Compter les moutons au couteau {Brodeo}

Invité

Je l’écoute sans broncher.

- « Pour la botte, je peux t’aider. »

Face à la légèreté de cette pensée, je finis par céder.
En arrière je repars,
Me servant de son bras ensanglanté comme rempart.
Mon nez vient se nicher dans son cou.
Mes paupières se ferment, rendant ma vision floue.

Aussitôt mes yeux s’ouvrent avec violence,
Tandis que je me repousse de cette démence.

- « Bordel de ! T’as vraiment un sale effet sur moi ! »

La couverture-écharpe me donne un air de diva.
D’un pas résolu je pars direction salle de bain,
Une douche chaude me fera le plus grand bien.

Invité

Je te sens enfin te détendre et accepter ma présence.
Evidemment, ta fierté est outrée : La tendresse c’est dégueulasse, pas vrai ?

Que c'est cocasse, de te voir trottiner dans ta toge matelassée ! Tu tentes d’atteindre la salle de bain, mais il me suffit d’un pied sur ta “cape” pour te faire trébucher. Le sort jeté se dissipe et je te sens fermement te débattre alors que je te soulève pour te donner en pâture à la baignoire toute habillée. Je m’empare du pommeau de douche.

- Besoin d’aide ?

L’eau qui t'asperge t’empêche de répondre distinctement… Étonnant !

Invité

Les muses grecques n’ont qu’à bien se tenir,
Car une concurrente celte que voilà venir.

Fière et hautaine,
Je sens la Guerre littéralement exsuder de mes veines.
C’est sans compter,
L’infecte présence d’un pied.

Voilà exactement pourquoi,
Aucun superhéros une cape ne portera.
Dixit Edna.

Tu m’épluches du sol,
Avant de me balancer dans un gigantesque bol.
Même mon regard outré,
Ne t’empêche pas de t’armer,
Me voilà en un rien de temps détrempée.

Au bout de la troisième fois,
J’arrive à m’agripper à toi.

Ma bouche vient te déconcentrer,
Tandis que le pommeau dans ton calbut je viens enfoncer.

Invité

La bataille fait rage dans la salle de bain. Nous sommes trempés et stupides, mais visiblement chacun de nous savoure cet instant de grâce en dehors du temps et des émotions.

Baiser traître.

Tu me voles mon arme pour la retourner contre moi.

- Petite saloperie! que je balance à moitié mort de rire alors que j’essaie de désengager le pommeau de l’élastique de mon falzar.

Le machin fait un vol plané sur le carrelage. Fontaine d’intérieur. Je m’affale à tes côtés, dans le creux de la baignoire, étrangement détendu.

- Toi aussi t’as un sale effet sur moi, tu sais...

Invité

Rude combat que voilà engagé,
Difficile à déterminer qui de nous deux va gagner.

Rire et désarmement,
La bataille fait rage dans l’encadrement.

Le pommeau finit par se libérer,
Inondant par la même occasion la salle de bain de dizaines de striés.

Tandis que tu t’affales à mes côtés,
Du talon l’arrivée d’eau j’arrive à couper.

À bout de souffle et tout en sourire,
Nos crânes têtus l’un contre l’autre viennent s’occire.

Ainsi allongés,
Les doigts entrelacés,
Nos regards fixent la lampe vacillante du plafonnier.

- « Et le canif ? »

Je sais, je ne devrais pas te piquer ainsi à vif.

Invité

J’aime les fossettes qui creusent tes joues quand tu souris. J’aime tes doigts qui cherchent à fusionner avec les miens. J’aime nos têtes de cons trempés. Parfois, on se souvient comment ça fait d’être tendres. Je laisse filer un silence, savourant ce bref répit dans nos rapports intenses.

… De courte durée.

- Toi et lui vous avez ça en commun de trancher dans le vif….

Yeux dans les yeux.

-.... à la différence que lui il aide ma tête à se concentrer et toi tu la fais partir en vrille.

Deux méthodes probantes pour contrecarrer les mauvais songes.

Invité

Décidemment, t’as toujours rien compris.

- « Pourquoi lui ? »

Pourquoi pas un vulgaire couteau de boucher à la place de ce canif ?
Toute autre lame te fendrait tout autant à vif.
Si l’unique but et de faire couler ton sang,
Pourquoi son vol plané t’as rendu tellement à cran ?

