My fingers claw your skin, try to tear my way in. You are the moon that breaks the night for which I have to howl
La traque se poursuivait depuis maintenant des lunes et des lunes. Mahishasura avait envoyé ses armées dans le monde, et après des mois de combat, il ne manquait plus que lui.
Ce pourceau avait même poussé le vice en la targuant de m'épouser. Un affront qui ne pouvait être réglé par le sang. Trop des miens avaient péris dans le monde des Dieux, et l'équilibre des mondes était menacé par ce démon indestructible pour la Trinité.
Damon avait suivi sa trace jusqu'au Mysore, l'ouest extrême de l'Inde, puis des contrées bien plus lointaines et inconnues des hindous. Le plateau terrestre était plus grand que ne le pensais la majorité des humains, et je parcourais les forêts, les montagnes et les terres agricoles, poursuivant la trace du Mal.
Finalement, c'est dans une clairière eurasienne que je le trouvais: des cornes, des pattes à sabots, il avait l'air tranquille, endormi sous un chêne liège. Je le trouvais plus mince, les traits plus fins et surement plus beau, mais qu'importe: il n'échapperait plus à la colère des Dieux.
Damon se jette sur lui, réveillant la bête. Mais au lieu d'une colère démoniaque, un sursaut et de la peur. Je m'approche, et, intriguée par tout ces détails qui ne collent pas, interroge:
Mes avant-bras en sont recouverts et il commence à teindre l'herbe d'un pourpre royal. Le soleil n'est pas encore levé mais je transpire abondamment dans mon entreprise. Mes muscles me font atrocement mal. Cela fait trop longtemps que ça dure et les cris de souffrance affolés n'aident absolument pas.
Je ne comprend pas ce qui se passe. Je passe une main sur mon front pour en retirer la sueur mais y laisse une traînée rouge à la place.
Alors que ma main sent enfin une dureté familière, je sais que ce ne sera plus très long. J'espère que la mort ne viendra pas frapper par ici, par pitié ! Finalement, dans un dernier effort, je tire délicatement et le voilà qui arrive. Le second agneau qui a eu tant de mal à voir le jour. Je souris alors qu'il se met déjà à bêler d'indignation.
Des ovins jumeaux ... Évidement, c'est le chèvre-pied albinos qui s'y colle.
Je soupire avant de me diriger dans la rivière pour me laver pendant que la brebis s'occupe de sa progéniture toute neuve.
Après un sabot dans l'eau, puis l'autre, je frisonne sous la caresse délicate de l'onde. La fourrure semble danser en ondulant dans le faible courant. Je n'ai pas le temps d'aller plus loin que quelque chose semble affoler le troupeau. Je sors immédiatement et me saisit de mon arc. La brebis essaye péniblement de se lever mais ne parviens pas à se mettre à couvert.
C'est une bien étrange bestiole qui arrive dans la clairière et qui la traverse de part en part sans même m'adresser un regard. On aurait dit un genre de minotaure mais je n'ai absolument pas le temps de l'étudier que le voilà déjà partit. Après un moment, je décide qu'il n'y a plus de danger et retourne à ma toilette.
Je lève les yeux au ciel ... Les Dieux ...
Finalement, je suis assez surpris de la quantité de sang qui se dégage de ma fourrure et vient teindre l'eau de nuages rouges. Une fois mes bras redevenus blancs, je rejoins mes ovins dans la clairière avant de piquer un somme bien mérité. Cette nuit, je devrais monter la garde, autant que je me repose.
Il y a un bruit feutré dans l'herbe, je tend l'oreille et je n'entends plus mon troupeau aux alentours. Je n'ai absolument pas le temps de réagir ou de me poser des questions que mon souffle est coupé par une énorme patte griffue. J'ouvre les yeux sur une énorme bête qui m'est inconnue. Il est trop tard pour feindre la mort, ce chat a vu que je suis une proie potentielle.
Voilà ma dernière heure arrivée. Thanatos doit être déçu de ne pas avoir pu prendre la vie de cette mère brebis et vient prendre la mienne en échange.
Une voix arrive à côté du minou.
"Qui es-tu, créature à cornes et à sabots?"
Pardon ?
Elle se tient là, devant moi. Il s'agit probablement d'une femme mais je ne parviens pas à déterminer de ce dont il s'agit. Clairement pas humaine, définitivement pas une nymphe, mais une copine du gros chat ? Sans doute. Je me redresse comme je peux.
"Salut chère envoyée des enfers. Si mon heure est arrivée, je suis ravi que tu en sois la messagère ... Mensis, pour te servir."
My fingers claw your skin, try to tear my way in. You are the moon that breaks the night for which I have to howl
Déception: un grec, sans nul doute vu ses notions d'enfer et le prénom.
Un regard entendu avec Damon fait libérer le pauvre dommage collatéral de notre chasse, et le tigre noir disparait rapidement dans la nature.
"Excuse notre méprise, Mensis. Je suis Durga, Déesse de la guerre. Nous cherchons un démon qui sévit dans le monde des Hommes et des Dieux en ce moment. Des cornes un peu arquées comme les tiennes, des sabots, qui fuit, se cache ou pille les environs. Tu as des idées d'endroits où je peux trouver cela?"
Je l'aide à se redresser d'une poignée de main solide, puis inspecte le coin. L'endroit est désert, et la présence de sang sur les mains de la créature me fait encore me méfier.
"Que faisais-tu ici, seul? Tu es blessé, ou c'est le sang d'un autre?"
Les démons pouvaient se révéler plus rusé qu'il n'y paraît, et la méfiance était de mise quand on croisait un être leur ressemblant.
Pourtant, si s'en est un, il a des yeux bien doux pour un être du mal...
Voilà la délicieuse femme qui s'explique. Une Déesse alors ? Cela me confirme que j'ai eu de la chance qu'elle ne me tue pas sur le champ, ou pire encore, qu'elle m'ait seulement regardé. Mais son explication vient vite et je comprend, elle m'a pris pour son ennemi et me demande à présent mon témoignage.
J'allais lui dire que les affaires des dieux n'étaient pas les miennes. Très franchement, je préfèrerai nettement rester en dehors, mais sa main délicate et ferme m'est tendue. Je souris et accepte son aide pour me relever. Sa peau dorée contre ma main rustre me fait presque frisonner. Elle regarde sa main et y voit du sang séché.
"Je pensais avoir tout nettoyer... Je suis seul ici, je m'occupe des moutons. C'est le sang d'une brebis qui a mis bas ce matin."
Même si je me doute que la naissance d'un animal soit nettement en dessous de ses préoccupations, je préfère être honnête sur mes intentions.
Que faire à présent ? Je n'ai pas d'autres choix que de l'envoyer sur la piste de son gibier.
"Je n'ai pas vu de ressemblances frappantes entre lui et moi. Cependant oui, il y a bien quelqu'un qui est passé ce matin et il correspond à ta description. Il puait la peur et l'oviné."
