Allongé dans le canapé de mon appartement, je ne cesse de penser à la conversation que j'ai eu avec Alfonso Brazzi. Tellement de possibilités me sont désormais possibles que c'est grisant. Et dire que l'idée de refuser la proposition de Bellandi a traversé mon esprit. Quel fou j'aurais été ! Cela aurait été un immense gâchis.

M'être rapproché un peu plus de mon statut divin alors que je n'y pensais plus a ravivé mon envie de voir jusqu'où je pourrais aller. Aller pour devenir pleinement Arès. Mais comment faire ? Je réfléchis à cette question avec attention depuis que j'ai quitté le Piada. L'envie d'utiliser mes pouvoirs me démangent mais je me retiens. Point de précipitation. Cela serait dommage de se brûler les ailes si près du but.

Repensant à l'une des confidences d'Alfonso, mon sang s'enflamme. Savoir que je ne suis pas le seul à être au-dessus des autres m'agace au plus haut point. Naïvement, je pensais que, pour une fois, le privilège de l'âge jouerait quelque chose. Mais non, tous ses jeunes freluquets n'ont pas eu à attendre. Cette envie de vengeance si familière court à nouveau dans mes veines. Sous son impulsion, un plan s'esquisse dans mon esprit. Un sourire se dessine sur mon visage. Après tout, qu'est-ce que j'ai à perdre d'essayer ? Rien.

Me redressant, ma main attrape accidentellement le prospectus que Bellandi m'avait donné à notre première rencontre. Ce rappel à ma mémoire de la réincarnation de Zeus ne réduit en rien mon sourire. Parvenir à mon but nécessite bien quelques concessions, surtout lorsqu'il s'agit de se trouver des alliés...


Quelques heures plus tard, je pousse la porte d'entrée du Thunder Fist. Ayant délaissé mon costume, j'ai mis un pantalon de toile et un polo. J'ai pris soin laisser mes affaires de sport dans ma voiture sur le parking. A la base, je ne pensais pas en prendre car je n'ai pas la moindre envie de me retrouver sur le ring. Cela dit, je ne connais pas assez Bellandi pour savoir s'il sera insistant ou non à ce sujet. Dans le doute, j'ai préféré paré à cette éventualité. Et j'ai pris soin de ne pas oublié mon étui à lunettes. Si je dois monter sur le ring, je le sens venir à fond la caisse la rencontre improbable entre un gant et ma monture. Enfin, j'espère que le pack de bières que j'ai à la main sera suffisamment intéressant pour Bellandi pour pas qu'il me propose cela.

-Bellandi, vous êtes là ?

Mon interrogation est lancé du pas de l'entrée. Manquerait plus qu'il ne soit pas là tiens. Cela retarderait considérablement mes plans. Ce serait gênant.

Arrivé au club de boxe, j'ai une semi-surprise en ne voyant pas Bellandi à l'accueil. Qu'il ne soit pas à l'accueil, ce n'est pas surprenant. En revanche, j'aurais pensé qu'il serait sur le ring plutôt que dans son bureau. Enfin, bref. Du moment que je ne me suis pas déplacé pour rien, il peut bien faire ce qu'il veut. Je ne suis pas son père. C'est même le contraire.

Enfin, j'ai bien fait d'insister, le voilà qui vient à ma rencontre, un air ravi sur le visage. Je crois que je ne vais pas avoir le choix de monter sur le ring si je veux pouvoir faire ce que je veux.

Je ne cache pas un roulement des yeux. Campeur du dimanche ? Sérieusement ? Ma tenue est très bien, merci beaucoup.

-Papa ne m'a pas donné assez d'argent de poche pour m'acheter des vêtements à son gout et le pack de bières.

Mon ton est sarcastique à souhait. Je peux aller ranger la boisson que j'ai amené s'il continue comme ça.

-Rendez-vous galant ? Je crains que vous en ayez trop là où il y en a pas assez pour moi.

Non, vraiment Bellandi, sois sérieux deux minutes. On ne va pas aller loin si on continue comme ça.

-Enfin, bref. Je ne compte pas monter dans l'immédiat sur le ring. Peut-être plus tard. Le bureau conviendra sans peine.

Mon ton est redevenu celui de l'avocat que je suis. Même si je ne doute pas qu'il y a d'autres personnes de la Nuova dans le coin, je préfère sans peine un endroit discret pour la conversation. Après l'avoir suivi, je dépose le pack sur le bureau avant de prendre une bière et de m'assoir. D'un geste machinal, je l'ouvre à l'aide de la ferraille de ma ceinture. J'ai appris ce geste au cours des lointaines soirées étudiantes auxquels j'ai pu insisté.

Après avoir trinquer avec la bouteille de Bellandi, je ne peux m'empêcher de jeter un rapide coup d’œil sur les papiers étalés sur le bureau.

