« Jolie Sybille, remettons notre rendez-vous à demain. je ne suis pas en état de vous rejoindre, mon chauffeur me ramène chez moi. Besoin de dormir. Vous comprendrez je pense. J’espère. Luca. »
Un sms envoyé, un coeur envolé. Broyé. Lacéré. Une larme qui glisse, unique et si douloureuse. Le début d’une pluie glaciale, d’une averse violente dont les hommes se cachent sous des parapluies. Dont les Dieux se prennent en pleine face, espérant ne pas glisser.
Pas de parapluie pour nous, nous nous pensons survivants à tout.
Faux.
Terrible erreur que de se croire au dessus de la plus vieille et la plus ardente des armes. Notre propre identité. L'humanité qui glisse et suinte dans notre coeur de Dieu jusqu'à le faire imploser.
Hybris, je te vomis à la gueule pour toutes les souffrances que tu me créés en dévorant tout ce que j’ai moi-même dessiné.
Prend le crayon et recommence Luca. La gomme a tout effacé, adieu Amour, adieu Beauté. Recommence, oublie la ritournelle. Car dans tous les cas, la gomme reviendra. Elle revient toujours.
Elle efface toujours tout.
—
La peur est là, elle vibre sous mon derme, elle m’éclate les veines, me noircit le coeur et m’empêche de respirer. J’y arrive pas, à la contenir, à la calmer, à l’empêcher de me dévorer.
Divinité je te hais, toi qui me plaque au sol avec la même ferveur que dans les draps d’Arcadia. Toi qui m’oblige à ressentir un toujours plus avant de m’emprisonner dans un toujours moins. Divinité je te hais pour toute la souffrance que tu me créés, pour ces larmes et ces cris, qui disparaissent au profit d’un mutisme que je ne supporte plus.
Sam n’est pas là aujourd’hui, je lui ai donné congé. Quelle connerie. Je dois rentrer chez moi, le chauffeur essaye la musique, de me parler, de me faire rire. Il est jeune, nouveau, pas encore au courant. Il ne peut comprendre pourquoi son patron, normalement toujours fringuant et prêt à exploser de rire n’ouvre pas la bouche. N’ouvre pas son coeur, ni ses cuisses.
Et puis un sms, une réponse. Un éclat dans le coeur qui a la place de faire mal, réveille un peu d’Eros dans Luca.
"« On change, direction le Downtown. Au croisement de la 56ème et de la 12eme. Vite s'il vous plait.»
Ô Sybille. Belle et douce Sybille dont le coeur est d’acier dans les rues et drapé de lin quand tu te trouves à mes côtés. Habille-le bien ce soir Sybille, je t’en supplie, protège le d’une armure aussi douce que la nuit. Et fais taire le mutisme en moi, réveille les émotions. Endors l’humain et élève le dieu.
Je t’en supplie Sybille, broie moi le crâne pour que la lumière enfin retrouve son chemin. Prend une pelle s’il le faut, une pioche, un marteau. Mais fais crépiter les flammes avant qu’a jamais, les braises ne s’éteignent.
Je devrais avoir peur. Je devrais être aux prises à une violente et douloureuse peur. Mais non. Y'a plus rien en moi. Que le vide qui me taillade le coeur. Que le mutisme qui me coud les lèvres, les cloud au sol. Incapable de réagir Luca, de rire ou de pleurer. Incapable de rien.
Comme si tu avais déjà été capable de quelque chose, à part faire crier.
J’abandonne le chauffeur, j’abandonne la voiture. J’abandonne mes larmes aussi, qui étaient les dernières preuves d’une pépite émotive. J’peux plus continuer comme ça, à quémander de l’aide à droite à gauche sans pouvoir mettre des mots sur ce qui me tiraille l’esprit. J’peux plus aller pleurer dans les bras de Sam alors que lui ne veut plus de moi comme j’ai besoin de lui. J’peux plus tenter de parler avec Ilias en feintant le professionnalisme alors que dans son carnet, je sais qu’il note « folie » à côté de Salducci. J’peux plus… Mentir. Marcher et tomber. M’égratigner les genoux et recommencer.
