le temps de grappiller autant d’informations qu’avant. » Levant son verre, la française achève l’idée : «    Rapatrions les. Le business tourne tout seul en Europe et nous sommes bien implantés. De plus, nous éclipser un peu ne ferait pas de mal à nos équipes et brouillerait toute investigations en cours sur l’organisation. Nous savons déjà à qui nous pouvons confier ce genre de tâches. Et j’admets qu’avoir des informations sur la Bratva me tente bien… » La Bratva, vermine éternelle d’Arcadia.  

Aura joua un instant avec le liquide ambré dans son verre. Le whisky si familier à ces soirées avait été remplacé par l’ambroisie des dieux, le seul capable d’avoir un goût d’alcool. Jamais elle n’aurait pensé en boire, elle qui avait toujours évité d’obscurcir son jugement avec. Ah, le changement se manifestait sous diverses formes. Bientôt, elle deviendrait comme son ancêtre. La pensée lui arracha un sourire. Elle qui avait tant combattu pour fuir sa famille adoptive, sa famille de sang finalement, la voilà qui terminait comme celui qui l’avait éduqué. Enfin, on ne s’échappe pas à la mafia d’un claquement de doigts. Elle le savait l’italienne, et c’était peut-être la seule raison pour laquelle elle continuait, envers et contre tout. Elle se plongeait dans le contrôle d’Hydra, dans celui de la Camorra, de façon plus ou moins voulue. Le seul but était de s’assurer ses arrières, tout en sachant pertinemment que le jour où elle baisserait la garde, on tenterait de l’assassiner. Pour prendre sa place, parce qu’on s’estimait meilleur ou plus à même de gérer… En réalité, pouvoir être à la tête d’une organisation était une pression quotidienne, que beaucoup se refusait à voir en face. « Tu m’étonnes, il faut bien garder des vêtements en bon état. » Surtout de marques. Même si Aura ne faisait pas attention à ce genre de détails.

Si cela avait un sens ? Le regard quitta le liquide ambré pour se reposer sur celui d’Astrid. Avait-elle réellement besoin d’un sens pour protéger quelqu’un ? Ou d’attendre qu’il soit en danger ? « Si cela avait un sens ? » La question se posait de vive voix, l’interrogation dans les iris. « Il ne faut pas attendre trop longtemps non plus. » Parce que l’épée de Damoclès était au-dessus de tout le monde. Aura, Astrid, leurs proches, leurs ennemis. Et un jour ou l’autre, elle s’abattra sur les hommes et femmes, et le monde s’écroulera. Tant pis. Aura s’attendait à se voir chuter d’un jour à l’autre. Maintenant, elle attendait juste de savoir de la main de qui… « Je suis contente de passer sous leurs radars. » Quant à Astrid, ça ira pour elle, l’avocate n’en doutait pas, et si besoin, elle était toujours là pour donner un coup de main. Pas besoin de mettre des mots sur ce qui était clair entre elles. Un simple signal suffirait à faire bouger la seconde. Qu’importait le danger.

« Leur tirer le collier pourrait créer des tensions. Leur donner de l’importance et les occuper maintiendra notre contrôle et permettra aussi de vérifier qu’ils sont toujours au point. » Une pierre deux coups. Si Aura n’avait jamais hésité à décapiter les têtes pensantes des rébellions, elle savait aussi jouer sur l’ego de ceux la suivant pour les garder dans le creux de sa main. Elle n’était pas stupide, et si la crainte était suffisante dans la majorité des cas, elle pouvait devenir dangereuse et pousser les sous-fifres. A la révolte. Autant éviter cette possibilité autant que possible. « Il faut mieux que tu te concentres sur ta mission actuelle, tout comme moi je me charge de la mafia italienne. » La Camorra, qu’elle gérait dans l’ombre tant qu’Alcide n’était pas entièrement revenu sur le devant de la scène. Ca lui prenait du temps, tout comme il fallait discuter avec les autres mafias. Sa position rendait l’espionnage plus complexe, mais un peu de challenge n’avait jamais dérangé l’avocate. « Oui, tu as raison. Leurs origines diverses leur permettront de s’infiltrer au sein des organisations sans trop de difficultés. » Qu’ils soient des divinités ou simples mortels, nombre d’entre eux savaient y faire avec les mafias, et pouvaient devenir de vraies armes pour celle qu’ils supporteraient. A la demande d’Astrid et Aura. « Je dois discuter avec le chef de la Bratva sous peu. Néanmoins, avec ma position, impossible de récolter des informations. » Après tout, elle était l’ennemie, dont le pouvoir était si proche qu’elle pourrait déstabiliser leur nation. Enfin, c’était l’image que certains avaient d’elle, mais Aura ne pourrait jamais rentrer dans la Bratva, ou entendre leurs petits secrets. « On pourrait la rapatrier… » Il y avait bien une des leurs qui s’y fondraient, si seulement l’ordre était lancé.