Je me redresse de toute ma hauteur face à la déesse. J'ai l'habitude de ce genre de comportement, arriver ainsi en terrain conquis, ne pas faire attention à la faune locale, considérer que les traiter en sous-être est parfaitement normal.
Mais toi, ma jolie Durga, tu es différente. Tu es jeune et fougueuse, tu t'adresses à moi presque comme à un égal ... Presque. Je souris.
"Son odeur est tellement répandue et étrangère que je pourrais te guider jusqu'à lui sans problème. Seulement je ne veux pas me mettre au service de la mauvaise personne..."
Après tout, lui n'avait fait que passer sans avoir besoin de m'imposer sa supériorité en m'écrasant sous un fauve féroce. Et me mêler à leurs affaires, je ne vois pas ce que j'y gagnerai.
My fingers claw your skin, try to tear my way in. You are the moon that breaks the night for which I have to howl
Le visage de l'être qui me fait face a une moue dubitative, comme s'il réfléchissait à ma question, et l'hésitation commence à me faire bouillir mais je tend la main, comme une façon de le rassurer sur mes intention, le faire parler plus facilement.
Mon geste lui donne un sourire particulier qui me colle un frisson aux vertèbres. Qu'est ce que?
Un instant décontenancée, je reprend vite mes esprits: Quoi qu'était ce frisson, mon démon attend. Les traces de sang collées à ma main me laisse dubitative quelques secondes, mais j'entends bientôt les bêlements un peu plus loin et me rassure: le demi homme n'a pas l'air de mentir.
"Un berger sage-homme donc. Pardonnez mon ignorance, mais qu'êtes vous? Je me suis présentée entièrement, et vous non."
S'il n'a finalement pas les traits d'un démon, sa nature me laisse perplexe. Des cornes et des sabots, de la toison, mais des mains, un visage et... Mes yeux remontent vers les siens pour éviter ce que je crois avoir vu.
La peur et l'oviné? Possible que ce soit mon démon, bien que j'aurais pensé qu'il ne soit pas si trouillard. Ne pouvant m'en empêcher, je remet une mêche de ses cheveux dans sa toison et souris:
"Merci, Mensis le berger. Quand j'en aurais finis avec cette bête, je repasserais surement, et te récompenserais de ta gentillesse à mon égard."
Mais sa proposition me surprend tout à fait. M'accompagner?
"Je pense que Damon se chargera de l'odeur... Et je ne veux pas t'éloigner du troupeau qui compte sur toi. D'autant plus que l'individu est dangereux, surtout pour les hommes. Je ne prendrais pas le risque de te mettre en première ligne. Cependant, merci pour ta proposition..."
au service de la mauvaise personne? Le challenge me fait sourire, et j'ouvre quatre de mes bras et demande, taquine:
"Que veux-tu dire par mauvaise personne? Je t'ai dis mon nom, t'ai remercié. J'aurais pu être pire avec toi, comme le sont beaucoup d'autres Dieux, ou créatures de ce monde ou d'un autre. Je t'ai traité en égal. Et si cela est soldé par un air hautain, alors soit. Je n'attend rien de plus de ta part. Retourne à ta vie, Mensis, et deviens plus modeste."
Sans aucun doute que Kali l'aurait dépecé de cet affront, mais elle était là, bien prisonnière de ma maîtrise de moi-même. Pas question que les choses ne s'envenime avec un berger. J'avais d'autres démon à chasser.
Ce que je suis ? Voilà bien une étrange question, je ne suis personne moi. Juste une créature rustre. Devant l'évident intérêt presque agacé, je répond, presque flatté.
"Ici, je suis ce qu'on appelle un Chèvre-Pied, un Satyre. Je vis dans la nature loin des dieux et des hommes... Et rassure-toi, je ne suis pas une bien grande menace."
Son geste me surprend et sa main qui frôle mes cheveux me fait presque perdre pied. Si j'avais eu une éducation, j'aurais sans doute passé outre ce contact aussi doux qu'inhabituel.
Mais ce n'est pas mon genre et je porte ma propre main contre la sienne juste pour prolonger un peu ce derme qui joue de mes mèches et se joue de moi. Si seulement je n'étais pas aussi faible, j'aurais sans doute pu craindre ce petit jeu auquel elle semble s'adonner avec plaisir.
Me récompenser ? Pour lui avoir indiquer le chemin ? Quelle drôle d'idée... Je souris franchement à cette promesse.
"Damon ? Le gros chat qui m'a sauté dessus ? S'il peut me confondre avec ton ennemi, je doute qu'il s'y retrouve ici." Sa considération me touche. Normalement, les dieux se fichent pas mal de ce qui peut advenir de nous autres mortels. "Mais c'est comme tu veux"
J'aurais du mourir aujourd'hui sous les griffes de cette bestiole rayée. Mourir pour elle me donne un sentiment assez étrange à moi qui ait toujours été libre et indépendant. Voilà que je commence à penser comme le dernier des sbires.
Mes yeux s'agrandissent alors que je comprend que, malgré tout, j'ai réussi à vexer une déesse. Je vois bien qu'elle est jeune mais de là à prendre une présentation comme signe de bonne volonté est révélateur. Les dieux mentent et sont trompeurs, les créatures aussi, et avoir bien faillit me vider de mon sang ici sous sa main ne peut pas être rattrapé par une présentation formelle. Enfin à mon sens.
Mais ce ton si méprisant qui tranche si farouchement avec la promesse de récompense me surprend, et, quelque part, me blesse.
"Je pense qu'il n'y a pas plus modeste que moi en cet instant, chère Déesse. Jamais je ne rivaliserai en quoi que ce soit avec toi. Dis moi de quoi tu as besoin pour ton entreprise et je te prouverai ma bonne foi."
Et comme le dernier des imbéciles, je m’incline devant elle. Les dieux de son monde sont décidément bien plus intéressant que les nôtres.
My fingers claw your skin, try to tear my way in. You are the moon that breaks the night for which I have to howl
Un satyre. J'enregistre l'information, mais garde mes doutes sur le potentiel danger que cet être ne venant pas de mon monde puisse avoir. On ne sais jamais.
"Satyre... Merci pour t'être présenté en entier cette fois, j'apprécie."
Mon petit geste se termine quand sa main s’agrippe à la mienne, provoquant une réaction épidermique sur mes bras. Est ce de la colère, de la répulsion? Où est ce autre chose que je ne reconnais pas?
Intriguée par la réaction en chaine de mon geste si futile, je le questionne des yeux bien avant que la phrase ne passe mes lèvres.
"Pourquoi gardes-tu ma main?"
j'en laisse apparaître deux de plus, au cas où que ce soit offensif, mais la douceur dans ses yeux et dans son geste me destabilise totalement.
Je fronce les sourcils devant le mot utilisé pour Damon.
"Le " gros chat " t'aurais certainement dépecé pour l'avoir nominé ainsi. Il est très bon chasseur, et s'il a fait l'erreur, je suis à peu près certaine que c'est le sang que tu as encore sur les mains et l'odeur que tu porte sur toi qui l'a trompé. Après tout, tu as senti l'ovidé toi- même."