La prochaine fois, ce sera quoi ? Un coup dans la poitrine ? Ou une balle en plein coeur ? La prochaine fois n’existera pas Luca. Car si tu tombes encore, tu ne te releveras pas.
Je toque, lente et longue plainte d’un poing qui ne sait frapper que ça, les portes. Et son visage apparait. Belle brune au regard clair qui renferme en elle, un pouvoir que beaucoup aimerait posséder. Pas moi. Je fais exploser déjà bien assez de choses dans les corps des hommes et des divins. Toucher à leur Hybris, se serait comme une grenade que je ne saurais maitriser.
Boum l’explosion. Boum le Luca.
»Luca… » Sybille. Ma danseuse, ma déesse aux doigts qui crépitent. Sauve moi encore une fois. Aide moi à fermer les yeux pour quelques heures, empêche moi de les clore pour toujours. Mais rien ne dépasse mes lèvres. Incapable. Brisé à nouveau. La langue cousue, le coeur serré, Salducci en miette. Par un corps trop longtemps pressé.
Asseyez vous… Suis-la petit enfant, écoute ce que la maitresse te dit. Transforme ses mots en ordre pour aller mieux. Pour ressentir la vie. Alors je la suis. Alors je l’écoute. La camomille remplit la pièce, mais ça ne me fait rien. Il y a de la verveine aussi. On dirait les tisanes de Samuel, censées calmer mes douleurs et mes peines.
Sybille, tu connais Sam ? Vous vous entendriez bien, vous avez le même besoin de me soigner. Le même don pour me bercer.
Le gosse est assis, cuisse fermées, poings serrés, regard perdu dans le vide. Sur les contours de son visage qui normalement m’apparaissent nets et pleins de volupté. Où es-tu jolie beauté ? Pourquoi n’es tu fais que de brume aujourd’hui ? Sybille, s’il te plait… Fais moi voir à nouveau. Fais moi croire à nouveau. Puis un geste. Ecoute la maitresse Luca, elle sait y faire. Elle te connait bien. Le gosse abandonne le fauteuil, s'approche et se love tout contre elle.
Douce divinité, qui dans les rues, quémande vengeance. Qui dans mon coeur, va y dégoter l’Ange.
Fermez les yeux Luca, c'est bientôt fini
Paupières closes, corps amorphe, comme de la pâte à modeler. Laisse toi tailler Luca. Laisse-la devenir l’orfèvre, faire de la glaise un nouveau toi. Toujours aussi beau, toujours aussi solaire. Toujours aussi sensible, se brisant à la moindre fièvre. Mais bel et bien, un nouveau toi.
« J’ai…Été trop loin.. J’ai senti que… qu’il n’était pas bon, qu’il…Pourquoi tuons-nous Sybille ? Pourquoi…
Murmure malade, plainte d’un enfant qui ne comprend pas. Tu as froid Luca, toi qui en habitude, explose les thermomètres des médecins qui te regardent avec toujours cet air circonspect. Impossible est ton deuxième prénom. 39,8°C quand tu te sens un peu patraque. 40,7° quand tu es heureux. Et 42,3° quand tu fais crépiter tes doigts sur les hanches des plus belles âmes d'Arcadia. A ne rien comprendre pour un esprit scientifique. Mais tu n'as rien d'un rat de laboratoire.
On n’étudie pas les Dieux. On les aime ou on les détruit. Toi, on te propose les deux.
« Hommes, dieux… Je ne comprends pas ce… Besoin de détruire…
L'équilibre est un concept étrange- une dose de mort pour une dose de vie. Mais ici il n'y en a pas.
