Comme promis et sans aucune discussion, j'étais désormais seul maître à bord. Je sais, j'aurais pu commencer par écumer tous les bars de la ville et user de mon pouvoir jusqu'à plus soif pour charmer toutes les personnes majeures d'Arcadia. Cependant ...
Cependant, à l'instar de Kyan, je ne suis plus que l'ombre de moi-même, sans libido, sans volonté propre, sans rien. Je le sent toujours dans ma tête, et parfois, nos regards se croisent dans le miroir mais je n'y lis que de la résignation. Kyan ne m'en a pas voulu le moins du monde et cela est pire que toutes les tortures que j'avais pu imaginer. Il pense que ce qu'il lui arrive est de sa faute et de son entière responsabilité.
Kyan n'est plus que douleur sentimentale. Il ne mange plus, ne dors plus, et n'a même plus la volonté de maintenir sa conscience éveillée, sa situation le faisant tellement souffrir qu'il ne reste jamais bien longtemps aux commandes. J'aime cet homme et l'avoir déçu me déprime au plus haut point aussi, je me sens désormais échoué d'une lourde responsabilité.
J'ai bien essayé de lui remonter le moral, de lui proposer d'aller moi-même parler à Preeti, de lui expliquer que c'était entièrement ma faute et que de toutes façons, j'allais disparaître... Mais rien n'y a fait. Je suis donc obligé de pourvoir à nos besoins primaires et, quand Kyan ne tient vraiment plus debout, il m'arrive souvent de faire le prêtre à sa place.
Une heure de souffrance pure est devenue un jour, puis une semaine. Kyan accepte sa condamnation à mort sans lutter. Plus rien n'a d'importance pour lui. Savoir que j'en suis l'unique responsable me dégoute et m'oblige à prendre soin de lui, a essayer de lui faire remonter la pente.
- Kyan ? Regarde, j'ai ajouté un nouvel élément de déco à ta chambre. J'me disais que ça pouvait être sympa... T'en dis quoi ? -
Je le sens se glisser dans mon regard et voir la photo en noir et blanc que j'avais faite encadrée. Il s'agissait d'un montage que j'avais demandé à un photographe professionnel.
Il y avait moi souriant, affalé sur un canapé, chemise avec deux boutons ouvertes. A mon côté, moi toujours, déguisé et en posture comme Kyan, en soutane noire et croix autour du cou, droit, sourire timide et simple. On a vraiment l'air de deux frères dont l'un a son bras derrière le dos de l'autre, et on a l'air de s'amuser.
Je sens le saint regarder la photo en long, en large et en travers. Il a l'air presque rêveur quand il découvre le montage. Je le sens ému. Il se met à vibrer en nous pour la première fois depuis des jours.
- Autant te dire que le type, derrière sa caméra, il a halluciné devant ma demande. Mais j'me disais que... -
- C'est vraiment gentil, Sheitan, merci beaucoup -
- T'sais, Preeti, je l'aimais vraiment... -
- Je sais, Sheitan. Je suis désolé d'avoir ignoré tes sentiments. Je m'en veux beaucoup pour ça aussi. -
- C'pas grave. On va s'en sortir ! Peut-être que c'est pas fini, j'suis sur qu'elle pense à nous ! Enfin, à toi ! Bon, allez. T'as rien à faire cette après-midi, pas de messes, ni rien. Tu veux faire quoi ? Je te laisse décider. Ça peut être n'importe quoi... -
Kyan réfléchit et je lui laisse place au contrôle.
---
Immédiatement, mes épaules s'affaissent un peu, ma tête se baisse et mes yeux s'embuent de larmes. Nous avons maigri et nos yeux sont fatigués mais au moins je suis seul aux commandes et je remarque que je tiens encore debout. Une idée germe dans mon esprit, une activité simple, une envie, une obsession...
J'entre dans l'église où je suis soulagé de me retrouver seul. Devant la nef, je prend place devant mon piano avec toute la révérence dont je puisse faire preuve à cet instant, j'ouvre la protection et pose mes doigts sur le clavier. Ils tremblent un peu et sont engourdis de n'avoir pas joués pendant un temps conséquent. J'inspire fort et je peux encore ressentir les soubresauts des sanglots dans ce simple souffle. Alors, je pose mes phalanges sur les touches et la magie opère.
La tension accumulée laisse place à une certaine sérénité bienvenue. La musique raisonne dans toute l'église et m'arrache un frisson de plaisir, même si mes gestes sont rouillés. J'aurais aimé chanter en même temps, mais je n'en ai pas encore la force.
Lentement, je ferme les yeux pour mieux profiter de toutes les tonalités, deux larmes en profitent pour s'échapper de mes paupières. J'espère, par mes notes, attirer les bonnes grâces de Mon Seigneur. Je m'en remet totalement à lui à présent.
A travers la musique, j'entends presque des pas derrière moi qui rythment mes notes. Pour la première fois depuis une éternité, mon visage affiche un sourire.
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Les jours se touchent et se ressemblent, et pourtant tout à changé.
Le déménagement à été rapide, presque comme une fuite vers un endroit où je pouvais respirer: Cornucopia District était l'endroit idéal.
Un gros chèque en poche, la propriétaire avait accepté tout de suite, et le jour même j'étais installée dans une maison verte, au jardin planté, avec de la place pour nisha.
Le premier jour, l'achat de meubles m'a pris la journée, et mon esprit à été tenu occupé. Mais la nuit silencieuse m'a tenue en éveillé. Les heures s'étaient arrêtées, et mes pas froids ont rythmé la maisons, de pièces en pièces, de vide en vide.
Le second jour, les meubles ont été montés mais mon esprit était libre, et la journée à été rythmée par les pleurs, incontrôlés, soudains.
Le troisième jour... j'ai arrêté de compter.
Et maintenant le travail devrait reprendre, et je ne voulais plus danser. Les crises s'étaient accentuées, dures, asphyxiantes. La position foetale en pleurs était devenue ma forme principale
Et pourtant. Quelque chose vivait encore en moi. Parfois, au détour d'un miroir, d'un couloir, dans les branches des arbres, une mélodie murmurait à mes oreilles:
Les hallucinations étaient donc presque constantes. J'étais tentée d'apeller Docteur Mooney mais... Je n'en avais plus la force.
Le voir.
C'est tout ce qui importait.
Une semaine, 168 heures, 10080 minutes, 604800 secondes après mes mots destructeurs, je passais la porte de l'église d'arcadia.
La musique me heurta tout de suite. C'était beau, et c'était triste. Mes pas s'arrêtèrent derrière le joueur, dont je reconnaissais ces cheveux que j'avais tellement désirés.
Je retins mon geste des les toucher de nouveau, et m'assis au plus proche, écoutant la mélodie lancinante.
Finalement, après sept minutes de musique, la sérénité commence déjà à décliner. Cela m'a fait du bien et je remercie mon démon de m'avoir forcé à avoir le contrôle. Au travers mes notes, j'ai donné toute mon énergie de prière. J'espère du plus profond de mon cœur que quelqu'un les a entendues.
