[Flashback] The only heaven I'll be sent to is when I'm alone with you | asphael

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angels fallen from grace

astrid + raphaël

Le silence résonnait doucement dans l'église. Le soleil avait disparu depuis bien longtemps, et la nuit régnait en maîtresse indiscutée sur les rues du quartier historique. L'église trônait, muette, au milieu de ce dernier. Les derniers fidèles avaient quitté le perron après une dernière prière, et Raphaël terminait de remettre de l'ordre dans son royaume. Il était habitué aux longues journées, ponctuées par les récits des personnes qui défilaient dans le confessionnal. Mais ces derniers temps, les fréquentations s'étaient intensifiées, et le prêtre n'avait plus vraiment d'occasions de souffler avant que les lourdes portes se referment, l'isolant du monde extérieur. S'asseyant sur un des bancs faisant face à l'autel, il prit une profonde inspiration. Il pouvait sentir une migraine roder dans l'arrière de son crâne, et il se massa lentement les tempes pour tenter de la chasser.

Quand il entendit une des deux portes s’entrouvrir, il pensa un instant que quelqu'un venait se réfugier de la trombe de pluie qui était annoncée, mais la personne entrait sans un bruit, sans frapper et sans s'annoncer. De plus, il avait une sensation étrange, comme s'il pouvait percevoir la personne qui venait de rentrer. Jetant un coup d’œil derrière lui, il pouvait apercevoir une forme sombre, peu discernable dans la pénombre tamisée de l'église. Il se redressa, faisant face à la figure, toujours drapée d'ombre. En remontant l'allée, geste qui pourrait avoir une tout autre signification dans d'autres circonstances, quelque chose de particulier semblait se dégager de la femme, dont il pouvait désormais discerner les contours. Au fur et à mesure que ses pas les rapprochaient inexorablement, il commença à la reconnaitre. Ce n'était pas la première fois qu'elle passait ces portes, mais elle n'était jamais restée, n'avait jamais dit un mot. Raphaël avait seulement réussi à attraper des visions fugaces d'un visage angélique, barré par une expression fermée. Mais en se tenant devant elle, il comprit qu'il n'avait vu seulement qu'une fraction de la jeune femme. Elle dégageait un charme presque indécent, ces courbes sulfureuses semblant ordonner une vénération permanente. Son visage, comme taillée dans de la soie, paraissait infiniment doux, et il ne pouvait qu'imaginer le parfum de ses lèvres envoûtantes.

Mais si les courbes de la jeune femme étaient un appel au pêché charnel, et son visage la manifestation d'un ange tombé sur terre, inaccessible, insaisissable, les prunelles du prêtre étaient perdus dans l'océan qu'étaient les yeux de l'inconnue. Ces iris, qui semblaient scruter chacun de ces mouvements et pénétrer toutes ses pensées. Froides, mais aussi d'une tristesse sourde et magnifique. Avalé tel un marin dans une tempête, il s'arracha de son admiration béate, réalisant qu'il l'observait sans dire un mot depuis un moment. Il sourit doucement.

"Je peux vous aider ?"

Raphaël se rendit compte à quel point il était désireux d'entendre la voix de la déesse qui se tenait devant lui.

Nymeria. ♕ avatar de siren charms & PHILTATOS. ♕ 0637 mots.

**Astrid Arsenault**

fallen angel

Take me to church, I'll worship like a dog at the shrine of your lies, I'll tell you my sins and you can sharpen your knife, offer me that deathless death, good God, let me give you my life.

Astrid avait l’impression de sombrer dans son propre esprit, poussée dans ses questionnement et surtout, motivés par ses insomnies répétées. Depuis des années maintenant, son sommeil était fortement entaché par les présences régulières qu’elle sentait autour d’elle, mais aussi les voix dans sa tête. Plutôt que de les accepter, Astrid tentait de les faire taire ; musique dans les oreilles, stimulation constante du cerveau, travail d’arrache pied. Les cernes étaient les témoins de cette déchéance progressive et même sa raison commençait se faire la malle. Depuis son infiltration chez les Obscuri, elle s’était surprise plusieurs fois à douter de ses convictions, à douter même qu’elle était en infiltration. Tout se mélangeait dans sa tête et devenait une mélasse étrange de pensées obscures et de questionnements incessants.

Elle ne pensait pas un jour atteindre le stade où elle serait hantée par ses victimes les plus récentes. La jeune femme souffrait de pensées inhabituelles, voire même très macabres. Au fur et à mesure, elle n’était devenue plus que l’ombre d’elle même. Parfois, pour s’éviter de dormir, elle marchait sans fin dans Arcadia, comme si elle attendait une illumination.

Ce soir, les pas de la criminelle l’avaient menée jusqu’à l’Historic District. Rares étaient les fois où elle hantait paisiblement les quartiers riches et majestueux. D’ordinaire grouillant de monde, la nuit avait laissé l’avantage de la solitude et seuls les lampadaires accompagnaient son périples, parfois de rares personnes allant à contre courant pour retrouver leur domicile. On voyait les habitants vivre à travers les fenêtres, leurs ombres laissant deviner leurs corps en pleine activité. Le regard de la brune glisse jusqu’à un monument qui se dresse sur sa route. L’église d’Arcadia trônait devant elle, une douce lueur orangée filtrant à travers la porte principale ; le dôme du bâtiment semblait ne faire qu’un avec la lune qui s’élevait fièrement dans la nuit. Astrid se fige, admirant l’endroit quelques instants. Sans qu’elle ne comprenne véritablement pourquoi, ses pieds la menèrent jusqu’à l’entrée de l’église, puis elle reste devant, hésitante. Peut être qu’il fallait qu’elle soulage son esprit. Peut être qu’elle pourrait tout avouer entre ces murs... ça reste entre "Dieu" et elle, non ?

Elle franchit la porte, l’air fermé, admirant l’ensemble des chandeliers disposés, leur flamme éclairant les vitraux dans une farandole de lumières colorées kaléidoscopiques. La femme pensait être seule, elle se fourvoyait. Un "je peux vous aider" la tire de sa rêverie, elle fixe son vis à vis. Astrid ne peut se tromper sur son identité, le col distinctif de prêtre étant un signal d’alarme à lui seul. Un ange passe tandis qu’elle le dévisage quelques instants. Étrange pour un prêtre : elle s’attendait à un vieux croûton dégarni mais curieusement, il s’agissait d’un homme plutôt séduisant. Il devait ramener pas mal de croyants... Astrid reprend vie pour enfin prononcer ses premiers mots de la soirée :

« Pardonnez moi... mon Père ? » hésitation. Puis elle reprend :

« J’ai entendu dire qu’on pouvait venir se confier. »

C’était dingue. Ça ne lui ressemble pas, cette détresse dans la voix.

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◊ ◊ ◊

Sa voix, pourtant hésitante, semblait effleurer chaque atome de l'atmosphère, avec la douceur d'une rivière calme. Les personnes qui venaient après la fermeture étaient habituellement des vieilles dames, ou des camés à la recherche d'une planque pour la nuit, pensant tomber sur un vieillard incapable de les arrêter. La jeune femme qui se tenait devant lui était un changement bienvenu, et une vision du paradis qu'il ne s'attendait pas à recevoir cette nuit. Les lumières des quelques bougies allumées donnaient une impression surnaturelle, d'outre-tombe, et les flammes se reflétaient de façon sensuelle dans les prunelles féminines, et le prêtre réalisa qu'un de ses pieds avait avancé, comme s'il s'apprêtait à s'approcher d'elle, la saisir par la taille et succomber au charme fatal de l'inconnue. Il sourit simplement, reculant de quelques centimètres.