Une dose de mort pour une dose de vie. Tes mots résonnent en moi Sybille. S’il y a plus de détresse et de noirceur ici bas, ne peut-il pas y avoir un jour trop de beauté et de lumière ? Peut-être que nous pouvons renverser la balance et faire de cette Terre un nouvel Eden ? Sans serpent, sans pomme, rien que mes mains filant sur leur peau, rien que mes phalanges glissant légèrement sur leurs flancs pour les parer de douceur et de beauté. Peut-être oui, qu’un monde comme ça peut exister.
Pour le moment il se nomme le Silver Arrow et il n’est qu’une infime partie de Little Italy. Trop petite à mon goût.
Je ne suis pas un dieu bon, quoi qu’on en dise. Je joue et je donne mais toujours dans l’idée de prendre à mon tour. Je me nourris de leur amour, je dévore leur plaisir et je fais de leur jouissance ma plus pure énergie. Mais ce n’est pas si mauvais, si ? De jouer avec leur sentiment pour leur faire découvrir ce qu’est ce, la véritable décadence ? Celle où tu ploies, celle où tu laisses tomber toutes les armes dans le seul but d’aimer, de chérir et de désirer ?
Je ne veux que ça Sybille, les émotions positives, salvatrices, créatrices d'orgasme et de magnificence. Mais non… Avec l’amour vient la jalousie. Avec le désir vient l’impossibilité de s’arrêter. Avec le coeur vient la colère, la rage et toute sa famille qui s’amuse à me briser la colonne en de milliers d’éclats.
Avec la vie vient la mort Sybille. Oui tu as raison, l'équilibre est obligatoire. L'équilibre doit être réajusté.
Et je les sens, ses mains qui caressent lentement mon crâne, puis mes épaules. Je suis incapable de lui faire ressentir la moindre chose, étant moi-même une source tarie. Elles sont là, elles crépitent contre mes boucles, contre ma nuque, attirent le mal pour me laver et me parer de douceur à nouveau. Comme une mère avec un enfant. Comme une nourrice avec un héritier.
Jolie Maman aux doigts d’or, les miens sont tous sales, dévorés par la poussière et le sang. Je t’en supplie Jolie Maman, nettoie mes ongles et mon coeur, fais de mes organes ma vraie demeure.
Enfermés dans une bulle d’or Luca, toute son enfance, toute son adolescence. "Tu deviendras un grand mon fils, un dieu que l’on chérie, à qui on se dévoue, à qui on baise les pieds et bien d’autres choses. " Oui Papa, oui Maman. Mais ils ne m’avaient jamais dis à quel point c’est douloureux d’être un Dieu toute sa vie. A quel point le déclin continuera de tabasser à ma porte en espérant qu’un jour, le bois se fissure pour y entrer. Et tout briser.
Eros Dieu de l’Amour. Eros Dieu du Rien-du-tout.
Ce n'est pas votre faute. Quittez ce qui vous fait souffrir Luca
Mon cou se tourne légèrement, mes pupilles cherchent les siennes. La force me revient doucement, les émotions reprennent lentement leur aise. Naissez petites pépites, revenez au creux de votre père.
Pas ma faute. Si Sybille. La Nuova me protège de tout ça. J’ai beau titiller le haut grade depuis des années, la Nuova sait que si mes mains se paraient de sang frais, je n'en reviendrais pas. La Nuova est là, la Nuova accepte. Je suis utile à d'autres choses pour le moment, mes mots sont des éclats de fierté dans le coeur des soldats, mon toucher, une arme dévastatrice tant elle gonfle les poitrails des hommes armés. Mais la Nuova comprend qu'Eros ne peut blesser que par ses flèches. Et jamais par des balles.
" Je …" "Je suis de votre côté, je vous le promets.
Mes épaules s’affaissent à nouveau, je me laisse bercer. De mon côté, la Vengeance. De mon côté, Pandora. De mon côté, Alcide.
Tous de mon côté. Et pourtant tous si loin.
" Si, c’est de ma faute…J’ai senti qu’il était en colère, qu’il y avait de la jalousie… J’ai cru pouvoir… J’avais envie de lui, je… Il était..
