Les jours avaient passés depuis la sortie d'asile, mais la vie avait du mal à reprendre son cours. Les voix et les murmures résonnaient encore dans la tête de Jo, les silhouettes hurlantes dansaient toujours au coin de ses yeux. La folie n'avait en rien été retardée par ce court séjour. Il était temps pour Jo de se reprendre. Ses hallucinations ne lui laissant aucun répit, elle envisageait d'apprendre à vivre avec. Rien ne l'effrayait plus que cette idée.
Ce matin là, assise dans l'angle du mur de sa chambre, après une énième nuit passée à hurler en silence, à tenter de repousser les mots tranchants qui rongeait son esprit, elle décida qu'aujourd'hui était le jour où tout allait changer. Elle prit le temps qu'il fallut pour se redresser, enfila une tenue singulière, et claqua la porte aussi fort qu'elle pu, comme pour crier à la vie d'aller se faire voir.
Qu'allait-elle faire ? Soixante-dix-neuf. Ce fut le nombre de secondes dont elle eu besoin pour réaliser qu'elle ne savait faire qu'une seule et unique chose : vendre des fleurs.
Jo n'avait quasiment rien vu d'Arcadia, ces cinq mois de peur l'avaient contraint à n'en voir que les sombres aspects. Elle ne connaissait que la noirceur des rues, la tristesse infinie de son appartement, et l'insipidité, la pâleur de l'asile.
Elle se rendit dans le seul endroit de cette ville où elle avait connue un semblant de paix. La fleuristerie était toujours là.
Les derniers mètres qui la séparaient de ce lieu dans lequel elle avait travaillé lui demandèrent d'user de toute la force qu'elle avait pu emmagasiner ces derniers mois. L'angoisse la saisit et la cloua au sol, là, juste devant la porte d'entrée, et ce fut comme si tout ce qu'elle avait entreprit depuis le début de la journée n'avait servi à rien.
Une silhouette qu'elle connaissait trop bien se mit à gigoter dans le coin de son œil. Elle ferma les yeux, mais un brouhaha s'empara de ses pensées. Elle ne contrôlait plus rien, plus l'angoisse la gagnait et plus les barrières mentales qu'elle avait construites se dissipaient, laissant la folie l'envahir. C'en était trop. Dans un dernier élan elle saisit la poignée, et entra dans le bâtiment, avant de s'écrouler, abandonnée par toute force qu'elle eut pu avoir.