« Je suis Père Raphaël, mais si vous n'êtes pas à l'aise avec tout cet... univers, Raphaël convient tout à fait. D'expérience, je sais que ca peut aider certaines personnes. »

Il avait vu de nombreuses personnes défiler dans ces murs, et plusieurs d'entre elles avaient des soucis avec la notion de père attribuée aux prêtres, cette position d'autorité qui semblaient en découler. En plus des scandales qui avaient éclaboussé des membres importants de la hiérarchie, il avait l'impression que la confiance envers lui avait chuté et il pouvait le comprendre. Sans le prendre personnellement, il tenait à ce que chacun puisse trouver un sanctuaire sans jugement au sein de ces murs, même si cela voulait dire tordre ses principes moraux quand il entendait des choses terribles dans le confessionnal. Dans la majorité des cas cependant, les confessions étaient bénignes, voire de simples détails de vie. Il trouvait toujours incroyable la propension des gens à livrer des pans entiers de leurs vies à un inconnu. Il aurait pu dire à la jeune femme de partir, que l'église était fermée et de revenir demain. Mais quelque chose dans ses yeux, dans sa voix et sa façon de tenir, lui donnait l'impression qu'il devait écouter la jeune femme, qu'elle avait un quelque chose en plus. Et le fait qu'elle soit terriblement séduisante n'était qu'un plus non nécessaire.

« Si vous ressentez le besoin de vous confier, vous êtes au bon endroit. Tout ce que vous direz ici restera entre ces murs. Puis-je vous demander votre prénom ? »

D'un geste rassurant pour l'inviter à progresser dans l'allée vers l'intérieur et le confessionnal, son autre main dirigée vers son épaule, sans toutefois la toucher - certaines personnes abhorraient le contact physique, et avant de savoir comment elle se situait par rapport à ça, le prêtre ne voulait pas prendre de risque - il sourit et commença à l'accompagner. Raphaël ne comprenait pas vraiment pourquoi une impression d'étrangeté et de différence émanait d'elle. Elle était habillée d'une manière simple et rien ne la démarquait. Il savait que la première confession était difficile pour tout le monde, et il fallait avancer à pas de souris.

« Est-ce que vous souhaitez utiliser le confessionnal ou simplement avoir une conversation en face à face ? Le confessionnal peut parfois impressionner. »

Il plongea dans l'océan de ses yeux et il aurait pu y rester pour l'éternité, tant il y avait quelque chose de rassurant à voir dans ce regard quelque chose qu'il croisait tous les jours en se regardant dans le miroir.

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L’environnement était si peu familier pour la jeune femme que pour une rare fois dans sa vie, elle était mal à l’aise. Elle tapotait nerveusement ses ongles sur le cuir de sa veste, dans une mélodie régulière et apaisante. Elle avait du mal à comprendre comment elle avait pu se retrouver dans un endroit pareil, avec l’idée folle de décharger sa conscience qui n’avait fait qu’accumuler les noirs secrets depuis sa naissance. Les boucles brunes du prêtre tombaient gracieusement sur son front, pliant sous le poids de la journée abattue à conter d’étranges histoires que des fidèles incapables de croire aux phénomènes inexplicables pouvaient tout de même admettre qu’une homme avait pu changer de l’eau en vin. Un silence assez pesant envahit les lieux, quasi mystique. Astrid rassemble tout son courage pour finalement répondre :

« Loin de moi l’idée de manquer de respect à votre titre. »

Quand bien même Astrid avait un peu de mal avec la représentation même du prêtre, symbole d’une croyance gangrenée de corruption et de vices cachés, elle ne sentit aucune animosité du côté de Père Raphaël. Il était même plutôt rassurant, il contribuait à la chaleur du lieu même si l’édifice en pierre aurait du paraître froid et inaccueillant, les lumières chaudes et l’hospitalité donnaient un tout autre sens. Il lui demande son prénom et en temps normal elle aurait inventé un patronyme qui lui permette d’être un fantôme dans les rues mais d’instinct, elle ressent un besoin infini de vérité et elle répond sobrement, dans un souffle :

« Astrid... »

La suite meurt sur ses lèvres, incapable d’en révéler plus. Son regarde glisse jusqu’au confessionnal, la boîte ressemblant vaguement à un caveau familial ne lui plaisait guère et toute les décorations superflues rendait la pièce incroyablement difficile à apprécier pour toute personne dotée de bon goût. Néanmoins, elle poursuit sa quête, son espèce de rédemption alors que venait murmurer à son oreille les chuchotements mêlés et indissociables d’âmes en peine. Astrid rapporte son attention au prêtre dont la douceur des mots trouvait un chemin aisé jusqu’à ses peurs pour les apaiser.

« Le confessionnal ira très bien. Je vous suis. »

Elle ne s’embarrasse pas de quelconques explications, elle n’avait pas besoin de voir son visage se décomposer lorsqu’elle révélerait le démon qui se cachait derrière le visage de poupée. Prenant l’initiative, elle se dirige devant la grande porte qui était censée accueillir les pécheurs. La jeune femme prit place sur ce siège dur qui avait entendu avant elle tous les pleureurs venus confesser leur tentation d’un bout de chocolat ou d’une amante passagère. Elle se demandait si quelqu’un était déjà venu avouer avoir ôté la vie... Son attention se reporte à la petite grille séparant les deux cabines, elle pouvait entrevoir le menton droit et la mâchoire distincte du Père Raphaël. Puis, la non-croyante s’exprime enfin après un temps qui lui parut infini :

« Pardonnez moi mon père... Parce que j’ai pêché. Je crois que c’est ça. Reprenez moi, si je me trompe. »

Sa connaissance quasi nulle et la maladresse dans sa voix traduit l’incroyable malaise qu’elle a de se trouver réduite à une telle mesure pour libérer sa conscience.

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◊ ◊ ◊

Le silence était pesant, comme si, pendant un instant, la jeune femme n'allait pas répondre, faire demi-tour et quitter l'église. Bien sur, le prêtre ne ferait rien pour la retenir, mais il n'aurait rien contre passer plus de temps avec la jolie brune. C'était un sentiment qu'il n'avait pas vraiment ressenti depuis une éternité. Un battement de coeur qui s'échappe, un mot muet qui reste coincé en travers de la gorge. Il lève légèrement un sourcil à la remarque de la jeune femme.

« Ne vous inquiétez pas à ce sujet. J'ai connu des gens beaucoup plus irrespectueux que vous. »

Et je peux penser à beaucoup de façons dont vous pourriez m'appeler. Il chassa la pensée de son esprit. La jeune femme était venu se confier, et il avait l'impression que c'était un pas important pour elle. Une minute s'écoule encore, avant qu'un seul mot ne franchisse les lèvres tentatrices. Raphaël avait l'impression de redécouvrir à chaque fois la voix nacrée et douce de la jeune femme, comme s'il se perdait dans un nuage. Il sourit à la mention de ce prénom, qui semblait lui coller parfaitement.