Les mots sont difficiles. Repenser à la scène est difficile. Un éclat dans un coeur rongé par la folie amoureuse et voilà que l’homme que je pensais être mien cette nuit a décidé de s’en prendre à sa belle. Sur le trottoir en face du Silver. Crac le crâne. Crac le bitume.
Crac Eros. Appeler Samuel, tomber sur le répondeur. Ne pas savoir quoi faire, tenter d’apaiser les coeurs. Mes gardes du corps aux aguets, essayant de me calmer, de me protéger.
Je ne suis pas la victime ! que je leur criais. Je ne suis que le bourreau. Et le toucher encore une fois, pour essayer de faire vriller en lui l'amour, la beauté... Et tomber sur la haine qu'il ressentait pour son acte et pour lui-même. Pourquoi ? M’a-t-il murmuré, tenant dans ses bras le corps de sa dulcinée. Parce que, que je lui ai répondu. Je suis l’Amour. Et l’Amour jamais n’a a s’expliquer.
La Nuova est une belle famille Sybille… Je ne peux pas les quitter, je ne veux pas. Ils me préservent à leur façon. Tu y serais bien. Je te protégerais moi aussi…
Le coeur qui se remplit à nouveau, l’âme qui reprend de sa couleur. Et mes yeux qui enfin trouvent les siens, prunelles trop claires qui se regardent et se complètent.
Vengeance et Amour dans le même bateau. L’un voguant sur la douleur l’autre sur les coeurs.
C’est comme se laisser aller sous le jet de la douche. Au départ, on ressent une douce chaleur, enveloppante et apaisante. Ça brûle un petit peu mais ça ne fait pas mal, non. Ça échauffe seulement. Puis lentement, on se laisser faire, on accepte que le jet soit plus vif, plus chaud. On accepte les éclats vermillon qui se forment sur notre peau. Le corps se détend, les muscles s’arrondissent, perdent de leur plomb pour devenir de plumes.
Leger le corps, léger le coeur. Mais pas assez pour se relever encore.
Alors reste un peu dans ses bras Luca, accepte les caresses, accepte les mots. Fais de sa voix une chanson, transforme-la en mélodie entêtante pour te souvenir que non, tu n’es pas perdu. Pas encore.
Tes doigts Sybille, ils contournent les traits de mon visage, y forment des arabesques, comme un peintre sur sa toile. C’est doux, c’est bon, ça réveille en moi quelques émotions fugaces. Des sentiments écrasés par la rage une nuit plutôt. Et tes lèvres sur me front, posées telles un linceul sur mon visage.
Nettoie, arrache Sybille. Passe un coup de torchon, une éponge humide. Nettoie, arrache, détruits, Sybille. Fais moi oublier les maux pour ne plus avoir à subir.
« Parle moi Luca, laisse tes regrets ici, je veux que tu ailles de l'avant »
Un pas après l’autre. Un bassin accroché à un autre. Une hanche à droite, un baiser à gauche. La queue dressée, le coeur tombé. Là est l’adage du dieu de l’Amour. Offrir, prendre, réclamer, donner, donner, donner, voler, brûler. Ne plus rien accepter. Là est la ligne conduite du dieu de l’Amour. Tu penses que les Hommes ne peuvent t’aimer sans donner en retour. Tu penses tous les acheter pour leur quémander un soupçon de sympathie. Tu penses que tous sont à tes pieds car tu es Lui. Mais tu n’es pas que Lui Luca. Tu es aussi toi. C’est toi le Soleil. Depuis petit, c’est toi l’astre du Jour. Tu aurais pu être Hélios que ça n’aurait rien changé. Tu aurais fais crépiter les Hommes sans aucun don. Tes flèches ne sont pas responsables de tous ces noms accrochés à ton coeur. C’est toi et toi seul Luca, qui grappille leur âme et les pique d’Amour.
Et tu n’es pas seul Luca. Tu les as eux. Pandora, Sybille, Lucy. Tu l’as lui.
