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(libre) comme l'air

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(libre) comme l'air - Ven 15 Nov - 1:49

15 novembre 2019, gibbeuse décroissante


six d'épées
trouver des solutions
et les mettre en place

le diable
résister aux tentations
et éviter les désirs

huit de bâtons
le progrès immédiat;
l'annonce d'une visite


Pas de rituel nocturne, ce soir. Pas de renaissance par l'eau. Du moins, pas pour les disciples du nouveau crépuscule.

Errant silencieusement sous le couvert de la nuit, des bottes s'enfoncent dans le sable. Malgré l'obscurité, sa trajectoire semble suivre une droite tracée dans les filaments du cosmos.

Poussière d'étoiles. Étincelles cosmiques.

Frère Dag, où t'en vas-tu donc si discrètement ?

Ce n'est rien, soeur Erika. Un simple besoin de prendre l'air.

Les vagues qui luisent sous les tendres caresses de la lune.

On en revient à 2017.

À cette nuit particulièrement tumultueuse ou, malgré le brouillard et le vent, quelque chose semblait faire sens. Une étincelle, au fond de l'eau. Un feu qui brûle malgré les vagues et l'écume. Le désir de le tenir dans ses mains, l'appel de ses flammes dévorantes. Puis, l'emprise jalouse de l'eau. Celles qui lient les poignets et les pieds avec des lianes aquatiques. Un baiser, furieux et passionnel, qui envahit et menace de consumer. Jalouses, les vagues s'engouffrent dans les poumons. Les yeux se referment. Le noir absolu.

Il n'y a plus de flammes dans l'eau, mais le désir de les retrouver ne disparaît pas pour autant.

Une botte tombe au sol. Un manteau en fourrure, abandonné négligemment sur un rocher. Une fermeture éclair qui se défait en un battement de cils, laissant une veste tomber dans le sable. Un pull, dévêtu, livrant des abdominaux blanchâtres aux rayons de la lune. Un tee-shirt, qui lui également, tombe au sol.

L'air frais épouse le corps tel un spectre langoureux. Un frisson lui parcoure l'échine, tandis que sa braguette se défait et qu'il se rapproche des vagues et de l'écume. Ses orteils, dénudés, se plantent volontairement dans l'eau glaciale. Grelottant légèrement, ce n'est que par la force de sa conviction qu'il parvient à se pousser davantage vers les profondeurs de la baie, vêtu uniquement d'un caleçon inadapté pour le protéger des caprices de la nuit.

Lentement, il se laisse sombrer sous le niveau de l'eau, s'incrustant davantage dans le paysage à chaque pas effectué.

Malgré l'absence de feu au fond de l'eau, il ne peut se résoudre à abandonner sa quête, entamée le soir de cette fameuse tempête.
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(libre) comme l'air - Sam 16 Nov - 17:53

Spray.

Le dernier trait s’abat sur le mur, concluant la fresque sur laquelle je travaille depuis deux nuits. Je m’éloigne de la façade de quelques pas, contemplant l’ensemble. Bien que satisfait, nul sourire ne se dessine sous mon masque. J’enfonce la bombe dans mon sac et m’empare de la rouge, de la seule colorée dans ma palette et, en bas à droite de la peinture, j’impose ma signature.

Salamandra.

L’air empeste la peinture et le gaz, me forçant à garder mon masque encore quelques instants. La sangle de mon sac sur mon épaule, je quitte la rue, je m’éloigne de l’entrepôt désaffecté où l’immense fresque demeure désormais. Sans un regard pour elle. Ce n’est que lorsque l’air devient plus frais et pur que j’ôte le morceau de tissu protégeant ma bouche et le fourrant au fond de ma besace. Je m’avance dans la nuit, à tâtons, sans destination précise maintenant que mon dessein vient de se terminer.

Errance.

La peinture sèche et s’écaille sur mes mains tandis que la fatigue oppresse de plus en plus mes sens ; cependant, je me refuse de rentrer chez moi tant que je ne tombe de fatigue. Je le sais, m’allonger dans mon lit ne fait que m’enfermer dans le tourbillon de mes pensées tourmentées et m’empêche dès lors de m’endormir. Mes doigts tremblent et s’agitent, la colère et l’affliction stagnant au bout de mes doigts. J’ai envie de courir. Si l’heure n’était aussi tardive, je serais allé à ma salle de sport. Je me dis, l’espace d’un instant, que me rendre dans les salles de combat serait possible. Toujours ouvertes pour la Calavera, un punching ball m’y attend, seul dans la pénombre poussiéreuse, et frapper dedans me ferait le plus grand bien.