Je retiens un sanglot et retire mes doigts, plongeant l'édifice dans le silence. J'entends ma respiration à présent, saccadée. Sept minutes de vie et je n'en peux déjà plus, je veux retourner dans le néant, me cacher derrière Sheitan qui est devenu le pilier de ma vie. Lentement, je replace la protection sur le clavier et me lève presque cérémonieusement.
Derrière moi, j'entends un autre souffle que le mien, je penche la tête comme pour vérifier qu'il ne s'agit pas d'une illusion de mon esprit fatigué, avant de me retourner et de faire face à la présence.
Mes yeux rougis par la fatigue ne peuvent pas croire à la présence qui est pourtant devant eux. Moi, je pense que je suis déjà en train de rêver et de m'évader de la réalité.
Preeti, mais pas la Preeti de mon souvenir, ni celle de notre dernière rencontre. Non, il s'agit d'une Preeti amaigrie et aux yeux rougis, à mon image. Je lui souris, n'y croyant pas mais voulant désespérément y croire. Sa simple présence suffit à m'insuffler un peu de vie, un peu de vibration. Sans doute qu'elle est là pour mettre un terme définitivement à notre relation, mais elle est là avec moi, et c'est tout ce qui compte.
"Preeti, c'est vraiment toi ? Tu es vraiment là ? Je suis très heureux que tu sois venue, si tu savais ... Encore une fois, je suis sincèrement désolé mais je t'assure que je t'ai dit la vérité et ..."
Je souffle dans mon émotion. Je dois me reprendre. Je m'approche d'elle et m'agenouille à ses côtés en cherchant son regard, n'osant pas la toucher.
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Les notes tombent et la fatigue des derniers jours me tombent dessus. Le manque de nourriture, de sommeil et les crises auraient pu être plus dévastateurs, et pourtant je tenais encore, soutenue par une force nouvelle que je ne comprenait pas.
Le piano finit sa grande partition, et le silence retomba lentement dans la salle. J'aurai applaudis si je n'avais pas eu aussi peur de briser le moment.
Kyan se lève, et je me demande si je devrais me cacher pour ne pas qu'il me trouve ici. Mais mon corps reste impassible, jusqu'à ce que le prêtre se retourne.
Il est un miroir de sa propre d'échéance: amincit, les yeux rougit et le teint pâle... Il n'y a que la barbe naissante qui nous différencie.
Je me lève doucement, et il sourit. Pourquoi sourit-il? Ce sourire me désarme totalement. Après tout ce que je lui ai fais...
Ses mots doux crèvent le silence.
[color:5f51=@0099ff]"C'est moi... Enfin, ce qu'il reste...
Je lève la main pour arrêter les excuses. Le silence se rétablit.
Il s'agenouille près de moi et je m'assois en tailleur à même le sol face à lui.
Une semaine.
Une semaine.
Une éternité.
Je pose ma tête sur son épaule et me met à pleurer en silence.
C'est elle, c'est bien elle ! Je n'en crois pas mes yeux. Elle me parle et je constate qu'effectivement, elle va aussi mal que moi. Je me sens terriblement fautif de son état. J'aurais du essayer de la contacter, au moins m'assurer qu'elle allait bien pendant cette semaine. Mais elle m'avait demandé de partir.
"Preeti ..."
Ma Déesse, si j'ose encore l’appeler ainsi, amorce un premier contact en venant contre moi. Sa tête sur mon épaule, je reste un instant sans réagir avant de passer mes bras autour de son corps frêle. Les larmes que je n'ai pas pu retenir se mêlent à ses cheveux, puis viennent rejoindre les siennes.
Nous restons là, enlacés pendant un long moment, certainement plus que sept minutes. Petit à petit, je retrouve ma raison de vivre, je retrouve mon corps et mon esprit, je retrouve ma vie.
Petit à petit, je renais dans ses bras.
Je n'ose pas rompre notre lien, par pure lâcheté, je n'ai presque pas envie d'entendre ses mots. Cependant, j'ai très envie de lui parler, de dire à quel point elle m'a manqué.
"Je suis très content que tu sois là. Je suis resté mort ces derniers jours. Laisse moi me racheter, s'il te plaît. Je veux refaire partie de ta vie."
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Je suis misérable.
J'ai cumulé tant de peine cette semaine que je ne suis faite que d'eau. Et bientôt ma peine est rejointe par celle de Kyan. Nous avons tant souffert.
Ses bras autour de moi me réconforte, et lorsqu'il n'y a plus de larmes je reste sans bouger, profitant juste de la chaleur qu'il me manquait.
[color=#0099ff]"Trésor... Enfin, Kyan..."
Je soupire. Pourquoi faire semblant d'aller bien?
"Cette semaine... A été l'une des pires semaine de ma vie. J'ai été en colère. Je ne t'ai pas écouté. J'ai été... Horrible. Je ne te mérite pas... Mais... Je ne sais pas ce que je vais devenir si tu n'es plus dans ma vie. Je te demande pardon... Et à Sheitan aussi. Pardonnez moi je vous en prie."
Et, comme un réflexe venant des tréfonds du passé, je m'incline, le front sur la pierre froide.
Je fond totalement à son premier mot. "Trésor". C'est sorti comme un réflexe, comme un appel au secours. Rapidement remplacé par mon prénom mais je ne relève pas. Je garde le nom instinctif qui est sorti en premier parce qu'il est en train de soigner mon cœur.
Par la suite, comme moi je voulais le faire, Preeti se confond en excuse, mettant des mots sur mon ressenti de la semaine. Je ne sais plus quoi dire ni quoi faire. Une partie de moi-même est encore persuadé qu'il s'agit d'un rêve et que rien de tout cela n'est réel, que je ne suis qu'un fou en pleurs à genoux sur le sol.
Mais cette folie me fait du bien, alors je m'y accroche. Dans ses mots, Sheitan apparaît aussi et elle s'excuse auprès de celui qui a déclenché tout cela et qui a essayé de tout réparer.
- Putain de merde ...-
- Non, Sheitan ... -
- J'la ferme. -
Je la force à se relever. Je n'ai pas envie qu'elle s'abaisse ainsi. Je la contemple du regard. Nos yeux chargés de remords et de chagrins se comprennent sans se parler. Nous avons été dépendant l'un de l'autre et la séparation nous a fait du mal profondément. La curiosité de savoir ce qui la pousser à revenir me voir me ronge profondément, j'ai énormément de questions à lui poser à cet instant. Me croit-elle enfin ? Accepte-t-elle vraiment ma condition d'être double ?
A la place, je voudrai lui proposer une trêve dans notre souffrance, un moment rien qu'à nous deux.
"Je ne peux pas te laisser comme ça. Viens." Je me relève, invitant Preeti dans mon mouvement. "Allons manger. Nous parlerons certainement mieux après. Ça ne t'ennuie pas que l'on passe juste par ma chambre avant pour que je puisse me changer ?"
A nouveau, je sens mon cœur battre. Avec elle reviennent les couleurs de ma vie. J'ai toujours un sourire sous mes yeux fatigués mais je sais qu'à présent, tout ira bien.
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Kyan me relève et je me sens perdue. Accepte-il mes excuses? Et Sheitan?
Il m'invite à manger, et je sens mon estomac si vide, si vide que je ne sais pas s'il arriverait à contenir quoi que ce soit. Et en même temps... J'ai une faim incroyable que je n'ai pas ressentie depuis des jours.
Je hoche la tête puis lui demande :
"Cela ne va pas te faire d'ennui? Une femme dans une chambre de prêtre... Tu es sûr?"
Mon prêtre passe devant, mais je le tiens par la manche, les yeux baissés. Un murmure traverse mes lèvres:
"Kyan... Est ce que... Est ce que tu m'aimes encore?"
"Ce n'est pas une chambre de prêtre, c'est un dortoir. Il n'est pas soumis aux règles de la prêtrise."
Et de toutes façon, peu m'importe.
Alors que nous sortons de l'église, je sens une pression sur mon poignet. Une question murmurée, timidement, je ne peux pas m'empêcher d'avoir un sourire naissant sur mon visage. Je me retourne vers mon amour et cherche ses yeux du regard.
"Je t'aime, ma Déesse, plus que tout ! Tu nous a terriblement manqué à Sheitan comme à moi. T'avoir hors de notre vie était la pire torture que je n'ai jamais eue. Tu me pardonne de t'avoir caché mon double ? Je regrette tellement que ça se soit passé comme ça."
Je me recentre. Ne pas parler maintenant. Se restaurer, se poser pour se remettre de ses émotions.
"Suis-moi"
Nos pas raisonnent contre les pierres du couloir désert. Je trouve ma chambre et y entre, suivi de Preeti. Je me fige après un pas.
Dans la petite chambre d'environ huit mètres carrés, le lit n'est pas fait et quelques habits trainent ça et là. Le lavabo est surplombé d'un miroir cassé. De plus, la petite cheminée ne semble pas avoir été nettoyée depuis des semaines. Seule l'unique décoration de la chambre, la photo me représentant avec Sheitan et la bibliothèque impeccablement rangée me rendent justice. J'ai honte de m'être laissé allé à ce point là, et Sheitan n'est pas le roi de l’ordre ni du ménage.
Je soupire devant le désordre. Auparavant, seul le côté des habits de Sheitan n'était jamais rangé. Aujourd'hui, je n'ai plus d'excuses.
"Pardon. Je ne me souvenais pas que j'avais laissé ma chambre ainsi. Installe toi, je vais pousser les vêtements du lit. De toutes façon, je n'en ai pas pour longtemps."
Je retire les chemises en désordre et les jette directement dans le panier avec le reste des vêtements trouvés par terre. Retirant ma soutane et ma chemise blanche, je m'approche du miroir et envisage un rasage express.
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La réponse est incompréhensible, mais à priori, m'emmener ne lui vaudra pas d'ennui. Je le suis, légèrement décalé, rêvant de pouvoir tenus ses doigts.
Nous sortons du bâtiment et lorsqu'il me répond, si spontanément, les larmes remontent sans aucun avertissement.
"je regrette... Je regrette d'avoir réagi comme ça. Avec vous deux. Et oui, je te crois. J'en ai vu d'autres... Même si pour l'instant c'est difficile à faire rentrer dans mon existance... Qu'est ce que vous êtes au juste?"
Nous rentrons dans un autre bâtiment à proximité, tout aussi austère à mon sens, et traversons un dédale de couloirs avant d'arriver à une sorte de pièce.
L'endroit est petit... Et mal rangé. Je glousse devant le spectacle, et me surprend: mon rire n'avait pas retentit depuis que Kyan avait disparu par ma faute.
Il repousse les vêtements en pagaille pour me laisser un coin de lit, et je plie inconsciemment ceux qui me tombent sous la main.
Kyan passe vers un lavabo dont la miroir à été fracturé, et lorsqu'il retire son habit je remarque une tâche bizarre encore jamais vue :
"La tâche sur ton épaule, c'est une idée de Sheitan?"
J'entend son renouvellement d'explication, ses regrets. La première question vient et je m'apprête à répondre avant de me raviser.
"Non, pas ici..."
Devant mon miroir, je ne vois que mon visage, mes yeux. Je regarde le reflet de Preeti qui range les vêtements de Sheitan. Cela me fait sourire même si je sais que je devrai en être totalement honteux. Je fais couler de l'eau sur mon rasoir et étale la mousse sur mon visage.
"Pour te répondre, j'ai longtemps cru avoir hérité d'un démon. Rationnellement parlant, on aurait même pu appeler ça un dédoublement de personnalité, des problèmes psychologiques en sommes."
J'approche la lame de mon visage et commence alors mon rasage.
"Mais récemment, j'ai appris que Sheitan est un Satyre. Normalement, ça n'aurait pas du se passer ainsi. J'aurais du l'accepter et on aurait du fusionner. Comme je t'ai dit, cela est venu avec des pouvoirs et cela m'a effrayé. Tu me dis que tu en as rencontré d'autres ? Qu'as-tu vu exactement ?"
Je continue ma toilette rapidement. Preeti me parle d'une tâche sur l'épaule. Elle parle de ma cicatrice ? Je passe ma main sur mon épaule gauche pour en sentir les aspérités.
"Ça ? Non. C'est juste un stigmate de l'accident, je pense garder cette balafre toute ma vie. Sheitan veut qu'on le recouvre avec un tatouage. Mais on est pas encore tout à fait d'accord sur le dessin." Le simple souvenir de l'énorme engueulade sur le sujet me fait sourire.
Cela me fait énormément de bien de parler avec Preeti de tout cela. Ma dernière barrière est tombée et mon amour est revenue dans ma vie. Cela prendra sans doute un peu de temps pour nous retrouver comme avant, mais je suis prêt. Ma toilette enfin finie, j'enfile une chemise blanche propre et prend ma veste longue de laine noire.
"Tu as faim ? Je ne vais pas te faire l'affront de te préparer à manger à moins que tu n'ai envie de poireaux au vinaigre. Je t'invite au petit italien juste en bas de la rue. Ça te dis ?"
Je m'approche de ma Déesse et m’assois sur le lit à côté d'elle. Encore une fois, je n'ose pas la toucher de peur de la brusquer. Je plonge simplement mes yeux dans les siens.
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Je comprend son refus: les mieux publics ne sont pas forcément les meilleurs endroits pour parler de choses aussi... Extraordinaires.
Sa réponse vient dans la petite pièce, tandis que son t'as d'affaires devient un tas de linge décent, et qu'il est occupé par sa toilette. J'essaye de trier, d'un côté les habits affriolants de Sheitan (et je glousse devant deux ou trois chemises particulières), et les affaires simples de Kyan de l'autre.
L'histoire de sa condition est étonnante, mais la créature et la chose la plus surprenante de toute:
"Un satyre? Avec...toi?"
Et je ne peux m'empêcher de rire à gorge déployée. Le rire me fait un bien fou, et en epoussetant mes larmes je lui repond:
"Je comprend mieux son comportement, et avec lui dans ton corps_
Je m'arrête, éberlué par l'idée qui me vient, avant de tourner mon visage catastrophé vers Kyan.
"Les fois où on a... Tu sais... Il était la?! "
Une cicatrice? Je n'y avais pas prêté attention jusqu'à maintenant...
Finalement le lit est rangé, les vêtements pliés, et l'homme pour qui mon coeur bat est fraîchement rasé.
Pour l'invitation à déjeuner, j'acquiesce d'un hochement de tête:
"Je ne serais là personne qui mangera le plus dans la boutique... Mais je mangerais un peu, avec plaisir..."
Je ne sais pas si je mérite encore autant d'attention de la part de cet homme si attentionné à mon égard... Et bien que les choses se soient améliorer, le lien est fragile, friable...
Et lorsque celui ci se pose à côté de moi, un frisson me parcours. Si longtemps... une éternité dans ma mémoire. Ses yeux sont dévorants, et je sens comme une attente dans ses prunelles.
Hésitante à prendre ça que je n'ai pas mérité, je touche du bout des doigts une boucle de cheveux que je remplace, avant de passer ma main sur sa nuque, et enfin, effleurant son épaule, je pose ma main sur la sienne.
Que les dieux m'en punissent.
N'y tenant plus, je m'accroche au cou de mon homme tant attendu, et prend ses lèvres passionnément.
La chaleur de mon corps ne me revient que lors de cette reconnexion entre lui et moi.
Son rire remplit la petite pièce. Jamais ma chambre n'avait été meublée d'un son aussi doux. Je souris, rassuré. Me savoir avec un Satyre ne lui faisait pas peur ? D'aucune pourraient se sentir menacée que je la trompe, ou que j'abuse d'elle, mais Preeti apprécie simplement le comique de la situation.
Une idée la froisse cependant. Celle là même qui avait déclenché la dispute initiale qui avait fini en raz-de-maré avec Preeti. Encore une fois, la question est parfaitement légitime et je prend un temps avant d'y répondre au mieux.
"Non, il n'était pas là avec moi. Pas les premières fois, du moins. Par contre, il y a une fois où, sans vraiment qu'on sache pourquoi l'un ou l'autre, il a su ce qui s'était passé quand mon corps est passé à lui, un peu à la manière d'un souvenir. Nous ne savons plus nous cacher des informations."
Je remarque alors que ma chambre est presque rangée. Cela est étrange d'avoir une femme qui s'occupe de mon intérieur alors que je me suis toujours débrouillé jusque là. Je ne sais pas si cela me gêne ou m'amuse mais je suis un peu trop fatigué pour m'en soucier pour le moment.
Assis à ses côté, c'est Preeti qui fait le premier pas. Sa main vient se perdre dans une de mes mèche de cheveux, cela me fait frissonner sur l'instant. Décidément, elle savait très bien y faire pour résoudre les disputes. L'instant d'après, ses bras m'enlaces et nos corps se rapprochent, lèvres en contact.
Ce n'était pas une simple caresse des lèvres comme je l'avais supposé. C'était un contact avide, passionné, presque en manque après tout ce temps. Passant mes bras autour d'elle, je serre Preeti contre moi et lui rend cette étreinte avec fougue.
Mon cœur se met à battre fort à son contact et je sens déjà ma peau qui se réchauffe. La folie de l'amour me submerge à nouveau et loin d'en avoir peur, je me sens à nouveau moi, nous.
"S'il te plais, dis moi qu'on ne se quitte plus à présent." Je souffle au coin de ses lèvres.
Alors que je sens le brasier en moi s'éveiller, il me faut m'arrêter, reprendre mon souffle. Pas tout de suite, nous devons nous retenir. Ce serait beaucoup trop tôt. Me reculant légèrement, je souris tendrement à Preeti, comme pour m'excuser.
"Allons manger, j'ai énormément de questions à te poser. Je pense que ça doit être pareil pour toi."
Nous sortons alors de la chambre et j'offre mon bras à Preeti. Dehors, il fait assez froid et une petite neige tombe. Pour ma part, jamais je n'ai eu aussi chaud au cœur et rien ne pourra faire partir cette flamme. Il y a peu de monde dans la rue et tous sont encapuchonnés.
"Bonjour mon père."
"Bonjour Tess."
La personne que nous avons croisé se retourne sur notre passage et je peux apercevoir son air étonné. Est-ce de me voir accompagné ou simplement dehors alors que j'étais visiblement pas bien ces derniers temps ? Mon inquiétude se disloque en certitude : en vérité, peu m'importe le jugement des Hommes.
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Le fais que nos premières fois ait été les nôtres à nous seuls me rassure. Pour cette fois...
"Et bien... Je suppose que ni lui ni nous n'y pouvons rien. Cela doit être... Frustrant. D'être à sa place je veux dire..."
Je plains sincèrement le satyre prisonnier des souvenirs intouchables, d'autant plus après sa révélation de la dernière fois...
Mon enlacement avide est bientôt jointe par celui de mon chéri, et mon coeur bat plus fort que jamais, ramenant à la vie mon corps qui avait tout oublié.
"S'il te plaît, dis moi qu'on ne se quitte plus à present."
Je prend un temps pour regarder mon homme tendrement, et lui murmure :
"Regarde moi, et dis moi si j'arrive à vivre sans toi. Ces 7 jours ont été un enfer, Kyan, et je ne veux plus jamais ressentir ça...Mais n'essaye plus de me cacher des choses s'il te plaît. De toi je peux tout entendre."
Notre étreinte se finit, et nous partons manger au moment où mes sens devenaient confus, non pas par manque d'amour, mais par excès de désir. Je hoche la tête de gauche à droite, d'ajouter joyeusement :
"allons y, ça fait longtemps que je n'ai pas eu faim comme ça! "
La neige tombe en dehors, et je met la capuche de ma cape pour ne pas mourir de froid. Le bras que Kyan me tend me met du baume au coeur: c'est la première fois que nous sortons en public de jour en ayant un contact physique.
Au détour d'une rue, on salut Kyan en tant que prêtre, et l'attitude stupéfaite de la femme me tétanise: Kyan supporte-t-il vraiment ma compagnie quand les gens le reconnaîsse? Et si elle pose des questions, qu'y répondre. Je me fond dans mon mutisme, espérant passer inaperçu malgré mon habit rouge.
Alors que nous marchons dans la rue, je sens le trouble de Preeti. Je me demande si c'est à cause d'une réflexion ou de Tess Stevens qu'on vient de croiser.
"Tout va bien, ma douce ?" je demande doucement.
Nous arrivons alors dans le petit restaurant familial où le patron m'accueille à bras ouverts. Je reconnais certaines familles de clients et je leur adresse un signe de tête amical. Manger avec son prêtre, c'est comme manger avec son prof ou son chef, ce n'est pas toujours très agréable. Aussi, je demande au patron une table tranquille où il nous installe joyeusement.
"Mon mal-être a du lui faire peur... Il n'est jamais aussi enthousiaste d'habitude..."
Je tire la chaise pour Preeti avant de m'installer devant elle. J'ai tellement de choses à dire que je ne sais même pas par où commencer. Je ferme les yeux un instant pour me concentrer, je me sens apaisé et serein.
"Si je dois être parfaitement honnête avec toi, je me dois de te préciser tout de suite que tout le monde ici ignore que nous sommes ou avons été ensemble. Là je pense qu'ils s'imaginent que je suis en train de te donner des conseils ou d'essayer de te convertir. Je ne veux pas qu'on se cache mais je t'avoue que ça m'arrange qu'ils restent dans l'ignorance."
Allez, courage moi-même. Tu n'es pas au bout de tes révélations.
"Il y a autre chose que tu dois savoir sur Sheitan, c'est que même si je trouve un moyen pour qu'il disparaisse, je n'en ferais rien. Il fait partie de moi et je l'ai accepté. Jamais je ne me résoudrais à l'abandonner."
La carte nous est apportée. La serveuse ne s'éternise pas, confirmant mes premiers soupçons sur ce que les gens pensent que nous sommes l'un pour l'autre.
"Pour finir, j'ai bel et bien un frère, plus âgé avec lequel j'étais très proche. Il s'est engagé dans l'armée quand j'ai décidé de suivre ma foi. C'est actuellement mon seul et unique parent vivant."
Pourquoi je parle de lui alors qu'il s'agit d'une information qui semble de second ordre ? Parce que quand on se mariera, je l'inviterai et ils se rencontreront enfin. Et cela est particulièrement important pour moi.
"Je regrette beaucoup de t'avoir caché ce qu'était véritablement Sheitan. Je ne le savais pas moi-même en réalité. "
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Je suis dans mes pensées lorsque la pression de son bras me fait tourner la terre vers son visage. Sa question montre qu'il a remarqué mon trouble, et je lui dis doucement avec un sourire :
"Je vais mieux que les jours qui ont précédés. Fatiguée beaucoup. Je me disais seulement... Cette femme que nous avons croisé, elle doit faire partie de ton église... Qu'elle me voye avec toi, ça ne te dérange pas ? Par rapport à ton désir de... Enfin que nous... Que tu ais le temps de nous faire accepter par eux, je veux dire."
Le restaurant est cosy, et le restaurateur nous accueille si chaleureusement que s'il était possible que Kyan ait de la famille, il pourrait en faire partie. Je m'incline gracieusement à son accueil, et il nous installe sur un table calme avec une vue sur la rue vide.
Je ne suis pas la seule à avoir remarqué le comportement de notre hôte puisque Kyan en fait une remarque, et je le détails de plus près.
Sans son début de barbe chaotique, des traits plus émaciés ont apparus, accentuant ses traits. Ses yeux montre une fatigue accumulée, malgré le reflet vif qui s'allume quand il me regarde... Je lui fait un regard tendre, consciente que je ne pourrai pas avec d'autres manières de lui exprimer mon amour.
Gentleman, mon trésor m'installe avant de se mettre en face de moi, et je réprime une envie de prendre ses doigts dans mes mains ou de replacer une mèche qui lui tombe sur le front, me narguant au passage pour mon impuissance.
"De toute évidence, je n'en attendais pas moi. Après tout, nous avions convenu ça comme ça..."
Même si c'est difficile à supporter au moment présent, après tant de temps perdu... Je prend sur moi, la mine contrite, le silence se faisant un instant.
Puis Kyan reprend la parole pour parler de Sheitan, et je suis véritablement surprise:
"Le... Ça t'es passé à l'esprit? ... Moi je l'apprécie. Malgré ses défauts, ses manières discutables et son air de Don Juan... Je l'aime bien. Et je crois qu'il m'aime bien aussi. Alors je suis contente de ta décision..."
Je me penche vers lui et baisse la voix, avant de poursuivre :
"Même si du coup, nos moments... Ne seront plus si intimes d'après ce que tu m'as raconté."
Une serveuse passe nous apporter nos cartes et s'éclipse, et je me demande ce qu'elle voit quand elle nous regarde, avant de rabattre mon écoute sur les paroles du prêtre de mon coeur.
La nouvelle me sidère et je le regarde avec des yeux de stupeur:
"Tu ne m'avais pas menti? ... Enfin si tu m'as menti sur Sheitan mais tu as réellement de la famille..."
La nouvelle me demande reflexion. En soit je suis heureuse qu'il ne sois pas seule. Mais j'aurais aimé qu'il sache... Pour nous.
"Tu as de ses nouvelles de temps en temps? Et... Toi, tu lui as dis? Enfin... Je crois que j'aimerais qu'il le sache. Qu'au moins quelqu'un à qui tu tiens le sache..."
Devant ses excuses ma nervosité s'accentue: en d'autres circonstances j'aurais pu le rassurer, l'embrasser... Mais en l'occurrence, c'est impossible.
"En un sens, je comprend tes raisons. Le surnaturel, c'est compliqué à expliquer. D'un autre... Mon coeur aurait aimé te connaître mieux. Le fait de m'avoir caché cela m'a caché une part de toi aussi..."
Et, pour seul lien, mon pied se calle contre le sien, innocent aux yeux du monde, mais significatif pour nous deux.
La frustration de Preeti me saute aux yeux et je me demande ce qu'il y a. Je met du temps à me dire que c'est simplement le fait qu'elle s'interdit de me toucher. Pour ma part, l'habitude tactile est très vite parie, sans elle.
"Je voulais te donner ça, pour que tu comprennes les débuts un peu houleux que j'ai eu avec Sheitan. Tu veux la vérité ? Je ne peux pas t'offrir meilleur témoin."
Je sors de ma poche mon journal actuel. Celui là commence à mon réveil à l'hôpital et s'arrête à il y a quelques temps. Je n'ai pas réécrit depuis mon départ de l'appartement de Preeti, je l'ai trouvé dans ma chambre à côté des autres qui racontent des histoires antérieures. Je me disais que je pouvais faire cadeau de celui-ci à ma Déesse, en signe de confiance. Avec un signe presque cérémonieux, je le lui tend.
"Tu verras, nos début étaient très difficiles à tous les deux. Je suis ravi que tu l'aime bien, c'est bien plus que réciproque. Nos moments seront toujours intime sur le moment. Cacher des choses à Sheitan m'est devenu très difficile, on dirait qu'il a accès à toutes les informations dès qu'il s'éveille, comme s'il s'en souvenait, c'est pareil pour moi d'ailleurs. Je te promets que je trouverai une solution si ça te gêne."
Par la suite, le sujet de mon frère semble l'intéresser. Cela me détend sur le coup. Je souris tendrement à ma belle. La serveuse revient et je nous commande des penne à l'arrabiata.
"Oui, nous nous donnons des nouvelles de temps en temps. Et non, il ne sait pas encore pour nous deux. Je voulais juste t'en parler avant."
Par la suite, Preeti dit qu'elle comprend mes raisons, cependant je regrette énormément de ne pas avoir su partager ce secret avec elle. Vraiment, mon sentiment d'avoir faillit tout gâché restera à jamais gravé dans ma mémoire.
"Et toi, quel est ton lien avec le surnaturel ? Tu m'avais dit en avoir rencontré d'autre." Je baisse un peu la voix "Tu es... Toi-même... Enfin il t'arrive d'entendre des voix ou de faire des choses que tu ne décides pas ?"
Devant son air contrit et constatant que personne ne nous regarde spécialement, je pose ma main sur celles de Preeti comme pour l'encourager à partager, elle aussi, ses sentiments.
My fingers claw your skin, try to tear my way in. You are the moon that breaks the night for which I have to howl
Je regarde le petit carnet d'un air stupéfait.
"Tu n'es pas obligé... Tu sais je regrette ce que je t'ai dis. Je ne veux pas que la confiance soit brisée entre nous... Ni rien d'autre d'ailleurs. Je veux juste effacer ce matin là, et les jours qui ont précédés. "
Je réfléchis à cette information. Des souvenirs, mais pas de sentations physiques, de toucher. Comme un voyeur en somme.
"Qu'est ce que tu en penses, toi? Et est ce qu'une solution existe ? En soi, vous partagez le même corps... Je dois déjà m'estimer heureuse de pouvoir avoir des contacts seulement avec toi. Même si sa condition doit être très éprouvante. Qu'est ce que tu entend par "plus que réciproque?" "
Est ce que sa confession de cette nuit là était vraie? J'avais mis ces mots sous le compte de l'alcool, n'ayant pas pu avoir d'explication à ce sujet...
Kyan se détend, et je ne comprend pas pourquoi cette tension existait. Je lui tend son sourire, et il commande pour nous. Ça tombe bien... Je n'ai pas eu le temps de voir ma carte, être connais rien aux plats italiens.
"Tu ne lui a pas dit pour me mettre au courant d'abord ? Alors, sache que mes parents sont au courant... Que je vois quelqu'un en tout cas. Pour les choses compliquées, je n'ai tout simplement rien dit."
Kyan me pose des questions sur le surnaturel et je me rétracter d'office. Ai-je vraiment le droit de parler des secrets d'autrui? Devrais-je lui mentir pour les garder? Finalement, je répond avec honnêteté :
"Écoute. J'ai vu des choses... Mais je ne sais pas si elles sont réelles. Il faut que je te dise..."
Respire. Pas de stress.
Je souffle et, les yeux baissés, murmure :
"J'ai... Un syndrome post-traumatique depuis l'incendie. Certainement à cause de l'accumulation entre la mort de mon mari, la disparition de Nisha, l'incendie et finalement, ce coup de foudre. Je fais des crises d'angoisses quand je suis trop stressée, et ça va jusqu'à l'hallucination si ça devient trop stressant. Alors... Parfois je ne sais pas si c'est moi ou si j'ai des visions... Mais j'ai vu... Quelqu'un déployer une paire d'ailes en se sentant en danger à cause d'une autre personne. Ces deux personnes m'ont dit des choses... Mais je n'y ait pas cru. Mais maintenant... J'hésite. Je ne sais pas si c'était réel ou non."
Et lorsqu'il me parle des voix, je me fige. La voix des derniers jours me revient, et je l'entend presque derrière moi.
Je me retourne, ne vois rien, puis me penche vers Kyan en soufflant :
"Depuis quelques jours... J'entends une voix. Elle parle le sanskrit... Mais mes crises ont été plus importante cette dernière semaine. J'en ai fait au moins une chaque jour, parfois deux... Alors ça aussi, je ne sais pas si c'est vrai. Pourquoi cette question ?"
Lorsque sa main se pose contre la mienne, je le regarde surprise. Et si on nous voyait ? Mais je ne rompt pas son contact, et lui fait un sourire tendre. Mes sentiments étaient compris, et j'étais reconnaissante de cet attention de sa part.
"Pour Sheitan ? Je ne sais pas vraiment. Plus le temps passe, plus nous nous comprenons. Je dois dire que personnellement, cela ne me dérange plus. Lui a accès aux secrets les plus intimes et inavouable de tous les chrétiens de la ville qui sont venus me voir et il les garde pour lui. Mais je peux comprendre que ce soit un problème pour toi. Je pense que je peux toujours essayer de m'entraîner à bloquer mes pensées sur le moment, ou lui demander de ne pas fouiller dans notre mémoire... Je ne sais pas."
Je baisse les yeux un instant, à présent, je me dois d'être honnête. Cela est étrange d'avouer les sentiments de quelqu'un à sa place mais je lui avais interdit de le faire lui-même.
"Sheitan t'aime, Preeti. Je ne sais pas de quelle manière ni à quel point mais je suppose que nous ne sommes pas deux entités opposées et que nous partageons certaines choses de manière très intimes."
Par la suite, ma dulcinée m'annonce que ses parents sont déjà au courant pour moi. Je reste un instant interdit devant cette révélation avant de sourire franchement. Me voilà bouillant de curiosité.
"Et ils t'ont dit quoi ? Cela ne les dérange pas ? T'as dit quoi sur moi ?"
L'ambiance devient plus sérieuse et Preeti se dévoile petit à petit. Le syndrome post-traumatique, je le connaissais aussi. En fait, les choses que j'ai cru avoir vu, avoir entendu en confessionnal, ou que Sheitan me disait avoir été témoin sont similaires à ce que Preeti a vécu. Je hoche la tête, compréhensif.
C'est alors qu'elle confirme, elle aussi, entendre une voix. Une voix dans ma tête est ainsi que j'ai perçu Sheitan au tout début. Je m'étonne de savoir qu'elle parle à Preeti en Sanscrit, je me demande si Sheitan parle le Serbo-croate, pour le coup. Ma pauvre tendre Déesse, gérer cela seule après une séparation aussi douloureuse doit être réellement une torture.
"Dans mon journal, tu verras que c'est exactement ainsi que Sheitan m'est apparu. Une voix, des idées, et enfin, des ... crises. On peut appeler ça ainsi. Jusqu'à récemment, je me disais aussi qu'il devait y avoir une explication parfaitement rationnelle. Puis, j'ai découvert mes propres pouvoirs... J'en ai même expérimenté un."
Nos assiettes arrivent et la serveuse repart dans un regard. Le ton de notre conversation est beaucoup trop sérieux pour lui donner un quelconque indice sur notre relation réelle.
"Que te dis la voix ? Elle te parle en ce moment ? Je vais m'occuper de toi et nous traverserons ça ensemble. Je ne sais pas quel conseil te donner à part ... N'en ai pas peur et accepte. Je t'y aiderai."
Je n'avais absolument pas faim mais l'odeur alléchante de la sauce nappant les pattes associé au savoir-faire unique du patron me mit l'eau à la bouche instantanément. Mon appétit est enfin revenu et cela me fait plaisir de partager mon tout premier repas avec celle que j'aime.
"C'est particulièrement épicé." Je dis en montrant nos assiettes de la fourchette.
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Je réfléchis un instant puis lui souris :
"Tant que cela ne te dérange pas, ça me va. Après tout, vous vous entendez, nous nous entendons... Tant que cela reste entre nous... Je crois que ça ne me dérange pas."
"Alors c'était vrai..."
Devant le regard étrange de Kyan, je lui explique :
[=#0099ff]"La dernière fois, j'ai ramené Sheitan parce qu'il était ivre mort, et il m'a avoué ce genre de choses. J'ai cru que c'était la boisson..."[/color]
Cependant... Je m'avoue que fait d'être aimée des deux est flatteuse.
L'avoeu sur mes parents a l'air de le surprendre, et avant que cela ne m'inquiète un sourire solaire illumine son visage, puis me bombarde de questions. Je ris devant cet enthousiasme, et d'un air malicieux lui répond:
"Je crois que je leur ai dit quelque chose comme "वह बहुत अच्छा आदमी है" , et ils ont répondus "जब तक आप खुश हैं और देवता सहमत हैं"..."
Son air déçu et surpris me fait éclater de rire, et je lui traduis:
"J'ai juste dis que je fréquentais quelqu'un, et que tu étais une personne gentille, que tu faisais attention à moi. Et il m'ont répondu que tant que les dieux étaient d'accord et que nous étions heureux, ça leur allait. Ma mère attend le mariage avant de se prononcer évidemment, mais tant qu'elle ne fait pas de scandale, c'est qu'elle est d'accord. Ils m'ont demandé pour tes parents... Je leur ai dit que tu n'étais pas indiens, et que tu n'avais plus ta famille. Ma famille te présente leurs condoléances d'ailleurs..."
Je plonge dans les yeux de Kyan, et lui souffle:
"Tu crois que... Je suis une satyre aussi? Pourtant... Ça ne fais que depuis notre dispute. Avant j'avais des crises mais ça date... Du jour de ton accident. Et de l'incendie."
Exaspérée, je soupire:
"Pourquoi tout est mélangés, comme si ma vie n'étais pas assez compliquée !"
Lorsque je lui exprime mes soucis, il écoute sans poser de question, oreille attentive et compréhensive. Je le remercie intérieurement, et, pour finir de tout lui dire, ajoute:
"J'ai aussi des tocs, de propreté notamment. Mais je crois que tu l'as remarqué !"
Sa remarque me calme et ma curiosité s'allume:
"Quels genre de pouvoir? Tu en a plusieurs?"
La serveuse revient, les mains chargées par nos plats, et ma faim me tenaille. Cependant, les questions continuent, et je prend un moment pour répondre.
"Elle... Prie. Enfin en tout cas elle dis des prières de mon pays. "
Je ne sais pas quoi répondre à ses conseils et hoche la tête. Je ne sais pas trop quoi en penser... Moi, Un satyre?
Finalement nous nous mettons à table, et lorsque Kyan me dit que le plat est épicé, je souris : les épices sont inscrites dans mon sang, alors ça ne devrait pas être un problème !
Les condoléances de la famille de Preeti me font du bien, même après tout ce temps. Je les accepte avec grâce d'un signe de tête reconnaissant.
"Tu n'es pas un Satyre. Je peux te l'assurer. Il existe certaines personnes avec des pouvoirs que je peux sentir, les Satyres en font partie. Et il existe d'autres personnes qui ont aussi ce genre de particularités mais avec lesquels cela met du temps à se mettre en place. Celles-là, je ne peux pas les sentir."
Heureusement que ce n'est pas une Satyre, on ne quitterait plus la chambre, ni la salle de bain, ni le salon, ni ... Pourquoi je pense à ça maintenant ?
Nous commençons à manger. Le plat est simple et délicieux, pour notre première fois d'estomac rempli, je ne voulais pas quelque chose de trop copieux. Je me met à apprécier chaque bouchée, chaque moment partagé avec Preeti.
"Je suis désolé Preeti. Mais nous allons traverser cela ensemble. Je sais que tu es forte, je ne me fais aucun soucis pour toi. Et je serai toujours là pour toi."
Alors que je bois un peu d'eau, elle me demande mes pouvoirs et je manque de suffoquer. Comment aborder ce sujet ?
"Celui que j'ai expérimenté est un pouvoir de supervitesse. J'en ai usé malgré moi quand je suis venu te retrouver, ce matin là, après que tu ai passé la nuit avec Sheitan. J'ai rejoins mon dortoir à ton hôtel en moins d'un quart d'heure. Pour moi, cela ne changeait rien mais les passants avaient l'air d'aller au ralenti. Et quand tu m'as ouvert, j'ai eu le contre-coup, c'est pour ça que je me suis effondré dans tes bras."
Je regarde ma main sur ma fourchette. Pour ce qui est de l'autre pouvoir, je ne l'ai jamais expérimenté mais je sais qu'il passe par les doigts. Sheitan se frotte le pouce avec l'index et le majeur avant de l'utiliser.
"Preeti, je te prie de croire que l'autre pouvoir, je ne l'ai jamais utilisé sur toi. En fait, je ne l'ai jamais utilisé tout court. Sheitan l'a fait parfois, moi jamais. Il s'agit d'un pouvoir de charme. Tout simplement. C'est pour ça que la première fois, je t'avais demandé de te méfier de lui car il est apparemment assez puissant pour émoustiller n'importe qui."
Par la suite, ma Déesse me parle de ses voix intérieures. Des prières ? Voilà qui est assez inattendu. Je médite un instant sur cette vérité, son entité à elle semble être au moins croyante. Est-ce qu'elles ne seraient pas juste une extension de nous-même, finalement ? Impossible, pourquoi se manifesterait-elle en Satyre chez moi ?
J'hésite à demander ce qui me tient à cœur. Finalement, à court d'arguments intérieurs contre l'idée, je me lance :
"Est-ce qu'on peut rester ensemble, cette nuit ? Ou tu penses que c'est trop tôt ?"
Quels sont les règles qui régissent les ruptures et celles qui règnent sur les réconciliations ? Je pense qu'à notre stade actuel, il n'y a simplement plus de règles, que de la sincérité.
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S'il avait été curieux de mes parents, j'étais maintenant curieuse de se qu'il en pensait.
"Pourquoi cette question? Tu as l'air plutôt content que je l'ai fait! J'ai eu peur un instant que tu ne veuille pas que j'en parle, comme tu ne l'avais pas fait de même..."
J'écoutais les explications avec attention, puis me mis à réfléchir, mais ne trouvant rien, je ris simplement:
"Ou je suis juste une petite humaine normale qui a juste des problèmes psychologiques. Je vois quelqu'un pour ça, ça s'améliorait...Quand je dansais. Et quand tu étais là aussi..."
La Danse... j'avais pris quelques jours auprès de Sybille, expliquant que mes crises s'aggravaient. C'était le cas, mais pas forcément la cause de mon arrêt provisoire... Je n'avait plus dansé depuis le jour où j'ai ramassé Sheitan aux portes du casino de Little Italy. Je n'étais même pas venue au cours de Rumba du mercredi. J'avais passé mes jours zombifiée dans ma nouvelle maison presque vide.
Le plat n'est pas si épicé, et je sais qu'en réalité c'est ma langue qui est accoutumée. Cependant le goût est exquis, et je me surprend à ma nourrir avec plaisir, alors que les derniers jours de nourrissage ressemblaient plus à du gavage (et maigres en plus, puisque je n'avait pas cuisiné.).
Ces mots me touche, et je lui envoie un sourire tendre:
"Merci Kyan. Je suis heureuse que tu fasses partie de ma vie. A nouveau."
A ma question, mon prêtre suffoque, et plusieurs regards se posent sur nous. Je sent mon stress monter mais heureusement il se reprend, et ces réponses viennent après un instant de répit.
La première explique les évenements de la première fois, et j'ajoute cela dans ma mémoire. Supervitesse donc. Le second...Je le regarde dans les yeux et vois sa sérosité. Je manque de rire devant le comique du pouvoir non-assorti à la vocation, mais me retiens de justesse.
Mes voix le laisse pensifs, et après un moment de silence je lui fait un clin d'oeil en murmurant:
"Tu sais, ce n'est peut être rien. Après tout, ces prières, je les ai dites des milliers de fois, c'est peut être juste mon imagination."
Je me concentre sur ma nutrition jusqu'à ce que Kyan me demande si on peut dormir ensemble. Je repose ma fourchette encore pleine et joue avec une de mes mèches pour ne pas le faire avec les siennes et répond en contenant mon exaltation:
"Tu es sûr? Enfin... ça serait vraiment avec plaisir. Si tu le veux évidemment..."
Kyan. Avec moi. Ensemble. C'est tout ce qui manquait à mon coeur pour être guéri.
Si le fait que Preeti ait parlé de moi à ses parents me rend ravi ? Bien entendu ! Je ne peux pas masquer l'enthousiasme dans ma réponse.
"Pourquoi serais-je déçu ? Le fait que tu en ai parlé est un fort symbole de confiance. Je suis fier !"
Quand elle se prétend "petite humaine normale", cela me fait presque mal. Des confidences, j'en ai eu beaucoup trop pour que tout le monde partage la même pathologie d'un coup ces deux dernières années. Le fait que j'étais une aide dans sa guérison me fait vraiment plaisir, c'est ce qu'elle est pour moi aussi. Sur un ton faussement outré, je reprend la parole.
"Je t'en prie, Preeti... Toi, une petite humaine normale ? Déjà, jamais tu ne peut être dans la norme, tu es trop divine pour cela. Laisse l'analyse sacrée aux professionnels." sur un ton beaucoup plus concerné, je reprend. "C'est peut-être ton imagination, mais personnellement, je prend cela très au sérieux."
Après mon ultime question, j'essaye de lire en Preeti. J'y lis de l'hésitation, de la nervosité, peut être de l'excitation. Malgré tout, sa réponse me fait un peu rire.
"Si je le veux ? Je ne sais pas ... Voyons, j'ai le choix entre rentrer chez moi dans ma petite chambre et faire le ménage à fond ou m'assurer que tu rentres à bon port en te proposant soit de venir avec moi, soit 'emprunter' la voiture de Sheitan et t'escorter comme un gentleman... J'hésite, laisse moi réfléchir ..."
Je prend une autre fourchette de mon repas et mâche lentement, l'air pénétré.
"... Ou alors, je viens dormir sur ton canapé, comme la première fois ?" je dis en souriant innocemment.
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Lorsqu'il dit qu'il est fier, je ne peux m'empêcher d'être émue. Cependant...
"Tout n'est pas gagné encore. Tu es toujours prêtre d'un religion différente, et surtout, le remariage est très mal vu en Inde. Il faudra faire face. Il faut aussi qu'on voit toutes les coutumes. Le mariage est un moment très codé. Et puis..."
Je prend un moment pour recentrer mes pensées.
" Avant toute chose... il faut qu'on y aille... Mais je ne sais pas si un voyage en Inde se concilie avec ton travail, et puis... il faut que tu sois sûr. Avec cette dispute... M'aimes-tu encore assez pour vouloir faire toutes ces étapes?"
Son ton outré me fais rire, et encore plus son auto-proclamation de détecteur du divin. Mais il devient plus serieux, et je réfléchis encore.
"Si j'étais...quelque chose de ce genre, je le saurais non? Tu l'as remarqué à partir de quand Sheitan?"
Ses propositions m'amusent, mais je fait un air faussement sérieux et lui rétorque:
"Je crois me souvenir dans une ancienne conversation que tu ne savais pas conduire... Et je suis grande, je sais rentrer chez moi seule...cela dit, je crois... que mon canapé te manque. Alors si tu veux y redormir, ça lui ferait vraiment plaisir."
J'intègre ces nouvelles données. Il ne s'agit que de règles, ni plus ni moins. A part pour le remariage. Je ne veux pas que Preeti ait des soucis avec ses parents ou ses proches à cause de ça.
Je me fige d'un coup. Preeti parle du voyage en Inde et je pense à nos billets d'avion qui sont restés cachés dans ma bible. J'aimerai tellement la rassurer, courir les chercher, revenir en moins d'une seconde, me mettre à genoux auprès d'elle, lui déclarer mon amour devant tout le monde, lui demander de m'épouser ... Non ... Il faut que je me calme immédiatement, la surprise serait totalement gâchée. Je prend un air concerné et dit simplement :
"Je verrai ce que je peux faire."
Il me semble que les entités sont toujours les dernières au courant de ce qu'elles sont. En tout cas, pour moi et pour beaucoup que je connais, ça a été le cas.
"Je l'ai su récemment, il y a quelques mois à peine. Et encore, je l'ai su à la base parce qu'on me l'a dit. Mais ses murmures ont commencés quelques semaines après mon accident, mais je pouvais facilement passer outre. Peut-être que c'est plus ou moins long selon les personnes, ou les entités."
Par la suite, Preeti s'amuse de ma réponse et répond sur le même ton. Je souris et prend un air très sérieux et concentré.
"Si tu te souviens de nos conversations, alors tu te rappelles que Sheitan et moi partageons tout à présent, nous ne pouvons rien nous cacher. D'ailleurs, il fait très bien le prêtre quand il doit le faire, connaît les sermons, les choses à dire, l'histoire de notre religion... Vois-tu où je veux en venir ?"
