Bruit régulier. Tic. Tac. Tic. Tac. Bruit régulier comme une horloge bien rodée, mais voilà que les aiguilles ne sont que celles de talons vertigineux. Aisance étrange et singulière, si bien qu’aux premiers abords on ne doute pas. Le regard qui glisse sur la silhouette sans s’arrêter sur des détails infimes. Parce qu’elle a l’air normal. Parce qu’elle a l’air comme tout le monde. Jolie jeune femme qui fait à peine son âge. Et on ne se soucie pas de savoir si supercherie il y a. La démarche est sûre, et le sourire flottant sur ses lippes rosés comme une excuse de trop vouloir en savoir plus. Pourtant garçon sous les artifices. Travesti à la limite du professionnalisme, changement de genre forcé sans que ça ne le blesse plus que ça. Sora il a l’habitude. Escort de jour, le corps vendu au casino ou dans la rue le soir, les abus sont nombreux, les humiliations également pour qu’il ne s’offusque encore des goûts et des couleurs. Matinée passée chez son coiffeur, habitué des lieux, il l’a laissé poser les extensions et lui refaire une couleur. Illusion parfaite, rien qui ne pourrait laisser supposer à la masculinité de son corps, la tenue est androgyne et chic, et au bras de son client, il s’est laissé pavaner fin d’après-midi et soirée comme un trophée qu’on exhibe. Non pas qu’il ait espéré plus. Sora qui s’est fait à cette vie. Rien de plus, rien de moins. Corps objet et les sentiments muselés. Retenus. Enchainés. Et pourtant. Cœur idiot. Cœur espoir. Et le voilà qu’il se prend à espérer. Ses pas qui le dirigent non pas vers chez lui, mais faire un lieu de nuit. Sora qui se prend à vouloir se perdre au jeu de l’amour. Il sait bien pourtant. Que dans son métier, il n’y a aucune place pour les sentiments. Aucune place pour les cœurs épris. Juste de la déception. Juste … Un corps objet. Et le reste … Autant les étouffer dans sa cage thoracique, cage d’os bien solides qui se resserrera sur l’organe émotion pour mieux l’achever. Pourtant il sait Sora. Lucidité violente. Il sait. Qu’il ne devrait pas espérer plus que cette main tendue. Et cette amitié. Il sait bien. Et sous couvert de cette apparence féminine, il se laisse presque aller à un peu d’espoir, un peu d’oubli. Juste un temps en passant la porte du bar oublier qu’il n’est que Sora. Créature du Kyosei-kai, à qui rien n’appartient. Tout juste bon à vendre son corps pour rembourser ses dettes. Et lorsque le corps ne suffira plus, il lui faudra offrir sa vie. Il veut oublier ça Sora. Juste une soirée. Il veut oublier que l’humanité est décevante. Oublier que les deuxièmes chances qu’il offre finissent toujours dans le caniveau. Il veut oublier. Oublier qu’il est pris pour acquis. Oublier qu’il n’a pas de valeur. Juste ce soir. Alors quand il pousse la porte, le sourire est en place. La voix préparée, reste de son après-midi aux bras de son client, entre ses doigts. Lorsqu’il passe la porte, il a tout de la belle. Celle qui les regards glissent. Celle pour qui on s’arrête un moment. Celle à qui on tire le tabouret. Une fille bien. Bien mieux que ce qu’il n’est en vrai. « Sour whisky please, with lemon. » La phrase est lancée dans les airs. Le regard sur le dos d’un homme bien connu. Et le sourire doux. Parce que vraiment. Parfois le cœur est idiot. Et il ne devrait pas.

