La colère en bandoulière, Marisol navigue sur le pavé, avec le pas chaloupé des marins qui maîtrisent leur voilure. Il y a plusieurs semaines de cela, elle est venu cracher du “Descends que je te nique ta race !” sous les fenêtres d’une inconnue. Une certaine “Bronach”.  Elle avait scandé son nom si fort que les voisins s’en souviennent encore. D'ailleurs, c’est un chicano qui avait ouvert les stores de son appartement pour lui répondre laconiquement : “Elle est pas là. Prends rendez-vous.”

Et les voilà désormais face à face.
Celle qui a osé faire pleurer son amie.

- C’est toi “Bro” ?

- Nan, mais je vais t’fumer….

Balancement de caboche façon serpent. Souplesse de la Bitch en exercice. J’attrape la guenon blanche par le collet et la cogne au mur. Clope arrachée qui va chialer sa vie dans le caniveau.

- Réponds moi ?! Est-ce que c’est toi la salope qui a fait chialer Savannah ? Que je siffle entre mes dents à deux centimètres de son pif. T’es pas mieux que tous ces mecs….Joder ! On a bien assez du club de la Queue pour ne pas s’ infliger ça entre nous !

Reniflement haineux.

- Savy’ c’est comme ma soeur ! Fallait pas y toucher, chica...

La mandale fuse, sifflant dans l’air. Le claquement de joue n’est qu’un avertissement. Le crachat en pleine gueule, une marque de domination. Marisol agit comme un animal dont on vient d'agresser la meute. Bête fauve aux babines retroussées. Abusée par sa propre jeunesse, elle ignore qu’elle se frotte à plus fort qu’elle. C'est dans ses gènes de tutoyer le firmament.

Cette déesse là n’est pourtant pas à sous-estimer.


- Tu fais honte à toutes les femmes de ce monde ! T’as besoin qu’on t’enseigne le respect. Je vais te faire savourer tes propres hurlements, Bronach E. Mooney…

Fougueuse petite Marisoleil...

-Chrais toujours trop chère pour toi, pouffiasse.

Tu as beau fanfaronner, Marisoleil, pour l’heure c’est ta joue qui taquine la briquette. Cette déesse exhale les parfums enivrant de la rage et du sang. Pourtant, tu t’entêtes et c’est ce que j’apprécie chez toi.

Le talon aiguille de ta botte s’enfonce dans le pied de Bronach. Une diversion qui te permets de te dégager d’un coup de coude. Tes yeux brillent d’une lueur vengeresse. Le réverbère clignote, perturbé par ta présence stellaire. Tes paumes s’allument dans le noir.

- J’ai dit que je te fumerais…

Et tu lui fonces sur le râble.

Joder ! Je pensais pourtant savoir y faire en matière de tatane. Mais la tige a du savoir faire et n’a strictement rien à foutre de mes menaces. Ca a l’air de l’amuser, cette salope. Mon incandescence refuse de se retourner contre moi. Les poings se ferment juste à temps. Les lumières s’éteignent et le noir règne à nouveau. Je sens son souffle au travers de mes cheveux, caresser ma nuque.


- T’aime ça dominer de la gonzesse ? Ça te fait mouiller de briser des coeurs et d’éparpiller les morceaux ?

Je tire sur mes menottes de chair pour y planter mes crocs.

-T’es vraiment conne!  Chais pertinemment comment elle est et comment elle aime.  Qu’ tu puisses pas gérer ta p’tite jalousie mesquine, mais sérieusement oser user d’ça comme prétexte pour la plaquer juste parce que t’es déjà maquée... C’est dégueulasse.

Ça me revient, maintenant : La gueule du type à sa fenêtre. Je l’ai déjà eu comme client, il y a quelques années déjà, avant que le ciel me foudroie.


- Ce gadjo, a déjà payé pour mes services. Un sacré taré qui supportait pas d’être baisé sans qu’on l’attache. Il a chialé la première fois qu’il a joui... Pathétique...

Marisol, décidément, tu n’es qu’une enfant au cœur pur. Tu ignores les subtilités des relations toxiques entre adultes névrosés. Le Soleil aimait profondément la Lune, cela ne l’a pas empêché de me souiller. Le désir n’est qu’une affaire de prédation, sans relation avec l’amour.

-« Flattée » ? Dans mon métier, on a pas d’ego, juste des orifices. Si toi ça te caresse la moule dans le sens du poil, c’est que t’es aussi tarée. Savy pleure sans relâche et ça m’est insupportable. Tant pis si tu tiens pas assez à quelqu’un pour vouloir le protéger. Arrange la situation !

-Mais putain ! Arrête de penser en termes de baise ! T’as trop de cyprine dans la cervelle, parole !… Je n’ai aucune envie d’rouler des galoches à ma frangine.

Je me dégage de son emprise pour lui faire face. J’pige pas. J’pige pas pourquoi vous, deux gonzesses, vous vous faites plus de mal que les mecs merdiques qui me sautent pour trois pesos.

-Si seulement c’était qu’une histoire de baise, elle chialerait pas à ce point en répétant ton nom.

Silence.

-T'es comme nous, pas vrai ? Tu sais bien qu’elle peut pas faire autrement.

Je commence à saisir ce qui ce joue ici. Marisol, cela t’échappe, car tu ne t’es jamais intoxiquée d’une quelconque manière.

- Pourquoi ? demandes-tu ingénument. Ça n’a pas de sens si vous vous aimez. Ma pauvre enfant, si candides, si vierge des souillures de ce monde. Ton corps profané ne reflète nullement ton esprit juvénile. Je ne vois pas ce qu’il y a de bien à vous faire chialer. Explique-moi ta version des faits. Sérieusement… Pourquoi t’as même pas cherché à la rattraper ? T’sais bien qu’elle est impulsive…

Un silence.


- C’est à cause de lui?

Tout ça commence à me courir. Cette meuf est une pierre. Qu’est-ce que t’as pu lui trouver ? Y’a rien de bon à en tirer.

- J’avais envie d’te casser la gueule, mais tu me fais vraiment bander mou. En vrai, tu m’fais pitié.  J’pensais qu’t’étais la bonne à l’en croire,  que c’était juste de la fierté mal placée… Tu vaux juste pas tripette : ni passion, ni honneur, t’es morte à l’intérieur !  J’en viens presque à plaindre le gadjo qui joue les chaufferettes. T’es un putain de faux-semblant.

Je mollarde par terre.


-  T’approches plus jamais d’elle...