Le souvenir de la douleur fait vibrer ses membres ; elle ne souffre plus, heureusement, mais son corps n'oublie pas. Plusieurs fois, sa main vient agripper les lambeaux de sa si jolie robe, cherche le sang frais, cherche le trou, cherche la chaleur fiévreuse. Yuliya n'est pas réellement présente, ne sait même pas ce qu'il se passe autour d'elle. Elle a encore l'impression de sentir son sang chaud, de renifle sa chair brûler, de voir carboniser et enfin sombrer, sans savoir si elle finit par mourir ou s'endormir.

La blonde finit par ouvrir les yeux, des heures plus tard. Elle grogne, espère pouvoir continuer sa nuit qui lui parait si courte ; insomniaque, elle ne peut pas souvent profiter de cette sensation du sommeil qui l'engourdit, l'engloutit, la tire plus profondément dans le matelas.
La déesse est nue dans ce si grand lit et une main froide se pose sur son front. Ce n'est pas habituel et elle tourne le regard, suit le bras, fixe Zmeya de ses yeux encore vitreux. Le miroir maternel qui l'ordonne de rester tranquille, voix rigide, corps enragé. Yuliya n'ose rien dire, aime voir cette froide matrone montrer son inquiétude comme elle peut, à sa manière.
La russe l'observe et secoue la tête en entendant le verre se briser au sol, résonner entre ses oreilles, cogne son crâne. « Je vais bien, мама. » sa main se glisse encore une fois sur son ventre, teste la peau ferme et soignée. Elle qui se montre abjecte avec les prophètes est bien contente d'en avoir eu une sous la main ; sinon elle aurait valsé avec la Mort, sans le savoir, sans le vouloir. « Aksel va bien ? Il a aussi été blessé... » elle jure, sa langue natale si rude sous sa langue, si naturellement crude. « J'ai été inutile. La Pakhan aurait pu être blessée. Je suis désolée, мамочка. »

Yuliya sait que la blonde n'est que monstre à ses côtés, plongée dans sa rage et ses envies de meurtre. Elle la fixe et désigne la chaise d'un geste vague. « Viens t'asseoir, Z. Saturno mérite la torture avant la mort, La Pakhan ne dira pas non. On doit en apprendre plus. Saturno nous sera utile, Z, s'il parle uniquement. » La russe se redresse sur le lit, pose son dos sur les somptueux coussins. Sa chair brûlée n'a pas quitté ses narines. « L'italien n'aurait pas pu me tuer. » qu'elle crache dans le vide, la voix rageuse, dirigée uniquement vers elle-même. Yuliya sait à quel point c'est faux, à quel point elle était à quelques flocons de la mort.