"Bordel..." La tête est lourde, les mots tombent de sa bouche sans vraiment y parvenir. Marmonnement, alors qu'il peine à se relever, à se sortir de cet état qui lui arrache des frissons tous plus désagréables les uns que les autres. Il vient à cracher pour se débarrasser du goût qui règne en maîtresse dans la bouche, sans comprendre que ça ne partira pas si facilement. Tout est flou de prime abord, un mal de tête léger mais présent. Et de prime abord, il craindrait plus les céphalées que le reste. Sauf que rien ne va, ici. Qu'il relève les yeux, qu'il découvre que rien n'est tangible. Environnement singulier, que son esprit n'accepte de prime abord pas. Mais la guerrière cachait en son sein l'alerte. Il faut fuir ces sables mouvants. Tout à l'intérieur, il l'interroge, mais elle ne peut répondre à ces questions. Il avise vaguement une autre silhouette, dans ce lointain qui s'effondre sur lui-même, dans des cendres dont il n'a pas envie de faire partie. Il n'a pas réchappé à la mort pour mieux y replonger. "Mais c'est quoi ce bordel... ?" La vengeance le pousse à se relever, à commencer à marcher, jusqu'à cette voix qui va l'arrêter en plein dans cette fuite vers l'avant, jusqu'à cette immense mur qu'il trouve terrible et glauque. Il ne la reconnaît pas tout de suite, cette voix. N'entend que son prénom murmuré, dans cet amas-là. L'autre présence n'est pas loin et c'est en tournant la tête vers elle, qu'il la voit. Et ses yeux s'écarquillent, alors que le coeur se fait éventrer en même temps. "Qu'est-ce..." La voix se meurt, devient une poussière de plus, tout comme le reste. Il reste planté là, un instant, les suppliques qui viennent le pourfendre. Les yeux clignent et peut-être bien que, finalement, tout ceci n'est qu'un cauchemar. Qu'un putain de mauvais rêve dans lequel il ne retrouvera pas vraiment sa mère. L'esprit se trouble un peu plus,  avant de se détacher de cette vision qui lui fendille l'âme en plus de morceaux que nécessaire, qui lui rappelle qu'il est profondément humain, derrière la guerrière qui a réveillé tous le reste en venant se nicher en lui. L'autre présence. Elle ne peut pas être anodine. "Hey !" Qu'il interpelle alors, le sang soudainement battue par l'urgence de la situation. Par l'injustice aussi, de voir sa mère souffrir alors qu'ici, ici, ça devrait plutôt être son frère qui devrait supplier. La colère aussi a un goût de cendre. "Toi et moi. On fait quoi ?" Pas de bonsoir, pas de présentation. Ce n'est qu'un cauchemar, après tout. Les poings serrés, le visage durcit par l'émotion et par cette haine qui est revenue se loger dans les tripes. Alors, il se fait pragmatique au possible.

La sortie de son sommeil est brutal, comme éjectée de la torpeur qui l’a protégeait de l’horreur l’entourant. Sa première réflexion est de se dire que sa gorge est sèche comme au milieu du désert et elle tousse un moment avant de reprendre son souffle et d’avaler sa salive à défaut d’eau fraîche. Astrid se redresse, prise de vertiges et comme si ses pieds allaient s’enfoncer dans le sol qui semblait se décomposer. Silence. Lamentations. Obscurité. Partir, vite. La déesse en son sein est partagée entre le confort et l’incompréhension, sans que la criminelle ne puisse mettre le doigt sur l’origine de cette sensation. Tout lui crie de fuir. Tout lui crie de revenir. Mais surtout quelqu’un l’appelle, elle entend son nom dans les murmures éternels. Astrid. Oh, cette voix qu’elle connait par coeur, la mélodie de son enfance. Père. Le mur face à elle lui montre le visage torturé de celui qui l’avait élevée, celui qui lui avait tout apprit. Pourquoi toi parmi d’autres ? On t’as arraché à moi d’une balle, un instant plus tard et tu n’étais qu’un tas de chair. Tu n’es encore qu’un tas de chair dans ce mur diabolique. Ce n’est pas la première fois qu’elle le voyait en rêve mais de le sentir si réel enfonçait des épines dans sa cage thoracique, lui faisait violemment revivre son deuil enfoui. « Hey ! » Une voix la tire de sa rêverie, la brune fait vole-face dans cet univers chaotique pour y découvrir un homme dont les traits lui étaient inconnus mais qui ne étrangement pas se fondre dans le songe. Il s’en découpait étrangement et Astrid ne pouvait lire avec certitude qu’il était en colère et profondément en souffrance. « Toi et moi. On fait quoi ?  » Astrid ne reconnu pas sa propre voix lorsqu’elle répondit froidement : « On sort de là. » Sortir du cauchemar. Un rêve lucide, au moins, accompagné d’une âme étrangère. Quelqu’un qui se serait glissé dans son sommeil ? « Tu n’as pas ta place, ici. » Derrière, son père la supplie encore de partir, mais elle ne pouvait se permettre de paraître faible face à l’intrus dans son rêve.  