S’il y a bien une chose qu’Astrid ne sait pas faire, c’est parler de ses sentiments. Alors quand le sujet s’étend sur ses relations, que ce soit avec le capitaine de police ou le prêtre d’historic district, elle se ferme presque instantanément, après qu’un mélange d’émotions incertaines soient passées devant ses yeux. Non, elle n’entraînerait pas Raphaël dans le tourbillon de sa vie et Matthew y était déjà jusqu’au cou, il en souffrait suffisamment. Non pas que la souffrance de Matthew l’importe, à moins que… Mais ses mots éveillent de la curiosité chez Aura, quelque chose qu’Astrid ne se sentait pas prête d’affronter. A mesure que la déesse s’éveillait en elle, elle voyait de moins en moins d’intérêt aux relations avec les autres, elle se renfermait dans des idées de violence et de meurtre, un cercle vicieux impossible à expliquer, un besoin de tout voir s’effondrer. «   Non.  » rétorque-t-elle instantanément. Des intérêts, c’est tout ce qu’elle a avec ces hommes. Des intérêts et rien d’autre ; à se le répéter ainsi, elle pouvait presque s’en convaincre. «   Oublie cette histoire, c’était stupide de ma part.  » A force de voir Aura et Clemens, voilà qu’Astrid se voyait s’attacher à quelqu’un? Ugh, elle sent la nausée lui monter rien que d’y penser… «   Je n’ai pas besoin de ça, j’ai déjà beaucoup de travail.  » Et un appartement trop petit.

En parlant de la police, Astrid met un point d’honneur à rassurer Aura sur leurs activités, c’était bien à cela que servait Matthew, non ? A savoir ce qui se tramait dans ces bureaux. Certes, ils avaient déjà sans doute des taupes pour la Nuova Camorra mais rien n’était plus fascinant pour Astrid que de corrompre ceux qui donnaient les ordres, car on pouvait prévoir plus d’un coup à l’avance grâce à eux. «   Ne t’en fais pas. Je sais attirer suffisamment leur curiosité sans me mettre en danger.  » Mais elle ne doutait pas qu’au moindre événement suspect, Aura serait prête à réagir.

Le véritable sujet de conversation revient sur la table : il faut absolument s’occuper d’Hydra, leurs affaires à Arcadia prenant de plus en plus d’ampleur, les deux femmes devaient pouvoir tirer des avantages de leurs anciennes victoires et pour cela, quoi de mieux que de compter sur des agents qui avaient déjà prouvé leur valeur… Reprenant un peu de whisky pour se donner le temps de réfléchir, Astrid se penche en avant pour répondre : «   Je sais que nous avons chacune nos préoccupations et que cela nous éloigne de nos autres affaires. Hydra se gère bien là bas, mais tu sais aussi qu’on ne peut pas faire confiance à tout le monde.  » Aura devait rencontrer Artyom. Astrid feule presque, agacée. «   Cette ordure ?  » Sa haine de la Bravta était réelle. Ils auraient pu essayer de la recruter et ils auraient eu raison d’essayer mais jamais elle n’aurait rejoint leurs rangs. Son dégoût passé, la jeune femme tente de sourire : «   Tu as raison, elle fera parfaitement l’affaire.  » Ils connaissaient leurs agents sur le bout des doigts. «   Je crois pouvoir trouver pour les autres organisations. Je pense que nous devrions nous limite à cinq personnes, je ne veux pas qu’on puisse remonter à nous aussi facilement.  » Elle relève son verre pour venir trinquer : «   A Hydra.  » A leur plan et à leur union, car ce genre de plan lui rappelait leurs combines en Europe et elle réalise à quel point ça lui avait manqué.   

