Something dark inside of me There's something dark inside of me. There is a ghost in this machine. There is a giant jagged hole. Twists and rips through my soul. Like the roots of some old retched tree. There's something haunting, all my love. There's nothing good I'm thinking of. Still I'm gilded and groomed, gliding into the room. Saying such bold and beautiful things. There's something dark inside of me.

Les comprimés roulent dans la paume de sa main alors que les prunelles avelines cherchent à distinguer sur les courbes rondes des médicaments une réponse qui ne vient pas. Qui ne viendra sûrement jamais, si elle ne s’efforce pas de la chercher. Deux petits comprimés qui rythment sa vie depuis des mois. Deux petits comprimés quotidiens dont elle ne peut plus se passer. Le simple fait d’imaginer ne pas pouvoir les prendre l’effraie trop pour qu’elle ne l’envisage. Pas encore. C’est trop tôt. Trop tôt pour y penser. L’envie de s’en débarrasser ne manque pas, pourtant. Complètement consciente de sa dépendance devenue dangereuse, Maeve cherche la force, la motivation, de tout arrêter. Ça la rend dingue, quand elle y pense. Ce n’est même pas elle qui a initié son propre mal. Pas vraiment. Les médecins l’ont shootée, l’asile l’a détruite. Elle n’a pas délibérément choisi de devenir la droguée chronique qu’elle est aujourd’hui. Le déplore, au fond. Mais se félicite chaque jour de pouvoir être en mesure de faire taire ses maux intérieurs.

Ces voix qui semblent ne plus la quitter. Ces vibrations dans l’air qu’elle capte sans le vouloir. Comme si quelque chose s’était définitivement brisé en elle. Révélant au passage des ombres dissimulées dans le brouillard. Indiscernables pour le commun des mortels. Mais pas pour elle. Si elle ne les voit pas, elle les entend. Plus ou moins distinctement. Les sensations qui les accompagnent sont toutes aussi désagréables. Elle ne supporte pas cette nouvelle condition. Ne parvient même pas à l’identifier. Ne comprend pas encore comment la contrôler. Le seul moyen en sa possession pour vivre avec étant de l’endormir. Un moyen simple de retarder son problème. Sans jamais le résoudre. C’est ce qu’elle a fait toute sa vie, finalement. Et quand elle constate avec amertume où cette attitude l’a menée, elle regrette ce choix peu judicieux. Les comprimés roulent une dernière fois dans la paume de sa main. Le front plissé, Maeve se décide à les remballer. Refermant le tiroir de son chevet d’un geste décidé, presque violent. Elle ne les endormira pas aujourd’hui. Se mordra certainement les doigts d’avoir opéré ce choix. Mais peu importe. Décision est prise. Elle doit trouver autre chose. N’importe quoi. Quelque chose d’autre.

Quand elle claque la porte de son appartement, ses traits sont tirés par la fatigue. Chaque minute qui s’égrène la rapproche un peu plus de ce dont elle s’est toujours éloignée. Ce qu’elle est devenue l’effraie. Mais la blonde ne peut décemment pas continuer à vivre de cette manière. Puisqu’elle doit continuer à vivre. Quoi qu’il en soit. Ses pas la guident presque machinalement vers une adresse qu’elle souhaite visiter depuis plusieurs jours déjà. Sans trouver le temps ni le courage de s’y rendre. Ce qui scellerait sa résolution à s’en sortir. Trouver des solutions viables. Ce qui la forcerait à ne plus se cacher. Ce qui sonnerait définitivement la fin de son attitude presque puérile. Et le début de sa prise en main. Peut-être arrive-t-elle trop tard. Certainement, même. Maeve soupire à cette simple pensée. Espère au fond d’elle avoir tort. Pour une fois, elle espère sincèrement et viscéralement avoir tort.

La paume encore glacée s’appuie sur la poignée de l’herboristerie. Le vaste magasin s’ouvre à elle et une odeur intensément végétale la prend au nez sur le champ. Le regard de Maeve parcoure l’échoppe. Les mains déjà tremblantes camouflées dans les poches de sa veste, elle esquisse quelques pas sur le plancher, observant la boutique dont elle n’avait encore jamais osé franchir le perron. Boutique encore vide à cette heure plutôt matinale. Les prunelles avelines se posent longuement sur les nombreuses fleurs situées sur sa droite. Elles s’organisent dans une beauté sauvage et la cacophonie de couleurs qu’elles renvoient se mélange au reste, créant une harmonie presque parfaite. Un décor dépaysant, auquel Maeve se trouve particulièrement sensible. Mais c’est sur sa gauche qu’elle finit par se diriger. Comprenant rapidement que le genre de produits qu’elle recherche se trouve certainement de ce côté du magasin, plutôt que parmi les fleurs.