-Besoin d'aide ?

Pas que j'attende une réponse forcément favorable mais la politesse n'est pas superflue.

-Suite à des évènements pour le moins inattendu, j'ai été amené à reconsidérer tout un tas de perspective. Je suis sûr que celles-ci ne manqueront pas de t'intéresser.

Je le jauge du regard afin de voir si Brazzi a été faire la commère auprès du Don.

Je ne fais aucune remarque concernant la déclinaison de ma proposition d'aide. J'ai proposé une fois, je ne compte pas insister. De toutes façons, je me doute qu'il hésitera pas à me contacter si c'est nécessaire.

En revanche, je suis infiniment plus intéressé par le fait que j'ai réussi à titiller sa curiosité. Une certaine satisfaction m'envahit à ce constat. Décidément, les choses s'annoncent bien meilleures que prévues. Ne voulant pas perdre cet atout, je ne fais pas languir davantage le Don de la Nuova Camorra.

-L'origine n'est pas directement liée à la Nuova. Mais je vous promets que cela va vous intéresser.

Je bois une gorgée de ma boisson. Sans vraiment faire attention, j'ai bu plus qu'une personne normale pourrait supporter sans une grande expérience.

-Vous êtes le seul à réellement boire dans cette pièce.

Je m'enfonce dans le siège tandis que je laisse le soin à Bellandi de comprendre cette nouvelle que je lui annonce.

-Ca fait quelques semaines désormais. Je ne pensais pas que cela puisse être possible. Pensez-vous que j'ai raison de supposer que c'est grâce à notre récent partenariat qu'il y a eu ce changement ?

Si Brazzi me l'a confirmé à mi-mots, je préfère avoir une deuxième confirmation de mon hypothèse. Deux confirmations en valent mieux qu'une.

-Enfin, ce n'est pas le plus important.

Parce que de toutes façons, que cela soit advenu de X ou Y raisons, le résultat est le même et je dois faire avec cela.

-Ce qui est le plus important à mes yeux, c'est que, contrairement à ce que je pensais, il est possible de monter plus haut.

Mes yeux brillent de détermination. Maintenant que je caresse les cieux, je rêve de pouvoir m'en saisir et je suis convaincu que c'est possible. Je prends soin de balayer l'air de la main d'un ton nonchalant.

-Pas d'inquiétudes, je vous laisse l'Olympe sans soucis. Je préfère l'ombre du trône. En revanche, je pense que vous ne verriez pas d'objection à l'élimination de la concurrence.

Je bois une gorgée de ma bière avant de conclure.

-J'ai déjà pu y réfléchir et je pense que cela est largement à la portée.

Oh oui. Le droit est une vrai merveille lorsqu'on sait le tordre dans le sens qu'il le faut.

-Mais la vraie question est : est-ce que vous en êtes, Bellandi ?

Est-ce que Zeus soutiendra son fils et partira avec ses troupes à ses côtés pour rétablir l'Olympe sur Arcadia ? Cette fois-ci, il n'y aura pas de troyens à soutenir. Simplement les Grecs. La guerre qui s'annonce promet d'être intéressante.

Lorsque Bellandi me confirme les sous-entendus de Brazzi, je deviens pendant quelques secondes songeur. Cependant, je ne peux m'empêcher de ricaner à la façon d'un aîné se moquant gentiment des croyances d'un plus jeune.

-Si je ne peux nier que la façon de voir les choses est très sûrement la bonne, il faudrait peut-être partir du principe que tout le monde ne le sait pas forcément. Nous sommes peut-être des élus mais nous ne sommes pas forcément conscient de tout ce que cela peut impliquer.

J'en suis le parfait exemple. J'ai beau être la réincarnation d'un grand Olympien, j'ai appris beaucoup de choses par moi-même. Je ne dirais pas la faut à mes parents car, si je n'étais pas devenu Arès à mes 16 ans, j'aurais été tout aussi sceptique qu'eux face aux histoires de mes grands-parents une fois devenus adultes.

Je me retiens de jubiler lorsque j'entends Bellandi donner un accord de principe même s'il veut que je précise ma pensée. Je ne m'en offusque pas car j'aurais agi de la même façon.

-Pas que la mienne c'est sûr. Je ne suis pas stupide : il n'y a rien à gagner si on ne fait que d'aider un seul. En revanche, il y a tout de suite plus d'intérêt à viser la nôtre.

Les intérêts sont multiples à vouloir jouer collectif dans ce cas précis. Le plus important de ces avantages étant qu'un groupe entier a davantage de capacités et de ressources qu'un seul individu.

-Rien n'empêche de hiérarchiser les priorités dans l'ensemble.