les noms fusent dans ses oreilles et l’homme n’a le temps de penser à rien, si ce n’est aux sourires qu’il arrache lorsqu’il jongle avec les bouteilles et son shaker. l’attention gagnée lui tire une satisfaction qu’il ne peut nier, et c’est presque s’il en rajoute pour attirer les billets sur le comptoir. il y va d’une oreille attentive et d’un sourire charmant pour les inciter à rester, doux poison entre ses lèvres pour les persuader. les murs vibrent de vie et la musique n’est pas dérangeante. il apprécie ce monde nocturne aux allures de normalité, où les esprits se libèrent pour quelques heures, où il n’est ni créature ni yakuza. ici, ce n’est pas lui qui sépare les imbéciles, il ne fait qu’appeler des taxis et confisquer les clés de voiture, pour une conscience tranquille. le japonais ressemble à n’importe qui entre ces murs et derrière ses tricks habiles, on ne l’imagine pas manier le sabre. non, ce n’est que le barman du carmine. il est dos à la salle pour nettoyer quelques verres quand une voix l’interpelle, le ramenant à ses devoirs. des cheveux d’or le saluent, mais c’est le visage qui l’absorbe un instant avant qu’il ne réponde. « as the lady wishes. » il s’arme de son plus beau sourire, prêt à impressionner la belle avec son p’tit show habituel. il prend son temps pour lui offrir le meilleur cocktail de sa vie, comme s’il cherchait à gagner des points auprès de cette cliente. peut-être qu’elle l’a impressionné en premier, de par son choix. l’allure chic, manières élégantes et elle ferait presque tâche ici, parmi la populace. quelle est son histoire ? d’où vient-elle si tard, dans la nuit ? une soirée cocktail qui aurait mal fini ? son fiancé l’a laissé sur le carreau ? une promotion volée ? des questions simples qui le traversent sur l’instant, curieux de connaître les raisons de sa présence. il sert le verre, sans oublier la rondelle de citron et tente sa chance. « bad night? » il passe un coup de chiffon sur le bar, ravi de ne voir aucun client à servir pour mieux se concentrer sur la demoiselle. il fait signe à son collègue du soir pour le remplacer, au besoin et c’est l’esprit tranquille qu’il reprend. « If you don't mind me asking, what is a charming lady like you doing here, alone so late at night? » il n’est même pas encore minuit, mais les rues sont déjà dangereuses pour une femme seule. il pourrait garder un oeil sur cette jeune femme par pur instinct. les loups sont déjà présents autour d’eux, mais ils gardent leur distance par miracle. à moins que ce ne soit parce qu’un loup plus solitaire y accroche déjà ses griffes ? akio n’est qu’un homme qui sait apprécier les belles choses. et la beauté de cette femme l’intrigue autant qu’elle l’hypnotise. il est charmant, il flatte, sourit et complimente. seuls les billets qu’il compte l’intéressent au bout de la soirée, d’habitude. ce soir sonne différemment, mais il n’en perd pas sa lucidité. son esprit est troublé, mais son coeur demeure lié à une seule personne. même s’il ne devrait pas, même si c’est compliqué. il pense à lui entre deux regards et se demande ; où est-il ce soir et avec qui ? ces questions l’ennuient et lui font serrer le marbre du bar. un semblant de normalité, ici ? mais ce job n’est qu’une putain d’illusion. la réalité le frappe toujours après.

Le monde de la nuit a quelque chose de rassurant. C’est étrange vraiment. Sora n’a rien pour être rassuré pourtant. Il connait les démons qui lurent dans les ombres. Il sait ce qu’ils veulent, ce qu’ils valent pour avoir dansé entre leurs doigts. Il sait qu’il ne devrait trouver nul réconfort dans un monde aussi sombre, mais les habitudes se prennent et restent et la vision personnelle se retrouve faussé, jusqu’à juger sa propre existence bassement. Et pourtant, si le regard est acide sur sa propre personne, Sora qui ne peut que s’éprendre, qui ne peut qu’espérer. Pourtant facilement perdant au jeu de l’amour. Pourtant facilement victime des sentiments qui passent et s’effacent. Combien de temps jusqu’à ce que cet homme se lasse, l’oublie. Il ne préfère pas y penser. Caché sous sa supercherie, il ne peut que laisser passer un éclat de tristesse dans l’or noir de ses yeux lorsqu’il ne le reconnait pas. Le déguisement est parfait. Il n’y a à rien d’étonnant. Sora qui a pris l’habitude de se travestir pour les envies de ses clients. Mais l’éclat est faible, le sourire charmant et la tenue parfaite. Ce n’est pas grave après tout. Il serait sans doute déçu, si ce n’est dégouté de la supercherie. Bizarrerie à rajouter en plus à ce qu’il est. Soupir, le corps qui