Le satyre finalement s'incline, mais je n'en dit rien. Puisqu'il se pensait modeste, mais se permettais de douter de moi, alors soit.
"Tu m'as rendu un service, et je te remercie encore. Mais si tu penses que je suis ton ennemie, alors soit. Je pars de toute façon."
La piste est encore fraîche, mais pas pour longtemps, et je n'ai plus le temps de converser.
Sans un regard en arrière, je m'enfonce entre les bois serrés.
Ce n'est que la nuit tombante que je reviens. Les traces des moutons sont froides, et aucun bruit ne me permet de retrouver le bélier. Je murmure pour moi même:
"Tant pis. Mensis, tu ne m'avais pas menti. Je te laisse ici ta récompense..."
Dans la rivière toute proche où le satyre avait lavé le sang, j'y laisse un de mes lotus immortels, et sous l'arbre où je l'ai rencontré, y dépose un paquet contenant la cloche d'Airavata, et lui inscrit un message.
Mensis, Tu étais parti quand je suis revenu, alors je te laisse ce que je t'ai promis. Utilise la, et Damon entendra que tu nous appelle. Quand je te verrais, tu pourras me demander ce que tu désires. Ne sois pas trop gourmand dans ta demande. D.
Une présentation en entier ? Le terme Satyre va réellement lui apporter autant que ça ? Peu m'importe en réalité, si cela peut faire plaisir à la Déesse, je n'en demande pas mieux. J'espère simplement qu'elle ne va pas se renseigner outre mesure parce que nous avons une terriblement mauvaise réputation parmi la famille divine.
"Parce que j'en aime le contact, simplement."
Souhaite-t-elle me faire subir milles tourments pour cela ? Soit. Cela en vaut le coup. Je soupire de bonheur avant de finalement la lâcher. Je sais que cette sensation d'allégresse ne me quittera pas de sitôt. Juste le bout de ses doigts peut me faire atteindre une telle exultation, j'envie toutes les divinités de son panthéon qui ont le droit de l'approcher.
Finalement, à regret, je laisse cette main partir presque facilement, comme un petit secret connu de moi seul que je me passerai en tête encore et encore jusqu'à ce que j'en ai moi-même des doutes.
Naturellement, les menaces reviennent bien trop tôt à mon goût. Je soupire, s'il m'a sauté dessus, c'est simplement parce qu'il est naturel d'avoir envie d’exterminer ce qu'on ne connais pas.
"Alors je suis désolé de sa méprise. Je m'étais pourtant lavé entre-temps. De plus, l'odeur des moutons et celle de ton dieu-taureau est passablement différente."
Mais je me doute qu'ici, tout doit se ressembler. Pour un félin divin, une proie reste une proie et c'est ce qu'on lui a demandé de chasser.
"Encore une fois, Déesse, je ne suis l'ennemi de personne, et surtout pas de toi."
Bien trop rapidement, la Déesse s'en va sans demander son reste. Il est dommage de considérer qu'il est plus urgent d'exterminer alors qu'on pourrait simplement se lier. Décidément, je ne comprendrai jamais les dieux, et eux ne comprendront certainement pas le désir de neutralité des simples mortels tels que nous.
***
Ce n'est que le lendemain que j'ai trouvé ce petit paquet. Naturellement, je n'avais pas attendu son retour pour mettre mon troupeau à l'abri cette nuit et je le regrette amèrement. J'aurais bien aimé la revoir une dernière fois.
J'ouvre et me retiens à temps de faire sonner la clochette. D'elle, je n'avais envie que d'une chose, une seule, et le ton du message me laisse imaginer qu'elle peut se douter de mon attrait pour les choses charnelles. Seulement, je n'aime pas du tout l'idée de l'obtenir en le lui réclamant. J'aimerai que ce soit sincère, consenti, et pour ça, je sais très bien ce que je devrai faire...
Après avoir attrapé mon arc et ma récompense, je me dis qu'une petite partie de chasse ne me ferait pas de mal.
***
Le dieu Indien, avec son odeur caractéristique de vache et de marais n'a pas été spécialement dur à trouvé. Effectivement, il s'était attaqué à un village d'hommes, les terrorisants sur son passage. Est-ce que j'avais la moindre chance contre lui ? Naturellement que non, je n'ai aucune illusion sur l'issue du combat à venir ! Mais ce n'est pas ainsi que je chasse pour ma part...
Prenant la pointe d'une de mes flèches, je m'entaille les mains et commence à grimper la montagne jusqu'à une caverne, y laissant un chemin de sang. Ça et là, je laisse aussi traîner quelques pétales de lotus, une odeur de chez lui qu'il ne pourra absolument pas ignorer. L'endroit est escarpé et tout dieu qu'il est, il sera sans doute épuisé en venant ici.
Pour ma part, je m'allonge au fond de la grotte. Alors, cher ami dieu, est-ce que ta stupidité de mâle sera finalement mon salut ? Je n'en doute pas, mais je t'en prie, viens vite, il ne me reste plus beaucoup de temps.
Son souffle caractéristique me réveille. Ses pas sont incroyablement lourds, comme dans mon souvenir, il est immense. Il se baisse et me voit au fond de ma grotte, je le salue comme un vieil ami. Il comprend qu'il ne pourra pas rentrer et commence à déblayer l'entrée du chemin pour venir me chercher.
Pour ma part, je brandis mon présent et fait teinter doucement la cloche...
My fingers claw your skin, try to tear my way in. You are the moon that breaks the night for which I have to howl
Il en a juste envie? Je suis totalement perdue mentalement, cette réponse est si ... en dehors de mon monde.
Je sais que je dois écourter le geste, mais je reste figée, tournant la mèche dans mes doigts hésitants, tétanisée par un mortel des plus simples.
Quelle faiblesse, déesse!
Finalement, c'est lui qui rompt le contact en ôtant sa main, et je fais de même doucement, toujours en semie- conscience.
Pourquoi tout à l'air confus à présent?
Un dieu taureau? Je grogne entre mes dents:
"Ce n'est pas un dieu, il n'en a rien. L'un des nôtres a seulement fait l'erreur de lui avoir donné trop de pouvoir. Et on m'a créé pour rectifier cette erreur. "
Et seulement pour ça. Dûrga, déesse de Guerre. D'une seule guerre. Une déesse guerrière jetable, en quelque sorte.
Je sors de mes idées noires: qu'importe ce qu'il advient de moi ensuite, je sauverais encore le monde des Dieux et des Hommes d'une façon ou d'une autre. L'univers avait besoin de gardiens, et j'en étais un. Je ferais ce qu'on m'a destiné.
La journée de traque se poursuit, mais cette fois le démon a ralentit: à priori l'endroit lui plaît, et il cherche à nous semer en faisant des pelotes de traces, repassant plusieurs fois au mêmes endroits, détruisant des villages très proches, trop proches...