Houle.

Mais je suis si loin de Delrey, si loin de mon quartier que je fuis à chacune de mes actions, que j’évite autant que possible. C’est la mer qui me regarde, là, alors que je suis sur la route qui surplombe la crique. D’un côté, les candélabres illuminent l’asphalte, de l’autre la Lune embrase l’océan, bien vite, je choisis de m’enfoncer dans le sable, appelé par ce fumet d’iode et d’algues. A peine arrivé sur la plage qu’une rafale frappe mon visage. Mes mains se cloîtrent alors dans mes poches, mes coudes et mon cou tentent de rentrer à l’intérieur de mon corps, à l’instar d’une tortue effrayée.

Buée.

L’humidité de l’océan, associé au froid cinglant, forment une couche impénétrable de vapeur sur le verre de mes lunettes. Aveuglé, je n’avance qu’en écoutant le vacarme des vagues qui s’exprime en un langueur monotone de plus en plus tonitruante à mes oreilles. Mes dents commencent à claquer. Dans les ténèbres de la nuit pénétrées par l’aura de l’astre et les lampadaires lointains, les verres devant mes yeux se couvrent de reflets kaléidoscopiques rendant la noirceur brodée de mille éclats scintillants. Lentement, ils s’effilochent à mesure que la condensation s’étiole ; mon souffle constant mais coupé, transi, ajoute régulièrement une auréole de vapeur sur mes lunettes, invoquant de nouveau ces feux follets artificiels.

Clapotis.

Ils percent le grondement de l’océan ; de plus en plus proche, je devine une bouée attachée à un pilotis ou des cordes flottantes et tombantes dans l’onde complexifiant la mélodie de la houle. Cependant, l’irrégularité du claquement de la surface me tire de ma torpeur. J’essaie de recouvrer ma vision afin de découvrir la source de cette cacophonie. Un homme, seul.

Nu.

Habillé seulement de l’écume. Ses trapèzes sont saillants et ses omoplates roulent sur son dos qui semble ignorer le froid ambiant. Mes pas se sont arrêtés, je l’observe, intrigué. Le sac glisse de mon épaule et tombe au sol en un bruit sourd comme l’ancre d’un navire qui vient d’accoster. Ma doudoune le rejoint ; mes poils se hérissent. J’ôte les plates de mon armure une à une, m’offrant au froid, ne laissant qu’un maigre morceau de tissu couvrant ma pudeur furibonde.

Sable.

Il pénètre la plante de mes orteils ; les galets, si rond, si petits, s’enfoncent comme des lames polies dans la chair fine de mon corps transi. L’onde lèche les pieds et confirme qu’elle est bien plus chaude que l’air ambiant, en cas contraire, elle serait banquise. J’enfonce mon corps dans la mer d’encre, parallèle à l’homme inconnu, stoïque au milieu de l’Atlantique. Frappé par les vagues, englouti par les frissons, je m’allonge dans l’océan, fixant les étoiles brillantes et noyant le bruit de la vie dans les frimas océaniques.
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(libre) comme l'air - Mar 19 Nov - 19:42

Le temps passe sans qu'il ne s'en rende compte. Happé par le massage régénérateur de l'eau, il la laisse marteler son corps avec toute la conviction de sa longévité. Baigné sous les rayons de la lune, il se sent étrangement dynamisé, malgré la fatigue. Il continue de se battre avec les vagues comme le feraient des frères: avec vitalité, mais sans brutalité. Un combat innocent, mené par un goût pour le jeu et l'aventure.