« C'est un très beau prénom. »

Il acquiesça à l'acceptation de la jeune femme de se diriger vers le confessionnal. Il la guida en silence, sans vouloir briser le silence qui régnait dans l'église, et sans vraiment savoir quoi dire à la beauté fatale à ses côtés. Le confessionnal pouvait apparaitre comme un tombeau ou une prison, mais Raphaël voyait cela comme une façon d'être plus facilement soi-même, sans le regard de l'autre. Il s'installa de son côté de confessionnal, et pouvait distinguer les contours du visage d'Astrid, son souffle et son parfum entêtant qui se rependait dans le confessionnal. Elle met un certain temps avant de parler, temps pendant lequel les pensées de Raphaël fusent. Il a croisé plusieurs personnes pour qui le confessionnal était un pêché, mais Astrid était la première personne avec qui il aurait certainement accepté. La voix angélique reprend, et le prêtre ne peux s'empêcher de sourire avec sympathie.

« Certaines personnes commencent comme ça. Mais n'essayez pas de vous mettre dans un moule. Parlez-moi de la façon qui vous rend le plus confortable. Il n'y a pas de jugement ici. Je ne vous jugerai pas le moins du monde. J'imagine que c'est votre première confession ? »

Le prêtre voulait qu'elle se sente à l'aise, et qu'elle comprenne qu'elle ne risquait rien ici.

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Tout ici avait le don de faire naître un frisson le long de sa colonne vertébrale. Elle entendait un million de petits murmures au creux de son oreille, une symphonie que même l’orgue au fond du bâtiment n’aurait pas pu recréer. Confesser ses crimes ne ferait que creuser un peu plus sa tombe mais après tout, n’était-elle pas déjà à moitié dedans ? La mafia qui voudrait la faire tomber, la police qui voudrait la faire tomber, le voix qui voulaient la rendre folle… Elle fit un geste d’impatience de la main, comme si les mots qu’elle avait voulu dire s’étaient échappés avant qu’elle ne puisse les prononcer. Les mots du prêtre se voulaient rassurants, d’une bienveillance à laquelle Astrid n’était pas habituée, totalement étrangère. Troublée par l’attention qu’il lui portait, elle en perdait d’autant plus ses phrases. Lui-même avait conscience qu’il ne s’agissait pas d’un exercice qu’elle pratiquait régulièrement, il n’y avait qu’à voir la manière gauche dont elle s’était assise dans le confessionnal.

Le cercueil de ses secrets.

Un temps s’écoule avant que la jeune femme décide de ne pas répondre à sa question car elle lui paraissait rhétorique et de toute manière, il aurait été stupide d’appuyer ainsi son ignorance en la matière ou de relever simplement la question compte tenu de son évidente réponse. Au lieu de quoi, elle prit un ton solennel qu’elle ne prenait d’ordinaire que lorsqu’elle exécutait elle-même des ennemis :

« J’ai volé, extorqué, enlevé la vie. Je ne sais pas dans quel ordre est-ce le plus grave, je sais simplement que j’ai péché, du plus loin que je me souvienne. »

Un poids disparu soudain de ses épaules alors qu’elle prononçait ces mots pour la première fois. La vague libératrice qui s’étend dans son corps la fait s’enfoncer sur le banc froid du confessionnal, un souffle de soulagement lui échappe d’entre les lèvres. Astrid ne tuait pas par plaisir, le goût du sang ne l’avait jamais attirée. Elle tuait avec cette froideur professionnelle, estimant régler une dette à l’univers et ajouter du poids à la sienne. C’est peut-être pour cela qu’Aura lui accordait toute sa confiance ; la fin justifiait les moyens. Ôter une vie faisait partie du processus de la mafia, quand il s’agissait de faire respecter l’ordre et son autorité. Jadis, la française n’aurait jamais accordé un second regard à un homme qui venait de rendre l’âme, le gasp final et les derniers soubresauts étant largement suffisants pour déclarer un décès. Cependant, il lui arrivait parfois de revoir ce visage, surtout dans ses nuits interminables.

Reprenant son souffle, elle vient ajouter :

« Je confesse le plus lourd des crimes à votre porte, Père Raphaël, et je m’excuse de vous faire ainsi partager ces horreurs, vous qui n’avez pour vie que le divin. Je me livre à vous car j’ai l’impression de perdre la tête. J’ai accumulé les années en pensant m’habituer à tout ce carnaval de haine, mais quelque chose a changé en moi. »

La révélation de Hel avait changé des choses, avait comme fracturé sa personne. Elle était consciente qu’elle ne devait pas être la seule mais soudainement, c’est comme si elle était déchirée entre l’acceptation de cette vérité et la résistance naturelle d’une personne qui craignait pour son identité. Astrid fit tomber sa tête dans sa main, consciente de l’erreur qu’elle avait commise, malgré le soulagement qu’elle en avait tiré.

« J’ai fais une erreur en venant ici. J’imagine que vous allez appeler la police. »

Le Capitaine Snape abandonnerait femme et enfants pour venir la chercher si son prénom était évoqué dans un appel.

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◊ ◊ ◊

Le prêtre pouvait sentir l'hésitation de la jeune femme irradier l'ensemble du confessionnal. Depuis qu'elle était entrée dans l'église, il voyait la façon dont elle se comportait, les trajectoires fuyantes de ses prunelles, la démarche peu assurée, comme si elle allait fuir d'un moment à l'autre, comme un moment perdu dans le temps. Mais c'était peut-être ce qui rendait ce moment si intense, si respectueux et si fragile à la fois. Le courage qu'il lui fallait pour être présente ici, pour tenir dans ce petit endroit clos, en étant sans doute soumise à ses pires craintes, à ses démons et ses cauchemars, cela suffisait à gagner le respect de Raphaël. Même si elle n'allait pas jusqu'au bout et se défilait, il pouvait voir à quel point elle pouvait être forte.

Le silence pesait, enveloppant l'église dans sa douce cape. Impassible, il attendait qu'Astrid fasse le premier geste. Il n'était qu'un intermédiaire et il ne pouvait pas forcer une confession hors de l'esprit de quelqu'un. Parfois, certaines personnes souhaitaient juste s'asseoir dans le confessionnal, transmettant en silence leur confession à Dieu, et Raphaël était juste là, au cas où. Et, comme descendue du ciel, la voix angélique que son corps semblait ardemment désirer s'éleva à nouveau. Les mots qu'elle prononça juraient avec son aspect si parfait. Impassible, figure de pierre à moitié camouflée dans les ombres, il encaissait les révélations sans broncher. Il pouvait sentir le soulagement de la jeune femme après ses révélations et, un instant, il eut peur qu'elle fonde en larmes et de ne pas savoir quoi faire pour la réconforter.