Tu as toi. N’est ce pas suffisant au fond ?
Non que tu te murmures. Non, ce ne sera jamais assez pour le Dieu qui vit par et pour l’Amour.
« Je vais de l’avant Sybille… j’irais toujours de l’avant.
Et mes doigts qui se relèvent, lentement qui glissent sur sa joue et crépitent légèrement. Là sous son derme opalin, je ne sens ni la colère ni la peine. Seule la beauté de ce qu’elle produit en moi s’éveille. Seul l’affection brûle sous sa peau opaline. Alors comme les braises d’un feu, je les attise. Souffle de vie et de reconnaissance. Je ne suis pas encore debout mais mon coeur se réveille.
Je la sens, la tendresse se faufiler sous nos pores, échauffer, se gonfler et devenir plus brillante qu’un diamant à peine touché. C’est euphorisant, de ressentir autant de choses dans un si petit toucher. Euphorisant aussi de voir que ce qui se cache derrière cette armure d’acier n’est pas que noir et danger. J’avais hésité, à l’employer Sybille. De part sa nature divine et tout ce qu’elle engendre. Mais… Plus utile à mes côtés que dans les rues, mon choix avait été dicté par ce besoin égoïste de la posséder pour mes propres besoins. Comme tous au fond.
Cassie qui me murmurera l’avenir. Lucy qui embrasera mon corps sans une seconde de répit. Samuel qui acceptera mon coeur touché par des centaines d’autres.
Tous utiles à leur manière. Tous là pour Luca, pour Eros. Tous charmés par le divin et l’homme. Tous à mes côtés. Une véritable petite armée.
Et Sybille… Ô ses mots me touchent profondément. Luca, ne gaspille pas tes dons pour moi. Je ne les gaspille pas Sybille, je les use de la bonne manière. Pour remercier ceux qui m’aident. Pour encore plus vous garder auprès de moi. Tous me pensent bons. Mais au fond, je suis comme tous les dieux. J’ai besoin et je prends. J’offre après avoir reçu. L’équation est simple et pourtant si douloureuse à accepter. Comme tous les autres.
Eros dieu de l’Amour et du Désir, on ne t'imagine pas manipulateur mais c’est ce que tu es dans ton essence. Au plus profond de ton coeur.
"Ne me remercie pas, je suis là, je te l'ai déjà dit » « Je sais.
Murmure abandonné aux creux de ses lèvres. Sybille toute proche. Sybille si belle. Pourquoi les corps ont-ils cette ascendance sur moi ? Pourquoi sont-ils si magnétiques ?
Prunelles qui se ferment, Sybille en contrôle. Paupières ouvertes, Luca en osmose. Laisse toi faire Sybille. Rappelle toi. Je prends et je donne. Equation parfaite. N’as-tu pas oublié ?
« Dis moi ce que ça fait… Mets des mots sur ce que tu ressens toi aussi…
L’homme dans les bras de la femme. A se coller. A faire de la moindre interstice un emboitement parfait. Les angles ont été bien pensé quand les corps ont été créé. Je me retourne, me laisse aller dans ses bras à Sybille. Mais j’attrape sa main droite et refuse de l’abandonner. Doigts se lovant contre ma bouche.
Un baiser plein d’Amour. Un autre gorgé de Tendresse. Un dernier crépitant sous la Fougue.
« Dis moi Sybille… »
Luca qui toujours, s’amuse avec le feu dès lors que son coeur n’est plus un amoncellement de cendres.
Elle souffle Sybille. Elle inspire et expire assez fort pour que je l’entende. C’est beau, quand le corps des hommes se gonflent d’oxygène un peu trop vite. Quand les poumons ne sont plus assez grands pour contenir les inspirations et que le coeur se gorge un peu trop. C’est beau à voir, c’est beau à entendre. Alors laisser toi glisser Sybille, accepte le merci d’un dieu qui ne demande qu’a faire exploser le bon en toi.