Malgré la pénombre, des formes se dessinent à lui. Les poissons, nageant gaiement sous la surface de la mer. Un goéland, calmement installé sur un rocher, au loin. La fumée qui s'étend dans les airs, depuis les arbres de la forêt. Un sourire se dessine lentement au coin de ses lèvres. Parfois, la vie qu'il mène lui semble tout droit tirée d'un rêve. Jamais n'aurait-il pu s'attendre à trouver les siens ; une communauté de pairs, tous plus extraordinaires, les uns que les autres. Son amour les améliore. Leur amour l'élève. Nourris, mutuellement, par la force de leurs loyautés respectives, ils ont su surmonter l'adversité pour se retrouver dans le crépuscule. Le nouveau crépuscule. Le crépuscule naissant. Celui qui tombe, à la fin d'une journée aride, pour annoncer la douceur rassurante de la nuit.

Plus que tout, c'est ce feu qui attire son regard. Timide et légère, la flamme reste ancrée à la surface de l'eau. Plissant des yeux, il essaie d'en définir les contours (ou la provenance).

S'agit-il là de la flamme qu'il aurait perçue, deux années plus tôt? Celle pour laquelle il était prêt à tout sacrifier, à condition d'en découvrir l'origine?

Dans le doute, ses mouvements le rapprochent du rivage. Plus son corps s'avance, plus la flamme semble s'éloigner ... Mais il persévère, malgré tout.

Ce n'est que lorsque son pied foule de nouveau la douceur du sable qu'il parvient à discerner en plus de détails les contours tapis sous ce qui lui semblait être une flamme, quelques instants plus tôt. Il ne s'agit finalement pas d'une flamme ... Mais d'un homme.

Tout enveloppé d'orange. Quelque chose qui semblerait presque surnaturel. Les rayons de la lune rebondissent sur lui, le révélant plus scintillant que quiconque.

Il hésite à l'approcher de trop près, mais quelque chose l'empêche de s'en éloigner pour autant. Puis, la cécité reprend de nouveau. L'obscurité consume tout. Plus de nyctalopie.

Allongé à la surface, l'homme orange continue de s'embraser.
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(libre) comme l'air - Mar 26 Nov - 1:02

Iode.

L’odeur salée pénètre mes narines doucement, se dépose sur mes lèvres tel un baiser furtif ; le sel assèche ma peau alors que, paradoxalement, elle baigne dans l’eau. Les vagues me soulèvent avec force, avec une telle vigueur qu’il me semble parfois voler, m’approcher de ces étoiles si lointaines ; pourtant, toujours, inlassablement, elles me ramènent à la réalité, me rabaissent au pragmatisme le plus pur en redescendant dans l’onde. Je flotte, bercé par ce courant que je ressens de plus en plus fort.

Serpent.

Autour de moi ; je le vois, je le sens, comme une lueur argenté sur la surface. Couleuvre de sel, aspic planqué dans les algues et la vase, il suit le ressac et me fixe ; le poids de son regard traverse ma peau comme un clou traverse des paumes christiques, me fixant où je suis, allongé en croix. Et ses pupilles, si lointaine, si intriguée, dessinent sur ma peau nue des stigmates que ma pudeur tant à exagérer.

Frissons.

Ils parcourent ma peau, ma colonne vertébrale, mes mollets et mon échine, mes bras et mes cheveux. Le froid s’empare de moi, plus que jamais, évanouissant toute forme de chaleur autant dans mon corps que dans mon âme, comme s’il en restait une étincelle, une faible lueur que je cherche à noyer dans l’obscurité. Ma tête pivote lentement vers la forme absconse au loin, gisant à mi-hauteur de l’océan. Juste une silhouette, juste une forme floue.

Silence.

L’Atlantique couvre mes oreilles, gorge mes tympans et m’enfonce dans un bruit blanc, un silence presque pur, loin du tumulte citadin, loin des vrombissements des moteurs dont on voit les phares se refléter au loin, loin de la cacophonie humaine aux vies si décousues et routinières. Une larme coule le long de mon visage alors que je pense à elle et mes narines s’emplissent aussitôt. Je respire par la bouche, guidé par l’instinct qui ignore ma flottaison et le rythme de la houle.

Eau.

Qui franchit la frontière de mes lèvres et celle de mes sphincters. Elle glisse vers mes poumons et aussitôt je tousse avec fracas. Je ne sens pas mes muscles gourds frapper mes plèvres, seulement le diaphragme cognant mes côtes. Ma chair s’est éteinte, seuls demeurent mes os et mon cœur qui bat en sourdine, qui résonne dans mes articulations et ma charpente osseuse. Il n’y a plus de vie sous ce derme froid, seulement de la tristesse et de l’affliction, prisonnières d’une cage thoracique et d’un palpitant qui ne veut cesser de chanter.

