Aujourd'hui est un grand jour, et je ne suis pas prête.
Je me concentre pour éviter les tremblements, les yeux baissés et le coeur arythique.
L'église se tient face à elle, imposante, austère.
Déglutition.


"Aller Preet', un peu de courage !"


La jeune femme a fait l'effort: se rendre dans un lieu qui ne l'a concernait pas tout d'abord, et s'habiller à l'occidentale en plus.


Elle ouvre la porte fermée : Le silence est oppressant. Quelques personnes sont là, priant silencieusement. Des prêtres aussi. Évitant le plus de gens possible, la jeune hindou s'engouffre dans le confessionnal: Il fallait qu'elle parle.


100 mots
@Kyan Skoro

Quand je regarde l'église décorée, je ne peux pas m'empêcher de me dire que Noël est un excellent cache-misère pour l'état de délabrement avancée dans laquelle elle se trouve.

La messe finie, je rejoins mes frères pour les préparatifs suivants quand une silhouette attire mon regard. Elle se faufile dans le confessionnal. Personne d'autre ne la vue, je la suis et prends place.

"Bonjour ma fille. Qu'est-ce qui vous amène ?" je dis amicalement.

Indubitablement, c'est une personne qui est nouvelle dans la paroisse et cela m'embête de ne pas la connaître.

100 mots

La voix résonne de l'autre côté. Elle semble familière, mais, trop stressée par ce que je suis en train de faire, je ne m'en préoccupe pas.
Creusant dans ma mémoire, je cherche les mots, si peu familier, du jargon catholique.

"Je vous prie de me pardonner, mon père, c'est la première fois que..."

Ma phrase tombe dans le silence. J'inspire puis murmure:

"Mon père, j'ai des pensées qui me perturbent l'esprit, et j'ai besoin que quelqu'un le sache. Mon père... J'ai des sentiments pour une personne qui m'est interdite."

Les mots sont dits. Le silence retombe pesamment dans le confessionnal.

(100 mots)

Cette voix, cet accent, je reste un instant interdit et j'hésite à demander. Si ce n'est pas elle, je vais passer pour un raciste à juger sur une tonalité.

"Ce n'est pas grave, dites moi tout." Je la sens stressée et j'essaye d'être le plus affable possible.

"Les sentiments sont-ils bons ? En soi, ce n'est pas grave. Pourquoi cette personne vous est-elle interdite ? Est-elle mariée ?"

J'attends la réponse. Ce genre de situation arrive souvent en confessionnal. Ce qui est moins courant est que la personne semble totalement étrangère à l'église.


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Je ris jaune:


"Si les sentiments sont bons? J'en rêve la nuit, et en deviens rêveuse le jour. Quand je suis dehors je me retourne, croyant voir son visage. Et si je suis ici, c'est aussi parce que je pensais l'y voir..."


Je prend un temps de silence, puis rajoute.


"Oh, bien pire que d'être marié à une femme, mon père... Il est marié avec Dieu. Et je sais que ce je fais est mal... Mais je n'y peux rien. En vérité... Je ne suis même pas chrétienne... Et pourtant je suis ici, avec vous, venant dire mes pauvres péchés...

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La femme continue à parler. Je comprend ses mots et je ferme les yeux un instant pour savoir quoi répondre. La situation est bien plus délicate qu'il n'y paraît et je ne vois aucune solution. Sauf celle assez évidente.

"Ma fille ... Vous n'êtes pas chrétienne ?"

Je me doutais bien que cette femme nous était étrangère, mais de là à provenir d'une autre obédience, pourquoi venir ?

"Vous venez vous confesser pour l'amour de cet homme..." je comprend alors, légèrement ému.

"Vous devriez être honnête avec lui. Dites-lui simplement ce que vous avez sur le cœur."

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Je baisse les yeux, cherchant les mots.


"Je ne le suis pas... C'est peut être aussi un péché que d'être venu ici en croyant d'autres mots... Mais je voulais parler avec quelqu'un qui lui ressemble. En réalité, je ne le pourrais pas. Il est des vôtres. Il est prêtre aussi. Peut être que vous le connaissez d'ailleurs... Peut être qu'il est de cette église même... "


Ce sentiment... L'amour que j'éprouve ne sera jamais réciproque. Et cette pensée me met les larmes aux yeux jusque dans la voix lorsque je murmure mes derniers mots:

"Au moins mon coeur est moins lourd..."

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"Non, rassurez-vous, vous avez bien fait de venir."

Ses sentiments sont si sincères que cela me rend tellement triste pour elle. Je me reprend d'un coup et commence à essayer de la conseiller au mieux. L'amour envers un prêtre est une chose peu commune.

"Écoutez votre cœur. Certains sentiments avoués conduisent à des actes impurs à notre foi."

Quand elle baisse la voix pour ses derniers mots, je m'étrangle presque. Je me redresse et regarde l'autre personne à travers l’ajournement du grillage. Ces mots, cette voix, je les connais, j'en suis certain.

"Preeti ?"


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Un frisson court sur mon échine en entendant mon prénom.


Mes yeux se lèvent et je vois des yeux.


Ses yeux.