Il y eut un nouveau moment de calme, puis elle reprit. Dans sa nouvelle déclaration, il avait l'impression de ressentir de la honte, de la culpabilité, et... quelque chose comme de la peur ? Il aperçut du coin de l’œil la silhouette d'Astrid se recroqueviller sur elle-même, et la voix qui sortit de nouveau avait perdu de son côté angélique, et gagner un côté enfantin, terrifié et résigné. Et son esprit marqua un temps de pause, en remarquant à quel point l'impression qu'Astrid lui renvoyait était familière. Il chercha les bons mots un instant, sans pouvoir se permettre d'attendre trop longtemps, pour ne pas effrayer la jeune femme.

« Je... je ne vais pas vous livrer à la police, ou à qui que ce soit. Non seulement la confession est un secret qui ne quittera pas ses portes, mais... je n'ai personnellement pas envie de vous voir en prison. »

Sa voix était douce, comme si elle voulait panser les plaies de la jeune femme, blessée de la voir dans un tel état.Il avait abandonné les formules traditionnelles de la confession, et il s'autorisa légèrement plus de familiarités.

« Tu fais preuve d'énormément de courage, et le fait que tu sois ici, à confesser, prouves que tu es consciente de ce qui s'est passé, et c'est le premier pas vers le pardon et la rédemption. Et ca me suffit. Je crois en la rédemption de chacun, et je crois en toi. Est-ce que tu préfèrerais parler de tout ça autour d'une boisson chaude, ou alcoolisé, loin de ce... cercueil ? J'ai le sentiment qu'on en aura besoin. »

Il sortit, puis tendit sa main vers Astrid pour l'aider à sortir du confessionnal, mais aussi pour lui donner un contact humain et lui transmettre un peu de chaleur.

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Jamais elle n’avait été aussi fragile que depuis la mort de son père. Et encore, elle avait vite reprit ses esprits car la fusillade l’avait forcée à revenir dans la réalité. Ce qu’Astrid n’avait pas prévu, c’est que l’église serait envahie d’âmes égarées, tourmentant son esprit. Les murmures se faisaient multiples, se réverbèrent dans son crâne et elle su immédiatement qu’elle devait quitter les lieux le plus vite possible Avant que le prêtre n’appelle la police. Avant qu’elle ne tombe dans les pommes, la surcharge sensorielle devenant trop dure à supporter.

Notre père qui êtes aux cieux…

Astrid commençait à voir trouble. Son bouclier mental allait être surchargé d’un moment à l’autre, elle ne pouvait pas se permettre d’être aussi faible alors qu’elle était exposée, en ville. Et surtout, elle ne connaissait pas le prêtre, qui sait quel genre de bête se cache derrière ses yeux bienveillants ?

que ton nom soit sanctifié, que ton règne vienne,

Bon sang et toute ces formes, tous ces murmures, c’est impossible de se concentrer. Son don lui retourne de plein fouet dans la figure et elle se recroqueville à l’intérieur du confessionnal. Contre toute attente, la réaction de Père Raphaël n’est pas celle qu’elle aurait imaginée. Elle croit desceller les mots “pas envie de vous voir en prison” parmi les pleurs des morts et des gens qui hantaient encore les lieux.

que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel.

“Est-ce que tu préfèrerais parler de tout ça autour d'une boisson chaude”, oh oui par pitié, sortez la d’ici. “Loin de ce... cercueil ?“ Étrange qu’un membre de l’église parle d’un confessionnal comme d’un cercueil, un peu comme si sa foi avait été ébranlée ces derniers temps. Avec tout ce qui se déroulait à Arcadia, il devenait étrange de croire en une forme supérieure qui prendrait soin de ses sujets quand tout ce qui les entourait était le meurtre et le trafic. Alors qu’elle sent qu’elle va défaillir, une main se tend vers elle et lui permet d’avoir une porte de sortie. Sans réfléchir, Astrid saisit cette main tenue et s’extirpe du confessionnal. A cause de sa migraine, tout son poids bascule en avant et la fait s’écrouler sur le prêtre.

« P-Pardon. Je suis désolée… »

Pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés.

Mais elle n’arrivait même pas à s’exprimer correctement. Astrid se sentait partir et elle savait qu’elle avait trop tiré sur ses réserves pour que son corps accepte plus. La mafieuse réussit à lever les yeux vers l’homme et dans un souffle, elle l’implore :

« Sortez-moi d’ici… J’ai besoin d’air. »

L’air n’était pas ce dont elle avait le plus besoin, mais ça l’aiderait probablement à l’éloigner. Quelle idée d’entrer dans ce putain d’édifice, elle savait pourtant ce que signifiait “église“, non ?!

Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour.

Dans ses dernières forces, Astrid s’élance vers les grandes portes de l’église, distinguant à peine la lumière des bougies. Lorsqu’elle sent l’air de la nuit lui fouetter le visage, elle prend une grande inspiration et expire comme si tout le poids du monde s’envolait vers la lune qui les jugeait.

« Je vous présente mes excuses, Père. Je ne peux pas vous expliquer pourquoi mais je ne peux plus entrer ici. »

Peut-être analyserait-il cela comme un rejet du divin lui-même, et elle comprendrait. C’est comme si l’endroit était corrosif pour son âme car elle était trop rongée par le vice.

Et ne nous laisse pas entrer en tentation
mais délivre-nous du Mal.

« J’ai du mal comprendre… Vous avez parlé de boisson chaude ? »

Amen.

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the universe was made just to see your eyes

◊ ◊ ◊

Il y avait quelque chose d'étrange dans cette jeune femme. Quelque chose semblait avoir changé dans le confessionnal : une lueur hantée se cachait, fuyante, dans le creux de ses yeux. En sortant du confessionnal, Astrid attrapa la main tendue, presque du bout des doigts, avant de s'effondrer à moitié sur le prêtre. Par réflexe, son autre main vint se placer dans le dos de la jeune femme pour éviter qu'elle s'écroule au sol. Le corps donnait une sensation de chaleur étrange et, pendant un instant, ils restèrent ainsi, sans bouger un muscle. Dans n'importe quelle autre circonstance, Raphaël aurait sans doute pu s'imaginer des choses mais il pouvait sentir l'affolement de la jeune femme, sa détresse, qui lui rappelait certains moments sombre de sa jeunesse. D'une voix faible, presque éteinte, la jeune femme s'excusa, et le coeur du prêtre se serra, plein d'empathie pour elle.

« Hey, c'est pas grave. Tout va bien. »

Les règles de la politesse avaient entièrement laissés place à une familiarité étrange, presque naturelle. La tête brune relève la tête, et le regard de Raphaël croise celui d'Astrid. Et son coeur se brisa de nouveau. Il pouvait voir à quel point ces yeux étaient empreints d'une beauté naturelle mais à ce moment précis, figés dans le temps, couplés à la splendeur de la tristesse et de la détresse infinie qui secouait la jeune fille, ils représentaient avec magnificence ce qu'auraient ressenti les anges tombés du ciel et perdus dans un monde inconnu. Ce n'est qu'avec une voix éteinte qu'il répond à la supplique.