Roche.

Mes pieds se posent malgré eux sur le sol saillant, sablonneux et couvert de caillasses amenés par le ressac. Je me retrouve droit, ruisselant et courbé par l’injonction de ma toux. Les heurts de ma gorge cessent peu à peu, m’aidant à me relever, mais la brûlure demeure, si chaude dans cette mélasse tragiquement froide. Le courant pourrait m’emporter, nulle personne ici sera là pour me pleurer, j’hésite un instant à nager vers l’horizon. Mais qui sait, l’autre abruti auto-destructeur serait capable de me suivre.

Toux.

De nouveau. Elle brise le silence et ma stature. Avec mes dents qui claquent, je mords ma langue et une saveur ferreuse emplie ma bouche, alchimie absurde entre l’océan et mon sang ; je le sens soudain qui pulse le long de mes veines, serpentant dans mon corps comme un branchage infini et complexe, comme la coupe d’un arbre où les racines se trouvent sous la surface de l’océan, mes jambes,  et les branches au-dessus, ma tête et mes bras. J’essuie mes lèvres d’un revers, je ressens cet arbre gigantesque comme soufflé par les vents en pleine tempête. Le courant me pousse et les racines sortent de terre ; déséquilibré, l’arbre va s’écrouler.

Dériver.

Je me retrouve de nouveau face aux étoiles. Dans le ciel, un cône de lumière s’approche dangereusement de la terre. Il s’agit d’un avion, qui vrombit au loin et fait trembler ma peau, comme si elle était couverte d’une myriade de vibrisses. Derrière la lumière des phares du cargo planant, les étoiles se floutent, disparaissent. Sous mes yeux. Comme beaucoup d’éléments et de personnes.
Je bats des pieds doucement. Pour m’éloigner de l’homme, de l’inconnu. Je guette du coin de l’œil, juste, car je suis un sempiternel inquiet, ses signes de vie mais je m’éloigne tout de même. Car après tout, ma  quête n’a pas pour réponse la sociabilité avec un inconnu, surtout dans un élément qui m’est étranger à un moment innoportun. Non, il s’agit de l’inverse.

Silence.
Solitude.
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(libre) comme l'air - Jeu 12 Déc - 14:27

Le feu s’enfuit. S’éteignant dans la nuit, disparaissant à l’horizon, plus Dagslys s’en rapproche, plus il semble lui éloigner. La cécité est étouffée par le désir de le suivre. Se lancer à sa poursuite.

Malgré le froid qui paralyse les muscles en faisant claquer des dents. Malgré l’obscurité, s’étendant à l’infini, menaçant de le dévorer dans son voile de ténèbres. La flamme lui apportera des réponses, il en est persuadé. Ses bras, engourdis par l’océan glacial, peinent à suivre la cadence de la flamme qui jaillit à l’horizon. Puis, quelque chose d'inattendu se produit. Il ne saurait expliquer comment ni pourquoi, mais sa vision revient. Nyctalopie. Tout se dessine, avec une clarté limpide. Le ciel, ses étoiles, ses nuages. Les feuilles des arbres, au loin, leurs branches et leurs troncs. Les vagues, leurs remous et leurs caprices, qui s’écrasent contre le rivage dans des éclaboussures d’écume.

Mais le corps ne peut plus poursuivre cette nage diabolique. Pris de frissons violents, l’épuisement le gangrène à tel point qu’il cesse de se mouvoir. Abandonnant sa quête de l’homme de feu, il se résigne à devoir renoncer à l’illumination, ce soir.

Subitement, sans réelle justification, ni explication possible … La flamme cesse cependant, elle aussi, de s’éloigner. Elle continue de se mouvoir, en arc-de-cercle, à présent, l’orbitant tel un satellite le ferait autour d’une planète. Le regard aiguisé, il suit la silhouette des yeux, cherchant à se motiver une dernière fois pour se lancer à sa poursuite.