Damon est en rage de s'être trompé, et je devrais l'être aussi si je n'étais pas autant perturbé par la mèche tenue plus tôt. J'en arrive même à passer mes doigts délicatement contre mes narines pour me rappeler l'odeur de la créature, puis me rabroue immédiatement.
Mon tigre finit pas s'en apercevoir, et s'arrête, perplexe.
-Que se passe-t-il, Déesse? Quelque chose te perturbe, je le vois.
Je braque mon regard dans le sien, puis après une dizaine de seconde abandonne en soupirant:
"Damon... Tu me connais trop bien. Je suis troublée... Par l'être que nous avons vu. Il avait l'air d'un démon de loin, mais de près, j'ai vu ses yeux, senti sa toison... Et je n'arrive plus à m'en détacher l'esprit. Est-ce un sort qui m'est inconnu? Les satyres sont-ils des créatures magique capable de capturer les pensées d'autrui? Après tout, je suis une jeune déesse, je ne connais rien de ce monde, où des créature qui y vivent..."
Et je reconnaît à peine les démons. Quelle honte.
L'animal divin me regarde plus intensément, puis se met à rire, d'abord discrètement, puis plus fort jusqu'à exploser de rire devant moi.
Vexée et dans l'incompréhension, je lui crie:
"Mais qu'est ce qui te prend, tout d'un coup? C'est sérieux, et tu te ris de moi?"
Les larmes lui coulent des yeux comme des cascades, et morte de honte cette fois, je me remet en chemin. Si cet imbécile ne peux s'arrêter de se jouer de moi, qu'il aille se faire voir! On a encore du travail, et le démon prend de l'avance.
Damon me rattrape facilement et, encore essoufflé d'avoir trop ris, reprend:
-Chère Déesse, je ne voulait pas vous froisser mais... Sérieusement, vous ressentez ce genre de choses? Et encore plus, sur cet...animal? Enfin...
Je me retourne et lui hurle de rage:
"Il n'a rien d'un animal, Damon! Il s'appelle Mensis, c'est un satyre, et je ne te permet pas de le qualifier d'animal, est ce clair?!"
Ma fureur lui font ouvrir les yeux de stupeur, puis son incrédulité rencontre mon esprit:
-Alors c'est vraiment en train d'arriver... Par tous les dieux, si j'avais cru un jour que...
Je le coupe, ne voulant finalement pas en savoir plus:
-Je suis fatiguée. Arrêtons nous ici. Nous ne sommes pas loin de la rivière, je vais me rafraîchir. Va chasser de quoi manger. Je ne veux plus en entendre parler, c'est clair?
Le tigre noir acquiesce, puis disparaît comme le soleil de fin de soirée. Faîtes qu'il ne soit pas parti...
Mais le Karma n'a pas fait les choses ainsi, et je retourne au bivouac un peu déçu et beaucoup troublée. Mon compagnon me fixe mais ne dit rien, déposant un cerf malchanceux.
Ce n'est que le lendemain lorsque nous suivons reprendre la piste maintenant longiligne et tournée vers un mont qu'il reprend la parole.
-Déesse. Ce que tu as ressenti hier...
Je suis prête à lui dire que la discussion est close lorsque sa face change. Son regard se tourne vers un point au loin, et il murmure:
-Qu'as-tu fais de la cloche, Dûrga?
Je me raidis et regarde la direction où son regard s'est tourné avant de rater un battement.
Par tous les Dieux, ne me dites pas...
J'enfourche le fauve sans hésiter et ordonne intérieurement en brandissant une lance d'un de mes bras, tandis que les autres s'arment rapidement:
-Damon, conduis moi à la cloche aussi vite que tu le peux.
Quel imbécile. Je n'aurais jamais dû lui donner la cloche. Il n'aurai jamais dû faire ça.
Je ricane alors que je le vois essayer de forcer l'entrée.
Moi qui me suis toujours tenu loin des histoires divines de mon propre peuple, voilà que je suis prêt à mourir pour une Déesse qui m'est totalement étrangère.
Je ferme les yeux, ma perte de sang a été importante mais curieusement, je ne me sens pas au bord de l'évanouissement. Je crois même que je serais encore parfaitement conscient quand cet espèce de buffle va m'attraper. Dans ma ma paume, je remarque que ma blessure a fini par arrêter de saigner au contact d'un pétale de lotus que je tenais. En me redressant, j'en applique un autre sur mon autre main et remarque qu'effectivement, son pouvoir de guérison est assez impressionnant.
Voulant à tout prix voir la Déesse avant ma fin prochaine, je m'étend et au moment où je vois un membre, j'envoie un violent coup de sabot. Naturellement, cela n'a que pour effet de l'énerver. Curieusement protégé par mon attaque, je fini par avaler ce qui me reste de lotus pour me donner des forces avant de réitérer ma tentative. J'attends patiemment que le démon passe la tête par l'ouverture avant de lui décocher un nouveau coup dans le mufle. Celui-là a eu l'air de faire plus d'effet, est-ce à cause du lotus ? Toujours est-il que je l'entend grogner et frapper de ses sabots dans une colère assez impressionnante.
Oui, cher ami. Je sens l'odeur de celle qui te cherche, mêlé à du sang, cela doit te rendre totalement fou et j'en suis parfaitement conscient. Ses yeux de fureur ne font que provoquer le rire en moi.
Nous nous regardons, lui enragé, moi hilare.
Finalement, sa main se faufile et arrive finalement à m'attraper. J'avale ma salive, ça va être ma fête.
Mesdames et Messieurs ! Approchez ! D'un côté du ring, nous avons la terreur des terres indiennes, le démon-buffle si puissant qu'il a fallut créer une déesse rien que pour le terrasser. Son adversaire de l'autre côté est un satyre albinos dépourvu de toute forme d'intelligence ou de pouvoirs.
Le match va être serré ! Faites vos jeux !
Finalement, il réussi à m'extirper de mon terrier non sans une certaine violence qui annonce bien ce qui va m'arriver. Du coin de l’œil, derrière lui, je vois une masse sombre qui semble se diriger vers nous.
Thanatos ou Déesse ? Je sais que l'un ne se déplacerait jamais pour moi. Et à cet instant, j'espère que l'autre s'en est donné la peine.
My fingers claw your skin, try to tear my way in. You are the moon that breaks the night for which I have to howl
Le souffle du vent me fouette le visage, et les branches que nous traversons meurtrissent mes bras, mais qu'importe. Seul la peur que l'innocent (aussi stupide soit-il) soit la prochaine victime de notre cible me fait frissonner d'angoisse, et Damon le ressent, redoublant toujours plus de vitesse.
Le démon, auparavant oisif et farceur, s'était dirigé finalement droit vers cette montagne, comme happé par elle, appelé par un objectif que je pressens et qui ne me plaît pas.