On. On. Il allait pour hocher, Alv, face à l'évidence. On sort de là. Mais la suite l'interpelle, alors qu'il fronce les sourcils. Tu. Duo déjà cassé, alors que le rêve semble vouloir le rejeter de cet endroit. Mélodie déjà cassée, alors qu'il l'observe encore, la femme qui se tient là, la froideur qui en ressort et l'attitude qui semble lui hurler, qu'en effet, il n'a rien à faire là. Mais elle ? Alors il détache ses yeux d'elle, observe un instant de nouveau le visage souffrant de sa mère. "... Toi non plus." Qu'il marmonne alors, pour on ne sait pas trop qui. Et il se détache de cette vision qui lui fend le coeur encore et encore, qui le bousille et le réduit en poussière. Humanité arrachée, la guerrière seule décide de prendre les devants, de mouver ce corps. "Y'aura bientôt plus rien." Qu'ils constatent à deux, parce qu'il lui semble que ça sera comme perdre sa mère une seconde fois, que de tourner le dos à cet instant, malgré les appels incessants qui le font bouillir un peu plus. "On longe le mur, ou on rentre dedans ?" Il n'en sait rien. Il sait que parfois, dans les rêves, faut aller au-delà du danger. Foncer tout droit dedans, pour découvrir ce que l'inconscient peut vouloir dire. Peut-être qu'elle l'appelle pour ça, sa mère. Pour qu'il revienne en son sein, couvé une dernière fois, pour lui murmurer comme elle peut lui manquer. Comme il a pu la venger, aussi. Mais depuis, papa est malheureux. Une inspiration, l'urgence qui secoue l'organisme. "On a peu de temps, pour se décider." Le sol continue de s'effondrer. Le sablier ne semble pas prêt de se retourner et il ne préfère pas savoir où ils pourraient atterrir, s'ils restaient là. Juste là, à stationner. Décision à prendre, alors qu'il a proposé ses rares options de prime abord. Le mur, au devant du danger, la course, la fuite. Champ de bataille aux allures déjà mortuaires, qui ne ressemblent en rien au Valhalla où la valkyrie avait l'habitude de se rendre, pour poser les âmes des guerriers. Où est passé le paradis ?

Sous ses pieds se soulevaient d’immenses nuages de poussière tandis qu’une partie restait collée sous sa semelle. « Qui es-tu ? Qu’est ce que tu fais dans mon rêve ? » La voix de Nikolaos bourdonnait dans son oreille comme une malédiction susurrée près de son tympan. L’odeur rappelle la putréfaction ; l’obscurité brouille la vue du mur infernal. Astrid observe son invité, le trouve curieusement vivant dans cet environnement hanté. La criminelle veut la paix même si la présence de de l’homme défie la réalité ; Hel sommeille en elle et lui donne une férocité nouvelle. « Toi aussi tu les entends ? » Le mur se lamente d’une seule et même voix, Astrid en a détaché son regard pour éviter de faire remonter des émotions négatives ; elle savait qu’il était avant tout nécessaire de conserver son sang froid pour sortir de ce songe. Mais ils doivent prendre une decision, quelle que soit la conséquence, de toute façon s’il ne s’agit que d’un rêve, rien de trop grave ne devrait leur arriver. Sans hésiter, la brune répond du tac au tac : « On rentre dedans. » Le faire s’effondrer et avec lui cette mascarade torturée. Elle rejoint les côtés de son compagnon d’infortune, officialisant leur association onirique. « A trois. » Un. Elle retient son souffle. Deux. Elle oublie son père. Trois. Elle s’élance, vive et prête à se frayer un chemin vers la sortie.