se glisse, languit un peu plus sur la tabouret où il a pris place, et voilà que Sora s’accoude contre le bar, cascade d’or sur ses épaules. Le verre qui glisse devant elle, lui, et il l’attrape de sa main manucurée. La question qui lui fait pourtant haussé un sourcil, lèvres rosées qui s’étirent dans un sourire. « You could say that. » Il ne s’attarde pas. Parce qu’au final ce n’est pas pire que d’habitude. Et il a connu pire vraiment. Seul point positif actuellement : ne pas avoir à faire le trottoir cette nuit. D’où cet écart. Sora qui sait bien pourtant qu’il ne devrait pas. Mais son apparence même si condamnable est une bonne couverture, et passer du temps avec lui, Akio, est tout ce que son cœur désire pour le moment. L’homme qui se pose devant lui a toute son attention. Les compliments s’enchainent, et s’il ne montre rien, juste un sourire amusé, son cœur s’emballe. Est-ce qu’il est comme ça avec tout le monde ? Ou l’a-t-il reconnu ? Non … Est-ce qu’il est si gentil, charmant avec tous ses clients … Est-ce que … Stop. « Where should I’ve been then? » La question passe ses lèvres boudeuses, et il lui faut se rappeler Sora. Qu’il n’a rien de la prostitué de luxe qu’il est. Une jeune femme bien. Chic. Belle comme il faut. Rien à voir avec ce garçon qui fait les rues de manière si peu habillé. « I just wanted a drink … Being able to not think tonight. Maybe find some company. » Cruel. Cruauté que de jouer avec ses propres émotions. Cruauté que de chercher à voir s’il est si spécial alors qu’il sait bien que non. Mais Sora qui joue de ses charmes. Joue les jeunes femmes seules, celles qui n’ont rien à faire ici la nuit, si ce n’est trouver un peu de bon temps dans les bras d’amants anonymes et éphémères.

les nuits se suivent et se ressemblent pour l’homme derrière le bar. souvent, les mêmes visages défilent pour reprendre le récit de leur vie et il les écoute volontiers. pourtant parfois, son attention est piquée par des conversations plus lointaines et croustillantes, le regard toujours alerte. akio qui n’a rien du citoyen lambda, pas si inoffensif sous ses airs charmeurs. et s’il parvient souvent à cerner ses clients, ce soir il se confronte à une énigme des plus troublantes. c’est comme s’ils s’étaient déjà croisés, mais pas ici. il se souviendrait avoir déjà servie cette ravissante fleur aux pétales d’or. alors il s’aventure en douceur sur son territoire, prudent quand même la plus belle des plantes peut cacher un poison mortel. il n’est certain que d’une chose, c’est qu’elle n’a pas l’air heureuse. aucune étincelle dans ses yeux et plus il l’observe, plus elle lui paraît familière sans réussir à trouver comment. où devrait-elle être plutôt qu’ici ? il ne peut que sourire face au changement d’ambiance. « i don’t know? you tell me. » il se penche contre le bar, l’intérêt brillant dans ses grands yeux noirs. et lorsqu'elle lui avoue chercher de la compagnie pour se changer les idées, il ne peut que plonger tête la première. il se rapproche un peu pour que ses mots ne l’atteignent qu’elle, comme un secret à garder. « maybe you found it. the company. » sa voix change, plus suggestive et son sourire n’est là que pour séduire, mais ce n’est pour lui qu’un jeu même si elle l’intrigue, même s’il voudrait essayer de lire son coeur. comme il l’a déjà fait il y a des années avec une femme qu’il a condamné, malgré lui. comme il le fait avec sora depuis des mois. et ce soir, cette inconnue n’est qu’une pâle imitation des deux réunis et il réalise qu’il aimerait se trouver ailleurs plutôt qu’ici. il préférerait tenir les mains d’un certain homme plutôt que d’importuner cette pauvre femme, mais c’est ainsi. il s’empare d’une mèche blonde qu’il caresse distraitement. « you’re running away from something. » c’est l’impression qu’elle lui donne, à mieux y réfléchir. « may it be your life or ...someone. am i wrong? » n’est-ce pas le but de s’enivrer et se remplir le crâne de musique bourdonnante – fuir la réalité le temps d’une nuit et noyer ses problèmes dans l’alcool ? il connaît ces clients par coeur. se confronte à eux tous les soirs. s’en divertit parfois et s’en éloigne quand ça ne l’intéresse pas. « what’s on your mind, beautiful? » il ne lui demande même pas son nom et il ne veut pas le connaître, parce qu'il l’oubliera dans tous les cas. son visage en revanche le trouble toujours autant. il est certain de ne l’avoir vraiment jamais rencontrée et ça le frustre d’autant plus. est-ce qu'elle le connaît ? ce n'est pas le moment d'être parano, mais il est en train de baisser sa garde pour sûr.