Le chant des vagues semble l’encourager à se précipiter à sa recherche. Elles lui intiment des mouvements discrets lorsqu’elles s’écrasent en chuchotant contre sa peau. Résigné, Dag commence à nager de nouveau, avec un zèle motivé par l’illusion que la gratification est à présent à portée de main. Mais la distance ne se réduit pas. La flamme continue d’orbiter, sans se rapprocher pour autant. Au bout de trois minutes de nage, désemparé, il abandonne de nouveau, préférant sortir de l’eau pour tenter de se réchauffer, tant bien que mal. Son pied foule le sable, mais il n’a à peine le temps de sortir de l’eau que déjà, voilà qu’il s’effondre sur la plage en convulsant.
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(libre) comme l'air - Lun 30 Déc - 15:12

Vagues.

Elles me portent et m’emportent. Elles me bercent alors que je scrute le ciel, la lune si pleine, et oublie le froid qui oblitère mes sens. Mes yeux ne se concentrent que sur les étoiles, à peine visibles, dans ce ciel si glacé, si limpide dans cette nuit automnale. L’onde me couvre et empêche le vent de venir caresser ma peau, elle me protège des frimas aériens mais me confortent dans ma noyade gelée, me drapant d’un linceul aquatique. La chaleur me manque ; la chaleur du Soleil, de l’été, du pays qui est le mien, si lointain, j’aimerai que mes doigts caressent les rayons ardents de l’astre diurne, sentir son regard brûlant sur ma peau méridionale, jouant avec sa lumière aveuglante que l’on ne peut scruter mais que l’on aimerait fixer ; je désire une étreinte, peut-être plus que tout, plus que ce brasier solaire inaccessible aujourd’hui, simplement un bras autour de moi, qui appuie sur mon épiderme et contracte mon torse afin de m’ancrer ici, m’ancrer sur ce monde où je flotte, une épaule sur laquelle poser mon front, un souffle moite sur mon cou, des trapèzes où je planterai mes doigts autant que des phalanges dans les miens afin que, peut-être, je puisse soupirer, je puisse enfin lâcher les brides de mon âme, sentir l’apesanteur et la sérénité, fermer les yeux et oublier, gommer mon sourire et accepter ma peine, m’envoler dans l’affliction ne serait-ce qu’un instant ; un instant, court mais interminable, où je planerai, protégé par la chaleur de l’embrassade, dans ce dirigeable qu’est ma peine, dans ce nuage guidé par mon éternelle tristesse et je pourrai là..., car je me saurais en sécurité, parce que ce ne sera pas un mais deux cœurs qui battront à l’unisson, j’aurais enfin l’opportunité de dévier l’infini mouvement de ma vie loin de ces noirs méandres de la tristesse ; à défaut, j’imagine une tombe dans la jungle, un cercueil de granit froid au sommet d’une pyramide rongée par les lierres où les oiseaux dévorent mon cadavre et s’envolent, lourds de ma chair, au-delà d’une canopée luxuriante.

Choc.

Le panorama d’émeraude aux touches de rubis et de lapis s’étiole bien vite. Mes yeux, pourtant ouverts, s’éveillent de nouveau et voient la réalité. Je l’ai entendu au loin, ce son si familier de l’homme à terre, ce bruit sourd d’un corps qui s’effondre, d’une poupée de chair qui tombe, il me tire de ma torpeur et m’éloigne de mes pensées dans lesquelles je me complaisais. Je me redresse et le vois alors, sur le bout de la plage, encore léché par la langue de l’océan, agité de soubresauts tel un insecte piégé de la toile d’une araignée, au bord de la mort. Le froid l’a vaincu, depuis combien de temps nage-t-il dans ce cocon glacé ? Il me faut alors affronter la masse aquatique avant de le rejoindre, ralentissant ma marche. A chaque pas, à chaque souffle, alors que mes jambes semblent enlisées et mon torse balayé par un blizzard, je sens mon cœur battre ; une pulsation si forte que mes veines tremblent, comme des cymbales qui veulent faire taire un orchestre, ou l’éveiller, mais qui à chaque fois échouent et qui réitèrent, fracassant mon sang et implosant mon cortex.

Échoué.

