Mal de crâne colossal, elle grogne et roule pour dévisager, stupéfaite, son voisin de lit.
« Mais c'est pas vrai, putain ! »

[Neuf heures plus tôt]

Les mots sont sortis trop vite. Elle ne peut plus les rattraper. Encore une fois, elle lit la déception chez son interlocuteur. Ils étaient censés prendre un verre, pour fêter les deux mois et demi de leur divorce -un prétexte bidon comme un autre- et ça a fini en révélations imprévues, jusqu'à l'information de trop, que Carl Mendes n'était pas Khaos, qui était encore bien vivant.
« Quoi ?! » Se défend-elle, consciente d'être en tort.

Il cligne des yeux, les cils sont collés. Il a une vague envie de gerber. Ne sait plus où il est. Il entend une voix et un juron, se tourne même si ça tambourine dans sa tête. Entre les draps, un visage familier. Trop. « Oh non. »

[La veille.]

Il la fixe d’un air sévère, les doigts crispés autour du verre. « T’es pas sérieuse j’espère ? » Un soupir, il détourne le regard et secoue la tête d’un air effaré. « C’est pas comme si c’était une information vachement importante. »

Il a l'air aussi ravi qu'elle. Aussi mal en point, d'ailleurs. « Pourquoi est-ce qu'on est aussi cons, sérieux ? » Elle se redresse, regarde sa main droite et, percevant un éclat redouté, la voilà qui soupire : « Je nous déteste. »

[Neuf heures plus tôt]

Les yeux roulent vers les cieux, Sinead se demande si elle est capable de faire mieux. Acculée, accusée, elle vide son verre d'un trait et s'enfonce : « Quand je voulais changer la situation, t'étais pas décidé à m'écouter. » Sourcils froncés, elle avoue aussi : « J'allais pas parler sans l'autorisation d'Ikaar. »

Malgré le mal de crâne, l'incogru de la situation le garde facilement éveillé. Il aurait bien dormi douze heures de plus. Quoi qu'il ne sait même pas l'heure, ni la date. Ca reviendra. « Le sentiment est partagé, » qu'il grogne. A sa main aussi, une alliance. « Putain mais où est-ce qu'on a trouvé ça ? »

[La veille.]

Ca faisait longtemps qu'ils n'avaient plus bu ensemble. La dernière fois ils avaient finis mariés. Heureusement l'homme apprend de ses erreurs. Il hausse les épaules à sa réponse. Il n'avouera pas qu'il a tort. « Et du coup, on en est à quel niveau de merde là, à ton avis ? » Nouveau soupir, il remplit le verre de Sin et le sien au passage. Comme s'ils avaient besoin d'un retour de Khaos en plus de tout ce qui leur tombe dessus.

Elle fronce les sourcils, le crâne toujours broyé par la migraine et le neptra. Parce qu'elle a repris de cette saloperie, sans quoi ils n'en seraient pas là, pour sûr. « Ça a l'air d'être du plastique peint en métal. Distributeur de bonbons, probablement ? » Ça n'augure rien de bon.

[la veille]

Cette soirée vire au drame. Le liquide ambré remonte dans son verre et elle se met à regretter d'avoir ouvert la bouche. Il va lui falloir du courage liquide pour poursuivre. Et alors qu'elle ne devrait pas, qu'elle a promis, qu'elle sait que ça lui fait du mal, elle murmure : « si t'as encore du neptra chez toi, on peut tenter de démêler tout ça. » Parce que c'est pas avec cet alcool de mortels qu'ils vont avoir des idées brillantes.

Il fronce les sourcils à la remarque de Sin, approche sa main pour regarder. Il enlève l'anneau et l'observe, gratte un peu la texture. Elle a raison, c'est du toc. « Bon c'est déjà ça, mon compte bancaire est ravi, » qu'il commente, avant de se frotter les yeux, excedé. « Dis moi qu'il n'y a pas un contrat de mariage qui traîne par terre. »

[La veille.]

Il boit l'alcool dans son verre, toujours un peu frustré d'avoir l'impression de s'être servi un sirop de mirabelle. Il la darde d'un regard sceptique à sa réaction. « Oh punaise. » Ils sont si mal que ça ? Il soupire, se frotte le front, observe la table sans la voir. Relève les yeux, propose son bras à son ex-femme. « Je dois avoir ça chez moi. Viens. »

Le sang pulse à ses tempes, comme si elle avait gardé la tête en bas trop longtemps. Elle trouve la force de quitter les draps, nue comme un ver. Autour du lit, des habits, vraisemblablement ôtés avec enthousiasme. Mais aucun signe d'un contrat de mariage. C'est déjà ça. Elle se rassied sur le lit, aux pieds de son mari, tout en ôtant son alliance en toc. « Est-ce qu'on aurait juste fait semblant cette fois ? » Un peu d'espoir.

[la veille]

« "Réflexion faite, pas de neptra, ça nous rend trop cons. Je prendrai de l'ambroisie, si t'en as. » Et tout en disant ces mots, elle descend de sa chaise et vient prendre le bras de son ex-époux. Le temps de trouver un endroit discret et ils réapparaissent ailleurs, pas loin de l'évier où elle régurgite la moitié de ses verres.