C’était une mauvaise idée. Sora ne peut que se l’avouer, l’accepter. C’était une mauvaise idée. Il n’avait rien à faire ici. Non. Rien si ce n’est tordre son cœur un peu plus à voir Akio comme ça. Et au final, il se demande. Si ce n’est pas mieux. Qu’il ne le reconnaisse pas. Si ce n’est pas mieux. De faire comme si de rien. Comme d’habitude. Le monde de la nuit est son royaume et il a appris à se parer de son manteau. Il ne devrait pas être ici. La belle semblant ne pas appartenir à ce monde, et pourtant nul autre endroit ne lui convient mieux. Même le barman ne semble lui trouver un meilleur endroit. Non. Et il hausse délicatement des épaules Sora, position tranquille sur son tabouret et sa main qui vient se placer contre sa joue pour qu’il s’y appuie. Et des semi-aveux entre ses lippes. Semi-vérités qu’il offre contre le verre en face de lui. Pas envie d’être seul. Vrai. Plus envie de penser. Vrai. Juste envie d’un peu de compagnie. Faux. Il voulait juste le voir lui. Akio. Et le sourire n’atteint pas ses yeux lorsqu’il lui offre cette compagnie tant désirée. Non. Parce qu’il a un peu mal au cœur Sora. Parce qu’il se demande encore, toujours, non plus encore maintenant s’il est vraiment suffisant. Si Akio … Non. Il n’a aucun droit sur lui. Non. Alors il préfère noyer ses idées noires dans l’alcool, le whisky qui teinte ses lèvres d’amertume. Éclat de panique voilé, caché derrière sa frange lorsqu’une de ses mèches est happée, Sora qui ne peut que se tendre, se crisper face aux questionnements d’Akio. Comme toujours, il sait lire en lui. Il a toujours été bon pour deviner le cœur des gens il semblerait. « No … You’re not. Life can be kinda difficult sometimes. » Léger sourire. Sora qui se laisse aller à la situation. Tant pis pour son cœur. Tant pis si vraiment Akio est comme ça avec tout le monde. S’il a cette façon d’agir, de séduire. Tant pis Sora. Rien de nouveau. « Not so much … I just … No it’s stupid. » Et s’il veut se reculer, ses cheveux sont toujours en otage, et le garçon en face de lui captivant. Il est amoureux Sora. Il est mordu. Même s’il ne veut pas l’admettre. Même s’il ne peut l’admettre. Parce qu’il n’est pas un avenir potentiel pour Akio. Personne ne veut finir avec une prostituée de luxe. Personne ne veut finir avec quelqu’un qui a des dettes comme lui. Et personne ne veut finir avec quelqu’un d’aussi bizarre que lui. On lui a dit souvent. Encore maintenant même s’ils sont partis. Freak. Sora qui ne souffre plus. Sora qu’on peut maltraiter encore. Et encore. « You feel kinda safe to be around … That’s all. Stupid isn’t it ? »

il occupe ses doigts entre les mèches blondes de sa compagnie tandis que ses yeux restent en alerte. il surveille aussi bien le bar que la salle et même s'il semble avoir de l'intérêt pour cette jeune femme devant lui, il ne reste pas moins attentif au reste. surtout à leurs voisins plus bruyants, de jeunes hommes moins discrets et certainement moins tristes aussi. elle ne le cache pas très bien si là était son but, mais ses efforts sont honorables. il n’est pas très fort en sentiments, mais s'il peut alléger le coeur de cette dame pour quelques heures, alors soit. il veut essayer du moins, mais si les cœurs lui sont aisément déchiffrables, ce n'est pas pour autant qu'il sait en prendre soin. bien trop fragiles entre ses mains rugueuses et dans tous les cas, aussi pur semble-t-il, ce coeur-ci ne l'intéresse pas. « i get what you mean. » toujours écouter les clients, mais ne jamais se dévoiler, toujours leur vie et jamais la sienne. alors il pose les bonnes questions pour qu’ils puissent se défouler, peu importe ce qui les tourmente. et il est d’autant plus prompt à écouter lorsqu’un visage innocent se présente à lui, mais la jeune femme lui résiste. évasive