Il se rappelait d'elle sans violence, sans douceur. Il se rappelait d'elle simplement, et des mots qui n'existaient plus alors qu'importe? Son regard par une porte entrouverte, chacune des raisons ayant fait qu'il l'avait aimé un jour, chacune des raisons pour dire qu'il ne l'aimait plus aujourd'hui. Elle était belle pourtant, yeux sombres avec un peu de bleu dedans, un parfum de fleurs d'été, et Jan ne voulait pas qu'elle referme la porte mais...

Il avait commencé à l'aimer de la même manière que l'on lisait un poème. Il avait commencé à lui tenir la main comme l'on chante une chanson elle, sa reine sans couronne. Combien de larmes pour toute une histoire? Jan n'avait jamais fumé avant, il commença après. Ses cigarettes à elle, sa marque à elle. Elle qui ne faisait plus rien...
Une porte entrouverte désormais fermée, un visage qu'il n'oubliait pas, une femme qu'il avait aimé peut-être.

La pluie et la boue, des choses que Jan ne parvenait pas à oublier, ongles en deuil et âme aussi. Pas le coeur, car il avait cessé de l'aimer cette femme, tout en continuant de la porter en lui. Des choses faites, des choix pris, ce n'était pas eux qu'il regrettait.
Il se souvenait de ce que cela faisait de la tenir entre ses bras. Il se souvenait de ses derniers regards, d'une tristesse résignée qu'elle ne parvenait pas à combattre. Mon amour, l'appelait-il encore lorsqu'elle secouait la tête, n'y croyait pas, n'y croyait plus.
Souriait quand même.
Ils étaient deux étrangers et cela brisait le coeur de Jan un peu sans parvenir à le faire battre pour autant.

Ils étaient deux étrangers l'avaient toujours été depuis la première minute, la première seconde. ”Et alors, c'est ainsi que sont les choses non?” lui répondait la jeune femme, le regard ailleurs vers d'autres fantômes.
Être son Etranger à elle, cela pouvait lui convenir, du moins ainsi le crut Jan au tout début...
Sauf qu'il était trop sombre, sauf qu'il était trop égoïste, monarque sans couronne et empereur sans royaume tout à la fois.
”Sur quoi régnerais-tu à part la misère, mon Amour avec ton coeur si lourd?” Tais-toi, lui répondait-il alors.

Son visage à elle dans l'encadrement d'une porte, à moitié caché, à moitié révélé tandis qu'elle le regardait une dernière fois.
La porte ne claqua jamais pourtant et dans ce triste silence, elle quitta son avenir à lui, le jeune et brillant avocat.
Il savait qu'elle aimait conduire le soir sur les routes de campagnes, que cela l'apaisait. Qu'elle y était enfin seule pour ses larmes...
Il le savait, la laissa aller et les clés de la voiture ne tintèrent pas une seule fois dans ses mains. Parce qu'avec elle, rien n'avait jamais de bruit, pas même la tristesse, pas même l'amour lorsqu'ils égaraient encore à deux pour une étreinte.
Elle était sa Lady Silence après tout, sweet Lady Silence, sweet Lady Disdain...

Le téléphone sonna dans la nuit, la pluie battait contre les carreaux. A sa place à elle, le lit était froid mais moins, tellement moins que son coeur à lui.
Elle ne s'y coucherait plus désormais.
Il se rappela leur voiture là, sur le bas côté, toutes portes ouvertes et si noire était la nuit alors. Les policiers qui le connaissaient au moins de vue lorsqu'il servait d'avocat commis d'office lui hurlèrent qu'il n'avait rien à faire là, qu'il n'aurait pas du venir.
Ils avaient raison, mais que faire d'autre?
Si noire était la nuit tandis qu'il tombait à terre, les ongles enfoncés dans la boue. Un agent le releva, tout était mouillé de pluie pour Jan : son coeur, sa dignité, sa tristesse. Il ne hurla pas, bouche béante, incapable de comprendre. Il ne hurla pas, vide de toutes les questions qu'il aurait pu poser.
Il ne hurla pas et son coeur de glace s'en foutait de battre hélas. Oh Lady Silence, jusqu'à sa mort Jan savait qu'il chercherait son visage dans toutes les portes à demies closes désormais...

Un chauffard venu en sens inverse, une route glissante et l'autre véhicule, un SUV, n'avait laissé aucune chance à leur guimbarde à eux.
Jan quitta le barreau
Un accident, lui disait-on. Oui, ne pouvait-il pas répondre, parce que je l'ai faite pleurer.
Parce que je n'ai pas su comment l'aimer.
Parce que.

Un accident, et des comme ça il pouvait en arriver tant dans une ville comme Arcadia, dans ses paysages alentours aussi. Jan ne sut jamais qui était l'autre, le chauffard : pas assez de pistes lui disait la police. D'autres affaires à traiter, des gens à couvrir peut-être car les guerres intestines étaient nombreuses par ici. Qui conduisait le SUV : un membre d'une mafia quelconque, un policier en civil que certains collègues pourris jusqu'à la moelle voulaient protéger, quelqu'un d'impossible à retrouver?

Ô toi mon Amour, toi ma triste histoire...

Le jeune avocat abandonna tout : son métier, chacun des amis qu'il avait pu avoir, quelque chose de son caractère solaire aussi. Il jeta tout cela en même temps que l'on refermait un cercueil, hésita à y déposer son coeur distant également avant de se résoudre à le garder, à vivre encore un peu.

Il obtint une licence de détective-privé, bossant tout d'abord avec un vieux moustachu sans envergures. Par chance, l'envie de se battre, Jan en possédait assez pour deux...
Très vite, il se fit un nom par lui-même quand bien même il n'était qu'un associé. Ce fut de loin dont on apprit à se méfier d'une manière autre que lorsque l'homme n'était qu'un jeune avocat trop sûr de lui. Désormais il y avait la tristesse dans ses yeux, une férocité de plus...

Puis vint l'éclipse et avec elle la certitude de ne pas être humain. Il n'y eut pas plus de liberté en son coeur pourtant, pas pour lui, pas pour Jan. Trop de souvenirs à porter, ceux d'un animal qu'il avait été et qu'il pouvait redevenir peu importe ce que cela signifiait. Ceux d'un homme aussi dans cette vie là seule, un homme qu'une femme avait embrassé au front lors des nuits les plus profondes et cette femme était morte à présent.

Comment aiment les Monstres?

A regrets

Chasseur il avait été, massacrant hommes et troupeaux, chasseur il redevenait et s'il était du côté des bons et des justes, alors sans doutes ces gens regrettaient-ils de l'avoir pour allié.

Jan, entre calme et violence...

Jan, qui aimait une morte bien plus fort qu'il n'avait pu l'aimer vivante.

Le vieux détective moustachu a pris sa retraite désormais, mais Jan reste un associé. Une autre personne a repris l'affaire tout en la renommant, et Jan continue d'obéir en attendant qu'une chose : pouvoir se salir les mains à nouveau.
Porter au fond de soi quelque chose de mauvais et de vil que l'on ne peut combattre et garder les épaules droites pourtant.

Jan et ses paradoxes...

Un lion qui n'avait jamais été un homme, puis un homme qui avait été un lion.