« Oui... bien sur. »

Il la soutient pour les premiers pas puis il sent Astrid s'échapper de l'étreinte et courir vers les portes de l'église, avant de sortir, comme pour accueillir le baiser froid de la nuit. Sans se presser non plus, pour lui laisser le temps de souffler et de l'espace si elle le souhaitait, il sortit à son tour. Il profita aussi de ce moment pour reprendre son souffle et tenter de calmer les battements de son coeur, qui semblait s'être emballé, ou avoir été conquis. Dans le silence de la nuit, sur le perron de l'église, il se tenait quelques mètres derrière Astrid, attendant d'être convoqué par son nom ou de la voir partir. Il pouvait juste voir ses cheveux tomber en cascade sur ses épaules, entendre son souffle tenter de retrouver un rythme normal et apercevoir la buée qui s'échappait à chaque respiration. Il agrippait à chaque détail, comme s'il avait peur qu'elle ne soit pas réelle. Les secondes passèrent, lentes, et s'étiraient. Encore une fois, la douce voix s'éleva, caressant le silence.

« Il n'y a aucune raison de s'excuser. Je ne peux pas dire que je comprends, mais je ne forcerai pas le sujet. »

Il s’avança pour se placer à ses côtés, son épaule frôlant celle d'Astrid. A ses côtés, le froid de la nuit ne paraissait pas si invincible. Il était même étrangement doux. Ses yeux se tournèrent vers Astrid, contemplant le profil de son visage alors qu'elle articulait une dernière question.

« Oui. Une boisson chaud ou de l'alcool. Et en voyant l'étant dans lequel tu te trouves, je pense que tu en aurais besoin. J'ai un appartement un peu plus loin, ou je connais un bar qui reste ouvert tard et qui ne pose pas beaucoup de questions. »

Proposer de passer à son appartement était sorti d'entre ses lèvres sans qu'il réfléchisse, et il se rendait compte l'impression que cela pouvait donner. Il espéra que la faible lueur de la rue cacherait le léger rougissement des pommettes du prêtre.

« Et si tu le souhaites, tu peux me tutoyer, j'ai un peu de mal avec le vouvoiement, même si je fais avec la plupart du temps. »

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Astrid avait tenu une arme entre ses mains aussi longtemps qu’elle pouvait s’en souvenir, son père lui avait offert son premier revolver si tôt que la plupart des services sociaux se seraient empressés de lui prendre la garde de sa fille. Nikolaos avait donné à sa fille une éducation pleine d’amour mais plongée dans un monde sanglant que lui même avait connu une majeure partie de sa vie, on ne pouvait décemment pas le blâmer pour ça. Dans l’air de la nuit, la brune pouvait presque sentir la présence de celui qui l’avait élevée et cela soulageait un peu ses peines. Elle fut tirée de sa rêverie quand Père Raphaël vint à sa hauteur. L’homme transpirait l’empathie et la douceur, quelque chose qui était rare pour elle tant elle avait l’habitude de vivre dans un monde violent, caractérisé par le besoin incessant d’être inatteignable par le commun des mortels. Hel n’était pas faible, Astrid non plus, la déesse avait choisi le bon hôte mais le fait d’être le centre de l’attention de quelqu’un de si bon malgré ce qu’elle lui avait révélé la laissait pleine de questions. Néanmoins, elle était sensible à la préoccupation que semblait lui porter l’homme d’église.

« Tu dois penser que je suis folle. »

La barrière du vouvoiement était franchie, sans qu’il y ai une véritable explication. Dès le début, une certaine intimité s’était glissée entre eux et Astrid mentirait si elle disait ne pas avoir l’impression de reconnaître en lui son égal alors que tout les opposait franchement. Le duo était cote à côte, leurs épaules se frôlaient à peine et Astrid se surprit à aimer ce contact qu’elle n’avait pas eu depuis des semaines. Peu de gens osaient l’approcher et encore moins la toucher, outre ceux qui lui voulaient du mal. La brune reprit son souffle, avale sa salive et dégage son visage des mèches de cheveux venues se coller à son front humide. Puis, elle reporte son attention sur Raphaël, intriguée :

« Les prêtres ont le droit de boire ? »

Décidément, elle ne comprenait vraiment plus rien à la religion. Le meurtre, l’alcool... Et puis quoi encore ? Les femmes ? Ou peut être était-il aussi tordu que les autres... La mafieuse avait vu des hommes changer de visage aussi facilement qu’ils changeaient de veste. Elle fit quelques pas pour descendre les escaliers, réfléchissant à la proposition du prêtre, pesant le pour et le contre tout en sachant pertinemment que ce n’était pas une bonne idée. Pourtant, elle ne put se résoudre à l’idée de lui donner plus d’indices ; aussi, elle emboîte le pas au prêtre avant de se retourner :

« Tu ne dois pas fermer l’église avant de partir ? Tu portes encore ton col. »

Signe distinctif de sa position et largement explicite pour quiconque possédait un semblant de réflexion.

« Je veux bien marcher un peu avec toi. »

Même si c’était dans le silence, l’aura de Raphaël la mettait suffisamment en confiance.

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◊ ◊ ◊

La nuit était à peine commencée et Raphaël avait commencé à ressentir la fatigue de la journée appuyer sur ses épaules. Mais en rencontrant Astrid et en décidant de l'aider, c'est comme si un point s'était enlevé de sa conscience. D'elle émanait une certaine impression de violence, d'une forme de puissance brute, mais aussi une douceur cachée, dissimulée. Lorsqu'elle lui dit qu'il devait l'imaginer folle, il eut un sourire qui tentait d'égaler la douceur qu'il pouvait imaginer en elle. Elle n'avait rien d'une folle ou, en tout cas, n'agissait pas comme telle. Jusqu'ici, ses actions avaient toutes étaient contrôlée, comme si elles avaient été répétées maintes et maintes fois. La carapace s'était un peu brisée lorsqu'elle avait quitté précipitamment le confessionnal et l'église. Un instant, il se demanda s'il aurait du la connaitre, si c'était une célébrité incognito, une actrice ou une chanteuse. Mais son visage, si étrangement familier et pourtant si violemment nouveau, ne lui rappelait aucun souvenir.

« Tu n'es pas folle. J'ai vu des gens fous. Tu ne leur ressembles absolument pas. Je pense qu'il y a vraiment quelque chose qui s'est passé dans l'église. Mais ... sans en savoir plus, je ne peux pas dire que je comprenne. Mais je ne pense pas que ce soit bizarre. Tout le monde se fait submerger par l'instant. »

Le prêtre pouvait difficilement imaginer que ce soit autre chose que les émotions de la jeune femme qui ait pris le dessus, c'était la supposition la plus logique. Pour lui, il fallait seulement parler d'autre chose, chasser ces émotions et y revenir une fois calmer et prêt à les affronter. Il haussa un sourcil et sourit de nouveau.

« Certains ne boivent pas, mais entre nous ... ils ne sont pas très drôles. Les prêtres les plus drôles sont ceux qui gardent leur liberté. »

Il avait pris un air de conspirateur pour énoncer sa phrase, finissant avec un clin d'oeil. Astrid fit quelques pas avant de se retourner et lui faire une nouvelle remarque. Dans l'urgence du moment, et peut-être un peu la déstabilisation que provoquait la jeune femme, il aurait pu partir sans fermer l'église. Même si il n'y avait rien de valeur, pas de trésor, ça restait un sanctuaire. En fermant la porte, pour enfermer les mauvais souvenirs et s'éloigner de l'endroit qui avait mis la brune dans cet état, il parla d'une façon un peu distraite.