depuis son arrivée, elle n’est pas venue ici pour parler. elle recherchait de la compagnie, après tout et il en a bien saisi le sens lorsqu’il lui proposait la sienne. il a tout aussi bien prévu l’échappatoire, mais il ne pensait pas devoir jouer cette carte si vite. « really? you have a way with words. » prédatrice, naïve ou simplement seule ? il ne peut la blâmer de rechercher le réconfort sous une autre forme. « to be honest, i wish someone else would think like you. » le voilà qui déroge à ses propres règles en laissant filtrer un peu de lui. « you remind me of him somehow. kinda confusing.. » c’est le plus étrange, mais c’est aussi ce qui rend les mots de cette jeune femme plus poignants. si seulement sora pouvait être assis là, à sa place et lui répéter ces mêmes mots. facile à imaginer, les traits ressemblants. si attirants. mais il ne se laisse pas duper et relâche les cheveux de la belle, optant pour une action plus folle encore. logique. « i’m taking a break, if you wanna talk. » il s’en va murmurer quelques mots à son binôme et lance un dernier regard insistant vers la jeune femme, une cigarette déjà calée entre ses lèvres, avant de s'éloigner. il est sorti dehors, à l’écart. il ne sait pas vraiment ce qu’il fait, s’il veut vraiment être suivi ou non, mais son instinct le guide ainsi et il ne le remet que rarement en question.

Aux attentions contraires. Aux envies paradoxales. Besoin de le voir comme une évidence mais le cœur maltraité, exsangue de le voir ainsi agir alors qu’il ne le reconnait pas. Soulagement de ne pas être reconnaissable et souffrance de voir que ce n’est pas comme dans ces histoires, contes fabulateurs mais envié d’être retrouvé, reconnu au premier regard. Stupide Sora. Gamin bloqué dans un rôle, elle a tout ce qu’il n’est pas. Elle est belle à ses yeux, il le voit bien. Et l’affection semble facile, mèche captive entre les doigts du barman. Mots qu’il pense aisés entre ses lèvres, il hausse légèrement des épaules. Il n’a pas les mots aisés, non, mais il connait l’être humain, ses travers, ses envies. Il sait comment ils agissent, ce qu’ils veulent entendre. Il sait Sora. Mais voilà qu’il se retrouve démuni en entendant parler de quelqu’un d’autre. Il ose à peine espérer qu’il parle de lui, mais le plus jeune n’est pas stupide. Non. Bien sûr que non. Ça ne peut pas être lui. Ça ne peut pas … Non. Et pourtant apparence féminine qui lui rappelle cet homme langui, et le cœur qui s’emballe dans un déni espérant. Mais l’espoir est fragile, comme une flamme qu’il souffle volontairement. Amour bourreau et la proposition qui ne laisse presque rien quant à la finalité de ce qu’il se passera dehors. Mouvement figé, Sora qui le regarde s’éloigner, heureux qu’il ne lui lance aucun regard. Heureux qu’il ne se retourne pas. Parce que le sourire est tordu sur ses lèvres, la tête qui se baisse et les larmes acides au coin de ses yeux. C’est bon. Il a compris. Peut-être qu’Akio voudrait quelque chose de lui, mais il est libre de voir d’autres personnes. Aucun droit sur sa personne et la réalisation se fait comme un coup au cœur. Idiot. Pourquoi … Pourquoi est-il tombé amoureux. Pourquoi. Sa main qui se serre sur son haut, là au niveau de l’organe battant comme pour lui intimer de se calmer. Sora qui ne ressent plus la douleur physique, mais celle de l’amour, il la sent bien. Il n’aurait pas dû s’attacher. Parce que ça finit toujours mal. Le corps qui tangue tandis qu’il descend du tabouret, il repousse l’aide des garçons à côté de lui d’un sourire. Le masque qui se repose comme une dernière barrière, et Sora qui suit les pas d’Akio. Incapable de disparaître. Incapable de ne pas voir jusqu’où va la calomnie. « Is he nice? The boy I remind you. » La question est posée de cette voix