Son corps est parcouru de spasmes, ses membres tremblent, ses dents claquent. Sa convulsion va de pair avec sa frigorification, il me faut simplement attendre qu’elle passe tout en le réchauffant. Ici. Sur une plage. Du mieux que je peux, je le soulève et le porte plus loin, menacé par ses poings et ses coups autant que par le sol nocturne couvert de galets saillants et de tessons abandonnés. Je le dépose plus loin, protégé des embruns et des postillons de l’écume enragée. Ca et là, je vois des masses informes, ses habits éparpillés. Mais il est trempé, tout comme moi, et il faut le sécher. Mon sac gît bien plus loin, comme si le courant m’avait déporté des mètres durant. Je m’en vais le récupérer.

Téléphone.

Je l’utilise comme d’une torche, cherchant de son œil lumineux ses vêtements sur le sol. Arrivé à son chevet, je sors de mon sac ma serviette de sport, cachant et maintenant les bombes de l’artiste tu en moi. Je le frictionne, du mieux que je peux à l’aide du coton encore légèrement imbibé de ma sueur et de peinture, et ôte toute trace d’eau sur lui, évitant à ses membres inertes de s’ankyloser. La convulsion touche à sa faim et le sommeil l’emporte, ou l’évanouissement, que sais-je. Après avoir vérifié ses signes vitaux et inspectés doigts et orteils, je l’habille du mieux que je peux et le couvre de mes vêtements superflus.

Chaleur.

Je ne peux le porter jusqu’à chez lui et, ne sachant où nous nous trouvons, je ne peux aussi appeler les ambulances. Qui plus est, je n’ai pas de réseau et je ne sais s’il a une assurance, s’il est états-unien même. Tout en enfilant mes propres atours,  je scrute la crique à la recherche d’une solution. Rapidement, je le remarque. Abandonnées sur le varech desséché, d’innombrables branches de bois flottés dorment, à l’identique de mon patient improvisé. Aussi vite que je le peux, j’en rassemble une belle poignet que je dépose à côté de l’homme en position latérale de sécurité. Ses paupières abattues et sa respiration régulière me rassurent quelque peu.

Soupir.

Soulagé, je fouille dans mon sac et m’empare de mon briquet ainsi que d’une bombe vidée plus tôt dans la soirée. Je la dirige vers la pile impromptue de bois et, après avoir agité les billes dans le fond du récipient interdit, je déverse le gaz vers la flamme de mon briquet et embrase les branches assemblées, ignorant mes doigts tremblants de froid. Plus rapidement et plus violemment que je ne l’imaginais, le brasier prend et la chaleur se répand aussitôt dans ce coin de plage.

Rassuré.

Je rapproche le dormeur du brasero et tend mes propres mains vers le feu, terminant de me sécher. Je finis de mettre mes derniers habits et affirme la couverture du patient ; sa veste et la mienne ainsi que mes affaires de sport le couvrent, lui si proche des flammes. J’enfile enfin mes chaussures et part en quête d’autres morceaux de bois afin d’alimenter le foyer. Il dort toujours, l’éveil viendra avec une température corporelle plus adaptée.

Frictions.

Ses extrémités engourdies ne risquent pas l’engelure, c’est tout ce que je craignais ; il s’agit désormais que d’une question de temps. Je me pose de l’autre côté du feu, soignant désormais mon propre froid. L’océan au loin nous regarde, les crocs d’écumes saillant, affamés et regrettant de nous avoir englouti. Il râle et grogne vainement. Assis la tête dans les genoux, je détourne mon regard de l’horizon, me concentrant sur la respiration de mon hôte. Mes yeux se ferment, bercés par le ronronnement des flammes. Je veux rentrer chez moi, dans mon appartement vide et silencieux, empli uniquement des cartons de l’héritage, du silence et du froid, je veux me réfugier dans l’armure de mes draps, dans le fort qu’est mon lit, derrière les murailles de mes volets et m’isoler.

Éveil.

Sa respiration change, des murmures semblent même emprisonnés dans sa gorge. Ma tête se relève et mes yeux se tournent vers les siens, masqués derrière le voile de flammes.

« Dès que tu es un peu mieux, soufflé-je en un murmure, je te raccompagne chez toi. »

Mots glacés, ordre donné ; il n’a pas le choix, le médecin a parlé, l’homme lassé de l’humanité veut se réfugier dans la solitude après cette énième épreuve, maintenir cet abruti d’inconnu en vie, en sécurité.

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