Yeux dans les yeux,
Il suffirait à peine d’une étincelle pour foutre le feu.

- « Tu aurais préféré qu’il te fasse partir en vrille ? »

Toi la toupille.
Moi la torpille.

- « Ou que moi je t’aide à te concentrer ? »

Il y a moyen de s’arranger.
Mais sauras-tu seulement l’apprécier ?

Invité

-Parce que tu crois que ce couteau est important ? J’écarte une mèche de cheveux trempée, collant à ton front. Peu importe l’outil, du moment que je le maîtrise… Toi….

Soupir.

- T’es une putain de tornade que je ne peux pas contrôler. Tu n’es pas faite pour la concentration.

Pulpe de mon pouce contre le charnu de tes lèvres.

- Tu fous le bordel partout dans ma vie. Ça me rend dingue. J’ai souvent envie de te tuer, tu sais…

Doigts qui se laissent couler vers ta gorge.

- … Mais je crois que je m'ennuierais....

Sourire en coin.

Invité

Négation et déni.
La vérité, il est clair que tu la nies.

Si je me réinventais Torpedo de la Bratva,
avec toi comme Sargento de la Cala ;
Rien qu’à nous deux, on ferait la part belle à toute la mafia.

Cette idée m’amuse.
Je serai ton poignard,
Et toi ma muse.

- « Je connais un moyen très efficace de contrer cet ennui qui nous nourrit. »

Pour cela inutile de retirer ton falzar,
Espèce de vicelard.

Certes tu ne peux pas me tuer,
Sans risquer de te brûler.
Mais dehors il y a d’autres pigeons à plumer.

- « Sèche-toi, on y va. »

Invité

Evidemment, ce serait trop simple pour toi d’agir comme... quoi au juste? Je ne sais même pas ce qu’on est.

- Laisse-moi deviner… Avec toi, si on ne baisent pas, on cognent.

A ton injonction, je roule des yeux.

- On cogne, donc.

Je suis ton impulsion, m’extirpant de la baignoire. Je te jette une serviette à la tronche et te frotte le crâne. Ta tignasse de lionne n’en est que plus ébouriffée.

- Tu ferais mieux de changer de fringues…

Donnant l’exemple, je me fous intégralement à poil, abandonnant mes oripeaux sur place.

Rince-toi l’œil, va, je sais que tu regardes…

Invité

Baiser ou cogner,
Cogner ou baiser.
Oserais-tu aller jusqu’à prétendre que la limite de ces deux options pourrait te freiner ?

La serviette que tu me lances,
Je te la rebalance.
De telle sorte roulée,
Que sur ta fesse droite elle vient méchamment claquer.
Prends garde à ton toupet,
Surtout quand c’est la lionne qui manie le fouet.

En quelques mouvements me voilà dessapée.
Je me frotte contre ton postérieur, juste pour te narguer.
Je ne te laisse pour autant pas le temps de me toucher,
Que déjà je pars vers la chambre pour m’habiller.

- « On embarque le cochon ? »

Invité

Je me mords la lèvre quand tu t’accordes l’outrecuidance d’une fessée. Je te jette une tentative de regard noir. J’essaie de conserver ma dignité de “Tire-la-Gueule”, vois-tu. Tes taquineries vont m’envoyer au Xibalba, mais qui ne se damnerait pas pour un de tes rires.

J’enfile un énième jean, T-shirt, hoodie.

Tu vides ma garde-robe plus sûrement que des mites.

- J’espère que tu ne lui montres pas ton cul, là ?

Je m’appuie contre l’encadrement de la porte. Ta chambre. Ton sanctuaire. Barbecue frotte son groin rose contre ma jambe et je le ramasse pour le câliner.

- Pourquoi pas…

Invité

Je ne te savais pas sujet à la jalousie.
Mais en comparaison à ton goût douteux pour la poésie.

J’enfile un pantalon moulant,
La jupe aurait été trop contraignante avec les collants.
Surtout en l’absence flagrante de sous-vêtements.

Une chemise aux interminables boutons,
Tandis que tu chopes notre compagnon.

Mes cheveux sécheront bien au vent,
Peu importe le froid qui nous attend.