« Le col te gène ? Ou alors tu n'as pas envie d'être aperçue avec un prêtre ? »

Il s'était retourné avec un sourire en coin, pour lui montrer qu'il la taquinait, et enleva d'un geste rapide son col, le fourrant dans une poche. Puis il acquiesça à la proposition de la jeune femme, et ils commencèrent à marcher, en silence pendant un moment. Raphaël chassait une migraine qui le menaçait, profitant d'un moment dans le frais, à côté de la jeune femme, apparemment plongée dans ses pensées. Il pouvait presque sentir la chaleur émaner de son corps, et leurs épaules continuaient de se frôler. Brisant le silence d'une voix douce et calme, il regardait Astrid en biais.

« Tu es une femme intéressante. Je me rappelle t'avoir vu quelques fois au fond de l'église, mais je ne me rappelle pas vous avoir vu ailleurs. Vous habitez ici depuis longtemps ? »

Il se rendait compte qu'il ne connaissait pas grand chose d'Astrid, à part son nom, sa beauté presque surnaturelle et sa crainte des églises.

« Je suis désolé si ça parait audacieux, mais j'aimerai mieux vous connaitre. »

Encore une fois, il avait parlé sans penser auparavant, en se laissant emporter par un élan de son coeur. Ça faisait longtemps qu'il n'avait pas eu autant l'impression d'être en communion avec une personne. Mais son manque de confiance en lui ne lui donnait pas énormément d'espoir pour la suite.

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**Astrid Arsenault**

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Il fallait qu’elle s’aère l’esprit, ne serait-ce que pour oublier un instant qui elle était. La Reine des Enfers, régnant sur le royaume glacé de Helheim, souveraine des morts. Toute ces joyeusetés correspondaient en un sens à Astrid et l’avait surprise qu’à moitié lors de la révélation ; elle qui avait si souvent tué ne pouvait qu’être liée à la Faucheuse et au tourment éternel des âmes. Et qu’avait-elle choisi de faire pour soulager sa conscience ? Courir jusqu’au premier confessionnal venu, dans la maison de Dieu, même. Qui de sain d’esprit ferait une chose pareille ? Qui irait avouer ses crimes au représentant du divin sur Terre ? La française n’était pas croyante, son père non plus ; jamais elle n’avait eu d’éducation dans ce sens et la seule loi qu’elle connaissait était celle du silence. Elle s’en voulait, profondément. Sa faiblesse n’était pas quelque chose qu’elle cultivait mais plutôt une honte qu’elle cachait, pour mieux la dévoiler à un inconnu qui avait perçu quelque chose en elle.

Raphaël savait désormais qu’il avait à faire à une tueuse, à quelqu’un de malhonnête. Elle connaissait bien les signes de déceptions, les rictus de peur. Rien de cela n’avait traversé le visage du prêtre lorsqu’il l’avait tiré du confessionnal. Peut-être était-il attiré par la noirceur humaine, elle ne le saurait jamais vraiment. Aucune trace de jugement dans ses yeux. Juste une attention particulière et la flamme d’un intérêt. Elle espérait secrètement qu’il ne finirait pas par utiliser sa faiblesse contre elle, donner des armes à ceux qui pouvaient profiter d’elle n’était pas dans ses habitudes mais Astrid essayait de se convaincre qu’elle faisait fausse route. Elle ne pouvait que se tromper. Il sourit et les doutes de la jeune femme s’éclipsent, une touche d’humour et elle décide de se laisser tenter.

« Je ne te croirais que lorsque je te verrais avec un verre à la main. »

La complicité qui était née entre les deux était assez inédite et rapide, néanmoins Astrid avait vraiment besoin d’une épaule sur laquelle pleurer et il semblait être volontaire et bienveillant. Cela lui suffisait comme assurance. Elle l’observe fermer l’église, ranger son col et soudainement il paraît bien plus normal que lorsqu’il était derrière les murs. Astrid ne peut s’empêcher de le lui faire remarquer :

« On ne dirait pas la même personne. On te l’as déjà dit ? »

Finalement, Raphaël lui rappelle qu’il l’avait déjà vue traîner au fond de l’église, alors qu’elle cherchait le courage de faire ce qu’elle avait réalisé aujourd’hui. Sans laisser transparaître sa gêne, la jeune femme répond :

« Je ne suis pas du coin. »

Cela ne devrait pas étonner le prêtre, de tous les attributs que la brune avait réussi à dissimuler, son accent n’en faisait pas partie, il criait les origines européennes avec sa prononciation hachée. Il s’excuse de tant s’intéresser à elle et Astrid hausse un sourcil :

« Je ne me livre pas, d’ordinaire. Alors, j’imagine qu’on va devoir faire donnant donnant, au cas où l’un d’entre nous aurait envie de parler de l’autre, tu vois ce que je veux dire ? »

Elle était prévenante, quand même. Le recel d’informations était un fléau à Arcadia et il ne faudrait pas que ses confessions arrivent aux mauvaises oreilles.

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astrid and raphaël

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◊ ◊ ◊

Il y avait quelque chose de brutalement honnête dans leur conversation. Les masques, qu'ils avaient passés une vie entière à créer, auxquels ils étaient habitués, semblaient avoir été oubliés. Effacés face à l'envie de palier à la solitude, au désir d'avoir une personne à qui parler, avec qui ils pouvaient enfin être eux-même, le prêtre et la tueuse formaient déjà un couple étrange, complémentaire, avec une certaine timidité et hésitation. Raphaël avait le sentiment d’apparaître comme un adolescent balbutiant devant la plus jolie fille du lycée. Il n'était pas inexpérimenté, loin de là, mais il avait rarement croisé une personne qui lui faisait ce genre d'effet. Le palpitant qui s'affole. Le regard en coin, qui cherchait à capter les prunelles de la prune, tout en fuyant quand il les rencontraient. Il sourit au défi d'Astrid.

« Tu ne crois que ce que tu vois, c'est ça ? »

Il lui fit un clin d’œil, alors que le silence retombait lentement. Il pouvait presque sentir le coeur de la jeune femme, désireux seulement de trouver un compagnon à qui parler. La solitude, à la fois preuve d'un carcan et d'une liberté, pieuvre qui infectait chaque aspect d'une vie, se ressentait dans l'attitude et les mots des deux silhouettes qui déambulaient lentement dans les rues faiblement éclairés, comme s'il n'y avait qu'eux au monde. Il sourit à la remarque d'Astrid. Effectivement, enlever le col semblait retirer toute la responsabilité de ses épaules. Le prêtre n'était plus là, sauf si elle avait des fantasmes étranges. Sans ça, c'est comme s'il pouvait oublier une partie de ce qu'il était pour se concentrer sur Astrid, sans avoir de honte, de peur par rapport à sa vocation.

