Elle décompresse ce soir, se trémousse dans la pénombre d'une boîte de nuit, loin des ballades louant la patrie du paternel. Les cheveux lâchées, le jupon bien court, elle se laisse porter par la musique. Musicienne professionnelle, les préjugés voudraient qu'elle conchie pareil son, mais elle se déhanche, s'abandonne au rythme, sous les spots crépitants. Croisant le regard d'un géant accoudé au bar, là où la lumière est plus forte, mutine, elle quitte la piste de danse et se glisse entre lui et un autre type : « C'est oui si vous avez la bague. » Attaque frontale.

Lèvres au goût du whisky contre haleine grenadine. Trop jeune pour toi, t’as fui en lui murmurant que t'es pas un sugar daddy. Accoudé au bar, un peu agacé, un peu touché dans ton estime, t’as pas le temps de sentir la tempête arriver qu’elle t’a déjà foutu au sol. Réponse sans question, femme qui ne laisse pas de marbre. Sourire carnassier, requin prêt à voguer, une dernière gorgée suffira. "C'est oui si vous avez un genou au sol." Et attendre la rafale, la bouche en coeur, le regard brûlant comme sur le champ de bataille.

Il joue. Elle n’aurait pas parié, mais il rentre dans le jeu. Se passant une main dans les cheveux, elle le toise. Même juchée sur des talons de dix centimètres, elle ne dépasse pas ses épaules. Alors forcément, quand il parle de se mettre à genoux, elle se rapproche d’un pas, le regarde par en-dessous -pas dur, vu la différence de taille- et renchérit en allant dans le même sens graveleux : « Un genou à terre, et ma bouche à quel niveau, exactement ? » Et de se mordiller la lèvre, sans équivoque possible. Gare, elle pourrait sortir les griffes.

Réponse qui a le goût de l’interdit, qui allume le feu sous les braises trop vites calcinées par la gamine. Sourire qui se veut charmant et non charmeur, pas besoin d’en rajouter, la couche qu’elle vient de mettre suffit à se faire comprendre. Les doigts grappillent la nuque, vertèbres qui vont souffrir à tenir sa tête comme ça. Vous êtes trop petite, vous allez vous faire mal au cou. Et ce serait dommage, à l'hôpital, de devoir s'expliquer. Mais moi, je serais pile à la bonne hauteur. Proposition sans gêne, sourire charmeur et surtout charmé.

Mouvement fluide d’épaules, elle se dégage des serres anonymes. Détournée un instant de la conversation follement intéressante par le bartender, elle commande un whisky. Oui, comme son interlocuteur, mais elle ne l’a pas attendu pour en boire (biberonnée à ça et à la tequila). Gorgée du peuple, elle lève son verre à leur rencontre et elle revient à la charge : « Je croyais que c’était pas important, la taille...? » La plaisanterie graveleuse est évidente, la lueur au fond de ses prunelles, incandescente. « Vous venez donc recruter pour votre harem ? Dire que j’ai failli tomber dans le panneau... »