CODAGE PAR AMATIS
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Les mains tremblent dans le fond de ses poches. Doucement, imperceptiblement. Elles tremblent de ce manque qui se fait déjà ressentir, bien malgré elle. L’addiction ancrée trop profondément dans les veines, la chair et l’esprit. Besoin devenu viscéral à contre coeur. Elle ne peut plus se passer de ses précieux comprimés. Médicaments aussi salvateurs que dévastateurs. La blonde se retrouve contrainte et forcée à cette prise quotidienne. Pourtant, aujourd’hui, c’est un regain de volonté et de courage bien dissimulé sous sa veste qui l’a menée jusqu’à la boutique.  Les poings se ferment, à l’abri des regards, espérant que le geste fasse disparaître le manque, le camoufle pendant quelques heures encore. Lui donne ce laps de temps de répit qu’elle réclame depuis des semaines. Sans trouver la force de l’affronter. Le front plissé, les prunelles avelines de la blonde se baladent de chaque côté de l’échoppe. Les sens de la créature retrouvent de leur vigueur passée, maintenant qu’ils ne sont plus endormis par les anxiolytiques. L’odeur florale la prend aux tripes, il lui faut plusieurs secondes pour s’y habituer avant d’esquisser quelques pas plus avant sur le plancher de l’herboristerie, après que plusieurs ‘bonjour’ lui soient adressés. Elle y répond par un hochement de tête mécanique, avant de se diriger vers le comptoir où l’attend celle qu’elle imagine parfaitement être la personne en charge de l’endroit.

« Je pense que oui », répond-elle d’abord, machinalement, à la question toute aussi banale de la rousse. Le regard de Maeve s’attarde une longue seconde sur le visage de cette femme et l’aura qu’elle dégage. Savoureux mélange de douceur et d’autorité naturelle, à l’image de ces plantes qui l’entourent et qu’elle semble connaître par coeur. L’une de ces belles fleurs à qui il ne vaut mieux pas se frotter, pourtant. Au risque d’y laisser des plumes. « Votre boutique a bonne réputation » Le compliment n’est pas feint, bien qu’il ne soit pas complètement sincère. Elle qui se veut d’ordinaire d’une franchise à toute épreuve, semble adopter une méthode bien différente pour aborder la gérante. Lui faire comprendre ce qu’elle veut, ce dont elle a besoin, sans causer de tort à personne, n’est pas aussi aisé qu’elle l’aurait pensé. Pourtant, Maeve le sent, comme un cri rugissant au fond de ses tripes, la solution qu’elle cherche se trouve ici. Cette impression étrange, ce sentiment qui l’enveloppe, pèse sur ses épaules depuis qu’elle a franchit la porte de l’herboristerie. Ça veut dire quelque chose. Elle le sait. Traduire ce qu’elle ressent est la partie la plus complexe de son entreprise risquée. Elle cherche les mots appropriés à sa requête, la formulation exacte, parfait. Sans la trouver pour autant.

« Je cherche une plante particulière. Une plante médicinale. En tant que spécialiste, vous pouvez sûrement m’aiguiller » La voix est posée mais à l’intérieur, la blonde se désagrège. Elle aurait du ingérer ses pilules depuis plusieurs heures. Elle aurait du les prendre. Attendre d’être certaine de trouver une alternative pour tout arrêter. Risquer une crise en public n’est pas la meilleure décision qu’elle ait prise jusqu’à maintenant. Si tant est qu’elle ai déjà pris une bonne décision au cours de sa vie. Elle se pince les lèvres, un instant, avant que son regard ne décroche de celui de la rousse. Ne sachant plus très bien quoi dire pour faire entendre ses sous-entendus. Les oreilles qui traînent n’ont pas besoin de connaître ses problèmes. « Je suis un traitement depuis longtemps et j’aimerais pouvoir l’arrêter. En douceur », ajoute-t-elle finalement. Comptant sincèrement sur le professionnalisme supposé de la rousse qui l’a accueillie, autant que sur sa discrétion et sa compréhension. Le sang s’accumule au creux de ses tempes et la migraine pointe déjà à l’arrière de son crâne. Maeve fait bonne figure, cependant, désireuse d’obtenir ce qu’elle est venue chercher avant de s’autoriser la moindre faille. La moindre faiblesse. Elle finit par détendre ses poings, joue avec ses phalanges en échange, les mains glacées de la créature toujours bien dissimulées au fond de ses poches usées.