Parce que certaines personnes sont définitivement plus dangereuses que d'autres. Ou alors que d'autres ne méritent pas notre intérêt immédiat. S'adapter au cas par cas est la meilleure des solutions. Il va sans dire que des intérêts personnels peuvent tout à fait se glisser de manière discrète dans cette organisation.

Soudain méfiant si on peut avoir des espions même si cela semble improbable dans un tel endroit, je me rapproche de Bellandi pour lui dévoiler un de mes jokers cachés dans ma manche afin de le convaincre définitivement.

-Je ne l'utilise jamais en raison des possibles répercussions, sans compter que j'estime que mon idée peut fonctionner sans intervention divine mais... Disons que j'ai les moyens de rendre une stratégie infaillible si cela devait s'avérer nécessaire.

Je me réinstalle confortablement. Mon regard se pose dans celui de Bellandi alors qu'un sourire certain apparaît sur mes lèvres.

-Alors ? Qu'est-ce que vous en dites ?

Je suis assez certain de moi sur ce coup. Bellandi serait un fou de ne pas accepter ma proposition en sachant ça désormais. Néanmoins, par précaution, je ne dis pas mon idée tant que je n'ai pas reçu l'accord formel du Don. C'est plus simple comme ça.

Je me retiens d'exulter lorsque je vois Bellandi me demander chaque fois un peu plus de détails. J'ai réussi à intriguer suffisamment le Don pour qu'il m'écoute patiemment jusqu'au bout. Même les questions pertinentes ne parviennent pas à gâcher cet enthousiasme naissant. Au contraire, il ne fait que le renforcer. Ces questions ne sont que la preuve que Bellandi est l'homme idéal pour être à la tête de la Nuova. S'il avait accepté mon offre sans même demander des détails auraient été des plus inquiétants car cela aurait été preuve de faiblesse. Or, Bellandi est tout sauf stupide.

-Le nombre d'hommes impliqués ? Je dirais que cela dépend de vous. Vous êtes le don, vous connaissez mieux vos hommes que moi. Vous serez le plus à même d'utiliser leurs forces et leurs faiblesses pour que nous parvenions à l'objectif final.

Parce que c'est là ma faiblesse : j'aurais beau élaboré la stratégie la plus sophistiquée du monde, si je n'utilise pas les hommes qu'il faut au bon moment et de la bonne façon, tout risque d'échouer. Or, le plus grand drame est que le dieu de la Guerre ne connaît pas les hommes qui vont devoir marcher sous son commandement. Si cela insupporte Arès, je sais en tant que Julius que cela est des plus normales lorsqu'on ne cherche pas spécialement à se mêler aux autres.

Puis, sans réellement le vouloir, je prends mon attitude d'avocat à la cour expliquant par le menu pourquoi mon client a raison. C'est assurément une déformation professionnelle. Cela fait quasiment quarante ans que j'agis ainsi, difficile de changer les habitudes à mon âge.

-Premièrement, avant tout chose, nous devons continuer d'assurer nos arrières avec les finances de la Nuova.

Je lève une main pour empêcher la moindre protestation.

-Je sais que cela peut apparaître accessoire mais l'expérience m'a appris que ce n'est pas le cas. On peut apprendre beaucoup de choses dans les livres de compte quand on sait où chercher. Cela prend du temps mais je peux dors et déjà annoncer que le Piada est à l'abri. Il castello del lago le sera bientôt lorsque je serais parvenu à rencontrer le propriétaire. Les autres viendront tout aussi rapidement. Je souhaite ne pas me précipiter pour être sûr de ne rien oublier, mais aussi ne pas attirer inutilement l'attention sur cela.

Je suis depuis trop longtemps dans le métier pour qu'un changement flagrant d'habitude ne passe pas inaperçu. Sans compter que c'est particulièrement prenant de tordre la loi pour rester tant dans la légalité pour notre profit à tous.

-Pourquoi tant de précautions ? Parce que l'argent est le moteur de la Nuova, ce qui permet de maintenir cohésion et gloire. Et c'est la même chose pour les autres. Car c'est ça mon projet Bellandi : emparons-nous des vannes de l'argent des autres, ils nous supplieront à genou de ne pas leur couper les vivres.

L'argent est le nerf de toutes guerres. Ce n'est pas pour rien que les Etats surveillent jalousement le cours de leurs monnaies en bourse. Je suis certain que si on donne un gros coup de pied dans la fourmilière de l'argent, les résultats seront intéressants. Par contre, je ne suis pas assez stupide pour laisser notre fourmilière subir la même chose que ce que nous aurons fait. Pour ça qu'il faut toujours une solide défense avant de passer à l'attaque.

-Si nous parvenons à étaler en place publique quelques scandales financiers sans relâcher la pression à ce sujet afin qu'ils ne finissent pas par être malencontreusement oublié dans un coin, je ne doute pas un instant qu'il sera possible d'obtenir des jolis procès de la part de ceux qui souhaitent faire diminuer la criminalité à Arcadia.