C'est qu'il frôle la vérité, durant un instant. À se demander ce que c'est cet enfer, quand la question le frappe en plein poitrail. Est-il réellement dans un rêve ? L'interrogation de la femme le fait s'interroger si fortement, se demandant comment se passe tout cela, comment on gère ceux qu'on nomme lucides et qui à cet instant lui paraît effrayant. Un cauchemar généré par ses regrets, sa colère, par tout ce qu'il peut coucher sous sa peau, sous ce quotidien qu'en est pas tellement un. Une recherche éperdue pour la venger, cette mère qui supplie, qui murmure mille et une promesse silencieuse, qui tend si fort les bras pour y avoir son enfant une dernière fois entre eux. "J'en sais rien." Qu'il répond, finalement. Si ce n'est pas son rêve à lui, qu'est-ce que ça pourrait être d'autre ? Ou peut-être qu'il n'est qu'un acteur dans le sien, que son inconscient préfère suivre cette femme-là, plutôt que lui. "Personne." Comme s'il voulait lui dire qu'il ne croyait déjà plus en lui, en eux. Ce duo qui n'aurait jamais dû voir le jour et qui pourtant tient la route, parce qu'ils s'écoutent et que pour l'heure, Alv accepte les rares demande de la guerrière. Alors... Alors faut avancer. Et s'il faut foncer dans le mur pour ça, alors Alv est prêt à le faire. Prêt à passer au travers, prêt à se jeter dans la marée humaine, dans l'amas de chair qui dégueule de tout, qui possède un être cher aussi. "Oui." Bien sûr qu'il entend, Alv. Que trop bien, même. Et que ça fait remonter la colère le long de la trachée, qu'elle envahit sa tête avec autant d'efficacité que le reste. Alors ils rentreront dedans, parce qu'elle semble bien partie pour ça aussi, cette femme que son rêve décide de suivre. Une inspiration. "Ok... Un..." Premier pas. "Deux..." Second pas. "... Trois !" Élan. Vers cette source de chaleur, sans pour autant se jeter dans les bras de sa mère. Elle ne pourra pas le bercer, ne pourra plus jamais. Et c'est difficile à accepter, tout en ne l'étant pas. Une blessure éternelle, mais un deuil pas impossible. Parce que c'est ainsi, qu'elle est morte et qu'il doit l'accepter, Alv. Pour autant, ça ne rend pas les choses plus faciles. Parce que les pognes des autres morts viennent à les agripper, à les griffer comme s'ils voulaient sortir avec eux, de cet autre côté. Comme si marquer les chairs, c'était un moyen de passer aussi, de retrouver un bout de vie au travers d'autres. La chaleur moite lui colle à la peau, à l'esprit, semble rendre le tout plus difficile encore alors que les murmures lui semblent éclater, dans sa tête, parce que tout les morts semblent susurrer la même chose et alors que la voix de sa mère se perd dans la marée, ça lui paraît bien difficile encore. Il sent comme on veut le retenir, il sent comme on voudrait qu'il s'oublie, lui aussi, au travers des lamentations. Il sent toutes les empreintes qu'on laisse sur eux, les hait toutes autant qu'elles sont, alors que la valkyrie souffre à sa manière aussi, d'entendre toutes les voix qu'elle ne pourra jamais mener jusqu'à son paradis à elle. Parce qu'ils ont tous des allures de guerriers déchus, de héros en perdition, d'âme qu'on a jamais su guider. Le duo manque de souffle, parce qu'il est happé par la Mort elle-même. Et quand il parvient à travers, enfin, c'était comme avoir laissé un bout de lui. D'eux. Les genoux claquent sur le sol quand il tombe à terre, les poumons éparpillés parmi les peinés, alors qu'il tente de retrouver un souffle et de la santé mentale.