Glisse Sybille, n’ouvre pas les yeux. Danse contre moi, souffle sur les maux, oublie la pluie et accepte ce qui est beau. Les cris, la vie. L’Amour Sybille. L’Amour, accepte-le.
Elle m’explique, met des syllabes là où il n’y avait qu’un souffle. Elle veut voler, laisser les papillons lui crépiter au fond du ventre pour l’emporter. Et moi je l’écoute, oreille attentive, qui se laisse nourrir par l’énergie salvatrice de la déesse. Vengeance peut-être mais équilibre surtout. Et je la vois, la balance qui reprend ses aises. De chaque côté, les poids sont similaires. De chaque côté, nos corps sont des tares parfaites.
Les yeux toujours ouverts, je la sens se crisper, son coeur bondir légèrement plus fort, taper contre sa cage thoracique. Que c’est beau, quand les corps s’échauffent en même temps que les coeurs. La tendresse se mue en quelque chose d’autre, plus fort, plus ardent. Plus envieux aussi.
J’aimerais que Samuel se laisse toucher comme Sybille me laisse l’effleurer. Pourquoi Sam ? Ne veux tu pas ressentir encore un peu cette langueur qui glisse contre tes reins ? Ne suis-je plus assez bien pour toi ?
Tant pis Sam, Sybille n’est pas toi. Mais Sybille est belle. Et Sybille m’aime, elle.
Enfin, je pense.
Doigts abandonnés, rupture du lien. Pépites écrasées sur le sol, comme la cendre d’une cigarette. Mes prunelles pétillent un peu, ne comprennent pas. Sybille, explique moi.
J'aurais moins peur si tu volais a mes côtés, Cupidon.
Je n’ai pas d’aile Sybille. On me les a arraché, remplacées par deux lignes droites tatouées sur les omoplates.
« Je ne sais pas voler Sybille… Mais je sais faire d’autres choses…
Regard d’enfant, gamin aux doigts d’or qui comprend tout le temps mais fait mine que non. 43ans de naïveté, pas une vilaine, pas une méchante non. Une innocence rare, qui attrape les coeurs comme les regards. Tu es beau Luca, mais il n’y a pas que ton corps qui fait rêver. Il y a tes yeux, étendues bleutées, où le monde voudrait se noyer.
« De quoi as tu besoin ?
D’un contrat a duré indéterminée, d’un chèque, d’une table pour un diner avec vue sur Arcadia.
D’un coup de rein.
Non Luca. Trop fatigué. Le chèque et les crépitements suffiront pour ce soir. Tu le sais alors imprime le dans ton crâne.
Les paupières s’ouvrent et sonnent comme la conclusion à la décharge électrique passant entre nos deux coeurs. Offrir aux dieux à quelque chose de bien plus enivrant qu’avec les humains. Car ils ont la puissance. Ils ont cet éclat émotionnel, mélange entre l’humanité et la divin, qui pétille un peu plus fort et un peu plus longtemps. Les divins savent tenir la cadence, en jouer, pincer les cordes lentement et avec dextérité. Alors que les hommes ont tendance à exploser sous le moindre doigté. Une caresse et leur derme se charge de passion, de fougue ou de colère. Une seule pression et la grenade est dégoupillée. Alors qu’avec les dieux… Les dieux prennent leur temps. Les dieux peuvent choisir de brûler violemment ou de s’éteindre lentement.
Nez qui se frôlent, légère pression aux creux es lèvres. Un baiser innocent, pour un enfant qui a toujours ce regard plein de naïveté. L’homme au fond réclame plus, le Dieu réclame encore plus. Mais le gosse lui, il est comblé. Il apprécie cette tendresse autant que les jeux de jambes. Il n’a besoin de rien de plus l’enfant, quand sa mère accepte de l’aider.
« C’est de toi dont j'ai besoin.