Ne pas en parler ? En quoi était-ce stupide ? Aura ferma juste les paupières un instant, avant d’abandonner. Oh, elle ne doutait pas qu’elle aurait pu obliger Astrid à s’ouvrir, à lui parler, mais de tels moyens n’étaient pas à employer contre elle aujourd’hui. Alors, elle relâcha la pression, préférant passer à un sujet qu’elles maîtrisaient toutes les deux. L’espionnage, la mort, le trafic d’armes et d’influence. Tout ce qui se jouait dans l’ombre, derrière les lourds rideaux de la légalité. Un lieu où beaucoup pensaient pouvoir entrer, et où la majorité mourrait après leur premier pas. Y vivre était impossible. Sauf pour elles. Sauf pour celles qui avaient tout créé autour de ça. Leur vie, leurs journées, et leur mort, à n’en pas douter. Aura n’aurait jamais pensé être capable d’en sortir. Elle avait ça dans le sang, sa famille entière était plongée jusqu’au cou dans les magouilles illégales, dans les poignées de main sous la table. Véritable princesse criminelle, la voilà à s’acheter une maison, un manoir, à vivre avec quelqu’un, à se lier par les sentiments… Pourtant, il serait dangereux de la considérer comme inutile, ou de penser qu’elle serait détrônable. Elle était toujours aussi froide.

« Fais attention à toi quand même. » Le travail… Être capable de se jouer de la Police, de frôler le soleil de ses ailes faites de colle, sans jamais s’écraser, voilà ce qu’était Astrid. L’insaisissable, la plus brillante de ses amies, de ses soldats. Un bras droit dont les capacités, dont la puissance n’était plus à prouver depuis longtemps. « Je ne doute pas de tes capacités à en jouer, mais Arcadia est une ville particulière. » Tout comme les membres qui la composent. Divinités, héros, monstres, créatures, prophètes… Ce n’était pas des mortels, plus faciles à manipuler. Quoique, l’ego des dieux et déesses n’était pas si mal dans son genre. Les failles n’étaient que plus puissantes une fois trouvées. Mais cela valait pour elles aussi… « En effet, je sais que certains là-bas pourraient avoir l’idée de prendre notre place. » Elle sourit rien qu’à cette pensée. Les êtres humains étaient bien vils par instant. Et bien stupides aussi. « Je pense que l’avenir se trouve par ici. De nouveaux challenges ne peuvent qu’être favorables après tout. » Une légère pause, le regard se perdit un instant dans le vide. « Et s’il le faut, on nettoiera l’Europe. » Un murmure, à l’image des ténèbres dans lesquelles elle agissait. Douceureuse, destructrice, silencieuse. S’il le fallait, elle réduirait à néant la branche européenne.

« Je vais voir ce que je peux créer pour éviter que la Camorra se fasse envahir. » Elle sourit à Astrid, pour l’empêcher de s’enflammer. « Mieux vaut être proche de ses ennemis après tout ici. Pour contrôler leur évolution… » Et celles des dieux. Pour l’instant, Aura se sentait plutôt intouchable, mais tout n’était qu’une question de temps avant que d’autres ne se retrouvent avec une puissance et un contrôle similaire. Alors, tant qu’elle pouvait jauger de leur avancée, elle se pensait capable de la contrecarrer. Jusqu’à quand ? « Et avec elle, je suis sûre que j’aurais toutes les informations en main pour gagner la prochaine négociation. » C’était son fond de commerce à Mina. « Je te fais confiance sur ça. Et tu as raison, plus de cinq cela deviendra trop voyant à gérer. » Puis, avaient-elles réellement besoin de plus ? Ca pourrait déjà faire une personne par organisation criminelle sur le territoire d’Arcadia. Plus, des questions seraient posées, les doutes seraient évoqués, et ce n’était pas dans ses intentions.

Le verre se leva à son tour, se heurta dans un bruit clair à celui d’Astrid. « A Hydra. » Deux mots aussi cristallins, rapidement suivis par deux nouveaux. « A nous. » A ce futur, cet avenir, qu’il soit ici ou ailleurs. Dans le bonheur ou dans les larmes.