Mon coeur s'arrête, mon sang quitte mon corps.


Avant que les mots ne sortent de sa gorge ,ces mots que je ne veux pas entendre, je pousse la porte et cours vers l'extérieur. Quelle erreur! Comment n'avoir pas reconnu sa voix, sa douceur, cette compréhension qui fait partie des choses que j'aime chez lui?


Ma sortie fracassante a tourné les regards, troublé les prières.


J'ouvre la porte et, aux marches du parvis, une main se colle à mon poignet.



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Je reste dans l’incompréhension la plus totale, je n'ose pas comprendre, en réalité. Est-ce un genre de blague ? Mais pourquoi serait-elle bouleversée ? Je n'ai pas le temps de penser plus que Preeti s'envole par la porte. Sans y penser, je la poursuit pour la rattraper semant des remarques et des indignations derrière nous. Quand je parviens enfin à la rattraper, nous sommes dehors, presque seuls.

"Preeti, non, je t'en prie, explique-moi. Qu'est-ce qui se passe ?"

Mes mains se sont posées sur ses épaules pour la forcer à me regarder.


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Je baisse le regard pour ne pas montrer à quelle point je suis bouleversée. Le contact sur mes épaules me fait frissonner, mais je laisse faire, trop sidérée par ce que je viens de faire.


"Écoute, c'était un erreur de venir. Je t'en prie, si tu oublies mes paroles ... Pardonne moi d'accord ?"


Je pose ma main sur son poignet pour m'en défaire, mais la peau est si douce que, charmée, ma main reste figée.


Pour éviter de mettre plus Kyan dans l'embarras, recule jusqu'à une alcôve presque invisible d'un côté de l'église.


"Je suis désolée de t'avoir dérangé au travail"



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Je regarde Preeti, elle a l'air totalement troublée. Sur le parvis, nous sommes exposés aux regards des passants. Ayant laissé sa main dans la mienne, j'en profite pour l'entraîner à l’abri du jugement des autres, derrière l'une des extension latérale. A présent isolés, je regarde ma visiteuse, je lui souris en passant une main sous son menton pour la forcer à me regarder.

"Preeti, quoi que tu as sur le cœur, tu as très bien fait de venir. Je suis là pour ça."

J'aimerai vraiment qu'elle aille au bout de sa déclaration bouleversante.


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Son index pousse mon menton à se relever, et mes yeux embués de larmes rencontre ceux que j'ai vu à travers la grille plus tôt.


Je reste muette, pensive, puis, décalant une mèche indisciplinée du front du prêtre avec tendresse, je murmure :


" Je ne sais plus quoi faire. J'ai beau faire ma vie tout me ramène à toi. Chaque pensées, chaque gestes... Ça me torture l'esprit, non pas parce que je te rêve... Mais parce que je sais que c'est une impasse."


Ma main reste à sa joue un instant, juste le temps de m'imprégner de ses beaux yeux sur moi.




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Moi ? J'ai tellement du mal à y croire que je sens que mes yeux s'agrandissent sous le coup de la révélation. Je reste sans voix pendant une seconde, ne sachant ni quoi penser, ni quoi faire. Le terme "impasse" semble être parfaitement approprié. Sa main vient rencontrer mon visage et trace un sillon ardent sur son passage. Je sens mes yeux s'embuer.

"Preeti ... Je ne sais pas quoi te dire, je ne m'autorise pas à avoir ce genre de pensées envers toi."

Malgré tout, j'avance vers elle, je crains qu'elle ne se sauve.


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Ces mots marquent comme un fer rouge, et je retire ma main, comme brûlée, avant de la serrer dans l'autre. J'enlève mon menton de ses doigts pour qu'il ne voit pas les larmes qui se concentrent dans mes yeux, regardant la rue déserte. 43


" Je sais que mes sentiments ne sont pas partagés. Avec du temps... J'espère pouvoir vivre avec ça. Je ne te demande rien, sinon d'oublier ces mots..." 69


Je me décale et, résolue à aller pleurer à mon appartement et pas en pleine rue, j'avance d'un pas rapide.


Je ne sais pas s'il me suis ou non. Tant pis...




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Ses sentiments ne sont pas partagés ? Rien n'est moins vrai... Elle se retire et s'en va. Je la respecte trop pour la rattraper une seconde fois. Je soupire, comment oublier ses mots ? Comment vivre avec cette révélation à présent ? Comment ... la laisser partir à présent ?

"Preeti, attends s'il te plaît. Ne pars pas. Ce n'est pas ce que je voulais dire..."

Je la rejoins rapidement avant qu'elle ne soit à découvert.

"Je te remercie d'avoir été honnête avec moi. Mais..."

Sans pouvoir m'en empêcher, je m'approche d'elle, ses yeux, ses lèvres...


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Je me retourne à ces mots.


"ce n'est pas ce que tu voulais dire? Et qu'est ce que tu voulais dire, alors?"


Je lance un regard furieux au prêtre qui me rejoind, le cœur blessé.


Une chance de se rattraper, mais le "mais" n'annonce rien de bon.