Nous avons tous besoin de quelque chose Sybille. J’ai besoin de tellement de gens autour de moi et pourtant, c’est seul que je survis. Sans Lucy, sans Pando, sans Sam, sans toi, sans la Nuova, je suis toujours resté debout. Peut-être même que je m’en portais mieux. Des légendes racontent qu’Eros naquit seul, de son propre chef, par son propre amour. Seul et sans parent, seul et premier des Dieux. Ces mots ne sont pas les plus connus, la majorité pensant qu’il est né du coeur d’Aphrodite. Mais plus j’avance dans l’âge, plus je me rend compte que la première histoire est surement la bonne. Les hommes ont besoin de moi mais je pourrais me passer d’eux. Aucun n'est réellement capable de m'apporter ce que je réclame depuis toujours. Quelque chose de plus fort, de plus vrai. De réel. Et pas seulement des crépitements d'Amour.
Seul l’Amour. Seul pour toujours.
Elle se lève Sybille, abandonne mon corps et le sofa. Fenêtre ouverte, légère brise qui me passe sur le visage. Je n’ai pas froid, petit à petit mon corps retrouve sa chaleur anormale mais si vivifiante. Je ne la lâche pas des yeux, prunelles bleutées se perdant dans la cascade brune de ses cheveux. Je comprends mieux pourquoi les clients l'apprécient Sybille, c'est rare de nos jours, une chevelure ausis divine. Et puis des mots. Et un plaid apporté. Laisse toi border Luca, laisse toi faire comme un gamin. Et la tasse de thé dont les saveurs se révèlent enfin à mon odorat. Verveine.
« Pas de sommeil pour les braves…
Que je tente avec un brin d’humour, petit sourire en coin alors que mes doigts attrapent la tasse pour glisser dans ma gorge le liquide médicinale.
« Si tu continues à veiller sur moi comme ça, je vais devoir ajouter une ligne sur ton contrat !
Nouvelle gorgée, petit corps qui mouve sous la couverture, comme un chat qui s’étire après une longue sieste au soleil. Muscles qui commencent à se détendre, à retrouver leur parfaite élasticité. Je n’ai pas envie de dormir Sybille.
« Parlons un peu affaire dans ce cas là, tu te sens bien au Silver ? Les clients te traitent bien ?
Le gosse s’habille d’une cravate a 800$, met son costume trois pièces et débute sa journée alors que le ciel menace de rompre la voute céleste. Homme aux multiples visages, qui en change comme un humain opte pour un nouveau t-shirt chaque matin. Homme d'affaire qui s'inquiète plus pour ses employés que pour les rentrées d'argents. Qu'importe le nombre de clients, la richesse des Salducci n'est plus a prouver. Et nous savons tous, que ce n'est pas ça qui fait le bonheur.
Petit éclat sur le visage. Sourire tout-joli sur un faciès qui l’est tout autant. que tu es belle Sybille quand tu ris. Même si c’est délicat, même si c’est furtif, tu es belle quand tu illumines. Pourquoi ne pas continuer ? À m’émerveiller de ton aura ? A me prouver que la rage et la colère peuvent être contentés par autre chose que la noirceur ? Regarde toi vivre sous mon toucher Sybille, regarde ton corps se charger de chaleur et de douceur. Sens comment tu aimes ça, comment ta carcasse l’accepte.
Alors continue de briller ma Sybille. Brille et vis.
Je ne peux pas m’empêcher de t’imiter quand tu me parles de ce que le Silver te fait ressentir. Sourire pour toi Luca, c’est une habitude, cet éclat est constamment accroché à ton visage. Mais ça ne signifie pas qu’il est faux, non. Tu manipules mais jamais tu ne mens. Tu domptes les coeurs mais jamais ne les dupe. Alors oui, tu le connais ce sourire Sybille, tu l’as déjà tant de fois vu. Mais il est vrai, il est pour toi, seulement pour toi. Si heureux de te savoir bien au creux de ma création, d’entendre tes mots, te savoir comblée sur les podiums de l’Amour. Mes doigts crépitent un peu contre mon menton, remontent le long de mon nez et le chatouillent. Toc pour les humains, symbole d’un contentement pour le Dieu de l’Amour. Pas gêné Eros, juste heureux. D’avoir su piquer là où il faut.