« Certains me le disent, mais c'est rare que les fidèles me voient sans mon col, et ceux qui me connaissent hors de l'église ne savent pas forcément que je suis un prêtre. Tu es une privilégiée du coup ! »

Leurs épaules se frôlèrent une nouvelle fois et son coeur manqua un battement. Une partie de lui avait peur de s'engager, voulait prendre son temps et s'assurer qu'il ne s'impose pas. L'autre voulait caresser l'ange, céder au désir qui le dévorait lentement. Mais c'était toujours la première qui l'emportait. En plongeant son regard sur le visage angélique et doux d'Astrid, le désir était infime comparé à l'admiration et une attraction plus pure. Il avait l'impression de n'être qu'une goutte dans l'océan de ses yeux. Juste une étoile dans l'immensité du ciel. Mais là où il aurait du se sentir insignifiant, il semblait être quelque chose d'important avec elle. Perdu dans ses pensées, il sourit, sans vraiment savoir si elle l'avait remarqué. Elle répondit à sa question en précisant qu'elle ne venait pas d'ici.

« Je vois. Je suis heureux que tu sois venu ici. »

Il sourit en plongeant ses yeux dans les siens. Grâce à elle, il avait oublié - même si ce n'était peut-être que pour une soirée - ses soucis, ses cauchemars, l'horreur de la violence qui se répandait dans le monde. Pour une soirée, il pouvait apprécier ce que l'univers avait de plus beau à offrir. Et c'était elle.

La remarque d'Astrid était fondée. Il commençait à la connaitre davantage, mais le contraire n'était pas forcément vrai.

« C'est très juste. Que veux-tu savoir ? Je n'ai pas vraiment de tabous, mais je ne réponds aux questions intimes qu'après le deuxième verre. »

Il lui fit un clin d’œil alors qu'ils arrivaient dans le bar. Il lui ouvrit la porte et leurs mains s'effleurèrent lorsqu'elle passa devant lui. Ils trouvèrent sans mal un coin calme et discret où s'asseoir et le patron, qui connaissait Raphaël depuis un moment, ne poserait aucune question, ne ferait aucune remarque. Raphaël commanda une bouteille de whisky, tandis qu'Astrid passait sa commande. Il leva son verre.

« Aux inconnus et aux premières rencontres, j'imagine. »

Il trinqua avec elle et attendit qu'elle pose ses questions.

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**Astrid Arsenault**

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Il n’y avait rien, pas un seule indice qui aurait du laisser Astrid faire confiance à cet homme. Elle qui avait toujours mit un point d’honneur à être comme une forteresse impénétrable se retrouvait à déballer ses plus sombres secrets à un inconnu. Etait-ce là le pouvoir secret d’un prêtre ? Pourtant elle en avait déjà rencontre - probablement même assassiné, on ne peut jamais faire confiance à un homme de l’église -, mais lui avait quelque chose d’impétueux, d’insolent dans son regard. Peut-être n’avait-il pas toujours été comme ça, mais elle avait tendance à croire qu’Arcadia était une terre qui faisait ressortir des choses assez étranges des gens, même les plus droits. Elle l’observe du coin de l’oeil, revenu homme normal une fois le col abandonné, mortel à la merci des péchés.

Fais lui confiance, lui soufflait un instinct en elle.

Elle le ferait. Ses pas l’avaient mené à un endroit inhabituel, il avait fait rencontrer quelqu’un qui ne la jugeait nullement. Il avait toute sa confiance, naturellement, aussi vite qu’on tombe sous le charme. Il semblait à l’aise avec le monstre qu’elle était, terriblement consciente d’avoir du sang sur les mains, pas forcément innocent mais indéniablement présent. La culpabilité, couplée à ses nouvelles capacités rendaient les choses difficiles. Elle lève le nez vers le ciel, profite de l’air frais de la nuit pour reprendre ses esprits, les bras croisés sur sa poitrine comme pour se protéger du froid. Il semblait réellement content de cette rencontre étrange… Et cela ne paraissait pas ordinaire. Néanmoins, elle acceptait la situation, car c’était le seul refuge qu’elle aurait aujourd’hui.

Alors qu’ils passent les portes du bar, Astrid détend ses épaules, enfin en terrain connu. Bien qu’elle passe moins de temps dans ces établissements que certains policiers, elle savait qu’il s’agissait des meilleurs endroits pour obtenir des informations capitales et l’alcool aidant, on trouvait facilement des petites frappes récemment embauchées dans des mafias, prêtes à tout dévoiler avec un peu de persuasion. Naturellement, la brune prit place dans le coin que Raphaël lui propose et il commande immédiatement une bouteille de whisky. Surprise, elle s’entend dire :

« Vous buvez ça d’habitude ou c’est Dieu qui vous a soufflé que je n’avale que ça ? »

Le whisky… Un plaisir qu’elle n’aurait qu’à moitié, à mesure que la déesse prendrait possession d’elle. Un jour, il ne lui fera plus d’effet et elle devra s’enivrer d’une autre liqueur, que les mortels ne pouvaient consommer. Après un instant, le prêtre lui accorde les question qu’elle veut ; un milliers viennent s’imposer à elle, comme par exemple, pourquoi faire ami ami avec quelqu’un qui venait d’avouer des meurtres ? Quel genre de confessions cette ville venait apporter dans son confessionnal pour que cela ne le choque guère ? Au lieu de ça, elle répond platement :

« Raphaël, c’est ça ? Qu’est-ce qui t’as décidé à devenir prêtre ? »

C’était déjà un bon début. En bonne informatrice qu’elle était, Astrid savait qu’il était essentiel d’en savoir plus sur l’histoire d’un homme pour pouvoir en apprendre plus sur ses origines pouvait toujours mener à un extraordinaire puit de connaissances.

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astrid and raphaël

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◊ ◊ ◊

Le bar se vidait lentement de ses occupants, et les quelques survivants étaient assoupis au bar, accoudés à leur table, ou engagés dans des discussions presque silencieuses. Raphaël avait du mal à se rappeler précisément de la façon dont sa journée s'était déroulée avant l'apparition d'Astrid dans son église. C'était peut-être l'effet de l'alcool, insidieux, qui commençait à s'infiltrer dans ses pensées, ou alors le charme de la jeune femme érodait les défenses du prêtre. Il sourit, son verre à la main.

« Juste pour les grandes occasions. Et en ce qui concerne Dieu, dans ce domaine-là, il préfère rester silencieux. Chacun pour soi. »

Il adressa un clin d’œil à la brune, et sirota distraitement son verre. Il pouvait nommer la plupart des personnes qui étaient encore dans le bar. Certains étaient des habitués de l'église, d'autres étaient réglés comme des horloges pour leur passage au confessionnal mais venaient rarement aux sermons, et les autres avaient un visage familier, sans plus. Il replongea son regard dans les yeux de son interlocutrice. La question n'était pas surprenante et, dans un sens, il ne s'attendait pas à une question piège ou tordue. Mais d'un autre côté, le frisson de danger qui semblait émaner de la beauté ténébreuse n'avait pas réussi à transpirer dans sa question.

« C'est une question que je pose souvent. J'imagine que le fait de grandir dans un orphelinat catholique aide. Je pourrais aussi dire que j'ai toujours eu envie de guider les gens dans ces contextes difficiles mais ... c'est surtout moins de paperasse, et je peux avoir les horaires que je veux. Se retrouver derrière un bureau .. Ça, c'est un enfer. »

Il s'était caché derrière un trait d'humour, mais il savait que les deux étaient vrais. Il voulait aider les personnes perdues comme il avait pu l'être, et il ne voulait pas se retrouver enfermé dans une routine. Peut-être que c'était pour ça qu'Astrid avait tant cette impression de bouffée d'air frais sur elle.