trop féminine tandis que les hanches chaloupent sous le bruit de ses stilettos Louboutin, cadeau d’un client bien sûr. Il s’appuie contre le mur, cascade d’or qui cache son visage et les ombres qui finissent le portrait. Il se sait transcendant, il sait qu’il attire les regards, c’est une part de son jeu après tout. Mais il voudrait qu’égoïstement Akio ne soit pas comme un papillon avec cette flamme qui le dévore. Qu’il s’éloigne. Qu’il … Qu’il quoi au final. Ce n’est pas comme s’il lui avait promis un quelconque amour. « Can I have some? » Main manucurée qui montre la cigarette et la lassitude qui teinte la douceur de sa voix. Arrête Sora. Juste … Arrête.

maudits soient son rôle en cette soirée troublante et les breuvages qui lui sont interdits. il aurait bien pris un verre pour mieux encaisser et sans doute, excuser son attitude mal placée. il n’y a rien d’offensant aux yeux extérieurs, seul un homme charmant une jolie femme. il n’y a rien d’offensant, sauf pour son cœur. et même s’il n’est pas sérieux, même s’il ne fait qu’assouvir sa curiosité maladive, le cœur lui reste basique. pour lui, la trahison n’est pas bien loin et la culpabilité omniprésente. il espère que la jeune femme soit restée sur son siège et d’un autre côté, il guette la porte à l’affut d’une crinière dorée qui finit par apparaître. il est ambigu, il est joueur et son sourire ne cache pas la fierté ressentie à l’idée d’un intérêt mutuel, quel qu’il soit. si la question sur ce mystérieux garçon devrait le braquer, car personnelle, elle lui rappelle plutôt l’importance qu’il occupe dans sa vie. il tire sur sa cigarette en regardant la jeune femme, un sourire timide aux lèvres. « he's too good for this world, life has been tough on him. » il lui manque davantage ce soir et il aurait envie de l'appeler, d’entendre sa voix lui assurer qu'il est bien rentré, mais quelque chose le retient toujours en ces heures avancées de la nuit. quelque chose contre lequel il ne peut rien. akio n'aime pas les chaînes que sora porte et qu'il ne peut briser, il n'aime pas le savoir entre les mains d'autres moins dévoués. mais plus fortunés. il n'aime pas retenir sa colère, ni écouter sa raison, mais pour leur bien il se contient. la violence n’y ferait rien, si ce n’est engendrer de nouveaux problèmes et c’est ce qu’il désire le moins. « i hate that i can't do shit to help. and i like his smiles. he’s the reason i stayed in arcadia. » pause. « so yeah, he’s that nice. » il tire une autre taffe, le regard vague et le sourire plus large. il vient de confier les plus doux secrets de son cœur à une étrangère, mais ça n'en est pas vraiment. il a toujours été honnête sur ses intentions, maladroit certes, mais son affection pour le japonais n'est plus un secret gardé. veiller sur lui, lui apporter le réconfort qu'il mérite et une amitié sincère ont toujours été ses priorités. il doute que le message soit mal passé. mais akio ne voulait pas brûler les étapes, ou disons pas trop vite alors peut-être a-t-il oublié tout ce temps là, de lui avouer la précieuse place qu'il occupe dans son coeur. peut-être. elle est charmante cette fille, elle le captive sans le moindre doute, mais que penserait sora s'il le voyait maintenant ? sora. la douce voix le questionne à nouveau et les yeux de cette nymphe le déstabilisent encore, mais il s'approche pour lui tendre la cigarette. « sure. » il voudrait savoir s'ils se connaissent et taire ce sentiment troublant qui le perturbe. il y a quelque chose chez cette femme qui le dérange et il aimerait bien comprendre pourquoi, avant de s'en détourner. c’est à demi-mots qu’il a avoué son intérêt pour une tiers personne, un homme de surcroît, mais elle est toujours là. « i don’t even know your name. » sa faute si elle ne fuit pas.