Et finalement, mon intuition est juste. L'odeur est perceptible depuis des centaine de mètre à la ronde, un parfum ferreux mélangée à une senteur orientale qui me fait culpabiliser. Tout semble être mis en scène volontairement: le sang, la fleur, la cloche... Oh, Berger, ne pouvais-tu pas te tenir tranquille?
Vu la quantité de sang, il a du faire un joli chemin, montrant que la blessure est minime. Si Mensis c'était retrouvé devant le démon, il aurait perdu plus de sang (et la vie), bien plus rapidement. L'idée qu'il ait fait cette entaille pour que le démon la suive me fait enrager.
Le chemin s'éclaircit, la végétation devient plus rare, et le sol d'humus devient rocheux et sec. Je m'accroche à Damon tandis que ses pattes puissantes montent courageusement la pente.
Bientôt, nous entendons un bruit qui réveille encore plus ma colère: un mugissement de victoire gronde sur la montagne. Damon redouble d'effort et le spectacle s'étale devant nos yeux:
La satyre blanc et couvert de sang, et je n'arrive pas à savoir si ce n'est que du sang séché de son entaille volontaire, ou si la boucherie a commencé. Le démon-buffle le tiens fermement, ayant pris sa taille de démon de notre monde.
Je descends de mon tigre en le remerciant d'une caresse rapide, et, ne perdant pas de temps, prend ma taille de déesse. Le démon est quand même plus grand que moi, mais qu'importe. Je m'élance vers mon ennemie avec un cri de rage qui le fait se retourner, enlevant son sourire satisfait pour un sourire de défi.
Il jette son jouet contre la roche pour me faire face, et je crie mentalement:
-Damon! va le chercher et met le en lieu sur. Essaye de faire en sorte qu'il ne meure pas de ses blessures.
Le tigre s’exécute sans hésiter: il sait que dans cette situation, je n'aurais pas supporté une insubordination.
Le démon, débarrassé de l'appât qui l'a tant amusé, s'adresse à moi d'une voix graveleuse:
"Déesse Dûrga, on ne vous attendais plus! Vous n'êtes pas très bonne pour un cache cache, mais vous êtes très bonne tout de même! Vous êtes venu pour accepter ma demande, n'est ce pas? Ces déesses, elles adorent quand on les demande en mariage, ça les excite."
Je fulmine, mais n'en montre rien, et regarde Damon finalement s'éloigner avec son nouveau chargement, avant d'ouvrir mes bras armés.
"Je viens pour une autre banalité, Mahisha. Je n'épouserais qu'une personne capable de me vaincre, et tu n'en est pas capable."
Son rire dégoutant retenti avant qu'il ne s'élance vers moi avec la rapidité qu'il peut sur les pentes de la montagne. Je m'élance à mon tour, prenant de la vitesse en sachant le choc que cela formerai. L'impact provoque un bruit comme le tonnerre lorsque mon sabre atteint le sien . Les coups se rendent inlassablement, et je pare facilement avec toutes mes armes, coordonnant mes bras que je dédouble, et finis par ouvrir une entaille sur le démon. Le sang en gicle, et sa stupeur me donne l'avantage.
Ma lance atteint les côtes, et je m'y agrippe, prenant d'assaut le monstre, et après l'avoir piqué plusieurs fois, fini par lui transpercer le cœur avec le trident de Shiva.
Tandis que la mort s'installe dans le corps du démon détruit, Kali s'éveille, s'agite. Résignée, je la laisse à sa pulsion avant de la recontrôler au fond de moi.
La dépouille est maintenant méconnaissable, des entrailles formant un réseau d'araignée contre la paroi de la grotte défoncée, et la peau et étalé en tapis d'entrée. la tête est exposé au dessus, les yeux excavé dans une expression lugubre.
Une œuvre d'art pour Kali, une dégénérescence pour le reste de l'univers. Je suis couverte de sang, et j'imagine que le cannibalisme latent de la déesse que je tiens enfermée a dû être assouvi, et je tente de contrôler les spasmes de dégoût que mon ventre provoque. Ne pas penser à ce qu'elle fait. Il faut la laisser se défouler pour mieux la contrôler. Tu n'y es pour rien.
Pour ne pas laisser le corps à la vue de tous, j'entasse tous au fond de la grotte, que je fais effondrer ensuite. La cloche y était, avec l'odeur entêtante du sang ovin et de la fleur indienne. Mes remords reviennent, et je me dépêche de descendre, espérant que l'appât de tout ça n'en est pas mort. que je puisse l'étriper moi-même.
Le coup me coupe le souffle mais l'arrivée de la Déesse ne me donne plus du tout envie de mourir. Elle se dirige d'un pas sur vers le titan et le gros chat vient directement ... Vers moi. Je déglutis, me protège comme je peux. Tout ça pour finir comme amuse-gueule dans le ventre de son animal de compagnie ?
Finalement, la bête n'a pas l'air hostile et me pousse doucement hors de portée de combat. Avant d'être totalement hors de portée de vue, j'entends ses conditions sur le mariage :
"Je n'épouserai qu'une personne capable de me vaincre"
Message reçu ma belle. Mais une fois vaincue, je doute qu'après avoir perdue ta fougue et ton côté indomptable, tu ne sois encore véritablement toi. Cependant, il y a plusieurs manière de "vaincre" quelqu'un : un jeu par exemple. Sans doute que cela n'a aucune importance mais je sais que les paroles des Dieux font office de prophéties assez intransigeantes et celle-ci m'intéresse tout particulièrement.
L'affrontement échappe à mes yeux alors que le gros matou m'entraîne encore plus loin. Je lui demande s'il est possible que nous allions jusqu'au lac afin que je puisse me laver de mes blessures. Finalement, seul le bruit nous parviens, puis plus rien. La placidité du chat me fait dire que tout est en train d'absolument bien se passer. Arrivé sur la berge, je me lave et bois avec délectation, comme s'il s'agissait de la toute première fois...
Ou de la toute dernière.
***
"... Bien sur que non ! Mais si tu veux te débarrasser d'un prédateur, la force brute ne suffit pas. L'agilité compte beaucoup, et compter sur sa stupidité, ça marche aussi pas mal."
Le fauve rugit et je ris de sa fierté blessée.
"Non mais toi, tu es différent. Je n'ai aucune chance contre toi !"
Sauf peut-être contre le sacrifice d'une de mes bêtes dont la panse serait remplie de poison mortel pour son prédateur venu simplement se repaitre. Les prédateurs sont fort et sont fiers, c'est paradoxalement leur principale faiblesse. Malgré cette pensée, le fauve s’apaise, ravi du compliment qui galvanise sa fierté, et sa faiblesse par la même occasion.
Étrangement, Damon s'éloigne un peu et se poste en hauteur, comme pour profiter d'un spectacle dont je serais moi-même l'acteur. Je me tourne et voir Durga se diriger vers moi.
Un frisson d'excitation me parcourt alors que je remarque à quel point elle est furieuse. En me dirigeant droit vers elle, j'écarte les bras, en signe de reconnaissance et n'en attend pas plus pour lancer.