Comme on dit, plus le scandale est gros, plus le peuple demandera des têtes. Je suis assez vieux pour me souvenir des circonstances qui ont amené Nixon à démissionner. L'homme le plus puissant du monde est tombé à cause des demandes populaires, pourquoi quelques commerces seraient à l'abri de la vindicte populaire ?

-Cela ne se fera pas du jour au lendemain. Il faudra être patient. Mais les gains seront plus qu'à la hauteur de la mise de départ.

Mon ton sonne comme une promesse. Oui, Bellandi, tu ne le regretteras pas. Je me tais afin de lui laisser le temps de digérer ce que je viens de lui dire et me poser éventuellement des questions. J'attends ces questions avec impatience. J'ai pas eu besoin à mon don divin pour penser à toutes les possibilités.

Si la question de qui fera quoi est rapidement écarté pour ultérieurement en fonction de l'avis du Don, j'écoute avec attention ses remarques. Si un accord de principe se dessine, je ne m'en compte pas. Je veux la pleine et entière satisfaction du paternel divin. Pourquoi ? Question de fierté, bien sûr. Mais aussi et surtout pour éviter des complications quelconques pour plus tard. Je suis donc déterminé à utiliser de tout l'art oratoire que j'ai appris dans mon métier pour le gagner à mon point de vue.

-Pour les finances, si ce n'est que cela qui vous pose soucis, on peut aisément y remédier de plusieurs façons. La première et la plus évidente est de déléguer à des personnes ayant davantage d'affinité avec cela. La deuxième est que vous retourniez aux études pour palier à ce problème. Je ne suis pas comptable de formation mais je m'y connais assez pour vous remettre à niveau. Je vous promets que je ne suis pas un professeur trop tyrannique.

J'expose rapidement les solutions que je vois face au problème soulevé par Bellandi qui n'en est pas vraiment un à mon sens. Et puis, comme je l'ai dit, j'y connais quelques trucs en finances grâce à mon métier. Si vraiment il complexe, je peux l'aider à remettre à niveau. Je sais que cela remonte à loin mais j'ai été major de ma promotion en sortant de l'université. Je suis aisément capable de faire des cours du soir quasiment quarante ans plus tard au Don. Sous l'effet de la plaisanterie concernant mon attitude professoral, je ne ressens pas la légère tension dans mes épaules alors que je lui fais une promesse.

-Bien sûr autant que possible dans la légalité ! Si la police venait à fouiner dans des affaires de la Nuova pour je ne sais quelle raison, elle ne pourra rien faire parce que nous serons dans la légalité de ce côté. Bien sûr que cela risque de faire hurler dans les chaumières quand les combines seront connues. Mais bon, ça durera au mieux une semaine, le temps qu'un autre truc les fasse hurler. Vous vous souvenez des Panamas Papers ? Bah, ce sera un peu pareil.

J'illustre mon discours en faisant allusion à la découverte de l'année passée des fuites dans la presse concernant les optimisations fiscales dans les paradis fiscaux. Ce scandale n'avait pas duré longtemps sur les unes des journaux généralistes au vu des montants qui étaient en jeu. Je ne fais pas de soucis à ce sujet.

L'opposition qui me semble la plus sérieuse est celle concernant sa réticence à une alliance avec la police. Un sourire froid fleurit sur mes lèvres avant que je lui réponde.

-Ce ne sera pas une collaboration car cela implique des avantages réciproques. Or, ce ne sera pas le cas. La police servira les intérêts de la Nuova parce qu'ils n'auront pas le choix. Si nous parvenons à donner des infos à la police, qui nous dit que les autres ne peuvent pas le faire ? Non. Il faut leur forcer la main. Et la meilleure entité qui peut le faire est l'opinion publique. Si l'opinion publique réclame justice, la police devra la donner. Et si la police la refuse, ce seront les politiciens qui feront pression, sans même qu'on ait besoin de les arroser afin de les motiver. Qu'est-ce qu'on ne ferait pas pour préserver son siège lorsque les élections approchent ?

Béni soit le fait que nous soyons à quelques mois des élections de mi-mandat ! On peut obtenir beaucoup de choses dans ses périodes pré-électorales. Ce serait dommage de ne pas en profiter.

-Pentagone Papers, Watergate... Je pense que je peux affirmer que nous sommes tous les deux assez vieux pour avoir connu ces évènements. Ils peuvent aisément recommencer.

Je le regarde déterminé avant de conclure.

-Donne-moi le nom ta cible et je te fais ici le serment qu'elle te suppliera de faire preuve de pitié à son égard. Je ne présume pas de quand elle te suppliera mais elle le fera, je puis t'en assurer aussi sûrement que je fais le serment de te rejoindre à l'instant sur le ring.

