Au volant de ma voiturette considérée comme obsolète, je me déplace au travers de la ville sans grande difficulté. Petite, elle n'attire pas véritablement les regards. Les moqueries sont plus utilisées envers elle que les ébahissements. Cela me va, je n'en ai que faire du matériellement parlant. C'est une chose qui ne me concerne pas vraiment. Je préfère que mon commerce tourne, que l'argent grandisse sur mes comptes en banque plutôt que de le voir dépenser en morceaux de métal, de tissu ou autres babioles qui ne m'intéressent pas. En cet après-midi, j'ai démarré mon épave pour me rendre à l'Emerald Garden. Fournisseur de mon petit écart de conduite, la femme qui s'occupe de cet endroit me permet de m'approvisionner en drogues étranges, drogues divines, utilisées par des êtres de ma catégorie pour s'élever, se sentir différent de ce qu'ils sont déjà ; des dieux.

Arrivé sur les lieux, je me déplace entre les différents végétaux. Mon regard se pose sur eux, bienveillant. J'ai une certaine attirance vers la nature, sans véritablement avoir la cause de cette conséquence. Je me sais lié au printemps, divinité Hindou étrange, mais rien encore ne peut confirmer mes pensées, mes théories, mes hypothèses. Les plantes me permettent également de passer outre l'une de mes capacités ; lorsque je les regarde, il n'y a pas de passé, pas de présent, pas de douleur ni de peine. Elles sont neutres, sans aucune préférence pour l'un ou l'autre sexe. Il me suffit de poser les yeux sur un être humain pour que cela change. Le passé refait surface, et sans connaître spécialement cette personne, je me mets à savoir tout ce qui la concerne sentimentalement parlant. Parfois, c'est usant.

La maîtresse des lieux m'apparaît. Aislinn, ou Miss O'Reilly comme je l'appelle fréquemment. Elle est celle qui me fournit, celle que je paye pour maintenir à flot mon commerce de neutralité. La femme à la chevelure flamboyante est occupée avec d'autres clients. Mon regard posé sur elle, la même rengaine qui se déclare à mes yeux ; veuve faussement attristée qui se voile la face pour un homme plus jeune qu'elle. Cougar ou non, elle ne semble pas prête à se laisser complètement aller avec ce garçon. Je sourit, je soupire et je m'approche. « Miss O'Reilly, comment ça va aujourd'hui ? » Personne occupée qui me regarde d'une façon dont je n'aime pas vraiment. Ma chaleur corporelle augmente, et je fronce les sourcils. J'ai horreur de ça, être mal juger. Aujourd'hui je me fais la total ; mon plus beau sourire s'affiche. « Excusez-moi de vous avoir interrompu. Quelle désagréable personnage je fais, je m'en vais regarder les orchidées. » Dis-je, disparaissant dans un coin de l'Emerald Garden.

Il ne faut pas plus d'une dizaine de minutes pour qu'elle termine avec le client. J'en profite donc pour apparaître. « Je suis ici pour ma commande ! » Dis-je, tout sourire, tel un gosse.