La boutique a quelque chose de mystique, impression pesant lourdement sur les épaules de la blonde. Comme si l’aura si particulière de la patronne exerçait sur elle une pression inhabituelle. Et tout aussi inattendue. Elle aimerait pouvoir faire meilleure mine, face à cette femme qui lui est complètement inconnue. Mais reste pourtant bien incapable de calmer ses nerfs à vifs, tranchés sans plus de ménagement par le manque, brutal et amer. Elle peine à articuler clairement sa demande. Souhaitant rester discrète tout en se faisant comprendre de l’herboriste. Son cas n’est pas si différent de milliers d’autres personnes dépendantes, que ce soit aux petites pilules qu’elle a pris la mauvaise habitude de consommer, à la cigarette ou au café. Pourtant, expliquer ce dont elle a vraiment besoin lui semble soudain devenir une épreuve insurmontable. Elle peine à choisir ses mots. Les bons, ceux qui suffiront. Elle enchaîne les explications d’une traite, ne s’arrête que lorsqu’elle juge ne plus rien avoir à rajouter. Très vite soulagée par la réaction de la rousse qui semble avoir tout à fait saisit sa demande.

La voix de la rouquine apporte finalement toutes les réponses dont Maeve a besoin. Sa demande est réalisable. C’est tout ce qu’elle voulait entendre en pénétrant dans l’échoppe réputée. Les prunelles avelines de la trafiquante se penchent vers les doigts fins de l’herboriste qui se mettent quasi instantanément à griffonner des notes sur une bout de papier. Maeve ne parvient pas à comprendre ce qu’elle y inscrit. Des mots à consonance latine, ou tout du moins trop ancienne pour qu’elle en ait connaissance. Des noms de plantes, certainement. Qu’elle ne cherche pas à discerner. Ce n’est pas son domaine. Loin de là. Et pour une raison qu’elle ignore encore, la blonde fait confiance à la patronne. À son professionnalisme, sa bonne volonté. Une réaction plutôt singulière, dans le cas de la créature. La demande de la rousse la fait tiquer un instant. La trouvant soudain bien curieuse, presque intrusive. Maeve fronce les sourcils, redevenant subitement craintive. Soupçonneuse. Sans aucune raison apparente. Un souffle plus tard, elle réalise que la requête n’est formulée que dans le but d’éviter les risques potentiels soulevés par sa commande spéciale. Alors, elle se radoucit. Remue les doigts dans ses poches jusqu’à y retrouver le bout de papier qui y traîne depuis des jours.

« Oui, j’en ai pris une avec moi », articule-t-elle difficilement en extirpant l’ordonnance de sa veste. Elle déplie rapidement la feuille recroquevillée un nombre incroyable de fois avant de la poser sur le comptoir en face d’elle. La prescription n’a pas quitté la poche de ce manteau depuis la dernière fois qu’elle l’a utilisée pour son usage premier. Mais c’était son tout dernier renouvellement. Sa toute dernière chance. Elle qui consomme les précieux cachetons beaucoup trop vite, beaucoup trop souvent. Une donnée qui l’a sans doute encouragée à se tourner vers une méthode plus douce. Moins conventionnelle. « Dans combien de temps ? », raille-t-elle sèchement en plissant le front lorsque la patronne évoque un délai de livraison. Elle ne se rend pas compte du timbre vindicatif qu’elle adresse à celle qui propose pourtant bel et bien de l’aider. De répondre favorablement à sa demande. Elle se rend compte de son erreur, Maeve. Rendue irritable par le manque. Une attitude que rien ne peut excuser. « Je reviendrai. Sans problème », s’empresse-t-elle d’ajouter plus calmement. Cherchant vainement à faire oublier le ton précédemment employé à la rousse et ses yeux bleus perçants.

L’atmosphère végétale semble soudain changer, gagne de nouvelles saveurs beaucoup plus sombres et glacées. La vision de la blonde se trouble inexplicablement, la rousse disparaît  devant ses yeux pourtant grands ouverts. La boutique se met à tourner, avant de s’arrêter brutalement, mettant l’équilibre de l’irlandaise à rude épreuve. Sa main s’aplatit brutalement sur le comptoir séparant les deux femmes, seul support à disposition pour l’empêcher de tomber. Ses jambes deviennent plus frêles encore, menacent de céder sous le poids de la serveuse. Non, pas encore. Pas maintenant. Elle hurle intérieurement pour que tout s’arrête. Jure contre elle-même d’avoir été trop bête pour ne pas avoir pris ses médicaments ce matin-même. Comme tous les matins. Petits cachets précieux mettant tous les symptômes en sommeil. Comme par magie. Lui redonnant l’impression subtile d’être normale, la plupart du temps. Maeve a froid. Tous ses vaisseaux lui paraissent gelés par ce qui la transperce. Ce qu’elle ne comprend pas. Ce qu’elle ne veut pas comprendre. Aveuglée par une chose impalpable. Quand le brouillard se dissipe, c’est la chevelure de feu qu’elle distingue en premier. Une seconde seulement, cependant. Affaiblie par la manifestation morbide, Maeve s’effondre, inconsciente. Plus rien ne parvient jusqu’à elle. Pas même la douleur. Que le silence qui l’enveloppe doucement, perturbé par ce qu’elle craint le plus. Incapable de dire s’il provient d’elle ou si elle l’imagine. Un cri.