Inner peace starts with great whiskey

Alban & Clarence

Le manque de luminosité générale qui touchait la ville n’affectait pas vraiment la petite galerie d’arts dans laquelle Alban travaillait. Un générateur y tournait, pour éclairer les lieux, et surtout les peintures mises en évidence. Peintures que le jeune artiste avait déplacé les regarder - l’art contemporain, ce n’était pas vraiment son délire - pour les ranger à l’arrière, où personne ne risquait de les voler. Mais qui voudrait voler cette croûte, franchement ? C’était fou de se dire que des gens venaient de toute la ville pour acheter ce genre de trucs.  Enfin bon. Plus que quelques toiles à ranger, un peu de ménage à faire, et il serait tranquille. Il pourrait rentrer chez lui… Même s’il n’en avait aucune envie. Il faisait noir et froid, chez lui, alors qu’ici il y avait la lumière et le chauffage. Il pouvait même charger son téléphone et son pc portable, et continuer sa petite vente de dessins - et donc continuer à gagner un peu de fric à côté.

Il n’avait même pas de petit frère à récupérer à l’école, cette fois-ci. Silas était parti dormir chez un copain de classe, et Alban n’avait pas été bien dur à convaincre vu que chez ledit copain, il y avait de l’électricité, et que le petit y mangerait donc mieux qu’à la maison, où ils en étaient réduits à cuire les pâtes sur un réchaud de camping. Du coup, personne ne l’attendait à la maison. Anatoli, peut-être ? Non, il rentrerait sans doute avec un peu de - bruyante - compagnie. Alban n’arrivait même pas à être jaloux, malgré l’évident béguin qu’il avait sur son voisin ukrainien. Il était bien libre de faire comme il voulait, après tout. Puis ils n’étaient pas ensemble. Et ça ne risquait pas d’arriver, cela étant, Ana étant Ana, et Alban étant Alban. Tant pis. Sa simple compagnie lui suffisait - même s’il devait avouer que c’était assez dur de ne pas se trahir quand Ana le taquinait de manière très peu discrète. Difficile de cacher son attirance à quelqu’un qui passe son temps à blaguer dessus. Mais il lui semblait y arriver plutôt bien.

Sweet summer child.

Installé dans l’arrière-salle, le jeune artiste s’était mis plutôt bien, il faut l’avouer. Enfoncé dans un canapé, il dessinait au rythme d’une musique qui tournait depuis son ordinateur encore en charge. C’était paisible, et silencieux. Et éclairé. Et chaud. Bref, à des lieues de l’ambiance à la maison, sans chauffage, sans électricité, avec des murs aussi épais que de des feuilles de papier qui laissaient passer tous les sons du voisinage, les engueulades comme les - euh, les réconciliations. Alors il allait squatter un petit peu ici. Le patron n’y voyait aucun inconvénient vu qu’il lui faisait confiance, et comble du comble, il lui avait laissé l’accès à son whisky, parce qu’entre irlandais, ils se comprenaient après tout. Il squattait la salle de pause depuis… Un très long moment, en fait. Il avait laissé le temps filer sans le regarder. Vingt heures ? Minuit ? Plus tard encore ? Son patron allait arriver le lendemain et le trouver à moitié endormi, s’il ne faisait pas attention.

La clochette de la porte tinta quand cette dernière s’ouvrit, le faisant sursauter, puis grogner. Merde. Avait-il oublié de fermer la porte ? Ou bien c’était le patron. Non, il faisait noir dehors, minuit n’était sans doute pas passé. Quelqu’un avait vu de la lumière et avait décidé d’entrer. Quelqu’un avec de mauvaises intentions ? Cette histoire de coupure de courant avait réveillé le mauvais côté de certaines personnes, qui jouaient les petites frappes pour voler de l’argent ou de la nourriture à ceux qui n’en avaient déjà pas beaucoup. Lui ne se faisait jamais embêter, bizarrement. Très vite, il posa ses affaires et coupa la musique pour se diriger vers la galerie, sur le qui-vive.

« Désolé mais on est fermés, faudra revenir demain. »

Il avait tenté de garder un ton le plus neutre possible, malgré son agacement a avoir été tiré de son petit cocon de tranquillité à une heure aussi tardive. Cependant, quand l’identité du gêneur lui apparut, son agacement s’évanouit en même temps qu’un léger sourire le remplaçait. Clarence. Bah merde alors. Salut, frère loup. Chassant ces pensées parasites - Clarence, un loup, puis quoi encore - il lâcha sa posture de défense pour quelque chose de plus relaxé.

« Ouais, ok, je veux bien faire une exception pour cette fois, mais c’est vraiment parce que c’est toi. »

Trop d’honneurs. Vraiment. D’un geste de la tête, il l’invita à le suivre et il se dirigea dans la salle de pause - non sans avoir, cette fois-ci, fermé la porte à clé. Ce n’était pas bien rare qu’il vienne jusqu’ici, Clarence. Après tout, il aimait l’art, et ils s’entendaient bien. De la nourriture rejoignit le whisky sur la table, ainsi qu’un deuxième verre, puis le jeune loup se laissa tomber à la place qu’il avait quittée après avoir déplacé l’ordinateur et poussé plus loin le carnet à dessin toujours grand ouvert.

« Qu’est-ce qui te pousse jusqu’ici, Daddy ? Je te manquais trop ? »

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