Noir comme la nuit,
Le perfecto dans lequel je m’habille.

- « Tu veux aller où ? »

Ravitaillement croquettes chez le paki ?
Boire un verre au Teddy ?
Grabuge à Little Italy ?
Surprends-moi.
Je ne demande que ça.

Invité

Frottant la tête de Barbecue, j’observe ta silhouette de tige sculpturale.

- Le secret pour éviter les marques de culotte sous le skie moulant est donc : pas de culotte...

Haussement d’épaules et grimace sarcastique.

- Habile…

Une fois dehors, j’hume à nouveau l’air froid. Peut-être qu’il neigera… Je cale le cochon dans mon blouson. Encore une nuit sans sommeil. Que tu sacrifies la tienne avec moi a quelque chose de grisant.

- Ferme les yeux….. Allez, ferme les yeux !

Laisse-moi être la tornade pour une fois.

J’attrape ta main et tape un brusque sprint dans les ruelles.
Ekahau choisira notre destination...

Invité

L’air froid nous frappe de plein fouet,
Pil poil ce qu’il nous fallait.
Nuit blanche, mais cette fois-ci par choix.
C’est fou tout ce que je suis prête à sacrifier pour toi.

Regard en coin,
Tandis que dans ton blouson tu fourres le groin.

Fermez les yeux ?
C’est moi où t’as fumé de la beuh ?

Je finis par soupirer,
Je sais que ça ne sert à rien de me braquer.
L’absurdité de ma confiance en toi,
Se traduit par une course à l’aveugle pour te prouver ma foi.

Je m’en fous d’où on va,
si c’est avec toi.

Invité

Course folle, exaltée. Je ne réprime pas le plaisir exprimé dans l’effort, ma trogne l’affiche. Le palpitant tambourine, en chien fou.

Je refuse d’y poser un mot par pure fierté.

Je te fais virevolter et tu ne lâches pas, tenace, ancrée à moi. A un stade de l’escapade, nous gravissons une série de marches escarpées. Je ralentis l’allure, tes deux mains dans les miennes pour t’aider à monter. Nous sommes sur un toit s’ouvrant sur le panorama dantesque d’Arcadia. Il y a plusieurs baraquement à pigeons, des restes de beuverie mais personne d’autre que nous et nos souffles époumonés.

Invité

Tu me tires à ta suite et je me laisse volontiers porter ;
Par cet élan d’euphorie et de facilité.

D’ouvrir les yeux, je suis plus que tentée.
Pourtant je joue le jeu et m’efforce à rester voilée.

Notre destination j’ai cessé d’essayer de deviner,
Je suis certaine qu’au bout du compte tu sauras m’impressionner.

Je me sens comme Rocky, prêt à crier son Adrienne.
Avoue que toi aussi tu rêves de me déclarer tienne.

En haut de la montagne, tu me rends la vue.
À bout de souffle, je contemple les rues.

- « J’ai gagné. »

Tu as arrêté de saigner.

Invité

Je te regarde sans comprendre. Je me targue d’être intelligent mais tu rends tout le processus plus lent. Je suis englué. C’est terrifiant.
Pas déplaisant, cependant.

- Si tu as gagné, c’est que j’ai perdu…

Les phalènes dans mon estomac ne sont pas les mêmes que lorsque j’affronte un adversaire sur le ring. Celles-ci grignotent mes organes avec la langueur de vers à soie. Torture.

- Quel est mon gage ?

Je tiens toujours ta main en otage.
Cette relation est une hérésie. Une folie. Une faiblesse.
Résigne-toi.
J’ai perdu depuis des générations. J’étais condamné à perdre.

Et toi à me gagner.
Toujours.

Invité

Action ou vérité,
Est-ce vraiment à ce petit jeu que tu veux jouer?
Est-ce que je te croyais plus adulte que ça ?
Loin de là qu’une telle idée puisse venir de moi.

- « Je sais fichtrement bien que tu sauteras. »

C’est pour ça que je ne te le demanderai pas.

Mes pas nous mènent vers le rebord de la falaise.
La bouffée d’adrénaline flirte avec le malaise.