La mascarade doit cesser. Le cœur en miettes, morceaux qui s’abiment dans le froid de la nuit et le sourire qui s’abime. La mascarade doit cesser. Et cette calomnie qu’il impose à son cœur également. Stop Sora. Ça suffit. Ça suffit vraiment. Et pourtant la silhouette qui suit les ombres d’Akio et elle qui finit à lui demander l’impensable. Ce garçon, lui, est-ce qu’il … assez bien ? Assez brillant à ses yeux comme une étoile, ou juste … Une occupation ? Ou juste … Sourire. Boucles blondes qui cachent l’amertume de ses lèvres pincées. Non Akio. Personne n’est assez bon pour le monde dans lequel ils vivent. Personne n’a une âme innocente et le sang est sur leur main. Ils sont rongés par ce qu’ils sont et la vie … La vie à le droit d’être cruelle avec lui Akio, il le mérite après tout, créature ignoble qu’il est. Anomalie vivante et le cœur qui ne devrait pas s’éprendre ainsi. Surtout à l’entendre parler. Poussières d’espoir dans ses mots qu’il détruit de son côté. Parce que ce sont des jolis mensonges. Si jolis. Si … douloureux. Des mots ironiques, apocryphes. Factices. Parce que si vraiment il était resté pour lui à Arcadia, alors il ne serait pas dehors présentement. Il ne serait pas en train de ployer devant une jolie pair de jambes et un chaloupé enivrant. Mais … Ce n’est pas grave. Ce n’est pas de sa faute à Akio. Ces sentiments mal placés. L’importance qu’il n’a pas vraiment. Et les promesses qui ne les ont jamais liés. « I see … » Lassitude qui pointe dans son attitude, et la tête qui se baisse un instant. Pars Sora. Ça suffit vraiment. Pars … Pars … Pars ! Et pourtant le corps qui reste immobile, seule la main qui bouge pour demander le tabac qui se consume entre ses doigts. Et la nicotine qu’il offre tandis qu’il s’approche. Silhouette qui se redresse de son côté et il fait presque sa taille Sora, les talons lui offrant les centimètres manquant. Comme un pont entre eux. Stop. « It’s not how you offer tobacco to a woman. » Sourire. Et elle se fait féline tandis qu’il tire sur le tube. Main qui glisse contre son bras, les ongles rouges qui brillent un instant sous la lumière tandis qu’elle pose ses lèvres sur les siennes. Aspirant la fumée. Amertume qui pique ses yeux autant que son cœur. « You shouldn’t claim you like him and look at me like you want more. » Murmure. Il n’est même pas sûr qu’il l’a entendu en vrai. Le corps qui s’alanguit contre lui et sans surprise une main autour de sa taille pour la soutenir. Les étincelles sont tristes dans ses yeux de son côté, mais Sora voit bien qu’Akio n’est pas indifférent, que ce partage de fumée, de nicotine ne l’a pas révolté. Alors elle, parce que finalement à ses yeux il n’est pas Sora, juste une jolie cliente, peut-être pas la première, peut-être pas la dernière, et l’embrasse. Lippes contre les siennes, et l’accord dans sa posture qu’il peut approfondir ce baiser. Et dans le silence de la nuit, les derniers morceaux de son cœur tombant au sol sont sans bruit, comme une certitude qu’il aurait dû accepter bien avant. Idiot de Sora. Idiot.