Crois mes mots Bellandi. Crois les mots d'Arès, le Dieu de la Guerre, garant des serments lorsqu'il t'annonce qu'il n'attend qu'un mot de ta part pour déclencher une guerre en ton nom. Crois-les et tu ne regretteras pas d'avoir mangé ses sucreries quelques mois plus tôt.

Mais, soudainement, je suis coupé dans mes promesses de guerre prochaine. Mon souffle se coupe et je semble manqué d'air pendant quelques secondes. Le choc me fait lâcher ma bouteille qui se fracasse sur le sol.

-C'était quoi ça ?

Pris d'un doute affreux, je demande inquiet à Bellandi :

-Dis-moi que tu viens de faire quelque chose.

Parce que si ce n'est pas Bellandi, je crois qu'un truc pas drôle vient de me tomber dessus. Mais pas drôle du tout.

En l'entendant me dire qu'il a peut-être d'autres candidats plus à propos pour le remettre à niveau à ce sujet, je me contente de hausser les épaules.

-Comme vous le souhaitez. Ma proposition tiendra toujours dans tous les cas.

Il ne viendrait pas à l'esprit de refuser une proposition que j'ai moi-même formulée au chef d'une des plus grands mafias d'Arcadia. Cela serait stupide et surtout suicidaire. Je m'estime suffisamment fin pour savoir quand tenir ma langue pour ne pas m'engager inutilement.

-En parlant de personnes qualifiées, j'aimerai en toucher deux mots de ce projet à Aura Sciarra, mon associée. Je suis plus que certaine qu'elle sera d'une aide appréciable.

Compétente comme elle, il est évidente qu'elle se doit d'être un minimum au courant pour aider pleinement. Cela serait du gâchis de ne pas la mettre au courant.

A nouveau, Bellandi laisse entendre ses inquiétudes concernant les risques de mon idée. Oui, celle-ci peut présenter des failles mais j'y ai déjà songé et je sais quoi répondre.

-Ce procès ne s'éternisera pas si on prend soin de réunir les bons éléments. J'entends bien faire en sorte de trouver les éléments nécessaires pour qu'aucune contestation ne transpire le moment venu. Quant à une possible trahison...

Mon visage se fait à cet instant aussi dur que la pierre. Je suppose qu'il ne doit manqué que le casque et l'armure pour que je ressemble en cet instant au Dieu de la Guerre dont je suis l'incarnation.

-Peu de monde saura qui connaîtra tous les détails et ces personnes ne le seront que sous votre autorisation express. Les autres n'auront que des tous petits fragments et ils devront obéir sans discuter à ce qu'on leur demande. Personne ne devra avoir la même tâche. Et si malgré tous ces précautions on a une trahison, je propose qu'on en fasse un exemple. On ne trahit pas impunément les serments lancés.

Moi, un poil excessif ? Je ne suis pas d'accord. En tant que garant des serments et ayant moi-même souvent des envies de vengeance particulièrement violente, j'estime que ce n'est que la moindre des choses. Sans compter que si l'on compartimente bien la chose, on pourra facilement se venger en fonction de quelle information a fuité.

Lorsqu'il parle de politiciens, je ne peux m'empêcher de sourire de dégout.

-Je passe mon tour. Ma position actuelle me convient très bien. Cela dit, il est vrai qu'avoir des politiciens des deux bords du conseil municipal qui pourraient nous appuyer le moment venu sera une aide des plus appréciables.

J'ai préféré mettre les choses au clair tout de suite avant que l'idée puisse traverser son esprit : je passe clairement mon tour. En plus d'être très bien où je suis, je n'ai pas envie d'avoir des problèmes de tensions car j'ai envie de me venger de tous les coups bas que ces politiciens de bas étage feront sur mon honneur.

Lorsque j'ai enfin le nom de ma cible, mon sourire se fait satisfait. Au fond de moi, je sens Arès être contenté que son père lui reconnaisse enfin toute la mesure de son talent mais aussi extatique à l'idée d'une guerre qui approche.

-Alea jacta est.

Que le sort en soit jeté. Ce sera le Red Lantern de la Bratva qui va tomber le premier. Si j'aurais aimé demandé davantage d'information, j'ai soudainement le souffle coupé. Mes mains se crispent lorsque Bellandi me demande si j'ai le coeur fragile. Je ne retiens pas un cri offusqué à cette remarque.

-Mon coeur va très bien, merci ! Si vous commencez à me faire du bouche à bouche pour me réanimer, je vous étrangle.