« Je peux te poser une question ? Qu'est-ce qui t'a décidé à venir à l'église ce soir ? Est-ce qu'il s'est passé quelque chose ? »

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**Astrid Arsenault**

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L’homme face à elle avait quelque chose, comme un masque qui l’empêchait de se dévoiler complètement et c’était une attitude que la jeune femme pouvait parfaitement comprendre. Penchant légèrement la tête sur le côté, elle scrute chaque détail, chaque ride nouvelle sur la peau du prête, chaque marque du temps qui le condamnait au même titre que tous, à la différence qu’il avait dédié sa vie à l’adoration d’un être dont personne n’avait jamais prouvé l’existence. Les Dieux étaient réels, Astrid le savait au fond d’elle-même, elle sentait Hel se réfugier dans l’obscurité de sa poitrine, comme un vide qui aspirait tout et qui ne recrachait que des ténèbres. Autour d’eux, le monde continuait de tourner, sourd à leurs souffrances et à leurs questionnements, le tout mêlé aux effluves de whisky qui ne disparaissait jamais de leurs verres. Au fond des yeux du prête, il avait comme une lueur étrange, bien loin des considérations religieuses qu’il disait défendre et c’est ainsi que la criminelle su qu’elle avait à faire avec quelqu’un de sa trempe, quand bien même il n’en laissait rien paraître. Saisissant le verre entre ses doigts, elle le porte à ses lèvres et le vide d’une traite comme pour prouver qu’elle n’avait pas peur de défier l’autorité divine devant son représentant sur Terre. Astrid ne croit en rien, si ce n’est en la loi du plus fort. La seule personne qui serait capable de la foudroyer n’était pas de ce monde. Personne ne foudroie la personnification de la Mort.

Avec un brin de curiosité qui se voulait innocente, bien que rien ne semblait innocent sorti des lèvres de la française, elle croise les jambes et s’enfonce dans son fauteuil en considérant son compagnon d’infortune :

« Vous n’êtes pas un prêtre ordinaire. Je vois plusieurs clients vous faire signe… Vous semblez plutôt ouvert, pour un religieux. »

Tant de guerres étaient nées des disparités et des divergences de croyances… S’il célébrait la messe, ça ne pouvait pas être l’une d’entre elle qui intime l’ordre d’être irréprochable et de ne jamais faire d’excès ; elle était presque certaine qu’il était en réalité un plus grand pécheur que la plupart de ses paroissiens. Se rapprochant de nouveau, comme pour instaurer une intimité entre eux dans le lieu public, parmi les verres qui tintent doucement en se posant sur le bois des tables. Lorsqu’il explique les raisons de son métier, un sourire amusé naît sur les lèvres d’Astrid :

«  Il fallait faire dans le social, pas dans le religieux. Mais je comprends les influences de l’enfance. »

Elle-même était un pur produit de ce qu’en avait fait son père, peut-être que les choses auraient été différentes s’il avait décidé de s’éloigner des gangs mais quelle vie pouvait offrir un récidiviste seul avec son enfant ? La gamine ne lui en a jamais voulu : ça l’avait entièrement forgée en cette femme qui faisait trembler de peur ses ennemis rien qu’en prononçant son nom. Mais bien vite, Raphaël revient à la charge, n’ayant pas oublié leur petit deal, Astrid hausse les épaules comme prise à son propre piège, elle qui ne parlait pourtant jamais d’elle-même. Laissant la question planer un moment, la jeune femme essaye de rassembler les mots justes, ceux qui pourront exprimer le déclic, la détresse qui avait mené ses pas jusqu’à l’église alors qu’elle s’était trouvée sur son chemin comme un phare dans une mer d’agonie.

«  Je ne dors pas. »

Cette explication était loin d’être suffisante, mais elle était le reflet de la réalité, les tourments l’empêchaient de sombrer dans les bras de Morphée, encore plus depuis que des ombres s’était invitées parmi les vivants.

«  Peut-être des problèmes de conscience, qui sait ? Je n’en avais jamais eu avant. »

Elle avait ôté la vie un bon nombre de fois dans les années précédentes et jamais elle n’avait ressenti le besoin de le dire voix haute, surtout pas dans un édifice religieux.

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the only heaven i'll be sent to is when i'm alone with you

@Astrid Arsenault

Du coin de l'oeil, le prêtre aperçut le gérant du bar refuser l'entrée à un groupe de personnes. Le bar allait sans doute fermer bientôt, et il avait l'impression d'être à peine arrivé. Le propriétaire préférait toujours avoir un moment de calme pour ranger, nettoyer et préparer les services du matin et les innombrables cafés qu'ils allaient devoir servir. Le prêtre soulève un sourcil en voyant la jeune femme vider son verre d'une seule traite. Il termina le sien un peu après, ce qui permit à Astrid de poser une question, d'un ton étrangement innocent.

« You find me open right now ? You should definitly see me on karaoke nights. » Il lui adressa un clin d'oeil. « To be perfectly honest, I think the whole world - and even a majority of people inside the Church - stil clings to the medieval vision of us. We are like a lot of people, but the world expects us to be examples of perfection. Which no one can be. I could debate all night on the subject of perfection, but that would be boring. »

Il aurait pu faire une allusion déguisée à la beauté de la jeune femme, parce qu'il ne pouvait pas déceler de défauts physiques chez elle. Mais le physique n'était pas ce qui comptait le plus pour lui, et elle restait encore une inconnue, malgré tout ce qu'il avait appris. Il ressentit Astrid se rapprocher plus qu'il ne vit le mouvement. Elle avait une présence particulière, quelque chose lové au fond de ses yeux, camouflée dans sa voix, dans sa posture. Il n'y avait aucun doute que Raphaël était sous le charme, mais il n'arrivait pas à se l'expliquer. Cette familiarité qui était née dans le creux de deux ombres semblait guider leur conversation et il eut un sourire en entendant la réponse de la brune à sa raison d'être prêtre. Il sentit aussi que son esprit tentait de trouver les bons mots pour répondre à sa question, comme si ses gestes et sa venue émanaient de son inconscient. Son aveu, de ne pas dormir, semblait la déchirer de l'intérieur, et résonnait avec les cauchemars du prêtre et ses insomnies de plus en plus fréquentes. Il sourit légèrement et parla d'une voix douce.

« The mysteries of the mind ... I may be brave for saying this, but I think that you are a good person, you just were ... put in the position you are by someone else. And maybe what you are feeling today is the result of something that happened recently ? » Le gérant fit discrètement signe à Raphaël qu'il était l'heure d'abandonner le navire et le prêtre acquiesca lentement. « Astrid, would you feel confortable talking about it to my place ? It is more quiet, more discreet, and I feel like discretion should be a key word, considering what you told me about your life. »

Alors qu'ils sortaient du bar, s'engouffrant dans le froid et l'obscurité de l'extérieur, Raphaël ne pouvait empêcher un sentiment étrange de grignoter une partie de son esprit, comme si il allait s’emmêler dans une histoire qu'il ne pouvait pas vraiment comprendre, et dans des situations qu'il ne pourrait pas contrôler.

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