courses de noël.
@beatrice jonson ⊹ @camille archambault
« Alors, où tu la veux cette foutue guirlande ? »
Le regard attendri de la blonde navigue de la fillette à ses côtés jusqu’à son père aigri. Elle sourit à l’enfant en essuyant ses mains collantes sur son tablier de cuisine, et dépose un baiser sur son front. « Continue à découper les biscuits Mila, je reviens ». L’homme emmêlé dans les décorations souffle son impatience, et le temps de quitter sa préparation de sablés, la divine le rejoint. « Laisse, je vais m’en occuper ». Le rictus amusé qui se peint sur ses lèvres le fait ronchonner plus encore, mais il finit par abdiquer.
« On installe toujours l’électrique en premier », lui dit-elle, enroulant la guirlande tout autour du sapin. Elle y prend du plaisir et s’applique, davantage cette année. Peut-être parce qu’il y a l’enfant ; peut-être parce que l’hôte a pour la première fois l’occasion de passer un vrai Noël en famille. Famille un peu bancale, certes, et dont elle n’a jamais osé rêver… mais qui n’est pas pour lui déplaire, tout bien considéré.
« J’aurais pu payer quelqu’un pour faire ressembler tout l’appartement à l’atelier des lutins. Novembre est même pas terminé ! ». Planté au milieu du chantier, le grand blond époussette nerveusement son costume italien recouvert de paillettes. « C’est cela, oui », lui rétorque aussitôt l’Océanide, en retirant son tablier. « On en a déjà discuté. Ta fille a besoin d’une famille qui fait ces choses là avec elle. Ne la prive pas de ce plaisir, jamais ». Main sur la hanche, le visage habillé d’une expression sérieuse, elle a tout l’air d’une mère qui le sermonne ; même si ses yeux vairons sont empreints d’affection et parés d’un éclair de malice, le titan doit savoir que la lampade est loin de plaisanter. « Et c’est pareil pour les cadeaux, Silas », lui souffle-t-elle en s’approchant suffisamment pour que les mots - prononcés à voix basse - atteignent son oreille ; « J’irai demain les acheter moi-même ».
* * *
(le lendemain)
Les rayons du soleil baignent à peine Arcadia de leur lumière faiblarde, quand la divine en arpente les trottoirs en vue de regagner le quartier historique.
Emmitouflée dans un manteau épais, des moufles et une écharpe recouvrant chaque parcelle de son épiderme opalin, elle s’avance dans le froid
tout en s’extasiant des flocons qui se mettent à tomber.
Les tout premiers de la saison.
Camille les aime toujours autant. Même après dix années passées dans le nord du pays, et bien qu’elle ait souvent la nostalgie de la Louisiane, la neige est son
pêché-mignon. L’astre solaire et sa chaleur auront beau lui manquer, elle ne saura jamais cacher son enthousiasme à l’approche de l’hiver dans ces contrées glacées.
Enfoncée dans la rue piétonne,
l’Océanide trébuche sur une plaque de verglas qui la pousse vers l’avant. De justesse, elle se rattrape à la manche d’un passant, juste devant le magasin qu’elle espérait atteindre. «
Oh ! Je vous présente toutes mes confuses », elle s’exclame en retrouvant un semblant d’équilibre. Le jeune homme la retient un instant, lui adresse un sourire, et s’éclipse aussitôt.
Tant pis pour le coup de foudre des
grands films de Noël...
une autre fois peut-être, se dit la nymphe en s’esclaffant intérieurement.
Au coeur de la boutique, la blonde louvoie entre les gens et les rayons encombrés. Sa taille et sa carrure fluette lui permettent de se faufiler dans les espaces réduits, et de commencer ses emplettes malgré la foule qui ne cesse de grossir. Les présents bien en tête, elle file tout droit vers la section Jouets en fredonnant un air que diffusent les enceintes : «
Le froid est pour moi le prix de la liberté » ; Mila le chanterait à tue-tête si elle était à ses côtés, et la vision de ce karaoké égare la nymphe dans ses pensées, un sourire hébété aux lèvres…
«
Docteur Jonson ! » Percutée de plein fouet par une femme à la chevelure si semblable à la sienne, la déesse reconnaît sa collègue lorsqu’elle revient à la réalité. Le choc la fait reculer vers une porte à mesure qu’elle détaille le halo azuré qui entoure sa silhouette.
Elles ont beau s’être rapprochées fut un temps, Camille a toujours des difficultés à passer outre leur lien de subordination. Alors elle se reprend, et se rapproche de son amie pour la saluer dans une étreinte. «
Tu vas bien ? »
Les embrassades sont ponctuées de rires lorsqu’elles relèvent les yeux, et découvrent au dessus de leurs têtes des branches de gui suspendues. « On dirait qu’on vient de perpétuer la tradition ! »