Don ou pas don, Zeus ou pas Zeus, je le ferais s'il pense ne serait-ce qu'une seconde à le faire. Lorsqu'il m'invite à faire du sport dans la minute, je suis sur le point de refuser mais je suis incapable de le faire. Je sers furieusement mes poings alors que je pâlis. Pourquoi n'ai-je pas prêté attention ? Ce sont les mêmes signes que je peux ressentir lorsque j'utilise mon pouvoir de stratège ultime. Je n'ai qu'à peine écouté ce que Bellandi m'a dit alors que je réfléchis à ce qui m'arrive. Je n'ai pas utilisé mon pouvoir pourquoi est-ce que je ressens ça ? La vérité me frappe durement alors que j'ai le sentiment qu'on me souffle à l'oreille de me souvenir qui est Arès.

-Le Dieu de la Guerre et garant des serments.

J'ai dit ces mots dans un souffle. Si j'étais pâle auparavant, je crois que je n'ai plus de couleurs dans mon visage alors que je comprends. Me souvenant que Bellandi est à mes côtés, je me décide à le regarder à nouveau.

-C'est pas toi, c'est moi. Arès n'est pas seulement un stratège, il veille à la parole engagée. Je dois exécuter ma parole.

Mes mots sont décousus et ne doivent pas sûrement être très clair pour Bellandi. Moi-même, je ne suis pas sûr de comprendre tout ce que cela implique. A moins que je ne veuille pas comprendre, ce qui est possible aussi.

-Mes affaires sont dans la voiture sur le parking, laisse-moi aller les chercher pour que je puisse me changer.

Purée mais qu'est-ce qui vient de me tomber dessus ?

Avec autant d'enthousiasme qu'un condamné à mort rejoignant son bourreau, je vais chercher mes affaires à la voiture. Avec ce qui vient de me tomber dessus, je suis bien incapable de réfléchir à l'alternative que je me suis moi-même créé. De toutes façons, je crois, non je suis certain, qu'il m'est impossible de me défiler. Quelque chose d'irrésistible me pousse à faire ce que j'ai dit. Un nouveau pouvoir ? Très sûrement. Il va falloir que j'en teste les limites mais pas aujourd'hui. Même si j'aimerai grandement avoir du temps pour la contemplation mon paternel divin m'attend.

Seul dans les vestiaires, j'entreprends de me changer avec toute la lenteur du monde. Oui, j'étais clairement le genre de garçon à préférer le calme de la bibliothèque aux terrains de baseball ou de football. Je ne suis pas sorti major de ma promotion par l'opération du Saint Esprit après tout. Après, je m'estime que je ne me suis pas empâté que ce soit pendant les études ou après. Mais clairement, entre faire de la boxe et aller au musée, mon choix était vite fait. Et il n'était souvent pas en faveur du sport.

Vêtu d'un jogging noir et d'un tee-shirt rouge (Bellandi en tirera les conclusions qu'il veut quant au choix de couleur), je me dirige toujours avec un enthousiasme débordant vers un miroir pas loin. Soupirant, j'enlève mes lunettes pour pouvoir mettre des lentilles de contact. Mesure de précaution. Je ne tiens pas à passer chez l'opticien à cause d'un coup mal visé. J'ai pas que ça à faire, merci beaucoup.

Après avoir verrouillé mon casier contenant mes affaires, je me décide enfin à aller tenir ma promesse. Vraiment, tant que je ne connais pas l'étendu de son nouveau pouvoir, je vais éviter au maximum de l'utiliser.

Je regarde Bellandi d'un air torve lorsqu'il fait la remarque sur le fait que le ring n'est pas mon arène habituel. Non, sans rire, vous avez trouvé ça tout seul Sherlock ? Reste calme Julius, c'est qu'un mauvais moment à passer.

-En effet. Vous n'avez pas l'exclusivité de ma première fois sur un ring de boxe : mon feu professeur de sport a eu ce privilège. Cela n'a pas été une expérience concluante.

Ah ça, c'est le moins qu'on puisse dire. Mais je ne m'étendrai pas sur le sujet cependant.

-J'ai appris tardivement à tirer cela dit.

Je me sens obligé de le préciser. J'espère ainsi couper court aux éventuelles moqueries sur le fait que le Dieu de la Guerre ne sait pas se battre physiquement. Vraiment, ça n'a pas besoin que cela arrive aux oreilles de Brazzi la commère.

Je le regarde en haussant d'un sourcil lorsqu'il me dit ne pas vouloir viser la tête.

-Quelle charmante attention ! Mais ce n'est pas ça qui va me faire remettre mes lunettes sur mon nez.

Je suis trop vieux pour qu'on m'ait sur ça. Je sais depuis longtemps que les lunettes se trouvent être une jolie cible, même par inadvertance.

Montant avec un peu de difficulté sur le ring (le premier qui dit que j'ai les articulations qui fatiguent à cause de l'âge, je l'étrangle à vue), je me décide de faire face à Bellandi. Mes bras sont ballants, ne sachant clairement pas quoi faire. Cependant, je me sens moins mal à l'idée de me trouver ici.

Définitivement, faudra que je réfléchisse plus tard sur ça.

-Je propose qu'on commence avec les bases. Ce sera plus simple !

Mon ton enjoué est tout le contraire de ce que je pourrais penser sur ce qui m'attend. Je ne suis pas dupe : à un moment ou un autre, Bellandi va montrer qu'il est plus doué que moi.

Mais dans quoi je me suis embarqué ?

Comme je pouvais m'y attendre, je sens le regard de Bellandi sur moi lorsque je monte sur le ring. Je serre les dents et me retiens avec force de me retourner pour le fusiller du regard. Mes menaces d'étranglement sur mon âge et mes articulations tiennent toujours. Je n'hésiterais pas à les mettre en application.

Ravalant ma fierté et en mettant de côté la sensation d'être ridicule au possible, je reproduis les mouvements de Bellandi. Voilà l'une des raisons pour lesquels j'ai toujours préféré l'intellectuel au physique : je hais ce sentiment d'avoir toujours l'impression d'être ridicule dans ce que je fais. Je le regarde de travers lorsqu'il me parle de football.

Bellandi. Comme tu dois plus que sûrement te douter : moi, Julius Gates, doit être plus que sûrement l'une des incarnations les plus "intellectuelles" d'Arès. Je suis le général surplombant ses troupes pour les mener au mieux à la victoire avec la meilleure des stratégies. Je ne suis sûrement pas le type à charger en premier à la tête de mes troupes en hurlant : "Ralliez-vous à mon panache blanc". Sachant cela : est-ce que j'ai une tête à regarder le football avec une pizza à la main ?

Je n'ai bien sûr rien dit. Je vais souffrir en silence parce que, même si cela peut me chatouiller de le dire, je ne suis pas encore suicidaire pour rembarrer le chef de la mafia que j'ai rejoint de façon violente.

Je mime quelques instants les mouvements qu'il vient de faire devant moi avant de le regarder de manière pensive alors qu'il invite à attaquer.

-Je suis parfaitement d'accord avec la garde, les points d'appui et tout le reste. Mais... Si je dois me retrouver dans une situation pour le moins compliqué, la garde est tout de même utile ?

Quitte à ce que cette leçon soit instructive, autant qu'elle le soit jusqu'au bout. Mais je reconnais que je suis perplexe : comment une posture sur un ring avec des règles normales puissent s'appliquer à une altercation musclée ? C'est quelque chose qui me dépasse un peu. Du coup, peut-être que pour ma protection, je devrais investir dans une arme discrète que je peux porter en permanence. J'en ai bien une mais c'est pas forcément la plus discrète pour la porter sur soi. Et aussi retourner au stand de tir pour parfaire ma technique de tir.

La réponse à mon interrogation obtenue, je me remets en place selon comme il m'a dit. Je plisse les yeux en réfléchissant. Où est-ce que je vais pouvoir le frapper ? Pas au visage : on a convenu qu'on évitait cette zone, j'ai qu'une parole. Pour le moment. S'il me donne un coup, je considèrerai cela comme un casus belli. Pas en face non plus : c'est une tactique trop évidente. Pourquoi pas latéralement ? C'est moins prévisible. Droite ou gauche ? Je pense que dans tous les cas, il saura plus facilement répliqué que moi. Il semble droitier comme moi. Même s'il a plus que sûrement appris à compenser avec le bras gauche, j'y gagnerai peut-être un sursis de quelques secondes ?

Fort de mon idée, je me décide de faire un crochet en direction de son bras droit. Néanmoins, j'ai mis bien du temps avant de me décider où je le frappais. C'est plus que certain qu'il va m'en faire la remarque. Je suis lent à remettre ma garde en place tout comme je suis lent à me reculer pour me mettre hors de portée de ces possibles coups. Et je suis tout aussi lent pour faire partir mon bras gauche vers le sien.

Bellandi a dit que Julius pouvait compter sur Arès. Mais que sait le mortel du dieu de la Guerre ? Si la réincarnation de Zeus avait les connaissances de ses vies passés, il saurait que, dans ce genre de situation, il savoure en ricanant des déboires dans lequel se trouve son hôte du moment. Arès, même s'il s'est assagi à l'époque romaine en devenant Mars, reste le sale gosse de Zeus qui aime se moquer des déboires guerriers des autres... Julius ne va pas pouvoir compter que sur lui-même...

Alors qu'il répond à mes questions, je ne peux m'empêcher de renifler bruyamment lorsqu'il évoque le fait d'abandonner la partie. Prends-moi pour un poulet, je dirais rien Bellandi ! Tu as beau le dire sans méchanceté, je te donnerai pas le plaisir d'abandonner aussi vite. Parce que je sais très bien que si je le fais, je vais en entendre parler pendant des siècles. Et de toutes façons, je suis trop fier pour reconnaître que mes propres pouvoirs m'ont eu.