"Tu m'as sauvé la vie ! Divine héroïne ! C'est à présent à moi de te remercier comme il se doit avec les modestes moyens dont je dispose."
S'il y a bien une seule chose dont je suis fier de la culture grecque, c'est bel et bien celle-ci, et je compte bien en faire profiter la Déesse indienne qui n'a très certainement jamais goûté à cela. Quand elle se trouve finalement à ma portée, je ferme mes bras autour de son corps et saisit tendrement son visage pour porter mes lèvres sur les siennes. Quand le contact se fait, je ressens un frisson parcourir la totalité de toutes les parcelles de ma peau. La promesse que sa main avait faite dans mes cheveux n'a aucune comparaison avec ce que je ressens actuellement.
J'ai survécu pour devoir mourir de sa main ici et maintenant : je suis la plus comblée de toutes les créatures mortelle de ce monde... A moins qu'elle n'apprécie elle aussi cette caresse de nos lèvres. Vive le choc des cultures... ou pas.
My fingers claw your skin, try to tear my way in. You are the moon that breaks the night for which I have to howl
Je suis épuisée, et ce n'est que lorsque j'atteins la clairière que je ressent tous le poid de ma fatigue. Damon est sagement installé sur un coin en hauteur, gardien veillant sur l'homme confié qui n'a pas l'air si mal en point.
Je me dirige sur l'eau salvatrice, mais le satyre interrompt ma marche en blablatant des grands mots que les humains aiment dire. ça m'exaspère, mais ses bras qui m'empêche carrément d'arriver à l'eau ne fond que renforcer ma colère contre lui.
Le baiser est la goutte d'eau qui fait déborder le vase.
Un de mes poings s'enfonce sur sa paumette, et je lui hurle:
"ça ne va pas la tête?! D'abord, tu prend mon cadeau pour te mettre en danger, volontairement, pour finalement m'embrasser? C'était ça ton plan?"
Je m'extirpe de l'étreinte et va à la rivière. Je ne sais plus quoi penser de la créature à qui j'ai offert la cloche sacrée.
Je me laisse aller dans l'eau, le sari rougit de sang déteint dans la rivière si calme par rapport à ma colère...
Je suis blessé autant dans mon corps que dans mon orgueil. Je ne sais pas si je m'attendais à cette réaction, néanmoins, je pensais qu'elle serait ravie ou au moins soulagée d'avoir pu atteindre et vaincre son démon. Alors oui, je ne m'attendais pas non plus à de la reconnaissance, cependan. Je l'ai visiblement mise dans une colère noire et ma caresse n'a eu aucun effet sur elle à mon grand déplaisir. La situation ne m'amuse plus et je décide que j'ai suffisamment abuser d'elle comme ça.
"Je n'ai pas de plan. Je voulais juste te rendre service."
Mais la belle n'écoute pas, se débat et s'éloigne sans un regard pour moi. Soit, j'ai bien compris où est ma place désormais. Ce peu de considération me désarçonne et me prive de mon envie de badiner.
"Alors adieu Déesse, je vais rentrer chez moi. Ce fut un réel plaisir."
Et je m'en retourne vite dans ma forêt, du moins, aussi rapidement que mon corps meurtri me le permet. Je n'ai pas envie de les voir se repaître d'un repas fait de chair animale que le gros chat aurait chassé, je ne veux plus voir ses yeux en colère sur moi, mais par dessus tout, je ne veux pas qu'elle me voit dans cet état de confusion et de vulnérabilité qui ne me ressemble pas...
J'ai eu ce que je voulais, non ? Alors pourquoi en porter une telle blessure au cœur ? Aurais-je préféré mourir ? Je n'ose m'avouer que oui.
Finalement, je retrouve enfin mes moutons, ma vie simple et libre. Mes blessures corporelles guériront avec le temps, mais la cicatrice que je porte en moi, j'aimerai la garder pour toujours. Elle me rappelle la souffrance de trop jouer avec le feu, la brûlure que seule une Déesse peut infliger.
Plus loin, en contrebas, je remarque qu'une fleur à éclot à la surface de l'eau. Un lotus, étrangement, a poussé à nouveau.
My fingers claw your skin, try to tear my way in. You are the moon that breaks the night for which I have to howl
-Tu ne mange plus, Dûrga.
Les yeux de Damon me regardent, si sérieux. Je sors de mon état méditatif et me déplie douloureusement.
Devant mon mutisme, Damon rajoute:
-Qu'est ce qu'on fait encore ici, Déesse?
Ma voix engourdie lui répond après un temps, lasse:
"Pourquoi ne serions pas ici? Personne ne nous attend nul part , nous avons fait notre travail. Et ne m'appelle pas déesse. Je suis inutile à ce monde à présent."
Je me lève et tente un pas maladroit. Depuis quand je suis assise et plongée dans mes pensées? Assez pour que Kali soit au bord de l'implosion.
Avant que Damon en dise plus, je lui murmure:
"Je dois faire sortir Kali. Fait ce qu'il te plait dans le monde, mais ne fait aucun mal à celui ci, et si on a besoin de nous, je sonnerais."
Je sens que son regard est encore pointé sur moi quand je descend à la rivière, mais il ne fait que chuchoter à mon attention:
"Soit. Dûrga, ne soit pas dure avec toi-même."
Et sa silhouette de disparaître du cercle solaire qui m'éclaire maintenant pleinement le dos.
Maintenant, il s'agissait de trouver une proie pour la folie de Kali. La tâche était toujours difficile, mais c'était mieux que de la lasser choisir et prendre le risque de décimer un village.
Mais en seule proie potentielle, je trouve un agneau désemparé, bêlant aux abords des flots. Je pourrais le lui laisser, mais mon intuition me dit de le laisser en vie... et de trouver son troupeau.
C'est finalement après quelques minutes de recherche, l'agneau au bras, que je vois pointer les longues cornes blanches de son gardien.
Le temps passe et il ne me reste guère que mon épaule gauche, déformée par l'impact, qui reste une preuve de mon altercation avec le démon d'inde. Mes chers moutons sont tous là, en pleine santé. La nuit de mon retour, ils ont tous dormis entassés autour de moi, manifestant leur joie de me revoir sans doute. Cela ne me dérange pas, j'admets que je ne me voyais pas dormir seul de toutes façon.
Quelque chose me réveille cependant en plein milieu de la nuit. Je me lève péniblement, faisant craquer mes os et mes muscles bien trop sollicités avant d'aller voir. Un des agneau jumeau à disparu et appelle plaintivement. Je soupire et secoue la tête. En me dirigeant vers la source des bêlements, je remarque que ceux-ci se sont arrêtés. Sans plus attendre, je hâte mon pas et me met à courir avant d’apercevoir, sous mes yeux, en contrebas près de la rivière, la déesse avec mon nouveau né dans les bras.