- « Emmène-moi ailleurs. »

De mourir, je n’ai pas peur.
Seulement de m’oublier.
Alors, encore et encore, dans ma mémoire je veux graver,
Toutes les folies que nous nous serons octroyés.
Quitte à se planter.

Invité

-... Pas sans toi.

Impossible de lutter contre l’évidence. Tu es mon gouffre et mon point de fuite. Je grimpe sur le parapet, nabot à tes côtés. Je presse ta pogne.

- Cap’ ou pas cap’ ? Fais-je avec un sourire de mariole. Un… deux… TROIS !

Je saute brusquement dans le vide. L'abîme nous happe de ses vertiges et soudain le paysage se dilue, aquarelle floue. Le trou de ver engloutit nos corps et nous recrache. Nos pieds touchent une surface aqueuse et la perce avec un bruit humide d’éclaboussures. Nous voilà dans le grand bassin de la Piscine Neptunium.

Invité

Sauter sans moi ?
N’y songe même pas !

Mon pied frôle le vide,
Bien avant que tu ne te décides.
Avec ou sans toi,
Je m’envolais déjà.

Deux corps sujets à la gravité
par un trou noir se voient happés.
Engloutis dans une véritable toboggan de l’espace et du temps,
Nos caboches de guignols rendues ivres par le vent.

Notre chute prend brusquement fin,
Tous deux assis comme des cons dans un bassin,
Avec de l’eau qui nous chatouille jusqu’à hauteur des reins.

- « Je paries que tu n’as rien pris pour nous changer. »

Dehors ça caille, l’aurais-tu oublié ?

Invité

La griserie du saut, du pouvoir, décuple mes sens. Mes entrailles se sont désintégrées en millions de particules. Je note que tu me fais la grâce de ne pas gerber dans l’eau chlorée.

- Ooooh quel dommage! Tu vas devoir à nouveau te foutre à poil… Grimace cabotine. Je suis sincèrement navré.

Avec un rire requin je te saute dessus pour tenter de te couler. Je ne me fais pas d’illusions, je n’aurais pas le dessus. Plaisir gamin de la tentative, joie de sale gosse face à ta vindicte.

Je m’éloigne à grandes brasses pour que tu viennes me chasser.

Invité

Je manque de me noyer,
Tandis que de ta taille de crevette tu viens d’écraser.

Sage décision,
Celle que de te carapater à reculons.
Tandis que moi j’émerge de l’eau pour cracher mes poumons.

Je marmonne quelques insultes bien salées,
Entre mes dents acérés.

- « Ah tu veux jouer ! »

Que je murmure entre deux mèches détrempées.
Et sans plus attendre,
Je plonge bien profond pour te surprendre.

Mes phalanges de brindille,
Viennent agripper ta cheville.
Non sans un certain degré de violence,
Je te harponne et m’élance.
Vers les Ténèbres et les Abysses,
Là où Nos chers démons se tapissent.

Invité

Chafouine, tu accours prendre ta revanche. Je vois ta masse filer sous l’onde, énergique sirène fâchée. La fuite est inutile, je te laisse la joie d’une victoire facile. Plutôt que de boire la tasse, je prépare mon apnée. Je coule, entraîné par ta hargne, jusqu’à essorer nos poumons.
J'agrippe, alors, ta taille pour trouver l’oxygène à sa source. Toi et moi, valves jumelles des mêmes bronches. Nous émergeons, bouche à bouche, baisers brûlants et mouillés.

J’ai envie de toi...

Entre deux morsures dans ton cou, je murmure :

- Pour les vêtements secs, j’ai peut-être une petite idée…. Tu veux essayer ?

Invité

J’aurais pu continuer encore longtemps,
À fuir ainsi devant le temps.
À t’attirer toujours plus loin,
Là où plus rien ni personne ne nous retient.

Heureusement pour toi,
Il n’est pas là l’océan qui se déploie.

La force et la hargne de tes baisers,
Vers la surface nous obligent à remonter.
Même mouillés jusqu’aux yeux,
Tu continues à jouer avec le feu.

Ce qui apparait pour toi comme simple morsure,
S’avère être pour moi une véritable torture.
Relâcher une anguille sous l’eau,
Cela risque de ne vraiment pas être beau.

- « Pourquoi pas. »

Ne vient pas pleurer si Elle te noie.

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