5 minutes plus tard, je me retrouve dans les cordes sous la réplique prévisible de Bellandi. Et voilà qu'il me lance de ne pas avoir peur de faire mal. Ma mâchoire se serre à nouveau. Il en a définitivement des bonnes à dire ça ! Il s'entraîne tous les jours. Je ne suis pas très au point sur la boxe mais je suis plus que sûr que cela donne un avantage certain sur quelqu'un comme moi. Doucement, je me remets en position debout en prenant appui sur les cordes.

TIR NUMERO 1 :

Résultat un : En me relevant, je ressens l'envie si familière de la vengeance, même s'il s'agit en réalité plus de la colère de se sentir humilié. Il veut que je n'ai pas peur de lui faire mal ? Parfait ! Vraiment, puisque c'est si gentiment proposé ! Avec une vitesse qu'on ne m'aurait pas forcément donné et qui me surprend moi-même, je balance franchement mon poing en plein milieu du torse de Bellandi.

Résultat deux : Me relevant doucement, je réfléchis à nouveau à la meilleure manière d'attaquer. Le meilleur moyen de le surprendre ne serait-il pas de l'attaquer du même côté que je l'ai déjà fait ? La logique voudrait que je réattaque de l'autre côté après tout.

Le coup donné, je m'éloigne de manière à ce qu'il puisse pas me toucher. Afin de ne pas lui donner de faciliter à me toucher, je commence à amorcer des petits pas de côté pour essayer de ne pas être trop statique. Parvenant à voir le nouveau coup arrivé, j'entreprends de m'accroupir pour l'éviter. Peut-être est-ce lâche mais il faut aussi savoir choisir la tactique la plus appropriée en fonction des forces en présence...

TIR NUMERO 2 :

Résultat 1 : Julius parvient à éviter le coup par coup de chance et il reprend sa position.

Résultat 2 : Julius ne parvient pas à éviter le coup, la faute à ses trop vieilles articulations. La soixante l'a définitivement rattrapé.

Ne le pense pas Julius. Ne le pense pas Julius. Ne t'abaisses pas à ça. Mais n'empêche. Non. Concentre-toi, c'est qu'un mauvais moment à passer. Tu ne vas pas t'abaisser pour si peu.

Je fronce les sourcils en l'entendant me demander mon âge. C'est une manoeuvre pour me distraire ou bien ? Ce serait possible et crédible. C'est une bonne technique pour distraire les personnes. Et il y a la provocation. Convaincu par l'idée, je lui réponds légèrement essoufflé.

-J'ai eu 60 ans en mars. Vous êtes donc un peu plus jeune que moi, je n'ai pas fait de boxe depuis 40 ans et vous n'arrivez pas à prendre le dessus de la situation ?

Bon, il est vrai que je me suis fait la promesse de ne pas sous-entendre que j'étais vieux car ce ne serait qu'un mauvais moment à passer. Mais là, dans ces circonstances, je peux mettre un mouchoir sur mon égo si cela peut servir en la situation.

Il me parle de contre-attaquer en faisant un mouvement. Mais il semble avoir du mal à aller au bout de l'attaque. Je me décide à en rajouter une couche.

-Bah alors, déjà la vieillesse ? Je compatis, c'est moche de se rendre compte qu'on est vieux.

Je sais que je joue avec le feu mais bon, je fais avec ce que je peux. Je pars déjà avec un sacré désavantage, tout ce que je peux utiliser pour déstabiliser est un plus appréciable.

-Des enfants ? Autre que moi, je veux dire. Et pourquoi pas des petits-enfants en préparation ?

Intérieurement, je ressens une forme de satisfaction extrême à provoquer Bellandi. Bien que les siècles aient passés et aient apaisés les tensions entre les deux, Arès demeure toujours satisfait de pouvoir taquiner Zeus en bon fils chieur qu'il était.

Alors que je parle, je cherche tirer partie de mes mots pour lui donner un nouveau coup.

TIR DE DE 1 :

SI 1 : Le coup part en direction du bras de Bellandi et ça touche.

SI 2 : Raté, on le voit venir.

-En tout cas, je suis content de vous annoncer que vous ne serez jamais grand-père grâce à moi. Vive les préservatifs et autres protections pour les jeux sous la couette !

TIR DE DE 2 :

SI 1 : Vicieusement, Julius enchaîne un nouveau coup et ça fait mouche.

SI 2 : Raté, on le voit venir

Puis, je me retire afin de rester hors de portée des coups en tenant toujours ma garde.

TIR DE DE 3 :

SI 1 : La garde ne tient pas, le prochain coup fera mouche à tous les coups.

SI 2 : La garde est en place mais faut pas trop s'acharner dessus, papy Julius commence à fatiguer.