Sur le coup, je ne sais pas quoi penser : est-elle finalement venu se venger ? Mais de quoi ? Avec les dieux, on ne sait jamais sur quel sabot danser. Tout ce que j'espère est que cet agneau reste en dehors de nous comme j'aurais du rester en dehors des affaires des dieux. Je déglutis en voyant que le visage de l'indienne n'affiche aucun sourire, aucune paix.
Mais avant de m'en inquiéter pour moi, cela me pose surtout soucis pour elle. Je tend donc les bras et alors que nous sommes proches, je murmure amicalement.
"Je te remercie de l'avoir retrouvé."
Face à elle, j'énonce un peu plus clairement, les yeux baissés.
"Je te demande pardon si j'ai fais quelque chose qui t'as fait du tord. Je n'essayerai plus de me mêler de tes affaires. C'est vraiment très rare qu'un dieu m'adresse la parole alors j'ai réagis n'importe comment."
... Je voulais juste que tu me regardes un peu plus longtemps.
Le souvenir de notre baiser me revient aussi douloureux qu'agréable. Un frisson me parcourt l'échine et me colle un sourire rêveur sur le visage, juste un délicieux instant, avant que le moment ne se fane.
"Viens, tu as l'air épuisée. Est-ce que tu voudrais manger un peu ? J'ai du raisin, des amandes, un peu de miel..."
Malgré tout, je lui tend la main. C'est presque plus un signe de paix qu'une véritable volonté de ma part d'être à nouveau en contact avec elle.
My fingers claw your skin, try to tear my way in. You are the moon that breaks the night for which I have to howl
L'agneau est déposé délicatement dans les bras de Mensis sans un mot, et je pense à retourner chercher ce rite sacrificiel quand l'homme me remercie. Son visage tourné au sol et ses mots ne rallume pas le feu qui m'a mise en colère la dernière fois, et je murmure:
"Oui, tu m'as fait du tord. Ne t'es-tu pas demandé ce que ça me ferais, que tu te mettes en danger, alors que je t'avais laissé derrière exprès pour te protéger?"
Je me rapproche pour étayer mes propos:
"Mensis, j'ai eu peur pour toi. Tu aurais pu mourir, tu te rends comptes de ce que tu as fait? Si Damon n'avait pas été si rapide... J'aurais tué un innocent."
Et pas n'importe lequel. Cette idée reste ancrée dans mon esprit sans que je ne comprenne pourquoi, mais ça aurait été pire que n'importe quel autre créature de ce monde.
à sa proposition, j'hésite en baissant les yeux en sachant ce que je vais lui dire:
"Je serais enchantée, mais... Je dois faire quelque chose d'autre d'abord. D'important. Mais si tu m'attends... Je serais là dans pas longtemps , d'accord?"
Ce que s'apprête à faire ma jumelle maléfique me révulse, mais je ne peut pas combattre l'être que je garde enfermé. Et j'ai bien trop peur de mettre en danger le berger...encore.
La main tendu est si tentante... Et d'un air contemplatif sur ses doigts si blancs, je demande:
Je hausse une épaule à sa question, celle qui ne me fait pas mal. Je ne pensais pas qu'elle puisse vouloir me protéger. Sans doute que mon stratagème avait été stupide, néanmoins, il avait parfaitement marché et je m'en suis sorti finalement vivant.
Quelques centimètres entre nous disparaissent et cela me force à lever mes yeux vers elle. Son regard a changé, je n'y lis plus de la colère mais de la pitié ce qui me blesse un peu. Je suis en train de me faire rabrouer comme un enfant, et je n'ai aucune réponse à donner à ça. Je pense que le plus étonnant est qu'elle se souvienne parfaitement de mon nom et m'appelle par celui-ci. J'ai l'impression d'être son égal à nouveau mais il ne faut surtout pas que je fasse l'erreur de le croire véritablement.
"J'avais confiance en toi. Je savais que tu arriverais à temps. Naturellement, j'aurais été mieux d'avoir préparé tout cela avec toi mais tu es partie tellement vite." Je lui fais un demi sourire "Et je ne suis pas si innocent que ça..."
Ma proposition à l'air de la séduire un instant mais elle me demande de patienter, de l'attendre. Je lui souris et acquiesce. La notion du temps entre dieux et mortelle est bien différente mais je vais lui faire confiance et resterai à ma place, à l'abri.
"Je serai là pour toi, Durga."
Ais-je seulement le droit de l'appeler par son prénom ? Je pense que j'ai bien outrepasser les limites de mon rang pour ne plus avoir à me poser ce genre de questions. Ses yeux se fixent sur ma main mais elle ne se décide pas à la saisir.
A la place, elle me pose une question qui me fige. Dois-je vraiment tout résumer ? Mes sentiments envers elle ? Mon imbécile idée de vouloir absolument lui plaire ? L’irrésistible attirance que j'éprouve pour elle en cet instant ?
"Parce que j'ai été stupide. Je voulais devenir un peu plus qu'un simple mortel à tes yeux sans avoir réalisé que je l'étais déjà. Je ne voulais simplement pas rester en arrière..."
Peu m'importe si cela la dégoutera, ces paroles sont sincères et je n'ai absolument plus rien à perdre à présent.
My fingers claw your skin, try to tear my way in. You are the moon that breaks the night for which I have to howl
Ma déception doit se voir sur mes traits, et je baisse les yeux. à priori, le satyre n'a pas l'air d'avoir compris oh combien je voulais qu'il reste en arrière.
"Je suis sérieuse. D'ailleurs, il semblerait que tes blessures aient été bien superficielles comparé à ce qui aurait pu t'arriver. Tu es rétabli totalement?"
Mon prénom dans sa bouche me hérisse le poil, mais Kali est plus importante pour le moment. Heureusement, ma question le perturbe assez pour que ma réaction passe inaperçue.
Sa réponse est si bizarre...
"Je ne comprend pas. Si tu voulais rester avec moi, il suffisait de m'attendre, je serais revenue et on aurais passé un peu de temps ensemble! Au lieu de ça, tu t'es mis en danger et creusé un fossé entre nous. Tu t'es immiscé dans mon travail, et j'ai du faire des choses que je n'aurais pas fait sinon."
L'image du démon buffle dépecé me soulève encore le cœur. Et dire qu'il faut recommencer...
"Ce n'est pas si simple. Je sais que je suis ce que je suis, mais je suis aussi une sorte de gardien ici. Alors oui, veiller sur le bétail et les animaux sauvage doit-être assez loin des considérations divines, et elles le sont d'ailleurs. Mais je ne peux pas rester passif."
A la suite de sa question, je passe machinalement une main sur mon épaule gauche.
"Ça va aller, je me rétablis vite."
Je me demande pourquoi elle ne s'en va pas alors que ça avait l'air particulièrement urgent. Qu'attend-elle de moi ? Quels mots souhaiterait-elle entendre sortir de ma bouche ?