Je me blottis un peu plus sous la couverture. J’ai chaud mais j’aime la sensation, d’être couvé comme un enfant, de sentir mes joues rosirent, mon coeur s’échauffer, mon corps devenir sueur. La moiteur d’une température excessive, les boucles trempées, le coeur qui bondit dans le poitrail. Eros réveillé, prêt à faire brûler la moindre peau. Reste au chaud Luca, reste au chaud jusqu’à ce que ton coeur n’en puisse plus et quémande d’offrir cette énergie à quelqu'un.
« Satisfait ?
Sourcil arqué, sourire en coin, de l’homme cette fois-ci. L’enfant est un peu caché, gêné par la tournure de la conversation. Par cette chaleur qui enveloppe le corps de celui qui le compose.
« La question se pose-t-elle réellement ?
Nouvelle gorgée de thé, tasse quasi vide posée sur la petite table à côté. Et corps qui se relève, usant de ces abdominaux que la danse ont ciselé à la perfection.
« Si Némésis t’en veut de sourire comme ça, c’est qu’elle ne te mérite pas.
Déesse de la vengeance, pourquoi as tu choisi Sybille pour être ton réceptacle ? Explique moi, mets des mots sur tes raisons. Sybille mérite de sourire toute son existence, d’exploser sous la beauté et non la souffrance. J’abandonne un léger baiser sur sa joue, papillon brûlant déposé pou enflammer ce petit quelque chose qui crépite sous son derme.
« Tu me sauves de lui, je te protègerais d’elle. Deal ?
Deal. Comme des enfants, crachat dans la paume et poignée de mains. Deal à jamais ma déesse.
Accepté le deal. Mais pas de poignée de mains ni de crachat dans la paume. Le sourire est la signature, le crépitement dans son coeur l’encre apposée sur le contrat. Tu me protèges et je te protèges Sybille. On continuera d’avancer comme ça, en acceptant nos obsessions et nos mécaniques brisées. Et en faisant de ce qui nous rend beaux, de vraies tableaux colorés.
Je vais te faire briller comme un diamant Sybille, Nemesis n’a qu’a bien se tenir, Amour te prend sous ses ailes pour te parer de plumes : plus douces, plus blanches, plus légères que celles qui se dardaient dans ton dos il y a des millénaires.
La nuit brise les angles de la ville. Les vitres ne sont plus, les murs se teintent tous de noirs. Adieu jolies nuances, adieux brique et marbre. Adieu la vie qui lentement s’éteint au creux de nos bras. Si un jour on m’avait dit que l’Amour s’endormirait enlacé avec la Vengeance, je pense que j’aurais rigolé. Jusqu’a me rappeler que quand le coeur est touché, seule une vendetta est capable de le venger.
-
Quelques rayons qui viennent chatouiller mon visage. Collé-serré contre Sybille, les mains endormies à force de ne pas bouger. Combien de temps ai-je dormi ? Je ne sais pas et ça m’effraie. De savoir que le jour est si avancé, que je ne suis pas déjà debout, prête à faire frémir les rues d’Arcadia sous quelques pépites émotives. Je m’extirpe avec facilité de l’emprise de Sybille. Elle est belle quand elle dort. Belle et avec une peau glacée. Je referme les cotés du plaid sur elle, espérant que ça la réchauffe un peu, qu’elle ne tremble pas trop. Je remonte le température du chauffage du salon aussi, histoire de faire frémir son coeur et non ses petons. Et puis un baiser, aussi doux qu’une plume, abandonné sur son front. Pas de mots, pas de message abandonné. Sybille sait que cette marque d’affection est plus forte que tout les mots.
Disparait Amour, vole tant que tu peux. Vole et ne te brûles pas trop les ailes. Vengeance dort encore un peu, Evite de la réveiller pour quelques plumes volées par le ciel.