Il se rapproche, et je recule d'un pas, incertaine. Je baisse le regard, détestant cette confrontation, et murmure, amer:


"Je ne comprends pas tes intentions. Qu'est ce que tu attends de moi? Je te l'ai dit, je ne m'attendais pas à ce que ce soit réciproque. Je vais juste laisser mes sentiments et..."




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"S'il te plait, calme toi. Je voudrais juste comprendre, Preeti. Je veux juste que tu m'expliques quand ou comment c'est arrivé. Je t'assure que si tu veux qu'en suite, on fasse comme si de rien n'était, on le fera. Regarde moi au moins."

Elle souffre devant moi et je souffre avec elle. Ses sentiments ? Pas réciproques ? Comment pourraient-ils ne pas l'être ? Depuis qu'elle est dans ma vie, tout semble aller mieux dans mon monde.

"J'ai vraiment besoin de toi, Preeti, de tout mon cœur. Ne renonce surtout pas à moi."


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Une larme ose ternir mon regard et je lui souffle:


"Il n'y a rien à comprendre. Qu'importe quand et comment, c'est arrivé. Peut être le premier jour, peut être au salon de thé, peut être à la maison peut être entre les deux... Peut être là première fois que tu m'as regardé dans les yeux."


Son avoeu me fais lever les yeux, scrutant son regard pour y déceler... Quelque chose. Des sentiments ? De l'humour ?


Mais je ne vois rien, je n'arrive pas à comprendre ces mots. Je me sens perdue.



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Un frisson me parcourt l'échine. Devant sa sincérité, et la larme qui s'échappe de ses yeux, je me sens totalement démuni, mis à nu. Son regard me sonde et ce sentiment empire soudainement. Je déglutis, je ne sais absolument pas comment gérer cela. Devant son trouble et ma perte de reperds, j'enlace doucement Preeti dans mes bras avant de la serrer franchement.

Devant son silence qui s'éternise, je reprend, l'émotion de la peur qu'elle ne disparaisse dans la voix.

"Continue à me parler, Preeti. S'il te plaît, ne pars pas. Au grand jamais."

Mon sentiment de confusion de multiplie lorsque Kyan me prend dans ses bras.


Et c'est dans son col, sur ses vêtements qui me rappelle cruellement la réalité de ma situation que mes larmes coulent à présent.


Je sanglote encore lorsque je prononce ces mots :


"Que veux-tu de plus Kyan? Je ne suis tombé amoureuse qu'une fois. Et par malheur, mon coeur bat pour un homme de Dieu. Alors, qu'est ce que tu veux que je fasse?"


J'enfonce mon visage dans sa clavicule, froisse le vêtement de ma detresse, fermant les poings sur la veste du paroissien. Quel cruel destin.




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J'essaye de retourner à la réalité des choses mais les aveux de Preeti me viennent droit au cœur. Je la regarde au travers de mes propres larmes mais elle se blotti plus contre moi. Je soupire de soulagement quand je sens que ses bras se resserrent. Des bras qui ne veulent pas m'abandonner. Je pose alors ma tête contre ses cheveux et nous restons là un moment.

Quand sa tête se redresse enfin et que j'ai à nouveau droit à ses yeux, ils semblent m'ordonner de me pencher pour sentir ses lèvres. Je leur obéis docilement.


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Je profite de cette étreinte unique et me prend à rêver que c'est une acceptation de mes sentiments. Mes larmes s'arrête, et je garde les yeux fermés un moment, perdant la réalité et la fiction, oubliant le plus possible que ça ne durera pas.


Mais nos corps se délient, et je réouvre les yeux, la fin du rêve sonnant son glas.


Et pourtant j'espere, et mes yeux reflète cette envie bête et impossible.


Et pourtant, ça fonctionne : les lèvres du prêtre se posent contre les miennes, chaudes, et si douces que j'en repleurerais. Mon cerveau s'embrouille, mon coeur se guérit.




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Je suis totalement perdu, perdu dans mes pensées, dans nos sentiments, dans ses bras. Dans la tempête, seule elle est ma bouée de sauvetage. Je m'y accroche de plus belle, une main derrière sa tête, une autre derrière sa taille. Je serre Preeti contre moi avec force, des larmes coulent de mes yeux fermés.

Sans ouvrir les paupières, sans même desserrer mon étreinte, je murmure tout contre sa bouche ces mots.

"Je ne voulais pas me l'avouer, je n'osais pas... Moi aussi je t'aime éperdument. Merci de nous avoir sorti de ce silence."


100 mots

Ses bras se ressentent sur ma nuque et ma taille, et ma surprise fait place à du ravissement.


Je m'accroche d'autant plus et rend son baiser, pressé, gourmand, exigeant.


Je n'arrive pas encore à croire. 35


Notre baiser dure, et j'espère que ce temps sera infini.
Mais les lèvres se décrochent, et avant que j'ai pû être déçu, Kyan dévoilent ses propres sentiments. 62


Mon ventre se tord. J'avais tellement cru que sa foi serait un mur infranchissable que je n'avais pas envisagé qu'il éprouve des sentiments.


Et pourtant, mes larmes et ses larmes étaient les mêmes.


"Je t'aime.... Et tellement fort..."


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