Quelque chose sonne étrangement dans sa réponse. Rester avec elle signifiait l'attendre et, du coup, rester loin d'elle ? Pour ma part, j'ai toujours vécu au jour le jour. Pour moi, rester avec elle signifie rester avec elle. Cependant, je sais que nos conceptions de ce qu'est la réalité diffèrent drastiquement. Devant ces nouveaux reproches étranges, je garde pour moi mes explications comme on m'aurait certainement appris à le faire devant un dieu si j'avais été mieux éduqué.
"Je suis désolé. Ce n'était pas mon intention. Y a-t-il quelque chose que je puisse faire pour réparer ma faute ?"
My fingers claw your skin, try to tear my way in. You are the moon that breaks the night for which I have to howl
"Comment aurais-tu sauvé le bétail si tu étais mort? Tu n'avais aucune chance comme cette chose."
Je suis le mouvement de la main à l'épaule, et détaille la vilaine plaie qui zèbre son omoplate. Je m'en veux terriblement de n'être pas arrivée avant cela, et de ne pas avoir anticipé que mon cadeau amène à cette situation.
Je me retiens de toucher l'endroit où sa main était passé juste avant, et commence à triturer mes doigts avant de prendre ses excuses.
"Je te pardonne. Mais ne refais pas ça, s'il te plait... C'est la seule chose que je veux pour te repentir."
J'hésite, puis finis par me rapprocher pour le prendre dans mes bras. La chaleur de son corps est rassurante, et me fais un bien fou, mais je romps rapidement le contact avant d'en vouloir plus.
Je finis par fixer mes pieds, et murmure:
"Je reviens, tu m'attends?"
Avant que mon émoi se voit de trop, je tourne les talons et disparais dans les buissons.
Une heure plus tard, une pauvre biche est exterminée par les griffes de la déesse enfermée. Comme une furie déchaînée, elle lui as couru après, la monté pour mieux l'éventrer pour finir par manger ce qui dépassait.
Dégoutée au plus profond de mon être, je me replis aux confins de l'inconscience jusqu'à ce que le goût de sang passe.
Avant de revenir aux abord du terrain de Mensis, je débouche sur la rivière et me lave des pêchers de la déesse maintenant repue.
Enfin pure, je reviens sur mes pas, et souris lorsque je reconnais la silhouette au pied d'un arbre.
Au bout d'un moment, la déesse me demande de ne plus me mettre en danger pour elle. C'était une chose parfaitement acquise pour moi mais le fait qu'elle en réitère la demande m'indique que ça doit particulièrement lui tenir à cœur. Je hoche donc la tête en silence pour accepter sa demande.
"Je serai sage. C'est promis"
C'est alors que la Déesse colle son corps contre le mien et m'enlace tendrement. Je ne comprend pas ce geste soudain et j'hésite beaucoup trop longtemps avant de l'entourer de mes bras et de la serrer contre moi. Bien trop rapidement à mon goût, elle se détache de moi pour m'annoncer à demi-mots son départ imminent. J'aimerais tellement la retenir, demander si je peux aller avec elle, lui demander quand elle va revenir. Mais à la place, je souris et lui murmure :
"Oui, je t'attends. Fais ce que tu as à faire."
Je me demande quel est ce devoir qui lui tient à cœur. Cela a l'air d'être quelque chose de réellement horrible à réaliser car ma déesse a vraiment l'air bouleversée. Je reste à la regarder partir et ne consent à bouger seulement après un long moment après que je l'ai perdue de vue.
L'agneau à mes sabots, nous remontons jusqu'au troupeau. N'ayant plus envie de dormir, je pars pour une cueillette de baies et de fruits sauvages. Une fois un copieux petit déjeuner rassemblé, je contemple les tout premiers rayons du soleil commencer à éclairer l'horizon.
Plusieurs bêtes s'éveillent et commencent à paître. Pour ma part, je me suis assis près d'un arbre et j'ai sorti ma flûte et commence à jouer pour elles, pour la nature, pour ma déesse.
En pensant à elle, je crois la voir arriver d'en bas. Je l'imagine magnifique, détendue, souriante, avec l'envie de me revoir. C'est beau les rêves, n'est-ce pas ? Quand mon fantasme vivant arrive à portée de voix, je me pousse sur le côté afin qu'elle puisse s'allonger près de moi. Mon rêve se poursuit, je m'arrête de jouer pour lui demander :
"Bienvenue parmi nous, très chère Déesse. Tu illumines notre journée. Que souhaites-tu pour ton petit déjeuner ? J'irai te le chercher avec une certaine allégresse."
My fingers claw your skin, try to tear my way in. You are the moon that breaks the night for which I have to howl
Lorsqu'il accepte ma demande, je m'illumine et lui offre un grand sourire. Tant qu'il serait en sécurité, je pourrais être une bonne déesse... De je ne sais quoi, mais une déesse tout de même.
Et mes espoirs s'étendent lorsqu'il me dit qu'il sera là. Je ne dirais pas que je suis en paix, vu ce que je dois accomplir... Mais je suis au moins plus sereine.
Le poème me fais sourire, et je reprend:
" Doux Satyre, vous êtes un amour Je me contenterais de peu, Juste de quoi nous sustenter tout deux, Trouvons des baies aux alentours!"
Après tout, je n'allais pas le laisser se décarcasser seul!
Voilà la belle qui se prend au jeu des rimes. Cela me fait sourire et je m'étire un instant avant de l'inviter à s'installer à mes côtés. Les denrées sont bien entendues déjà rassemblées.
"Je t'en prie, prend place maintenant Nous avons à présent tout le temps."
Je met à ses pieds les fruits, noix et autres baies que j'ai pu trouver. Pour une fois dans ma vie, j'ai pu patienter et je n'ai pas tout mangé Et à présent que je vois ce festin rassemblé, je n'en reviens pas à quel point c'est joli.
"Je pense que tu as mérité de te reposer Laisse-moi m'occuper de toi Cette collation est certes même indigne d'un roi Mais au moins, je ne me suis pas mis en danger."
Je reprend ma flûte pour accompagner notre repas. Quelques moutons, attirés par le spectacle et certainement par la gourmandise s'approchent à grands pas. Timides, seul un agneau a véritablement le courage de s'approcher, celui-là même qu'elle a pris dans ses bras.
My fingers claw your skin, try to tear my way in. You are the moon that breaks the night for which I have to howl
Lorsqu'il me dit de m'assoir, je reste un instant surprise, et murmure:
"Tu es allé chercher sans moi?"
Un sourire se dessine sur mon visage et je m'installe contre l'écorce, tout près de lui, avant de découvrir notre repas.
Des baies, des petits fruits secs, rien de carné pour me rappeler des méfaits précédents... C'est parfait!
"Je suis contente qu'il en soit ainsi, Les baies me vont à merveille, Et pendant que le monde s'éveille, Pour mon déjeuné, je te remercie."
Le son de son instrument prend place et nous sommes bientôt entouré par son troupeau. Le petit agneau qui aurait pu y passer cette nuit s'avance vers nous, et je lui tend quelques framboises qu'il avale avec plaisir. Tandis que je reprend quelques noix, je me tourne vers le musicien:
